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"Nous sommes le peuple !"

Londres, Berlin, Rome, Madrid, Bruxelles, Stockholm. Et Paris. Si un européiste s’était éclipsé de l’UE il y a quelques années et ré-atterrissait aujourd’hui, il serait atterré, éberlué, anéanti. Où qu’il porte le regard, il ne découvrirait que ruines et cataclysmes...

...A commencer par ce fait de portée littéralement historique : pour la première fois, un pays va quitter l’Union européenne après en avoir démocratiquement décidé. Certes, les soubresauts ne sont pas terminés. Mais, d’une manière ou d’une autre, fût-ce à une échéance un peu plus éloignée qu’espéré par certains, le Royaume-Uni va reprendre le contrôle de ses lois, de ses deniers, de ses frontières.

L’Allemagne est, quant à elle, plongée depuis les élections de septembre 2017 dans une instabilité politique durable. Elections régionales calamiteuses, coalition chancelante et démission forcée de la patronne des chrétiens-démocrates : nul ne se risque à pronostiquer la fin de ce chaos qui paralyse Berlin sur la scène européenne.

A Rome, le cauchemar de la Commission européenne s’est réalisé : la coalition baroque des « populistes » et de l’« extrême droite » est au pouvoir et ne s’estime pas tenue par les règles sacrées de l’euro. Certes, des signes de compromis sont envoyés vers Bruxelles. Mais le fait est là : l’un des pays réputés les plus euro-enthousiastes durant des décennies a tourné casaque.

L’Espagne était il y a quelques mois encore décrite comme l’un des derniers pays immunisé contre ladite extrême droite. Or le parti Vox, jusqu’à présent marginal, vient d’entrer de manière fracassante dans le parlement régional d’Andalousie, et nourrit des espoirs réalistes de s’allier avec le Parti populaire (conservateur) en vue d’être associé au pouvoir à Madrid, peut-être dès 2019. La Belgique vient de plonger dans une crise gouvernementale. La Suède n’a toujours pas de gouvernement, près de quatre mois après les élections.

Et si notre néo-huron tentait de se consoler en se tournant vers l’Est, le spectacle achèverait de le désespérer. La Pologne et plus encore la Hongrie sont en conflit avec l’Union qui a entamé contre elles des procédures pour « grave atteinte à l’Etat de droit ». Quant à la Roumanie, elle est en passe de rejoindre le camp des moutons noirs « illibéraux », mais là avec un gouvernement social-démocrate. Comble de malheur : Bucarest prend au 1er janvier la présidence semestrielle du Conseil de l’UE.

Dans ce qui représente pour les fans de l’Europe un champ de ruines et de mines, on ne saurait oublier la France. On peut même penser que le mouvement des Gilets jaunes constitue, parmi les Vingt-huit et hors Brexit, la crise la plus ample, la plus profonde, et la plus dangereuse pour l’intégration européenne.

Parti d’un rejet ô combien légitime d’une taxe supplémentaire sur le carburant visant officiellement à imposer la « sobriété » énergétique « pour éviter la fin du monde », cette mobilisation allie dans une même dynamique l’irruption de la question sociale, à travers la révélation que la pauvreté et le mal-vivre ne sont pas le lot des seuls « exclus », mais bien de millions de ménages qui forment le monde du travail ; et la prégnance de la question nationale, comme en témoigne l’omniprésence du drapeau tricolore et de la Marseillaise. Deux mots sont revenus comme un leitmotive : pouvoir d’achat pour vivre décemment ; et souveraineté populaire, pour décider ensemble. Une auto-politisation accélérée résumée en une formule : « nous sommes le peuple ». Explosif et ravageur pour un président de la République symbolisant la richesse éhontée et l’arrogance assumée.

Ce dernier n’est pas seulement démonétisé dans l’Hexagone. Il a largement perdu son crédit au sein des élites de l’UE, qui, il y encore un an, voyaient en lui le jeune et brillant sauveur de l’Europe. La presse allemande, en particulier, ne lui pardonne pas d’être tombé de son piédestal jupitérien. C’en est fini des espoirs de réformes « audacieuses » et des ambitions européennes déclamées dans le discours de la Sorbonne.

Concluant son intervention solennelle du 10 décembre, le maître de l’Elysée a usé notamment de deux formules : « mon seul souci, c’est vous » ; « notre seule bataille, c’est pour la France ». La première est un aveu involontairement humoristique ; la seconde relève évidemment de l’escroquerie, mais révèle la force d’un mouvement qui a contraint le chantre de la « souveraineté européenne » à passer ce soir-là l’Europe par pertes et profits.

