RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
Comment abaisser et discréditer une noble profession

N’y aura-t-il pas de fin aux humiliations infligées aux enseignants américains ? (Counterpunch)

Quand Joe Torre quitta son poste de gérant des Yankees de New York à la fin de la saison 2007, ce ne fut pas sans amertume. Torre trouvait que, après des années de service dévoué et fructueux, les dirigeants des Yankees lui avaient grandement manqué de respect. Torre a refusé leur offre de 5 millions de dollars de salaire annuel qui, tout en représentant une sacré somme d’argent dans le vrai monde, n’était que la moitié de ce qu’il avait gagné la saison précédente.

Mais ce n’est pas seulement la baisse de salaire qui a contrarié Torre. Ce fut plutôt l’insinuation sous-jacente que Torre ne s’était pas entièrement donné à sa tâche -n’avait pas fait le maximum pour gagner- pendant les trois décevantes saisons précédentes. C’est ce que Torre a déduit du fait que les Yankees lui offraient des bonus pour augmenter sa motivation.

Aux termes du nouveau contrat qu’on lui proposait, Torre aurait un bonus si l’équipe gagnait la Série des divisions et un autre si elle gagnait la course aux fanions (pour le titre de champion de ligue ndt) et un bonus beaucoup plus gros si elle gagnait les Séries Mondiales. Mais au lieu de se sentir motivé ou dynamisé par les bonus, Torre s’est senti insulté. A ses yeux, ce système de bonus signifiait que les Yankees pensaient qu’il ne s’était pas assez "défoncé" pour ses 7,5 millions de dollars et pour un homme aussi fier que Torre, c’était intolérable.

Il se passe quelque chose de comparable avec les enseignants des écoles publiques étasuniennes. Des réformateurs éducatifs bien intentionnés ont suggéré de rémunérer les enseignants au mérite par le biais de "bonus de performance" pour améliorer les résultats aux tests. Les enseignants recevraient un paquet d’argent chaque fois que les taux de réussite des étudiants aux tests grimperaient. Comme pour Torre, on partait du principe (1) que plus les bonus étaient élevés plus les enseignants se donneraient du mal et (2) que plus les enseignants se donneraient du mal, plus les résultats seraient bons.

N’importe quel enseignant peut vous dire tout de suite que le dévouement d’un professeur et les résultats des élèves aux tests n’ont pas toujours de rapport direct, mais il a fallu une respectable étude sur "la rémunération au mérite" de l’Université de Vanderbilt pour le confirmer. L’étude Vanderbilt a démontré que lorsqu’on offrait des bonus aux enseignants (certains allant jusqu’à 15 000 dollars) il n’y avait pas d’amélioration significative des résultats.

Je le répète, n’importe quel enseignant aurait pu prédire la conclusion de l’étude. L’argent n’a rien à voir avec tout ça. La plupart des enseignants connaissent les problèmes par coeur : la discipline n’est pas respectée, les élèves sont peu motivés, peu assidus et refusent de faire leurs devoirs, les parents n’attachent pas assez d’importance à leur progrès scolaires, les administrateurs ne sont que des relais budgétaires surpayés et les tests d’état standards (qui n’ont aucun rapport avec les bulletins scolaires des enfants ou leur passage dans la classe au dessus) sont arbitraires et mal faits.

Ce n’est pas que les enseignants ne cherchent pas des solutions. En réalité ils se donnent un mal de chien pour essayer de trouver de nouvelles méthodes, des méthodes innovatrices, pour améliorer les résultats de leurs élèves, pas seulement aux tests d’état standards mais aussi au jour le jour.

Mais toutes ces critiques hystériques rendent fous les enseignants, ils font des dépressions nerveuses, ils quittent la profession en masse pour y échapper. Ce travail n’a jamais été très bien payé mais au moins il était gratifiant car enseigner était une profession noble dans la mesure où les professeurs étaient considérés comme les "gardiens" de la nouvelle génération de leaders américains. C’était un emploi respectable.

Mais tout cela a été gâché par les professionnels républicains de la diffamation qui, pour détruire les syndicats enseignants (qui soutiennent généreusement les candidats démocrates), sont prêts à détruire la réputation des enseignants eux-mêmes. La seule idée qu’offrir de l’argent à un professeur pourrait faire la moindre différence dans les résultats aux tests témoigne de la naïveté et de la sottise de ces réformateurs. C’est tout simplement ridicule.

Voyez vous-mêmes : Qu’est-ce qu’une enseignante va faire pour un bonus de 5 000 dollars ? Est-ce qu’elle va dire à son patron : "Comment ? J’ai bien entendu ? 5000 dollars ?! Whoa !" Et puis ensuite va-t-elle aller dire à ses élèves : "Ecoutez les enfants ! A partir d’aujourd’hui je vais vous enseigner ce qu’il faut comme il faut. A partir d’aujourd’hui vous allez voir ce que vous allez voir !! Pourquoi ? Parce que ça va me rapporter 5 000 dollars !"

Réduire toute cette affaire à des bonus c’est non seulement passer à côté des véritables problèmes de l’école publique étasunienne, mais c’est vilipender et discréditer une noble profession. N’y aura-t-il pas de fin aux humiliations infligées aux enseignants américains ?

David Macaray

DAVID MACARAY, un auteur dramatique et écrivain de Los Angeles, ("It’s Never Been Easy : Essays on Modern Labor" ), est un ancien délégué syndical. Il a contribué à Hopeless : Barack Obama and the Politics of Illusion, publié par AK Press.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/2012/08/03/is-there-no-limit-to-the-insult...

Traduction : Dominique Muselet

URL de cet article 17377
  

Même Thème
Une histoire populaire des États-Unis - De 1492 à nos jours
Howard ZINN
Cette histoire des États-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d’histoire parlent habituellement peu. L’auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walker Bush) aux témoignages des acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu’aux victimes contemporaines de la politique (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Je l’ai invitée lors d’un prochain séjour à venir jouer avec l’orchestre de Paris et l’Ensemble orchestral de Paris.

Bertrand Delanoe
maire socialiste de Paris, Fév. 2005, en parlant de Condoleezza Rice

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.