Après le Mali : la Mauritanie, le Niger, l’Algérie, le Burkina Fasso ?

Le Mali à la carte

Leyla Carrillo Ramà­rez

En France, la gastronomie, la mode, les parfums et les arts se font remarquer. Toute personne gourmande satisfait ses expectatives en choisissant son plat favori, servi "à la carte" . Cependant la production française va au delà des subtilités et des goûts, perfectionnés par des mains expertes et s’étend à des domaines dangereux.

Le pays occupe la 4è place en matière d’exportations d’armements et le 3è fournisseur d’armes aux pays sous développés. L’Asie, l’Océanie et le Moyen Orient sont ses principaux clients.

L’Empire colonial français s’est étendu au continent africain, à plusieurs territoires asiatiques et à quelques territoires en Amérique Latine. Il a été le précurseur de ce que le gouvernement étasunien a baptisé « le pouvoir intelligent ».

Les entreprises, la technologie, les investissements et l’éducation d’Africains dans des universités de l’ancienne métropole, ont facilité la présence française après la libération de plusieurs pays, sous la forme néocoloniale. Malgré le processus de décolonisation appuyé par les Nations Unies, la France conserve des colonies comme la Nouvelle Calédonie, le Mayotte, la Réunion et la Guyane, où elle a des bases militaires et navales capables d’intervenir rapidement dans diverses géographies.

L’irruption de la France au Mali ne doit pas surprendre. L’origine de son intervention rapide, pourrait se trouver dans le plat idéal, « servi à la carte » avec la demande d’aide préalable du Président, suite à des contradictions entre le gouvernement, les militaires, les conditions très instables dans cette région, les rebellions des Touaregs et une instabilité politique généralisée qui ont favorisé cette attitude impérialiste.

Cependant, les origines de cette "nouvelle guerre" se trouvent dans des objectifs de recolonisation (sans tenir compte du parti politique au gouvernement). Dans le panorama global complexe il y a un repositionnement dans des zones clefs, étant des grandes réserves de matières premières, vitales pour l’impérialisme. Il suffit de réviser le livre blanc de la stratégie nationale française de 2007 pour comprendre que le sort de l’Afrique est prioritaire dans les objectifs de Paris :

- "les dits foyers de tension déterminent les menaces à la sécurité française, notamment en Afrique, dans la zone allant de la Mauritanie jusqu’à la Somalie.

- la France s’arroge le droit d’ingérence ou invoque la Nécessité de protéger (R2P) comme principal instrument de sa politique, là où elle estimera qu’il y a une menace pour sa sécurité et celle de ses principaux alliés …

- L’autorité pour ses missions de paix doit être appuyée par des mandats ou des résolutions de l’ONU.

- Les trois zones géographiques de plus grand intérêt sont le Nord de l’Afrique, la Corne Africaine et les Grands Lacs.

- La France et l’Europe ne peuvent pas se désintéresser du Continent le plus proche : l’Afrique, disposant de grandes ressources et d’un potentiel humain et économique considérables.

- les problèmes ayant les plus grandes incidences directes sont : l’immigration clandestine, la radicalisation religieuse musulmane et le développement de sectes fondamentalistes, l’implantation de groupes terroristes qui disent appartenir à Al-Qaïda, l’apparition de nouvelles routes de la drogue, le trafic d’armes illicites, le blanchiment d’argent et les risques sanitaires " .

Le Mali réunissait toutes les conditions pour l’incursion française : sa libération nationale en 1960, le panafricanisme et le non alignement appliqué par le dirigeant Modibo Keita, la nationalisation des propriétés étrangères, coups d’état, prédominance musulmane (Salafistes), le manque de contrôle sur le Nord, dominé par la branche africaine de l’Al-Qaïda, le Mouvement National de Libération, (MNLA), le Jihad d’Afrique Occidentale (MUJAO), Ansarai Din et la population Touareg.

Mais ce qui était décisif c’est que tout en étant l’un des pays les plus pauvres du continent, le nouveau conflit belliciste a lieu dans la 3è plus grande réserve d’or en Afrique, un pays producteur d’uranium, de sel, de caolin, de phosphate, de pierre silice, de coton, de riz, de maïs, de tabac, de bétail.