Rien ne sera plus jamais comme avant.

Pierre LEVY

rédacteur en chef du mensuel Ruptures

Editorial paru dans l’édition de Ruptures datée du 18 décembre.
(informations et abonnements : https://ruptures-presse.fr/abonnement/)

 https://ruptures-presse.fr/actu/ue-ruines-allemagne-italie-espagne-suede-gilets-jaunes/

COMMENTAIRES  

04/01/2019 12:03 par Chris

Tant que la France restera au sein de l’UE, sa situation ne fera qu’empirer : Socialement, économiquement, administrativement, démocratiquement, environnementalement...

04/01/2019 15:42 par malitourne

D’où la question : peut-on être vraiment de gauche sans vouloir le Frexit ?

04/01/2019 16:21 par Assimbonanga

Question subsidiaire : sortir de l’UE rendra-t-il la France "de gauche" ?
Et pour les commandes par internet sans l’euro, pratique ou pas pratique ?
Et pour aller en Allemagne, en Italie, en Espagne, ce sera super d’attendre aux frontières ?
Et tous les petits détails que les Anglais n’ont pas vu venir , en avons-nous bien la liste pour mesurer les conséquences ?

04/01/2019 17:05 par J.J.

J’ai entendu parler du projet de l’union européenne pour la première fois par notre prof d’histoire, en 6 ème....
L’espoir des naïfs comme lui , comme moi, c’était une Europe des Peuples, une Europe de la Paix, de la Coopération, après les terribles années que nous avions vécues. NAÏFS !
Nous avons été trahis, floués. Mais pouvait-il en être autrement, quand on prend conscience du fait que la plupart des "pères" de cette Europe étaient de bien peu recommandables individus ?

Certains qui s’étaient refait une respectabilité toute neuve et joui d’une scandaleuse amnistie, avaient d’ailleurs sauvé de justesse leur peau à la Libération.

04/01/2019 20:52 par alain harrison

Espérons que les gilets jaunes occuperont l’UE.
Que la gauche (tout habit confondu) se le dise, le train passe, la révolution par le peuple est possible. Au niveau des nations, au niveau de l’UE…….et qui sait, au niveau international. Faire tomber ce gouvernement macronien au sein de l’UE……….
Les militants de la gauche, quand vont-ils prendre leur place auprès des gilets jaunes et donner la parole à l’Humain d’Abord : liberté, égalité et fraternité. Et ensemble examiner les meilleurs sentiers, chemins vers la Démocratie du Peuple comme Maître d’ Oeuvre.
Vive la Constituante (le chemin vers……le nouveau monde).

Vive le nouveau pacte social (le chemin vers…..abolir la pauvreté intellectuelle)
Vive le nouveau paradigme économique (abolir la pauvreté matérielle)

Que l’imagination soit à notre service et non à notre asservissement.

Les Amérindiens, lors de la crise d’Oka :
Publié le 21 juin 2010 à 00h00 | Mis à jour le 21 juin 2010 à 10h30
Crise d’Oka : l’entente qui ne fut jamais signée
« « Après une semaine de négociations derrière les barricades et l’échec d’un premier accord de principe pour libérer le pont Mercier, John Ciaccia sent que le vent tourne à Oka. Les porte-parole des Mohawks ne sont plus les mêmes. Leur ton a changé. Leurs revendications aussi. Publiquement, M. Ciaccia reconnaît qu’il ne sait plus avec qui il négocie exactement. » »
https://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201006/20/01-4291871-crise-doka-lentente-qui-ne-fut-jamais-signee.php

.QS a deux représentant (homme-femme), de même, lors de la Révolution Érable, chez les étudiants.

Les gilets veulent rester maître.
La Révolution par le peuple, pour le peuple.
Mais qui est le peuple ?
N’est-ce pas l’ensemble d’êtres humains qui décident de vivre ensemble.....Que manque-t-il ?

05/01/2019 13:03 par malitourne

@assimbonanga
Votre argumentaire est implacable. Je garde mon gilet jaune, je vous laisse votre foulard rose.

05/01/2019 16:02 par babelouest

@ Assimbonanga
Pour faire quoi que ce soit de positif, il faut COMMENCER par sortir de l’union européenne, donc de l’euro. Après tout, avant 2000 on pouvait bien sortir de l’hexagone, même si c’était un peu plus compliqué ; ainsi on y regardera à deux fois avant de franchir la frontière, et ce sera tant mieux pour les flux de devises. Quant aux paiements sur Internet, ils comprendront plus de monnaies, et puis voilà.

