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« Pacte de Responsabilité » et « Modèle allemand ». Ce qui se cache derrière Peter Hartz

Au lendemain de l’annonce par le président François Hollande du Pacte de responsabilité un quotidien allemand de la Sarre annonçait que Peter Hartz, ancien conseiller économique de Gerhard Schröder, serait embauché comme conseiller par François Hollande. L’Elysée dément mais confirme un entretien informel entre Hollande et Hartz à la demande de ce dernier. Mais qui est donc cet étrange Monsieur Hartz ? On le connaît généralement pour les bons et loyaux services prêtés à Schröder. Mais sa longue carrière de fossoyeur des acquis des salariés commence bien plus tôt…

«  Il vaut mieux un peu de travail que pas de travail du tout »
Peter Hartz, fossoyeur des acquis sociaux allemands, conseiller officieux de François Hollande.

« Ceux qui peuvent mais ne veulent pas travailler, ne peuvent pas compter sur la solidarité de l’aide sociale. Personne n’a le droit à la paresse dans notre société »
Gerhard Schröder, ancien chancelier social-démocrate allemand.

« [Le modèle Hartz] n’est pas le modèle que nous défendons mais en même temps j’accepte l’idée que nous puissions aller solliciter quelques avis auprès de personnes qui ont mené des politiques ».
Bruno Le Roux, porte-parole des socialistes à l’Assemblée et porte-flingue du social-libéralisme, au sujet de l’entrevue Hartz-Hollande.

Peter Hartz, un paisible retraité en quête de reconversion ?

Peter Hartz a pris sa retraite dans la Sarre, cette région à la frontière de la France dont il est originaire, bastion industriel et de tradition social-démocrate. Le fils de métallurgiste y possède un haras et s’occupe de ses deux fondations, l’une censée contribuer à une meilleure insertion de la Sarre dans la mondialisation, l’autre s’adressant aux chômeurs de longue durée à travers le concept de « Minipreneur », l’autoentrepreunariat à l’allemande. Membre du Parti Social-Démocrate allemand, il perçoit pour pouvoir élever ses chevaux en toute quiétude une confortable retraite de 25.000 euros par mois pour services rendus à Volkswagen où il exerça à la tête des ressources humaines.

Un DRH pas comme les autres ?

Né en 1941 dans une famille ouvrière, Peter Hartz est un pur produit de la social-démocratie et de la « méritocratie » allemandes. Il passe d’abord son brevet et devient apprenti à l’âge de 14 ans. Il suit une formation de vendeur industriel puis est engagé à Paris en tant que directeur des ventes dans une entreprise de robinetterie, période pendant laquelle il assiste (de loin) aux événements de Mai 68. Il en arrive à une sage conclusion : ce qui s’est passé « ne constitue en rien une solution ». Il entreprend par la suite des études de gestion qui lui permettent d’occuper plusieurs postes de responsable du personnel dans la métallurgie sarroise.

C’est dans les années 1970 et 1980 que Monsieur Hartz fait ses premières armes en tant DRH dans plusieurs entreprises sidérurgiques. Il se fera connaitre lors de « l’assainissement » du groupe sidérurgique Dillinger Hutte Saarstahl AG, aujourd’hui Arcelor Mittal. Il négocie avec le gouverneur social-démocrate du Land de l’époque, Oskar Lafontaine (futur fondateur de Die Linke), un plan social ramenant les effectifs de l’entreprise 38.000 à 11.00 salariés, sans licenciement, en utilisant les préretraites, les formations et les aides à la mobilité. Monsieur Hartz représente d’une certaine façon le DRH modèle sur lequel on peut compter pour organiser, avec la collaboration du SPD et la concertation de la puissante bureaucratie syndicale de la DGB, des plans de licenciements à grande échelle et sans mouvement social dans une industrie en crise.