Depuis 2011, les conditions ont été créées avec une précision millimétrique, de façon à garantir un appui international sur la base de la formule modifiée par les pôles du pouvoir de " la nécessité ou la responsabilité de protéger », qui en 1994 a été présentée comme « l’obligation d’un état à se défendre et à résoudre ses problèmes internes " .

A l’heure actuelle, on y a recours, pour procéder à " l’ingérence humanitaire" ou le droit d’intervenir, bafouant ainsi la souveraineté et l’égalité des États, qui sont toujours des pays sous développés, pauvres, en faillite, qui ont des déficiences humanitaires, environnementales et sanitaires …

Le Mali représente pour la France, la reconquête d’une place perdue, qui l’avait obligée à promouvoir des actions successives pour alerter sur « ses dangers internes, ayant une incidence pour la paix " .

Le rôle de protagoniste de la France peut être apprécié dans sa participation dans l’agenda de l’Union Africaine, dans la collaboration avec la Communauté Economique d’Afrique Occidentale ; dans les résolutions du Conseil des Droits de l’homme, jusqu’à l’obtention de la carte blanche pour diriger la caravane humanitaire de sauvetage étant à même de « garantir la permanence de l’Etat et la protection civile " .

L’intervention a débuté par une mission internationale d’appui, décidée par le Conseil de Sécurité de l’ONU et formée de 3 300 effectifs. La France a envoyé dans un début 550 soldats dans le cadre de l’opération "Serval" , qui avait pour but le contrôle du nord, moyennant des raids aériens, auxquels se sont ajouté les premiers blindés. Le nombre d’effectifs devra aller jusqu’à 2 500.

L’internationalisation de "l’aide" peut être appréciée dans la participation du Nigeria, avec 900 soldats, du Niger avec 600 ; du Sénégal, du Burkina-Faso et du Togo, qui en enverront 500 et le Bénin 300.

L’Union Européenne est un acteur présent. Malgré la crise imparable qu’affronte la majorité de ses 27 états membres, l’Italie a d’ores et déjà décidé d’un « appui logistique » et l’Allemagne apportera deux avions pour le transport des troupes en provenance d’autres pays.

La politique européenne de Sécurité commune, (PESC) en vigueur depuis 2003 a parmi ses priorités : refonder des états d’Afrique occidentale en décomposition, en faillite ou présentant des taux de délinquance ; renforcer la capacité opérationnelle et les dispositifs permanents entre l’UE et l’OTAN, combattre le terrorisme, prévenir tout manque de gouvernabilité, la délinquance organisée et la piraterie et souligne l’intérêt sur les ressources énergétiques et les matières premières africaines …

Bien que certains membres de l’Union Européenne n’envisagent pas de participation directe de leurs forces, on a su qu’un contingent de 400 effectifs pourrait être envoyé au Mali à partir de février.

Il ne faut pas perdre de vue l’omniprésence de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN dans toute la géographie.

Le général Jean-Paul Palomeros, chargé de transformer l’Alliance a exprimé " sa fierté suite à la décision de la France de mettre un frein au jihadisme au Mali, même s’il a écarté toute intervention en appui aux troupes françaises, car il s’agit d’une opération nationale " . Cependant, l’UE n’a pas encore une logistique qualifiée et son Traité de Lisbonne établit des engagements pour la " défense » dans le cadre de l’OTAN.

Les États-Unis ne se sont pas prononcés sur le nouveau conflit. Ils resteront plus que prévu en Afghanistan, les blessures de l’Irak sont toujours ouvertes et les agressions non déclarées contre le Pakistan grossissent le budget militaire du plus grand Empire.

Cependant, le Secrétariat de la Défense a confirmé son intention de donner de "l’appui logistique limité" et d’intelligence à la France lors de son aventure au Mali. La Maison Blanche est en train de considérer en plus la possibilité d’envoyer, dans cette nation africaine un groupe limité de drones, le nouveau jouet de guerre, qui massacreront aussi bien des combattants que des civils sans discrimination.