Je signale qu’après tout, beaucoup de Britanniques (entre autres des retraités) vivent en France : ce n’est pas insurmontable, alors que la monnaie qu’ils reçoivent est la livre sterling. J’en connais, et pas que des anciens. De même il est possible de faire des achats directement sur des sites chinois comme Ali Baba. Je connais même un jeune homme, français et installé à Osaka, qui vend directement des "goodies" liés aux jeux vidéo aux Européens.

05/01/2019 16:45 par FOXTROT

Insultés, violentés, réprimés mais mobilisés et debout, les travailleurs et retraités que nous sommes ne renoncent pas à défendre leurs droits. Pour une vie digne, avec des augmentations de salaires, pour des droits démocratiques, en exigeant la souveraineté effective du peuple, pour la justice contre les inégalités avec une fiscalité juste, notre mobilisation comme Gilets Jaunes se poursuit pour un acte 8 ce samedi 05 janvier.
Certaines voix laissent entendre que notre mouvement des Gilets jaunes serait en train de s’essouffler. Il s’agit là d’une incompréhension qui traduit une lecture du phénomène à la seule lumière du nombre de vitrines brisées et de voitures incendiées. Confondre la force révolutionnaire de notre mouvement avec l’agitation manifeste qui en découle serait une grosse erreur, comme le prouvent les nombreuses émeutes, jacqueries et insurrections que nous offre l’Histoire et dont les échecs doivent nous servir de leçon. Nous avons fait l’inverse de ce que nos élites auraient voulu que nous fassions, c’est-à-dire une révolte purement antifiscale. En tant que Gilets jaunes, désireux de changer l’ordre des choses en profondeur, nous construisons une véritable opposition politique. Nous les travailleurs français sommes sortis du rôle d’exploités dans lequel nos élites les avaient enfermés pour montrer que nous sommes la seule véritable force capable de faire changer les choses dans le pays, la seule classe véritablement révolutionnaire. Bien sûr, nous n’allions pas faire plusieurs centaines de kilomètres de trajet pour manifester à Paris tous les samedis. Mais l’agitation a laissé place à l’organisation. Nos rencontres ponctuelles sont devenues des liens militants ; la colère est devenue une revendication politique ; nos gilets jaunes sont devenus un symbole international de contestation populaire. Ce n’est pas le cassage de vitrines qui a fait peur à la bourgeoisie régnante, mais la prise de conscience par l’immense majorité de la population française d’intérêts partagés et d’un destin commun. Les Gilets jaunes que nous sommes avons surpris d’un bout à l’autre du spectre politique. D’un côté, les gauchistes convaincus que la révolution à venir leur appartenait ont été repoussés à l’idée qu’un véritable mouvement populaire capable de changer la donne n’avait en réalité pas grand-chose à voir avec les apprentis révolutionnaires casseurs de flics et de Mac Do’. De l’autre, certains réactionnaires récupèrent le symbole du gilet jaune et s’évertuent à hurler contre les politiciens, la pratique politique, les partis politiques, les revendications politiques, la politique, en bref tout ce qui s’apparente de près ou de loin à autre chose qu’une revendication fiscale. D’un côté comme de l’autre, les dangers sont les mêmes : laisser passer l’instant révolutionnaire pour céder la place à la réaction ou à son bras armé, le fascisme. Les revendications que nous portons ne laissent planer aucun doute. Notre peuple révolté ne cache pas ses ambitions clairement populaires et progressistes, au premier rang desquelles la hausse des salaires, le rétablissement des services publics, la justice fiscale et la souveraineté populaire. Cependant, il faut le dire, sans véritable parti de lutte à nos côtés, la confusion règne parfois dans nos rangs. De plus, qu’il s’agisse de la gauche la plus sociale-scélérate ou de la droite la plus ouvertement fasciste, de nombreuses tendances politiques hypocrites et opportunistes s’accaparent, dans leurs grandes lignes, nos principales revendications. Pour que tous les travailleurs soient gagnants face au réactionnaire Macron et sa clique d’oligarques, nous devons nous emparer d’une question essentielle. Il s’agit bien entendu de sortir de l’Union Européenne ! (l’Allemagne et la France en étant les deux piliers, cette UE de malheurs aurait fini d’exister !!!!). Pour les plus conscients d’entre nous, le changement de cap que nous demandons en tant que gilets jaunes, et demandé également par les travailleurs français en général, ne peut pas se faire au sein de l’Union européenne. En effet, sous le joug de l’euro-austérité et du critère des 3 % du traité de Maastricht, sous le joug du règne du dogme de la concurrence libre et non faussée et de la libre circulation des capitaux, des marchandises et des personnes, nombre de ces mesures sont impossibles à mettre en œuvre. L’UE interdit la taxation du fioul maritime et du kérosène, l’UE impose la directive « travailleur détaché », l’UE ordonne la fin de la sécurité sociale, oblige à la privatisation des autoroutes, des barrages, des chemins de fer, des aéroports et de EDF GDF ou de France-Telecom. Qui plus est l’UE en établissant le pouvoir direct et exclusif des multinationales et des banques détruit toute souveraineté populaire. Macron, ses députés aux ordres et ses ministres ne sont que les zélés exécutants de la politique décidée à Francfort et Bruxelles. Quiconque se prononcerait pour la réorientation de l’UE tomberait dans une supercherie aux conséquences graves. Ce serait se désarmer face à cette dictature supranationale qui permet l’exploitation des nations les plus faibles par les plus puissantes, qui encourage la concurrence et la guerre entre les peuples, qui scelle les armées européennes dans l’OTAN meurtrière, qui détruit les conquêtes sociales et la souveraineté des peuples. Le peuple que nous sommes n’avons pas le temps de tomber dans la funeste arnaque euro-constructive, nous devons sortir aussitôt que possible de l’UE. Ce sont mes luttes en tant que gilet jaune coco franchement insoumis. Mais une autre question se pose alors : quelle sortie de l’UE ? La sortie de l’UE veut-il dire repli national, fermeture des frontières, économie de marché « à la maison », en bref une dérive ultra réactionnaire puisant dans les sentiments xénophobes ? Ou veut-il dire reconstruction des services publics, coopération internationale solidaire, gestion humaine des flux migratoires, en bref une révolution sociale ouvrant la voie vers un socialisme choisi par notre peuple ? Seule la deuxième option est réaliste, car la seule force capable de revendiquer la sortie de l’UE, ce sont les travailleurs (ouvriers, employés, techniciens, petits entrepreneurs, précaires, paysans, etc.). La bourgeoisie française n’a aucun intérêt à sortir de l’UE. Pourquoi le capital français, largement pénétré par la finance internationale, adossé au capital allemand et à l’actionnariat nord-américain, voudrait-il sortir d’une structure permettant de casser les services publics au fonctionnement socialiste, de libéraliser la quasi-totalité des secteurs d’activité, de bénéficier des flux migratoires causés par l’exploitation capitaliste, de profiter de la main-d’œuvre et des ressources étrangères, etc ? Je pense immédiatement à l’exemple du Front National, qui à peine les élections présidentielles achevées a laissé tomber l’idée d’une sortie de l’UE, preuve de leur pur opportunisme et de leur hypocrisie. C’est en ayant conscience de ces contradictions qu’il serait opportun de proposer une sortie de l’UE progressiste comme perspective sérieuse de prise du pouvoir par les travailleurs français, à travers la constitution d’un front qui réunirait les patriotes et les progressistes sincères autour du noyau révolutionnaire qu’est la classe ouvrière (dont 73 % s’est opposée au traité de Lisbonne de 2005). Une sortie de l’UE est donc une étape nécessaire pour mettre en œuvre nos revendications de gilets jaunes franchement insoumis. On ne peut pas vaincre le capitalisme sans en affronter les avatars concrets, la sortie de l’UE constitue, tout comme le renversement du gouvernement Macron, une étape nécessaire pour mettre en œuvre nos revendications de Gilets jaunes. Je reste persuadé que seul un pôle populaire et patriotique peut réellement porter cette revendication primordiale et incontournable face à Macron, au Medef et aux fascistes.

05/01/2019 17:08 par Assimbonanga

@Malitoune, j’adore ton esprit de tolérance... Donc tu penses que tout ira mieux lorsqu’on sera sorti de l’euro. J’aimerais avoir ta foi, la foi du charbonnier. Tu crois que "les Français" sont "de gauche" majoritairement ?

