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La culture générale pour tous, une ambition scolaire dépassée ?

Pour l’Aped, l’acquisition par tous les jeunes d’une « culture classique » constitue l’un des éléments constitutifs d’une Ecole véritablement démocratique. Pourtant bon nombre de discours, dont certains tenus par des voix se réclamant du progressisme, tendent à mettre en cause — ou du moins à relativiser — l’opportunité d’un tel objectif. La culture générale est ainsi suspectée d’être un simple instrument de domination, de reproduction ou de distinction sociale. Ou encore un encombrant bagage pour naviguer dans un « monde moderne en perpétuel changement », qui réclamerait bien davantage des « têtes bien faites » aptes à s’adapter plutôt que des têtes trop pleines de lourds savoirs invariablement présentés comme inertes... Alors, la démocratisation de la culture générale par l’Ecole... une ambition surannée ?

La culture... Un élitisme excluant au service des dominants ?

Ardent défenseur de la culture populaire, Claude Duneton (1979) écrivait ces lignes, il y a un peu plus de 40 ans :

« C’est que nous croyons à la culture. A une certaine culture... Et la culture c’est quelque chose ! Ça intimide. On n’ose pas la gratter. Elle nous a été donnée, on lui fait des révérences... A force de vous entendre seriner dès l’enfance que tout ce que l’on vous propose est bel et bon, est l’Exemple même, la Beauté en tenue de gala, vous finissez par y croire. Pendant longtemps, lorsque j’entendais le mot culture, je pensais d’abord à un champ de pommes de terre... (...) Et puis naturellement je me rappelais bien vite que c’était pas ça : qu’il s’agissait de la Grande Culture, de l’unique, de la vaste, de la très belle, de la Culture aux grands pieds ! « L’ensemble des connaissances acquises qui permettent à l’esprit de développer son sens critique, son goût, son jugement », comme dit Robert. – Oui mais c’est très orienté tout ça, non ?... Le goût, le jugement... L’ensemble des connaissances acquises peut-être, mais ça dépend tout de même lesquelles ! On ne dit jamais de quelqu’un par exemple : « Cet homme est très cultivé, il connait Marx et Lénine sur le bout du doigt. » Hein ? C’est vrai, ça fait curieux comme remarque... A l’oreille, ça ne passe pas. Pas plus que : « Cultivé ? Vous pensez, il travaille sur les nouveaux ordinateurs Machin ! » Ce serait choquant à la limite... Non, un homme cultivé, ce n’est pas ça. Il connait d’abord ses classiques. Non pas pour en faire une critique historique circonstanciée, non, comme ça, pour l’ornement de ses pensées. Racine, il en cite deux ou trois vers... Mallarmé. Il sait reconnaitre un Breughel, un Beethoven. Il a lu Proust en entier, Balzac... Bref il est cultivé quoi ! On dit aussi que la culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié. Ben oui. Ce qui reste, c’est un sentiment, une impression, une manière de voir les choses – une vision. Comme on a oublié d’où elle vient cette vision, elle nous parait naturelle, la seule qui soit. C’est comme celui qui porte des lunettes de soleil, il oublie ses verres teintés ; ça lui colore l’existence, il cherche pas à en savoir plus long ».

Duneton invitait ainsi ses lecteurs à observer une forme de méfiance à l’égard d’une certaine conception « bourgeoise » de la culture, de même qu’il dénonçait la déférence dont on pouvait faire preuve à son endroit. Comme d’autres en son temps, il interrogeait l’arbitraire de l’élection des contenus culturels légitimes, qui détermine les connaissances, les goûts et les usages qui se trouvent inclus ou au contraire exclus de la « Grande Culture ». Il mettait en évidence le fait que cet arbitraire n’est pas neutre, et légitime un certain ordre des choses, favorable aux puissants.