« Ceux qui licencient manquent d’imagination »

C’est tout naturellement qu’en 1993 Ferdinand Piech, qui vient tout juste de prendre la direction du groupe Volkswagen, alors en crise, propose de l’embaucher. Selon les analystes financiers, le constructeur allemand ne « contrôle » alors plus ses coûts et « souffre » d’un effectif pléthorique. Deux chantiers s’offrent ainsi à Piech : il faut améliorer la productivité mais aussi se défaire de 30.000 des 111.000 salariés... C’est alors que Monsieur Hartz pose la question suivante : « Si vous souhaitez que je vienne pour mettre à la porte les 30.000 personnes que vous avez en trop, je ne suis pas la bonne personne ». C’est alors que Ferdinand lui rétorque « Si quelque chose d’autre vous vient à l’esprit, alors faites-le ». Peter Hartz s’exécute, à sa manière. A sa « décharge », il admet n’avoir jamais supporté d’envoyer au chômage des milliers d’ouvriers durant les années 70 et 80. « Les cortèges, les cloches des églises et les visages des ouvriers licenciés, ne l’ont plus jamais quitté depuis », disent de lui ses biographes.

Hartz aurait-il donc trouvé la formule miracle pour lutter contre le chômage ?

Chez Volkswagen, il met donc en place dans un premier temps 10.000 préretraites. Finis les plans de licenciement, place à la réduction du temps de travail avec baisse de salaire ! Dès son arrivée, Peter réduit avec l’accord des directions syndicales d’IG Metall la durée conventionnelle du travail de 36h à 28,8h soit 20 % de temps de travail en moins pour l’ensemble du personnel. La menace de 30.000 licenciements a fait « plier » la direction de la fédération des métaux de la DGB, déjà largement habituée à la concertation syndicat-patronat mais qui va, à partir de cette période, approfondir son tournant collaborationniste. Selon Franz Steinkuhl, ancien président du puissant syndicat des métallurgistes, « Peter Hartz a sauvé des milliers de personnes du chômage ». Ainsi IG Metall renonce pour la première fois à la réduction du temps de travail sans perte de salaire et accepte, pour « maintenir » 30.000 postes, cette réduction du temps de travail avec une baisse de salaire de 12 à 15%.

Un accord de la sorte est signé pour l’une des premières fois en Allemagne et crée un précédent d’une importance historique. Hartz a ainsi développé son propre modèle sur 3 axes opératoires : 1) réduction de la durée du travail à 28,8h et introduction de la semaine de 4 jours ; 2) entrée progressive de jeunes ouvriers formés dans l’entreprise et sortie progressive des salariés proches de la retraite ; 3) longues périodes réservées à la formation continue qui alternent avec des périodes de travail à temps plein. Autre spécificité de Hartz, les négociations sont menées tambour battant. Le 1er octobre 1993 Hartz est nommé directeur du personnel. L’accord avec les syndicats est voté officiellement le 15 décembre et mis en œuvre le 1 janvier 1994.


Une mathématique implacable (et effrayante)

Prenons alors le temps de faire quelques mathématiques appliquées au cas Volkswagen.

Postulat : 30.000 salariés en trop sur les 111.000 ; temps de travail 36h par semaine

Contrainte : Pas de licenciements pour éviter un plan social onéreux et une bronca sociale.

Résultat : Dans un premier temps, 10.000 préretraites. Il ne reste donc plus que 20.000 postes à supprimer sur les 101.000 restants, soit précisément 20% des effectifs. Sur une semaine, cela nous donne pour 20.000 salariés : 36h * 20.000 = 720.000 heures de travail par semaine. Sur l’ensemble 36 * 101.000 = 3.636.000. Sur 3.636.000 heures de travail, il faut donc se défaire de 720.000 heures sans licenciements.

L’équation est simple… soit Z le nombre d’heure et Y le nombre de salariés : Z x Y = 720 000 heures

Les DRH qui manquent d’imagination agiront sur le Y, mais Hartz est un vrai humaniste. Il préfère que l’ensemble des salariés gardent leur travail en baissant leur salaire, il jouera donc sur le Z en le diminuant de 20%.