Une fois de plus, un conflit interne est internationalisé, au profit des puissants. Une guerre n’est pas encore achevée, qu’une autre éclate. Nous pouvons parier que les crimes de guerre et de lèse humanité vont augmenter comme résultat de la manipulation des normes internationales. La migration, le délogement, la faim se reproduiront. Cette fois-ci la France est l’acteur principal sur le terrain.

La prochaine victime pourrait être un pays voisin du Mali : la Mauritanie, le Niger, l’Algérie, le Burkina Fasso. Qui peut dire lequel ? La table du gourmand est bien servie, avec un plat exclusif, à la carte.

carte du Mali : http://2.bp.blogspot.com/-SQGBDenbZzA/UPm0-LfT-CI/AAAAAAAAQCk/7jxmhLdKUdA/s1600/territorio+tuareg+y+minerales+en+elwatan.jpg

Source : RHC

COMMENTAIRES  

23/01/2013 11:20 par Anonyme

Et comment, qu’elle soutient la France, l’UE ! (Sans parler des USA et de leur système de surveillance du Sahara pourtant si éprouvé)

http://www.urtikan.net/dessin-du-jour/mali-les-europeens-serrent-les-rangs-derriere-la-france/

23/01/2013 15:01 par Lionel

Les réserves naturelles de ces pays sont devenues un enjeu stratégique de première importance.
Imaginons un instant le prix de l’U à payer au Niger et bientôt au Mali ramené à sa juste valeur, soient environ 4 à 5 fois ce qu’il est payé aujourd’hui... Comment continuer à justifier de l’utilisation du nucléaire comme production énergétique ? 40% du combustible utilisé dans les centrales françaises viennent du Niger, une autre part fait partie d’un contrat clé en main avec la Chine pour deux EPR et le combustible pour les années à venir, la France ne peut se permettre un flop sinon c’est toute la chaîne qui s’effondre.
La production de cuivre dont le cours a augmenté de plus de 300% en dix ans et qui se raréfie dangereusement.
Total est sacrément impliqué dans l’exploitation du pétrole dans le golfe y compris en off-shore...
La France a passé des décennies à élaborer des plans néocoloniaux pour renforcer sa présence dans la corne africaine et bien des gouvernements successifs corrompus et criminels ont été soutenus, c’est le cas du gouvernement malien.
Les intégristes ne sont plus les braves sauvages que l’on maîtrisait à la belle époque, ils ont des revendications nationalistes et ne sont pas prêts à se prêter au jeu des multinationales, s’il arrivait qu’ils parviennent un jour au pouvoir dans ces régions s’en serait fini de l’économie française.
Dans un tel cas et avec l’aide du diable il vaut mieux soutenir l’insoutenable...
Et puis la guerre ne sert-elle pas de soupape à la cocote dans ces temps de crise ?
Ca vous fait quand même quelques petits débouchés assurés avec une belle plus-value et du travail.
Quand je pense qu’à Toulouse certains syndicalistes ( ... ) s’opposaient à la fermeture de la fabrique de combustible de missiles, ben voilà , y zavaient bien raison, la preuve, on en a besoin maintenant !

23/01/2013 20:08 par Anonyme

Les intégristes ne sont plus les braves sauvages que l’on maîtrisait à la belle époque, ils ont des revendications nationalistes et ne sont pas prêts à se prêter au jeu des multinationales,

Pourriez-vous faire l’effort de vous informer avant de vous lancer dans de pareilles déclarations ?

Même la presse vendue (RFI, Le Figaro, par exemple) a déjà expliqué en long et en large qu’au Mali, il convient de distinguer les groupes de trafiquants terroristes qui se disent fondamentalistes, qui ne sont pas plus Maliens que ceux qui agissent en Syrie (aqmi, Mujao), des groupes qu’on peut qualifier de nationalistes (encore que c’est un peu plus compliqué que ça) : ceux qui combattent avec le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad), qui n’est pas un groupe confessionnel et qui regroupe des militants du nord du Mali (Peuls, Bela, qui sont noirs, Touaregs, qui sont blancs), ou avec Ansar dine, qui est un groupe islamiste fondamentaliste, qui regroupe des Jihadistes également du nord Mali.