C’est un questionnement qui conserve de sa pertinence aujourd’hui... Dans un plaidoyer en faveur de la culture générale, Normand Baillargeon (2011) met lui aussi en évidence les biais classiste, sexiste, ethnocentriste voire raciste que l’on peut trouver à foison dans les productions culturelles du passé, qui véhiculent les partis-pris et les stéréotypes de leur temps, et dont on observe encore parfois la persistance dans des productions contemporaines... et ce jusque dans les manuels scolaires (CEMEA, 2012). Faut-il pour autant écarter Balzac et Flaubert au motif qu’on peut trouver sous leur plume, çà et là, un réel mépris des classes laborieuses ? Ou renoncer à Colette ou à Victor Hugo parce que certains de leurs textes se font l’écho de la condescendance occidentale qui prévalait en leur temps ? Ou encore faire l’impasse sur la mythologie grecque ou la philosophie de Proudhon du fait qu’on puisse y trouver les stigmates d’une évident sexisme ? Pour Baillargeon, ces critiques tout à fait fondées faites à la « culture classique » ne constituent évidemment pas des raisons suffisantes pour procéder à son oblitération ni pour disqualifier l’ambition de la faire partager au plus grand nombre. Plutôt que de jeter sans ménagement la culture classique par-dessus bord, le travail de l’enseignant consiste bien davantage à contextualiser ces œuvres culturelles, et à développer avec les élèves un rapport critique et circonstancié à leur égard. Loin de la pieuse déférence à l’égard des œuvres de la culture classique dénoncée à juste titre par Duneton, c’est ce regard critique qui peut permettre de discuter à la fois de leurs qualités et de leurs aspects les plus contestables, et de décrypter in fine la vision du monde qu’elles donnent à voir, pour éventuellement en débattre... En bref, il s’agit, comme le dit bien Meirieu (in Kübler, 2001), de « rencontrer les œuvres sans s’y soumettre ». Peut alors s’installer en classe un dialogue avec celles-ci, qui nourrit la pensée des élèves et contribue à élargir leurs horizons. Tout en observant toutes les précautions dues à l’âge des élèves et à leur maturité psychologique relative, il parait nettement plus formateur de les amener à construire leur pensée avec et contre les œuvres que sans elles.

Il est tout aussi nécessaire de remédier aux biais d’une certaine culture classique en incluant dans la sphère de la « culture scolaire légitime » ces formes culturelles qui en ont été arbitrairement exclues. Il ne s’agit pas là de sombrer dans un relativisme qui consisterait à affirmer qu’il y a une équivalence entre les « grandes œuvres » et les marchandises culturelles les plus futiles pourvues par une certaine industrie culturelle et médiatique, qui participe du détournement de la pensée plutôt que de son développement (Postman, 1985) [1]. Il s’agit plutôt, notamment, d’octroyer tout l’espace qu’ils méritent à la culture populaire [2] et à des genres culturels trop souvent dédaignés [3] – musique populaire, bande dessinée, science-fiction, théâtre populaire, folklore, art urbain, etc. – qui recèlent pourtant de véritables joyaux, et/ou qui peuvent constituer, en tant que produits d’un contexte historique et géographique, des portes d’entrée tout à fait pertinentes pour une lecture politique, idéologique, philosophique voire religieuse des sociétés (Mordillat, 2010). Dans la même perspective, doivent immanquablement avoir leur place en classe les œuvres qui portent la voix des classes populaires et des personnes victimes du sexisme, du racisme, ou d’autres injustices. Les romans, BD, chansons, peintures, films, photographies, pièces de théâtre... peuvent ainsi faire ressentir le caractère inique et la dureté des situations éprouvées par ces personnes, et devenir, comme l’écrit Frédéric Lordon (2016), des « machines affectantes » qui donnent l’envie de s’intéresser plus avant aux problématiques qu’elles soulèvent. Précisons aussitôt que pour dépasser le seul stade de l’émotion et de l’indignation, il est absolument nécessaire que ces « machines affectantes » que sont les arts et la littérature soient solidement arrimées à la transmission d’un vaste socle de connaissances, indispensables pour structurer les pensées et les potentielles luttes ultérieures. De même, toute œuvre, si progressiste soit-elle, exige en classe un examen critique rationnel [4] sans lequel l’enseignement verse dans l’endoctrinement, et l’objectif d’émancipation le cède à la manipulation et à la propagande. Le biais ethnocentriste peut quant à lui être « corrigé » en introduisant en classe des produits d’autres cultures, actuelles ou passées, et en procédant à une « épistémologie interculturelle » qui montre comment les connaissances et les pratiques des Hommes se sont bâties à travers le temps via une interfécondation réciproque des différentes cultures. Au cours d’Histoire, ce biais ethnocentriste peut encore être contrecarré en croisant les regards sur un même événement (la colonisation, la guerre froide...). Avec les élèves en fin de scolarité obligatoire, on pourrait éventuellement procéder au même exercice de décentration à partir d’éléments de l’actualité : confronter par exemple la position des « démocraties occidentales » à celles du reste de la « communauté internationale » sur la « question tibétaine », le Venezuela, le nucléaire iranien, etc.