Ce qui nous fait Z = 720 000 / 101 000 = 7,13 heures à supprimer sur les 36h = 28, 8. Ouf, nous retombons sur nos pieds.


Et en ce qui concerne la productivité ?

Hartz innove encore et toujours. En 1999, alors que les sociaux-démocrates allemands sont revenus au pouvoir l’année précédente après le long règne d’Helmut Kohl, il met en place l’opération 5000 x 5000 en accord avec IG Metall. C’est l’époque de la création d’une filiale où sont embauchés 5000 salariés payés 5000 marks brut par mois, soit un salaire inférieur à celui touché par les ouvriers de la maison-mère.

A travers, cette opération, Monsieur Hartz fait fort : il réinvente le travail à la tâche. Les ouvriers doivent ainsi travailler le temps nécessaire pour remplir un programme donné. Et quel programme ! La direction explique à l’époque que « plus l’équipe travaillera vite et bien, moins elle aura besoin de retravailler les pièces, plus elle pourra se rapprocher d’une semaine de 28,8h ». Elle rajoute, à l’adresse des ouvriers qui n’auraient pas bien compris, que « si l’équipe est moins performante, si elle doit reprendre les pièces, elle devra travailler plus longtemps ». Conclusion : « Le risque sera du côté des salariés ».

IG Metall répond à cette proposition de la direction que cela « fait un peu salaire unitaire socialiste » et reçoit positivement la « réforme »… En réinventant le travail à la tâche, Volkswagen fait travailler en pratique les ouvriers 45h au lieu des 28,8 h promises. Ainsi, Hartz le social-démocrate, avec la collaboration des syndicats et le dialogue social, innove en tout point l’organisation du travail, que ce soit à travers la semaine de 4 jours, la réintroduction du travail à la tâche et l’abaissement des salaires via une filiale. Il crée aussi le « titre-temps » qui permet de stocker les heures supplémentaires effectuées pour partir plus tôt en retraite et ainsi éviter de payer des salaires de fin de carrière « trop » élevés et embaucher des jeunes formés. Une proposition que la direction de la CFDT reprend aujourd’hui à sa sauce et qui bénéficie d’une écoute des plus favorables chez certains dirigeants d’autres confédérations, persuadés qu’il faut « se mettre au goût du jour » et cesser d’être « arc-boutés sur de vieux acquis »

Un point sur la méthode de négociation « Hartz » avec les représentants syndicaux

Mais Hartz n’utilise pas seulement la « négociation ». Comme l’ont révélé par la suite des scandales qui ont éclaté au grand jour, il ne rechigne pas à acheter, littéralement, les bureaucrates syndicaux. D’un côté, il promeut la baisse du temps de travail accompagnée de baisses de salaire pour l’ensemble des 111.000 salariés de Volkswagen. De l’autre, pour faire passer encore mieux ces accords auprès d’IG Metall, il arrose Klaus Volkert , figure-de-proue du syndicat et ancien président du comité d’entreprise, d’une somme de 2,6 millions d’euros au cumulé, et ce à travers diverses primes, paiement de « services en nature » ou financement de voyages sous les tropiques.

Pour ces faits, Hartz a été condamné le 25 janvier 2007 à 2 ans de prisons avec sursis et à 576.000 euros d’amende … Si peu pour avoir institué la semaine de 4 jours qui a duré jusqu’en 2006, soit 13 ans. Pour ensuite être remplacée par la semaine de 5 jours sans hausse de salaire… La filiale Auto 5000 a perduré jusqu’au 1 er janvier 2009, date à laquelle les salariés ont été réintégrés dans la maison mère.

En 2002, Hartz est au sommet de son art. Comment aller plus haut ?