Vous gagneriez à prendre connaissance de ces quelques articles dont j’ai déjà mis l’adresse sur le GS à propos du Mali :

http://www.malijet.com/la_societe_malienne_aujourdhui/62374-intervention-francaise-mahmoud-dicko-approuve-et-critique-le-qat.html

http://www.legrandsoir.info/communique-du-mnla-mouvement-national-de-liberation-de-l-039-azawad.html

Vous pourrez les compléter en lisant avec un regard critique la presse vendue, ou en recherchant vous-mêmes d’autres articles puisés à des sources aussi diverses que possible...

Bonne lectures.

23/01/2013 21:15 par Quidam

"Une fois de plus, un conflit interne est internationalisé, au profit des puissants. Une guerre n’est pas encore achevée, qu’une autre éclate. Nous pouvons parier que les crimes de guerre et de lèse humanité vont augmenter comme résultat de la manipulation des normes internationales. La migration, le délogement, la faim se reproduiront. Cette fois-ci la France est l’acteur principal sur le terrain."

C’est en effet le constat que ceux qui ne sont pas encore cmplètement dérébrés font, Manlio Dinucci a écrit aussi un excellent article dans Il Manifesto du 22/01/2013 dans le même esprit.

23/01/2013 22:20 par Lionel

Euh, ça avait l’intention d’être un peu second degré mais visiblement c’est un four !
Quoiqu’il en soit vous avez raison, j’ignore les détails des tendances parmi ces groupes et si la situation s’en trouve complexifiée, la raison de mon intervention reste celle de l’inquiétude des gouvernants ( pas de moi, ça va j’aperçois d’autres alternatives que la guerre ) du risque énorme de se priver de matières premières ; nationalistes ou simples intégristes leur objectif commun est de virer les colons !
Non ?

24/01/2013 08:26 par Anonyme

A Lionel,

Non, justement.

24/01/2013 12:35 par Lionel

A Anonyme et Quidam, je pense que vous sous estimez la question et passez à côté d’une autre vision possible !
http://observ.nucleaire.free.fr/armee-francaise-niger-mines.htm
C’est aussi l’intérêt de penser ensemble les événements, chacun sa pierre à l’édifice...
Je crois que S. Lhomme ne connaît pas très bien non plus les subtilités des tendances politiques ou religieuses des différents groupes rebelles, ce qui ne donne pas pour autant tort à ses hypothèses !

27/01/2013 07:47 par MOUTOU

A "anonyme". Tout dépend de ses sources . Lorsqu’on fait référence au "Figaro" pour beaucoup de lecteurs c’est un journal assez circonspect ? Demandez-vous à quel grand groupe de presse appartient ce journal et vous saurez si on peut se fier à leurs infos et analyses . Quelle politique ses journalistes sont contraint de défendre , quels intérêts économiques et culturels sont-ils au service ? On préfère se référer aux journaux d’info alternative tel "LE GRAND SOIR " qu’on doit absolument aider afin de nous éclairer et dénoncer toutes les impostures des fachos . MERCI LGS .

29/01/2013 21:41 par Jean-Louis50

Selon Glenn Greenwald du Guardian :
Selon le New York Times, des cadres d’unités d’élite de cette armée, « entraînés minutieusement par les États-Unis, firent défection quand on eut vraiment besoin d’eux, en emportant chez l’ennemi, au plus fort de la bataille, des troupes, des armes, des camions et leurs compétences récentes, selon des responsables de l’armée malienne. » Puis, « un officier entraîné par les États-Unis a renversé le gouvernement élu du Mali, préparant le terrain pour la prise de la moitié du pays par des forces extrémistes islamistes. »

Il semble que la menace islamiste serve de prétexte à une intervention française non par humanité mais plutôt comme une manoeuvre antichinoise :
http://www.resistance-politique.fr/article-mali-intervention-humanitaire-ou-manoeuvre-antichinoise-114829052.html

(Commentaires désactivés)