Un pur instrument de distinction ?

Le fait que la bourgeoisie cherche à se distinguer, par la culture, des autres classes sociales était déjà formalisé en 1925 par Edmond Goblot, mais c’est généralement vers Bourdieu que les yeux se tournent sitôt que l’on évoque La Distinction et la volonté de la bourgeoisie d’user de sa maîtrise de la culture classique (notamment...) comme d’un procédé d’esbrouffe. On n’entrera pas ici dans une description de la thèse de Bourdieu, qui est plus complexe et nuancée que la caricature que l’on en fait parfois. Ce qui nous intéresse est plutôt cette vulgate qui en est issue, et qui tend à présenter la transmission de la culture classique comme un projet aux accents réactionnaires.

Cette vulgate, donc, part de la prémisse selon laquelle la bourgeoisie affiche son affinité et son aisance avec la culture classique pour faire montre de sa supériorité. Cet état de fait était peu contestable à l’époque où Bourdieu publiait La Distinction, mais il doit être fortement nuancé aujourd’hui. Coulangeon (2011), Glevarec (2013) et Lahire (2004) montrent ainsi, chacun à leur manière, que les goûts et les pratiques culturels de la bourgeoisie n’ont plus l’homogénéité d’antan, et ne se conforment plus strictement à la culture classique, tant s’en faut. On assiste en effet à un affadissement des hiérarchies culturelles, et la distinction opérerait maintenant davantage par la démonstration de son éclectisme culturel plutôt que par une affiliation étriquée à la culture classique (Donnat, 1994 ; Peterson, 1992), qui passerait plutôt pour de la ringardise.

Mais là n’est pas l’essentiel... A partir de cette prémisse quelque peu datée, d’aucuns en viennent ensuite à réduire la culture classique à un simple instrument de distinction, lui ôtant ainsi tout ou partie de sa valeur intrinsèque. Cette déduction parait pour le moins hasardeuse... Quand bien même la bourgeoisie ferait un usage ostentatoire de la culture classique pour affirmer sa superbe, cela ne signifierait pas pour autant que cette culture n’a pas de valeur en elle-même. Nul doute que certains pédants affichent leur goût feint ou réel pour Mozart ou les grands crus pour épater la galerie, mais cela n’enlève rien à leur authentique saveur respective...

Une autre idée souvent associée à ces arguments consiste à affirmer que la sélection scolaire s’exercerait principalement à partir de la maitrise de la culture classique, et que l’importance accordée à cette « culture élitiste » par l’Ecole concourrait donc à la Reproduction. Ce n’est évidemment pas totalement faux, mais cela mérite cependant d’être significativement relativisé, la « rentabilité scolaire » de la culture classique étant déclinante et dépassée par d’autres facteurs dans le processus de Reproduction (Draelants, 2018). Puis, surtout, cet état de fait ne devrait pas conduire au renoncement ! Par exemple, la maîtrise de la « langue cultivée », inégalement stimulée par les familles, est sans nul doute un avantage pour les enfants des classes supérieures... Faut-il dès lors en rabattre sur les ambitions en ce domaine au motif de ne pas « défavoriser » les élèves issus des classes populaires ? Ou plutôt se battre pour construire un système scolaire qui puisse faire accéder ces derniers à ce qui était auparavant la chasse gardée de la bourgeoisie ? La seconde option s’impose immanquablement aux partisans d’une école à la fois ambitieuse et égalitaire. C’est un projet difficile, puisqu’on fait le pari de résorber les inégalités socio-culturelles, et qu’on est même parfois confronté à la résistance des élèves les plus éloignés de cette culture qu’on souhaite leur transmettre. Une pseudo-bienveillance, prenant les traits de la compassion, consisterait alors à leur éviter de se confronter à cette « culture élitiste » exigeante qui les met en difficulté où à laquelle ils rechignent... Ce serait là une bienveillance de pacotille, fortement teintée de résignation, qui reviendrait à enfermer les élèves dans leur condition sociale initiale.