Fort de son succès au sein du géant automobile Volkswagen, Hartz acquiert une réputation de grand négociateur social. Il n’hésite pas lorsque son « camarade » Gerhard Schröder l’appelle le 22 février 2002 pour mettre en place une « Commission pour la réduction du chômage et la restructuration de l’office fédéral du travail » pour « venir à bout de ce fléau qu’est le chômage structurel ». Les sociaux-démocrates allemands sont au pouvoir depuis 1998 et ils comptent bien mettre en œuvre ce dont leurs prédécesseurs chrétiens-démocrates ont toujours rêvé sans jamais y arriver. Toute ressemblance avec la situation actuelle de ce côté-ci du Rhin n’est que purement fortuite....

La commission est composée de patrons, de syndicaliste et d’experts de la réforme du travail. Le rapport est le 16 aout 2002 dans la cathédrale de Berlin. Il se traduit par le lancement, le 14 mars 2003, du fameux « Agenda 2010 » devant le Bundestag et qui se décline autour des quatre « lois Hartz », autant de textes ayant modifié profondément le marché du travail et l’indemnisation du chômage.

1. Loi Hartz I mise en œuvre à partir de janvier 2003 : a pour objectif principal la création de l’agence de gestion de chômage appelée « Arbeitsagentur ». Un peu sur le modèle britannique des « Job center », en l’occurrence des agences d’intérim subventionnées.

2. Loi Hartz II mise en œuvre à partir de janvier 2003 : a pour but la mise en place les mesures Mini-job (le travail rémunéré au maximum 400 euros par mois), Ich-AG (auto entrepreneur à l’allemande afin de « sortir » ceux qui auraient choisi cette voie des chiffres du chômage), les Ein-Euro-Job (Un-euro-job, un euro pour une heure de travail) et la mise en œuvre des agences de l’emploi (Job-Center).

3. Loi Hartz III mise en œuvre à partir de janvier 2004 : a pour objectif de changer la structure organisationnelle et renomme ainsi l’Office fédéral du travail (« Bundesanstalt für Arbeit ») en Agence fédérale pour l’emploi (« Bundesagentur für Arbeit ») avec essentiellement des salariés de droit privé et non plus des fonctionnaires…

4. Loi Hartz IV mise en œuvre à partir de janvier 2005 : a pour but principal de réduire les allocations de chômage de 26 à 12 mois, la suppression totale du statut de chômage de longue durée « Arbeitslosenhilfe » auquel avait droit le chômeur après la période d’assurance chômage (une aide financée par les cotisations sociales et calculée comme le chômage en fonction du dernier salaire, à hauteur de 53 %, et des droits non limités dans le temps). Ainsi, ceux qui ont reçu les allocations de chômage maximales pendant un an deviennent obligatoirement demandeurs des aides sociales, recevant 345 € par mois pour l’Allemagne de l’Ouest et 331 € par mois pour les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est.

La réaction et les mobilisations « Anti-Hartz »

Face à ces attaques d’ampleur contre le monde du travail en général et les chômeurs particulier des organisations de chômeurs mettent en place des « Comités Anti-Hartz » et appellent à une manifestation pour le 1er novembre 2003. Cette manifestation est une réussite inespérée et surprend les organisations syndicales. Mais les principales organisations syndicales DGB, IG Metall et Verdi en tête, ne sonnent pas la mobilisation générale et sont plus occupées à négocier un adoucissement des lois Hartz plutôt qu’à demander purement et simplement le retrait de « l’Agenda 2010 ».

Au cours de l’été 2004, des « manifestations du lundi » ont lieu dans la plupart des villes de l’Est et dans une moindre mesure dans l’Ouest du pays. Elles surprennent de par leur ampleur et réveillent l’Allemagne en plein repos estival, avec entre 70.000 et 150.000 manifestants dans toute l’Allemagne, les lundis soir dès fin juillet 2004, avec pour fer-de-lance Leipzig.