06/01/2019 05:35 par benzekri

Les enseignants ont des pouvoirs…

J’ai écrit et publié ce texte il y a un certain temps et depuis la situation n’a cessé de se dégrader.
Au même moment où le Ministre de l’éducation Blanquer et autres membres du gouvernement multiplient les déclarations « d’amour » et les aveux sur une situation difficile pour les enseignants qui manquent de considération et de reconnaissance (salaires les plus bas d’Europe, classes chargées et caetera et caetera) , comme on les aime bien on les châtie bien :
2 heures supplémentaires imposées au lieu d’une ; 2 journées de carence au lieu d’une... Dois-je ajouter que les enseignants -notamment- ont connu la perte la plus significative de leur pouvoir d’achat, selon OFCE !
M. Blanquer, sans honte aucune, les « somme » récemment -par courrier auquel ils ne peuvent pas répondre- à non pas former mais formater leurs élèves et à leur inculquer LA manière de penser... Quelle horreur !
Trop, c’est trop disent les stylos rouges qui ont réagi au-delà et en dehors des syndicats auto-assignés à un rôle de Co gestionnaires du moins pire qui a mené au pire et ce n’est pas ainsi que les syndicats vont réussir à stopper cette casse programmée du système éducatif. Le pouvoir ne veut pas d’une école qui éduque et libère les esprits. Stylos rouges, gilets jaunes..., la France a trop souffert de cet état de servitude volontaire !

« Dans quel état était la cité de Singapour dans les années soixante ? Les places aux très hauts niveaux de l’Etat revenaient aux plus offrants ; la police livrait les petites filles à la prostitution, au tourisme sexuel ; les grands voleurs et corrompus se partageaient le butin amassé ; les hauts gradés chargés de la Défense monopolisaient la propriété des terres et du riz et les juges monnayaient leurs jugements… Tout le monde disait que toute réforme était impossible dans les conditions actuelles de la cité… Mais je me suis tourné vers les enseignants qui vivaient eux-mêmes dans l’inquiétude et le désespoir ; j’ai augmenté fortement leurs rémunérations et je leur ai dit ceci : je m’occupe des institutions de la société mais je compte sur vous pour me former des Hommes » Lee Kuan Yew fondateur de la Cité/Etat de Singapour n’était pourtant pas un « révolutionnaire ».

En France, malgré les alternances successives, les changements multiples de Ministres, les déclarations fracassantes – souvent démagogiques – sur la priorité donnée à l’Education Nationale et à la jeunesse, la situation de l’enseignement n’a pas cessé de se dégrader :
- Classes surchargées ;
- Diminution des heures pour les apprentissages ;
- Manipulation des grilles de notation afin de gonfler les résultats aux examens pour flatter élèves, parents et chef d’établissement en attente de gloire d’un travail fait par d’autres et sans être dérangé par des résultats -qu’il sait- gonflés artificiellement.
Côté enseignants :
- Pouvoir d’achat en nette régression ;
- Rémunération et évolution de carrière bloquées depuis des années ;
- Conditions de travail dégradées et formation au rabais ; métier/mission déconsidérés
- Salaires parmi les plus bas d’Europe par rapport à leurs collègues européens (voici les faits : salaire moyen annuel d’un professeur des écoles en France 24 724 euros,
27 754 en Espagne, 30 335 en Belgique, 31 699 en Finlande, 32 225 aux Pays-Bas,
42 891 en Allemagne, 48 360 en Norvège…). Est-il nécessaire d’ajouter un commentaire ?
Les enseignants sont souvent livrés à l’autorité de petits « chefs » zélés et obsédés par leur rôle de « gestionnaires » exigeant d’eux toujours plus avec de moins en moins de moyens, ce qui rend un beau métier -aussi important soit-il- de moins en moins attractif.
Mesure-t-on l’impact d’un corps enseignant déterminé qui dirait d’une seule voix ?
- STOP à cette médiocrité qu’on nous impose ;
- STOP à ces gâchis humains et matériels qui livrent des jeunes - après des années d’efforts et de sacrifices de leurs parents, des enseignants…- au chômage et /ou à des emplois précaires proches de l’esclavage ;
- STOP à cette incertitude de l’avenir que l’on fait supporter à notre jeunesse ;
- Cessons le travail jusqu’à satisfaction de nos revendications légitimes et salutaires pour l’ensemble de la société.

On peut se passer d’un Président de la République, d’un Ministre, d’un Recteur, d’un Inspecteur, d’un Proviseur, d’un principal, d’un Directeur mais pas d’un professeur…
HB, le 10/10/2015

06/01/2019 09:04 par babelouest

@ Jean Cendant

« La question est : peut-on être vraiment de gauche sans être internationaliste.