Une culture humaniste, oui... mais pas seulement

Si la culture générale est bien autre chose qu’un instrument de distinction, quelles sont alors les fonctions essentielles qu’elle remplit et qui justifient qu’on fasse tant de cas de sa transmission à l’Ecole ? On n’a certainement pas la prétention, ici, de répondre à cette question de façon exhaustive... Quelques éléments de réponse sont déjà apparus en filigrane dans les paragraphes précédents, concernant notamment les cultures artistique et littéraire, qui permettent d’étendre notre imaginaire, en nous faisant accéder aux situations que d’autres peuvent vivre, et aux émotions qu’ils peuvent ressentir. Ce faisant, ces œuvres contribuent « à l’extension de notre sympathie et à briser ces barrières qui nous interdisent de voir l’Autre comme un être humain » (Baillargeon, 2011, pp. 69-70). Nous avons par ailleurs évoqué ce dialogue critique avec les œuvres qui éclaire la pensée des élèves et les aide à se construire, « parce que le livre est le lieu où l’on peut entendre la tradition et projeter dans les interstices, dans les interlignes, ses propres préoccupations (...), parce que ces grandes œuvres-là restent des œuvres qui nous permettent de trouver du sens à notre propre vie, non pas le sens de ces œuvres, mais le sens de notre vie confrontée à de nouveaux problèmes, mais éclairée par la culture des Hommes » (Meirieu, in Kübler, 2001). Il y a encore, bien sûr, le plaisir que les arts et la littérature nous procurent, et qu’on aurait tort de considérer comme variable négligeable.

La culture générale a encore une fonction plus large, et fondamentale : son acquisition devrait permettre aux futurs citoyens que sont les élèves de se forger une pensée autonome qui les autorise à participer à la « conversation démocratique » en citoyens éclairés (Baillargeon, 2011). Loin d’être une coquetterie au service de « l’ornement des pensées », la culture générale constitue un instrument central de la compréhension du monde et de sa transformation ultérieure. Sitôt que l’on assigne cette fonction démocratique à la culture générale, il devient évident qu’on ne peut la limiter à son acception usuelle, qui tendrait à la circonscrire à ses dimensions littéraire et humaniste. Or pour comprendre le monde et y agir en citoyen critique, cette culture littéraire et humaniste est certes indispensable, mais en aucun cas suffisante. Traversant des enjeux socioéconomiques, sanitaires, environnementaux, éthiques, etc., les débats et luttes actuels et futurs exigent non seulement des citoyens qu’ils disposent d’une culture littéraire, artistique, historique, géographique et philosophique, mais aussi qu’ils puissent s’appuyer sur de larges connaissances scientifiques et mathématiques, ainsi que sur une véritable culture polytechnique (Hirtt, 2012).

Le territoire de ces connaissances indispensables à la compréhension du monde est immense. Et c’est d’ailleurs une tâche primordiale pour les progressistes de les identifier, discipline par discipline, avec les arbitrages que cela implique. Sacré défi... Hirtt, Kerckhofs & Schmetz (2015) et Baillargeon (2011) ont déjà proposé des grandes lignes de cet inventaire, tandis qu’aux Etats-Unis, Hirsch, Kett & Trefil (2002) en ont fait un répertoire de près de 700 pages. Avis aux amateurs...

Un objectif hors de portée ?

Face à l’ampleur des contenus qu’il s’agit dès lors de faire acquérir aux élèves, d’aucuns prônent... le renoncement. Devant l’inflation exponentielle des connaissances humaines, disent-ils, l’enjeu actuel n’est plus tant d’assurer leur illusoire transmission, mais plutôt de développer des méta-compétences [5] telles que la résolution de problèmes, l’esprit critique, la créativité ou encore la capacité d’apprentissage (elle-même déclinée en diverses formules : « apprendre à apprendre », « apprendre tout au long de sa vie », etc.). Ils n’écartent pas les savoirs, mais tendent à minorer leur importance et à les présenter comme inadaptés à « un monde en perpétuel changement » : « Le monde moderne se moque bien de ce que vous savez », déclare ainsi Andreas Schleicher (in Baumard, 2014), directeur de l’éducation de l’OCDE.