Mais les organisations syndicales se tiennent en marge de ce mouvement et refusent de se joindre aux mobilisations et appellent à des corrections de Hartz 4. Ainsi la DGB décrit ces manifestants comme des « enjôleurs qu’il ne faut pas suivre ». Mais ces manifestations du « lundi » comptent sur le soutien de structures de base des syndicats, du PDS (issu de l’ancien parti unique est-allemand) et de la gauche radicale en général mais surtout sur un soutien de la population, notamment dans les Länder de l’Est du pays, avec plus de 95% en faveur de ces manifestants qui défilent au cri « Hartz doit s’en aller, nous voulons travailler ! ».

Mais ces mobilisations s’essoufflent, d’une part par le manque de mobilisation dans l’Ouest du pays mais aussi par le non-élargissement des mobilisations aux secteurs plus organisés de la classe ouvrière en raison du cadenas que représente la bureaucratie syndicale qui joue la montre et continue à être, jusqu’à la fin du mandat de Schröder, l’un des piliers du gouvernement.

Hartz 4 : La création d’un nouveau prolétariat allemand corvéable à merci

Pour comprendre un peu mieux la casse sociale induite par Hartz 4 autrement que par des textes de lois théoriques et froids, attachons-nous au quotidien auquel sont confrontés les travailleurs qui y font face.

Jusqu’aux réformes Schröder un travailleur licencié en Allemagne pouvait toucher une allocation chômage correspondant à 60% de son dernier salaire net pendant une durée de 12 à 26 mois. Dépassée cette période, le chômeur percevait une aide financée par les cotisations sociales et calculées, comme le chômage, à hauteur de 53% du dernier salaire et ces droits n’étaient pas limités dans le temps.

La loi Hartz 4 fait passer cette durée à 12 mois sous réserve d’avoir cotisé 24 mois durant les cinq années précédentes, cette allocation se nommant désormais « Arbeitslosengeld 1 ». Et ce n’est pas fini ! Imaginez-vous à la place dudit chômeur. Après avoir épuisé vos droits à l’ « Alg 1 » vous pouvez prétendre à l’ « Alg 2 » (Arbeitslosengeld 2), cette allocation étant assimilable au RSA en France. Pour synthétiser, on est chômeur la première année (sous réserve d’avoir cotisé suffisamment), puis on sort du système chômage pour devenir « Hartzi », c’est-à-dire allocataire de l’ « Alg 2 ».

Déjà sans-emploi, le parcours du combattant débute : pour pouvoir s’inscrire, une véritable enquête est menée sur votre vie personnelle, votre famille, vos relations et surtout vos ressources. En plus de vous demander le relevé de compte des 6 derniers mois, la « Bundesagentur für Arbeit » a la possibilité de se renseigner sur tous les mouvements de votre compte sans vous en informer au préalable. Toute somme non déclarée arrivant sur votre compte est déduite de vos allocations. Le « secret bancaire » sur votre compte en banque de chômeur n’existe plus. De plus, une véritable enquête est effectuée sur l’ensemble de vos biens, jusqu’à déduire de vos allocations l’ensemble des sommes présentes sur les livrets d’assurance vie, bijoux et objets de valeurs, livrets d’épargne détenus par les enfants mineurs… Il n’y a pas que les bolcheviks qui mangent les enfants tout crûs !

L’agence pour l’emploi peut vous obliger à revendre votre voiture si celle-ci dépasse la valeur de 5000 euros pour en acheter une moins cher et, cerise sur le gâteau, suspendre l’allocation pendant que vous vivez de la différence ! Et pour quelle somme ? 382 euros au 1er janvier 2013.