L’internationalisme souhaite la fin des affrontements entre les États et s’oppose au nationalisme et au chauvinisme, en défendant des intérêts qui sont communs à l’humanité. »

Je DOIS ajouter que l’internationalisme est l’opposé au mondialisme qui transforme les citoyens de tous les pays (différenciés et solidaires) en un magma indifférencié, vulnérable, servable et corvéable à merci. C’est bien pourquoi je me garderai de me qualifier "de gauche" (ou degôche selon humeur) ; on voit trop bien ce qu’apporte "la gauche" : le malheur avec une autre étiquette.

J’ajoute que justement, bien des valeurs ne sont PAS communes à l’ensemble de l’humanité, mais certains ne veulent surtout pas le comprendre. Il y a une très grande différence entre un paysan du Sichuan et un Huron ou un Targui. La différence est encore bien plus grande, d’ailleurs, avec un col blanc de la Liberty Street de Downtown Mahattan. Il est très important que subsistent et se magnifient les différences qui font le charme de la vie. Mais justement une certaine gauche veut tuer et niveler ces différences, pour le plus grand malheur de presque tous (98% ?).

06/01/2019 09:41 par babelouest

Je me permets de revenir ici ce matin, à propos d’un petit extrait d’un texte de Jacques Ellul que j’ai reçu hier d’un correspondant :

Le capitalisme a dégradé le travail humain.

Et l’une des attaques impitoyables de Marx contre le capitalisme portera justement sur ce point : le capitalisme a dégradé le travail humain, il en fait un avilissement, une aliénation. Le travail dans ce monde n’est plus le travail. (Il oubliait que c’était ce monde qui avait fabriqué cette image noble du travail !) Le capitalisme doit être condamné entre autres afin que le travail puisse retrouver sa noblesse et sa valeur. Marx attaquait d’ailleurs en même temps sur ce point les anarchistes, seuls à douter de l’idéologie du travail. Enfin : «  Par essence le travail est la manifestation de la personnalité de l’homme. L’objet produit exprime l’individualité de l’homme, son prolongement objectif et tangible. C’est le moyen de subsistance direct, et la confirmation de son existence individuelle.  » Ainsi Marx interprète tout grâce au travail, et sa célèbre démonstration que seul le travail est créateur de valeur repose sur cette idéologie bourgeoise (d’ailleurs c’étaient bien des économistes bourgeois qui, avant Marx, avaient fait du travail l’origine de la valeur…). Mais ce ne sont pas seulement les penseurs socialistes qui vont entrer dans cette optique, les ouvriers eux-mêmes, et les syndicats aussi. Pendant toute la fin du XIXe siècle, on assiste à la progression du mot «  travailleurs  ». Seuls les travailleurs sont justifiés et ont droit à être honorés, opposés aux oisifs et aux rentiers qui sont vils par nature. Et encore par «  travailleur  » on n’entend que le travailleur manuel. Aux environs de 1900, il y aura de rudes débats dans les syndicats pour savoir si on peut accorder à des fonctionnaires, des intellectuels, des employés, le noble titre de «  travailleur  ». De même dans les syndicats on ne cesse de répéter entre 1880-1914 que le travail ennoblit l’homme, qu’un bon syndicaliste doit être un meilleur ouvrier que les autres ; on propage l’idéal du travail bien fait etc. Et finalement, toujours dans les syndicats, on demande avant tout la justice dans la répartition des produits du travail, ou encore l’attribution du pouvoir aux travailleurs. Ainsi on peut dire que, de façon très générale, syndicats et socialistes ont contribué à répandre cette idéologie du travail et à la fortifier, ce qui se comprend d’ailleurs très bien !

Jacques Ellul

Le problème est bien de réussir à ramener "le travail" à la simple expression : vaquer aux tâches essentielles, pour le bien de tous dont soi-même, de préférence de façon non rémunérée, mais parce que c’est indispensable. Parmi ces tâches essentielles, existent la vie en commun de préférence dans la joie et la solidarité, l’art, et aussi les moyens de contribuer au bien-être de tous (vêture, nourriture, santé, habitation). C’est à l’opposé du capitalisme, mais aussi du marxisme.... qui n’est qu’une façon de prétendre lutter contre le capitalisme, mais avec les armes de celui-ci. Une façon d’être vaincu d’avance.

06/01/2019 16:06 par Jean Cendent

@babelouest
Effectivement : bonnes remarques, précisions importantes et nécessaires, bon complément d’informations.

Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse.
Gilles Deleuze ( homme de gauche, non dévoyé ?)

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