C’est un curieux raisonnement, après avoir constaté que la production des connaissances est en plein essor, d’en déduire qu’il faille en transmettre une quantité moindre... On voit bien sûr poindre, derrière cet argumentaire, l’opportunisme des milieux économiques, qui n’ont de cesse de réclamer la formation de travailleurs flexibles et « compétents » (Hirtt, 2009), et font peu de cas des connaissances qui conditionnent l’exercice d’une citoyenneté critique. Mais au-delà de cela, même à considérer sérieusement ces méta-compétences, on ne peut que constater qu’elles requièrent de très solides et de très vastes connaissances.

Comment en effet résoudre un problème de mécanique automobile par exemple, si l’on n’a aucune connaissance sur le sujet ? La résolution de problèmes, pour être efficace, exige toujours des connaissances disciplinaires ou techniques bien ancrées en mémoire. Certains diront qu’« il suffit d’aller voir sur internet », pour autant qu’on ait « appris à apprendre »... A la limite, cette solution peut être envisagée pour des problèmes mineurs qui exigent très peu de prérequis. Mais sitôt que les problèmes se complexifient (comprendre un article sérieux sur la situation politique au Proche-Orient, le nucléaire et les énergies renouvelables, suivre un webinaire sur la physique quantique ou la programmation informatique...), plus il est nécessaire de disposer de solides connaissances, qui jouent le rôle de structures d’accueil des nouvelles informations, et en conditionnent la compréhension et l’appropriation. L’idée selon laquelle il existerait une capacité de résolution de problèmes et une capacité d’apprentissage transversales, indépendantes des savoirs et transférables à divers domaines relève ainsi largement de la mystification (De Bruyckere, Kirschner & Hulshof, 2020 ; Ericsson & Pool, 2016 ; Roterham & Willingham, 2010).

Il en va de même pour la créativité : sauf à la confondre avec un vulgaire spontanéisme qui consisterait à produire du pas-grand-chose à partir du néant, on se rend vite compte qu’elle est tributaire de la disponibilité en mémoire de larges connaissances. Créer un vaccin, une œuvre artistique, une recette de cuisine, c’est réaliser une recomposition inédite à partir de connaissances que l’on a acquises précédemment ; et plus notre répertoire de connaissances est vaste, plus il donne de l’envergure à notre créativité.

L’esprit critique, enfin, n’est pas davantage une capacité qui se développerait et opérerait hors-sol. Pour faire preuve d’esprit critique, nous devons certes mettre en œuvre des attitudes prudentielles et une démarche sceptique (vérifier les sources, évaluer la validité des éléments de preuve, les confronter aux arguments adverses...), mais nous devons complémentairement disposer de connaissances propres au sujet traité. Nous ne sommes jamais aussi vulnérables face aux manipulations que lorsque nous sommes ignorants dans un domaine : dénués des connaissances qui nous permettent de mettre en perspective la nouvelle information qui nous est donnée, nous sommes incapables d’en évaluer la validité et sommes d’autant plus exposés aux sophismes. A l’inverse, si nous disposons déjà d’un certain bagage de connaissances solides à propos d’une thématique, nous sommes mieux armés pour déceler l’incongruité d’une nouvelle information, ce qui ne doit pas nous conduire à l’écarter hâtivement, mais simplement nous inciter à la passer à travers le tamis de l’examen critique avec d’autant plus d’attention.

Que ce soit en matière de résolution de problèmes, de créativité, d’esprit critique ou d’aptitude à apprendre, il n’est décidément pas de tête bien faite qui ne soit aussi bien pleine...

La nécessité d’indispensables réformes structurelles

Le monde complexe et incertain qui est le nôtre aujourd’hui et qui sera celui des élèves demain exige donc de chaque citoyen une culture générale plus riche que jamais. Pour tout mouvement progressiste, se départir de cet objectif ambitieux, fût-ce avec les meilleures intentions, procèderait du sabordage. Mais il ne suffira pas, bien entendu, de décréter cet objectif pour qu’il se réalise derechef... De même qu’il ne suffira pas non plus d’enjoindre les enseignants à innover en élaborant des « plans de pilotage » ; ce serait là leur faire porter l’entière responsabilité de compenser les ratés d’un système éducatif structurellement déficient. Si l’on veut que tous les élèves acquièrent une ambitieuse culture générale, il est indispensable d’agir aussi sur les conditions structurelles de notre enseignement. Un vrai tronc commun, qui donne le temps à tous les élèves de s’approprier la culture commune avant de se spécialiser, est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faudra en outre en finir avec la ségrégation scolaire qui creuse les inégalités. Renforcer également l’encadrement en début de scolarité pour que tous partent sur de bonnes bases et construisent un rapport positif aux apprentissages scolaires. Peut-être même augmenter le temps scolaire, ou en tout cas mettre sur pied une école ouverte en dehors des heures de cours, où les élèves pourront s’adonner à une variété d’activités les aidant à construire cette culture que la compréhension et la transformation du monde réclament d’eux.

