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Les manoeuvres de la politique US envers Cuba

En effet, le futur de la révolution cubaine paraît plus sombre que jamais, à la lumière de la campagne de propagande américaine actuelle, similaire à celle lancée en août passé à l’encontre de l’Irak.

12 juin 2003

Les intérêts des grandes entreprises dans le changement de régime

Titre : Les manoeuvres de la politique Etats-Unienne envers Cuba

Dans son message aux cubains du 20 mai passé, notre président, George W. Bush, n’a fait aucune référence spécifique au fait que de nouvelles mesures pouvant conduire à une « transition démocratique » (terme qui signifie en clair capitalisme sauvage) à Cuba sont à l’étude, ni à la politique officielle établie légalement concernant Cuba.

Par Tom Crumpacker

Au Congrès, on a accumulé pendant dix ans des lois destinées à en finir avec le blocus américain de Cuba, ou au moins avec certaines parties de celui-ci. Ces lois bénéficiaient fréquemment de majorités substancielles tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat. Ainsi, chaque année, le gouvernement doit solliciter un financement pour la mise en oeuvre du blocus.

Au cours des trois dernières années, les deux chambres ont refusé de débloquer des fonds qui devaient permettre de mettre en oeuvre les restrictions inconstitutionnelles de voyage à Cuba (si tant est qu’il existe un juge pour contrôler que ces restrictions soient violées) et d’autres aspects du blocus. La seule fois qu’un tel vote a eu lieu, à l’automne de l’année électorale 2000, la pression populaire a contraint les leaders des partis à permettre l’approbation d’une loi qui autorisait la vente de médicaments et d’aliments à Cuba. Cette loi fut votée avec une marge confortable dans les deux chambres, en dépit du fait que cette loi s’était vue radicalement amputée par les présidents de partis réunis en conférence (à laquelle ont participé les membres opposés à la loi). Le financement destiné aux médicaments et aux aliments fut refusé et, cerise sur le gâteau, on attribua un caractère légal aux restrictions de voyage, qui jusqu’alors n’étaient que des dispositions administratives, alors qu’elles ne faisaient pas partie de loi soumise au vote. Le député Mark Sanford (républicain de Caroline du Sud) affirma que les présidents avaient agi « de manière honteuse » et le sénateur Max Baucus (démocrate du Montana) qualifia la manouvre de « déguisement démocratique ».

Notre Constitution stipule que la responsabilité en matière de relations extérieures incombe au pouvoir exécutif et non au pouvoir législatif. Les raisons en sont évidentes : les relations avec les autres nations ne sont pas une matière relevant du législatif et le Congrès n’a pas cette matière dans ses attributions. La politique extérieure doit être flexible et est sujette aux changements justifiés dans des limites de temps raisonnables, changements basés sur les capacités des fonctionnaires qui sont en contact avec les autres nations et qui en ont une bonne connaissance. Il y a un siècle, quand il était encore une institution relativement fonctionnelle, notre Congrès n’avait même pas songé à entamer une discussion sur les détails de nos relations avec un autre pays. Cette matière incombe totalement à notre département d’Etat.

Dans ses tentatives de renversement du régime cubain, nos bureaucrates du pouvoir exécutif, par exemple ceux du NED [National Endowment for Democracy], de la CIA, du département d’Etat (y compris ceux de l’AID) et d’autres, appliquent simplement les lois concernant Cuba approuvées par le Congrès au cours des années 1990, telles que les lois Toricelli et helms-Burton. Le principal évènement politique qui a affecté la politique états-unienne envers Cuba au cours des vingt dernières années a été la cession de cette politique de notre département d’Etat à notre Congrès. C’est la seule et unique fois dans l’histoire des Etats-Unis que l’on assisté à une chose pareille. Normalement, notre bureaucratie fait tout ce qu’elle peut pour conserver ses aires d’influence.

Les principaux facteurs qui font régir nos membres du Congrès sont d’ordre personnels : conserver leurs sièges qui leur assurent richesse et pouvoir. Par conséquent, ils réagissent en premier lieu en fonction des entreprises et d’autres lobbies puissants qui financent leurs campagnes. Notre congrès fonctionne lentement, quand il fonctionne. Il faut des années pour résoudre la majorité des problèmes et beaucoup d’entre eux ne sont jamais résolus. Ce qui est sujet à débat est déterminé par un petit groupe de puissants appelés les « leaders partisans ». Les sièges se convertissent en des lieux sûrs quand on évite les prises de position publiques sur des sujets controversés. La majorité de leurs occupants ont été élus lors de scrutins très serrés auxquels participent entre 35 et 40 % des électeurs inscrits. A force de servir en premier lieu leurs intérêts privés avant les intérêts publics, notre Congrès a cessé d’être démocratique et est devenu oligarchique. Il est évident pour tout le monde, y compris pour le gouvernement cubain, que le blocus de Cuba ne sera jamais traité de manière juste au Congrès et que, par conséquent, tout changement au sein de l’actuel système politique des Etats-Unis est impossible.