Et c’est de même pour le logement, l’agence pour l’emploi peut vous obliger en tant qu’allocataire à déménager si votre logement est jugé trop grand. 25 m carré sont considérés suffisants pour un célibataire. Si votre enfant est âgé de 0 à 14 ans, vous percevez 2,62 euros par jour pour le faire manger…

En échange de vos aimables efforts, l’agence pour l’emploi vous oblige à effectuer des « Job à 1 euros par heure » pour justifier de votre allocation. L’agence a la bonté de ne pas déduire ces « 1 euros par heure » de vos allocations et vous permet ainsi d’arrondir vos fins de mois. En tant qu’allocataire, vous n’avez de toute façon pas le choix : au premier refus, l’allocation est amputée de 30%, au deuxième refus de 60 à 100%... De plus, pour vous radier plus facilement, tout allocataire a l’obligation de devoir se présenter sous 24 h suite à une convocation par courrier. Finies les vacances ! De toute façon, là encore, on sait bien que c’est tous les jours les vacances pour les chômeurs…

Devenir « Hartzi », une hantise pour les Allemands

Les fameux « Job à 1 euros » échappent au code du travail : pas de droit de grève, pas de contrat de travail, pas de vacances. En cas d’arrêt maladie, le salaire n’est pas versé. Les cotisations retraites permettent de cotiser 2,64 euros annuellement…. Une étude réalisée par l’Association à l’aide sociale paritaire allemande a dévoilé que trois quarts des allocataires d’ « Alg 2 » restent tributaires à vie de celle-ci. Pendant que le taux de chômage a baissé de 11,5 % à 6,5 % entre 2005 et 2013, le nombre d’ « Hartzi » a explosé.

Ce n’est donc pas un hasard si très vite devenir « Hartz IV » se transforme en une véritable hantise des Allemands, une sorte de déclassement social insupportable. Le nombre de bénéficiaires est en chute libre depuis 2005 : de 4,9 millions à 2,85 millions aujourd’hui. La précarité généralisée devient la norme. Seul 15% des embauches s’effectuent en CDI. La simple menace de tomber dans la catégorie des « Hartzi » contraint les chômeurs « Alg 1 » à accepter tous les emplois à bas salaires, dénués de sécurité sociale, de droits à la retraite. C’est ainsi qu’aujourd’hui seul 29 millions de salariés en Allemagne sur 42 millions disposent d’emplois soumis au régime de la sécurité sociale.

Une reconversion en France ?

Voici donc l’œuvre de Peter Hartz et de ses amis patrons et politiciens. Niveau reconversion, ces derniers n’ont eu aucun souci à se faire. Après sa défaite aux législatives de novembre 2005, Gerard Schröder a rejoint le géant russe Gazprom, Angela Merkel le remplaçant à la tête du Conseil des ministres. Suite à l’affaire de corruption, Peter Hartz a démissionné de chez Volkswagen le 10 juillet 2005 puis il est retourné dans sa région natale.

Hasard du voisinage, le « pavillon » sarrois de Peter Hartz jouxte la maison de vacances de François Villeroy de Galhau. L’ancien directeur de cabinet de Dominique Strauss-Kahn et aujourd’hui dirigeant de BNP Paribas est aussi à l’origine du think-tank de « gauche » français « En Temps Réel » qui a pour objectif « de créer des passerelles entre le secteur privé et le monde politique ». C’est par ce biais que François Villeroy a invité Peter Hartz à parler de sa réforme lors d’un colloque organisé en juillet dernier en France. En Temps Réel lui a par la suite demandé d’écrire un texte pour sa collection de « cahiers » distribués auprès de décideurs publics et privés. C’est pour la remise de son étude que Peter Hartz se rend à Paris en décembre 2013 et que En Temps Réel lui organise une tournée avec des acteurs politiques et économiques dont François Hollande, Michel Sapin et Marisol Touraine (qui annulent tous deux leur rendez-vous suite à la polémique), le député UMP Bruno Lemaire mais aussi le président du Medef Pierre Gattaz. Il devait aussi rencontrer le commissaire général à la stratégie et la prospective, Jean Pisani-Ferry, qui doit bientôt remettre un rapport sur la France de 2025…

Après l’Agenda 2010 de Schröder, Hollande nous préparerait-il un « calendrier 2025 » ? Conseiller officieux et visiteur du soir, ce bon monsieur Hartz a tout l’air de vouloir renouer avec sa fonction première : fossoyeur en chef au service de la social-démocratie.

Damien Bernar

09/02/14

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