Si internet a favorisé le rapprochement vis-à -vis des médias alternatifs de la part de ceux qui lisent en ligne, l’information disponible au sein du "réseau des réseaux" est, elle aussi, contrôlée par les grands groupes médiatiques. De récentes études ont en effet prouvé que les grands groupes médiatiques dominent [l’offre d’information] sur internet, car l’information qui y est diffusée est manipulée pour servir les mêmes intérêts.
Cette semaine, deux exemples sud-américains illustrent cette campagne politique qui passe de la presse écrite à internet, en présentant une version distordue des faits et en cherchant à isoler les gouvernements du Nicaragua et du Venezuela.
Dans le premier cas, la "dictature" de Daniel Ortega triomphe lors des élections municipales. L’opposition locale, comme elle l’avait déjà annoncé avant le scrutin, dénonce des "irrégularités" et un manque de contrôle de la part des organismes internationaux. La victoire du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) dans les villes principales semble avoir pris par surprise les grands groupes médiatiques internationaux qui, 24 heures après les élections, n’ont pas encore donné d’informations à ce sujet.
Avant le scrutin de dimanche [9 novembre 2008], la presse internationale s’étendait sur ce qu’elle appelait un "examen pour Daniel Ortega" , anticipant ainsi le résultat qu’elle imaginait : une déroute électorale du gouvernement. Passée la journée du scrutin, marquée par quelques incidents comme lors d’élections antérieures, la presse d’opposition nicaraguayenne commença à denoncer des irrégularités, des fraudes et des intimidations de la part des sandinistes.
Les médias nicaraguayens, en majorité opposés au gouvernement actuel, ont modifié leurs titres, passant d’une attente positive à une campagne visant à discrédier le scrutin. Tant qu’ils avaient encore des espoirs de triomphe, les médias étaient modérés dans leur dénonciation des incidents et reconnaissaient même que des incidents avaient été provoqués par l’opposition. Par la suite, tout est devenu dénonciation. Les médias commencèrent ainsi à préparer les titres que les grands médias étrangers répéteront, pour autant qu’ils ne passent pas ces élections sous silence, comme ils le font à chaque fois que les choses ne vont pas comme ils l’entendent.
Que cela plaise ou non à Daniel Ortega, il est évident que la droite internationale ne veut pas des sandinistes - aussi modérés et "colombes" puissent-ils être - au pouvoir au Nicaragua. C’est que la droite est revancharde, vindicative, n’accepte aucun changement de bon coeur et ne veut céder aucun pouce de ses conquêtes néolibérales, malgré la mauvaise réputation accrue du néolibéralisme en ces temps de crise financière qui inquiète le monde entier.
De la même manière, les grands groupes médiatiques cherchent à isoler le président venezuélien Hugo Chavez. Un communiqué de l’agence britannique Reuters a été repris par la quasi-totalité des médias internationaux. "Chavez menace d’envoyer les chars et d’emprisonner ses adversaires" , disait le communiqué de l’agence britannique. Pour étayer la phrase de titre, l’agence retranscrivait des phrases d’un discours du président Chavez, sans mentionner le contexte de ses affirmations. "Si vous permettez que l’oligarchie (...) revienne au poste de gouverneur, j’en arriverai peut-être à envoyer les chars de la brigade blindée pour défendre le gouvernement révolutionnaire et pour défendre le peuple" , citait Reuters. Le problème est que l’auteur de cette note a décidé d’ignorer les avertissements exprimés antérieurement par le président venezuélien au sujet des plans de l’opposition visant à la déstabilisation du pays et à la promotion d’un coup d’Etat. Ainsi, "envoyer les chars dans la rue" était entendu comme le recours légitime d’un gouvernement constitutionnel confronté à un coup d’Etat. L’agence Reuters et ceux qui l’ont imitée, ont ignoré ce fait.
Concernant la menace "d’emprisonner l’opposition" , les éditeurs de l’agence britannique ont oublié de mentionner que celle-ci s’adressait au gouverneur de [l’Etat de] Zulia, Manuel Rosales, actuellement sous enquête pour corruption et protection des paramilitaires colombiens qui ont traversé la frontière pour s’installer dans cet Etat. [L’Etat de Zulia se situe dans l’ouest du Venezuela et dispose d’une longue frontière avec la Colombie, ndt.].
La "menace" s’adressait également au gouverneur de [l’Etat de] Sucre, Ramon Martinez, qui a annoncé qu’il ne quitterait pas ses fonctions s’il perdait les élections. C’est-à -dire que menacer d’emprisonner une personne corrompue ou qui ignore le verdict des urnes, c’est mal, selon les grands groupes médiatiques. Ce serait comme affirmer que les lois "menacent" de conduire à l’emprisonnement des délinquants.
Tant qu’on ne soutiendra pas la création de médias internationaux alternatifs, il faudra apprende à lire entre les lignes pour ne pas rester prisonnier des toiles d’araignées tissées par les mensonges de la droite internationale.
Ricardo Daher
Barometro Internacional (www.barometro-internacional.org)
14 novembre 2008
Traduction d’Alexandre Govaerts, membre du collectif ViVé-Belgique, passerelle entre les médias communautaires vénézuéliens et la population francophone et source d’informations sur le Vénézuéla.