La clé de notre politique actuelle envers Cuba se trouve dans la réponse que notre président a donné il y a quelques années à la question de savoir pourquoi la politique envers Cuba différait tellement de celle menée envers la Chine. Il a dit que cela était dû au fait qu’il existe en Chine une puissante « lasse d’entrepreneurs ». En d’autres termes, avant que nous changions quoi que ce soit, il faut qu’il existe à Cuba une société de classe basée sur la richesse et le pouvoir des grandes entreprises, conduite par des élites qui protègent leurs intérêts aux travers des moyens de communication et de leurs représentants politiques, comme aux Etats-Unis.

C’est pour cela que l’ex-secrétaire d’Etat William Rogers a affirmé que nous devions faire confiance aux exilés de Miami pour qu’ils retournent à Cuba pour apprendre aux Cubains comment se convertir en bons capitalistes. C’est pour cela que sont organisés des séminaires destinés aux entrepreneurs cubains en Floride du Sud, afin de les aider à gérer les intérêts cubains sans commettre les mêmes erreurs qu’en Europe occidentale. C’est pour cette raison que la AID, la CIA et le NED ainsi que d’autres agences gouvernementales ont fourni de l’argent et des moyens aux groupes d’Américano-cubains « pour la libération de Cuba » en même temps qu’elles soutenaient également les « dissidents » cubains (terme signifiant mercenaires contre-révolutionnaires) parfois directement comme via notre Section d’intérêts à La Havane. C’est pour cette raison que, non seulement les émigrés cubain de la ligne dure, mais aussi les membres de notre administration et notre gouverneur de Floride, parlent déjà ouvertement d’un changement de régime.

Les exilés de la ligne dure obtiendront tout ce qu’ils veulent pour déstabliliser et renverser le gouvernenement populaire de Cuba mais il leur manque le pouvoir national. Le pouvoir authentique qui soutient les politiques actuelles est entre les mains des puissants de Wall Street et de Washington. Ce que nous pouvons observer actuellement c’est que la communauté Américano-cubaine est faussement présentée comme la responsable de cette politique impopulaire. A titre d’exemple, lorsque le leader de la majorité républicaine de la Chambre des représentants, Dick Amey, a démissionné l’année passée, on lui a demandé quel avait été son échec politique, il a répondu que c’était son appui au blocus de Cuba auquel il avait tenté de mettre fin mais qu’il n’avait pu soumettre au vote à cause de son amitié avec les deux congressistes Américano-cubains de Floride. Toutefois, selon des enquêtes récentes, la majorité des Américano-cubains souhaitent la fin du blocus.

Le gouvernement cubain semble être le seul au monde qui fasse publiquement face à la tentative nord-américaine de création d’un empire commercial mondial basé sur l’idéologie néo-libérale. Bien que de nombreux gouvernements du Tiers Monde soient en apparence d’accord avec cette position, ils ne paraissent pas disposés à mettre en péril les investissements dans leur pays. Cuba n’est pas particulièrement riche en ressources naturelles mais a 12 millions de consommateurs potentiels de nos produits et la survie exceptionnelle de sa révolution représente un danger au point de vue idéologique pour l’oligarchie mondiale basée sur l’hégémonie nord-américiane. Ceux d’entre-nous qui aspirent à une démocratie authentique, nous ne devrions pas nous réjouir du manque de détails dans les commentaires faits par notre président le 20 mai. En effet, le futur de la révolution cubaine paraît plus sombre que jamais, à la lumière de la campagne de propagande américaine actuelle, similaire à celle lancée en août passé à l’encontre de l’Irak. Tant que la révolution cubaine survivra, il y aura un espoir de démocratie ici et dans le monde entier. A ce propos, la phrase de José Marti vieille de plus d’un siècle, paraît prémonitoire : « qui se dresse pour Cuba, se dresse pour l’avenir ».


Tom Crumpacker est membre de la Coalition de Miami pour la fin du blocus de Cuba. Cet article a été écrit pour le revue ’Counterpunch’.

Traduction : Anne Vereecken, pour RISAL.

© COPYLEFT Tom Crumpacker / Counterpunch 2003.

Source : RISAL

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