Une crise comme les Italiens n’en ont jamais connue. Une crise qui bouscule toutes les certitudes et qui fait craindre un avenir bien sombre.
Le 46ème rapport du CENSIS ne nous pousse en effet pas vraiment à l’optimisme. Son analyse est sans appel : la sécurité de l’emploi est précaire, les traitements et les salaires sont modestes et ne permettent pas d’avoir un niveau de vie décent, des milliers de foyers se trouvent contraints de rogner sur les économies de toute une vie pour survivre. Si on ajoute à ce tableau les dernières mesures prises par le gouvernement, en particulier l’introduction d’une taxe odieuse comme l’IMU (l’impôt municipal unique vise à taxer les biens immobiliers des Italiens - 80 % sont propriétaires, parfois au prix de lourds sacrifices - mais ne vise ni les biens de l’Église, ni les biens des fondations bancaires), on comprend aisément l’attitude de défiance qu’ont les Italiens envers leur classe politique.
Les difficultés inhérentes à la nécessité de survivre au jour le jour se posent avec acuité non seulement pour de nombreuses familles, mais aussi pour de nombreuses entreprises qui craignent de ne pas pouvoir résister au marché global qui impose une concurrence féroce basée sur une main d’oeuvre à faibles coûts. Quand on sait que la majorité des entreprises italiennes, petites ou moyennes, sont à dominante familiale, on comprend mieux les liens étroits qui unissent le destin de ces petites entreprises à celui des ménages.
Les inquiétudes populaires finissent par se répandre comme une trainée de poudre. Le pouvoir en place peut craindre à juste titre des développements futurs. La crise économique crée des inquiétudes qui ne se sont encore jamais manifestées à ce niveau ; une majorité d’entreprises familiales craignent de devoir mettre la clé sous la porte et les familles qui vivent en situation d’insécurité constante voient leur pouvoir d’achat et leur épargne s’amenuiser mois après mois. Une véritable déroute pour les dirigeants qui apparaît dans toute leur insuffisance et qui ne sont rien d’autre que le relais des politiques d’austérité imposées par la troïka, avec la même réussite qu’en Grèce ou en Espagne.
L’extrême pauvreté a obligé ces deux dernières années plus de deux millions et demi de personnes à vendre leur or ou des métaux précieux et près de trois cent mille familles ont vendu des meubles ou des biens divers pour boucler les fins de mois. Le nombre de voitures vendues ne cesse de diminuer : ce mode de transport est devenu quasiment un luxe du fait de la hausse ininterrompue du prix des carburants. Beaucoup de foyers se sont adaptés à la situation et roulent régulièrement en scooter ou à vélo. Nombre de jeunes couples ont été contraints de recourir aux aides financières des parents, ce qui ne fait que confirmer la place centrale qu’occupe la famille dans la société italienne. La crise a de ce fait provoqué des phénomènes très répandues de solidarité entre les familles.
Ces incertitudes, ces craintes qui s’emparent de tous les politiciens, de droite ou de gauche, se répercutent presque mécaniquement sur les citoyens italiens. Pour ces derniers, l’idée répandue par les media selon laquelle l’Europe viendra à leur rescousse se dissipe chaque jour un peu plus. Comment en effet espérer d’une entité dont les mesures prises jusque-là n’ont fait qu’aggraver la situation (l’union européenne favorise le chômage de masse, la création monétaire est abandonnée aux banques et les capitaux vont et viennent sans contrôle, etc.) ?
Ce qui manque, c’est une réaction collective comme la Botte a pu connaître dans l’immédiat après-guerre lorsque les Italiens, jetés dans les décombres d’un pays détruit, se retroussèrent les manches pour jeter les bases du futur boom économique. La situation vécue aujourd’hui, note le CENSIS, n’est plus possible étant donné la défiance qu’ils entretiennent envers l’État et les politiciens, considérés au mieux comme des sangsues, au pire comme de véritables ennemis.
Les problèmes économiques ont fini par jeter sur le banc des accusés l’Union européenne, qui a été présentée à l’origine comme la garantie d’un bien-être généralisé pour tous les citoyens des pays membres. Force est de constater que l’adhésion à cette structure n’a été accompagnée que de bien peu d’avantages. Les institutions communautaires apparaissent quant à elles tentaculaires et caractérisées par des mécanismes décisionnels interminables et… incompréhensibles.
La crise a déclenché un véritable sentiment d’indignation à l’égard d’une classe politique incapable, corrompue et qui se drape avec arrogance dans ses privilèges. 87 % des citoyens italiens estiment que la corruption est un problème grave et 43 % estiment que l’effondrement moral de cette même classe et la corruption sont les principales causes de la crise. Un mélange explosif de colère croissante et de ressentiment envers les institutions politiques qui pourraient bien nous offrir quelques bonnes surprises… sans nécessairement devoir attendre les prochaines élections.
Capitaine Martin
Résistance http://www.resistance-politique.fr/article-les-italiens-luttent-pour-survivre-113333114.html