Le mythe des réparations allemandes

VILA

On a tous appris à l’école que l’une des raisons de la montée du nazisme est le montant exorbitant des réparations de l’Allemagne lors du traité de Versailles. Ce montant a été fixé à Londres en 1921, à 132 milliards de mark-or, ce qui correspondait à un semestre du revenu national de l’Allemagne. Mais le capital étasunien a vu une opportunité avec l’Allemagne vaincu de s’implanter économiquement en Europe et aussi de tempérer les appétits revanchards de l’Angleterre et de la France.

Les 14 points de Wilson (qui sont loin de l’idéalisme qu’on leur prête) traduisaient politiquement cette stratégie et s’opposaient au capital français qui pensait écraser les Allemands et s’approprier leurs marchés et leurs brevets, en particulier dans la sidérurgie et la chimie comme le souligne Annie Lacroix Riz. A partir de 1924, on assiste à une exportation massive de capitaux étasuniens essentiellement dirigée vers l’Allemagne. L’impérialisme étasunien prend l’impérialisme allemand comme partenaire et le capital français est réduit à une position secondaire. Dans les années 1920 et 1930, la dette allemande est énorme car Berlin est un très gros emprunteur, et par conséquent un très gros client qu’il ne faut surtout pas mécontenter. Finalement sur la somme initiale, seul 13% seront remboursés. Rien à voir donc avec des réparations accablantes.

Cependant, du fait de la terrible crise de surproduction de 1931, qui faillit faire s’effondrer le système, les milieux dirigeants allemands sont confrontés à une terrible concurrence entre les Etats-Unis et l’Europe qui leur ferme de nombreux marchés. Et ces mêmes milieux envisagent de les rouvrir par la guerre poursuit Annie Lacroix Riz. La montée du nazisme traduit cette orientation de la politique allemande. L’Allemagne réarme massivement et on lui vend tout ce qu’elle demande : textiles, fer, bauxite, etc. Ayant réduit sa classe ouvrière à un quasi esclavage (plus de syndicats, 16 h de travail par jour, salaires bloqués, grèves interdites), l’Allemagne est toute puissante et prête au combat qui vient.

Vingt ans plus tard, j’aurais tendance à dire on prend les mêmes et on recommence. Apres la Guerre Mondiale qui a vu la dévastation de l’Europe par les troupes de la Wehrmacht et le pillage systématique des ressources des pays conquis, le Troisième Reich a aussi imposé aux différentes banques centrales des « prêts » au titre des contributions à l’effort de guerre. Ces "emprunts" ne seront jamais remboursés, pour la simple raison qu’ils ne figurent pas dans l’accord de Londres de 1953 qui fixait le montant des dettes extérieures contractées par l’Allemagne entre 1919 et 1945. En effet, face à la menace communiste, la priorité était de ménager ce nouvel allié de l’Ouest. Les Etats-Unis consentent à réduire la dette de l’Allemagne de moitié. Les victimes de l’Occupation sont priées d’oublier leurs demandes de réparation. L’objectif stratégique des alliés est d’édifier une Allemagne forte et sereine mais aussi la devanture la plus propre possible du monde capitaliste face au bloc soviétique. A partir de là, l’Allemagne s’est portée comme un charme pendant que le reste de l’Europe se saignait aux quatre veines pour panser les plaies laissées par la guerre et l’occupation allemande.

Devant cette fabuleuse concordance des temps, on ne peut qu’être stupéfait (ou pas) de la réécriture des manuels scolaires dans le sens qui convient le mieux à la classe dirigeante. On peut aussi apprécier que la raison du vainqueur (des deux guerres mondiales) est souvent la meilleure.

 http://les-tribulations-de-l-ecocolo-ecoconome.over-blog.com/2015/06/le-mythe-des-reparations-allemandes.html

COMMENTAIRES  

11/06/2015 16:07 par Roger

"On a tous appris à l’école..." Pour ma part je confirme.
Mais alors que se passe-t-il à l’école ? Comment mes professeurs d’Histoire (Bac+4, mini, emplois sécurisés) ont-ils pu accepter d’enseigner ce qui n’est plus de l’histoire, mais de la propagande (pardon, de la "communication") ? Eux qui ont été formés à la démarche historique des sources multiples (attestées par des documents, des archives, etc...), qui devraient être inspirés par l’esprit critique (capacité à se forger une opinion argumentée) qui constitue une des finalités de l’enseignement.
Je m’inquiète de l’insistance à vouloir introduire à l’école une formation à la lecture des media, une fois de plus pour former l’esprit critique des élèves, alors qu’il s’avère, semble-t-il, relativement facile de manipuler la lecture de l’Histoire ? Certes on pourrait exclure de l’étude les média liés à des intérêts particuliers...Mais alors que resterait-t-il à étudier ?
A part LGS bien entendu !

11/06/2015 23:12 par Taliondachille

Cher Roger, reportez-vous à l’ouvrage suivant d’Annie Lacroix-Riz :
L’Histoire contemporaine toujours sous influence, Paris, Le Temps des cerises, 2004
se trouve sur www.lalibrairie.com

11/06/2015 23:27 par Autrement

" Les victimes de l’Occupation sont priées d’oublier leurs demandes de réparation."

Décidément, la Grèce est aussi le grand révélateur de l’Histoire de notre temps.

12/06/2015 10:51 par Dwaabala

Il n’y a pas réécriture de l’histoire au sujet des réparations de la guerre de 14-18.
Les conditions imposées étaient humiliantes pour l’Allemagne, et la France était acharnée à les faire respecter pour la part qui la concernait.
Qu’elle ait échoué, à commencer dans l’occupation militaire de la Ruhr, la plus importante région industrielle allemande, pour obliger l’Allemagne à payer, en 1923, puis du fait de la politique des USA, ne change rien.
En Allemagne, la question des réparations a amplifié le ressentiment contre la France et nourri un révisionnisme revanchard qu’ont largement exploités Hitler et les nazis dans leur conquête du pouvoir.

13/06/2015 03:39 par alain harrison

Bonjour.

Survol intéressant à première vue.
Mais il y des questions qui me chicottent.

D’abord, le montant.

« « Ce montant a été fixé à Londres en 1921, à 132 milliards de mark-or, ce qui correspondait à un semestre du revenu national de l’Allemagne » »
L’Allemagne d’aujourd’hui ou de l’époque. 132 milliards de mark-or revenu semestriel ?

Et puis, il n’y a aucune référence.....d’archives ou documents ou articles....
Sauf ??? :
http://les-tribulations-de-l-ecocolo-ecoconome.over-blog.com/2015/06/le-mythe-des-reparations-allemandes.html.

Est-ce une question sérieuse.......cet article.....

(Commentaires désactivés)