Références
Baillargeon, N. (2011). Liliane est au lycée. Est-il indispensable d’être cultivé ? . Paris : Flammarion.

Baumard, M. (2014). « En France, l’enseignement n’est pas pertinent » [article de presse]. Consulté sur le site web du journal Le Monde.

Bourdieu, P. (1979). La Distinction. Paris : Minuit.

CEMEA (2012). Manuels scolaires et stéréotypes sexués : éclairage sur la situation en 2012. Bruxelles : CEMEA.

Coulangeon, P. (2011). Les métamorphoses de la distinction. Paris : Grasset.

De Bruyckere, P., Kirschner, P.A. & Hulshof, C.D. (2020). If You Learn A, Will You Be Better Able to Learn B ? Understanding Transfer of Learning. American Educator, 44 (1), 30-34.

Donnat, O. (1994). Les Français face à la culture : de l’exclusion à l’éclectisme. Paris : La Découverte.

Draelants, H. (2018). Comment l’école reste inégalitaire : Comprendre pour mieux réformer. Louvain-la-Neuve : PUL.

Dubet, F. (2002). Le déclin de l’institution. Paris : Seuil.

Duneton, C. (1979). Je suis comme une truie qui doute. Paris : Seuil.

Ericsson, A. & Pool, R. (2016). Peak : Secrets from the New Science of Expertise. Boston : Houghton : Mifflin Harcourt.

Goblot, E. (1925). La barrière et le niveau : Etude sociologique sur la bourgeoisie française moderne. Paris : Félix Alcan.

Glevarec, H. (2013). La culture à l’ère de la diversité : Essai critique, trente ans après La Distinction. La Tour-d’Aigues : Editions de l’Aube.

Hirsch, E.D., Kett, J.F. & Trefil, J. (2002). The New Dictionary of Cultural Literacy : What Every American Needs to Know. Boston and New York : Houghton Mifflin.

Hirtt, N. (2009). A qui profitent les compétences [article]. Consulté sur le site web de l’Aped.

Hirtt, N. (2012). Pas d’école démocratique sans instruction polytechnique [article]. Consulté sur le site web de l’Aped.

Hirtt, N., Kerckhofs, J.-P. & Schmetz, P. (2015). Qu’as-tu appris à l’école ? Essai sur les conditions éducatives d’une citoyenneté critique. Bruxelles : Aden.

Kübler, T. (Réalisateur). (2001). L’éducation en questions, vol. 6 – Albert Thierry : faut-il encore étudier les grandes œuvres ? [DVD]. France : Mozaïques Films.

Lahire, B. (2004). La Culture des individus : Dissonances culturelles et distinction de soi. Paris : La Découverte.

Lordon, F. (2016). Les affects de la politique. Paris : Seuil.

Mordillat, G. (2010). Cultures, mauvais genres. Le Monde Diplomatique, 675, 2.

Peterson, R.A. (1992). Understanding audience segmentation : From elite and mass to omnivore and univore. Poetics, 21, 243-258.

Postman, N. (1985). Amusing Ourselves To Death : Public Discourse in the Age of Show Business. New York : Viking Penguin.

Roterham, A.J. & Willingham, D.T. (2010). « 21st-Century » Skills : Not New, but a Worthy Challenge. American Educator, 34 (1), 17-20.

1. Postman (1985) oppose Le meilleur des mondes d’Huxley au 1984 d’Orwell, et prend le parti du premier cité en soutenant que dans les sociétés occidentales, la démocratie est davantage mise en danger par l’enfermement des masses dans le divertissement, l’insignifiance et la futilité que par l’emprise d’un Big Brother autoritaire assurant une surveillance et une manipulation constantes. Notons que cet enfermement dans le divertissement futile ne procède pas forcément d’une stratégie insidieuse d’un pouvoir centralisé, mais peut simplement être l’aboutissement « naturel » d’un marché médiatique qui finit par sélectionner les programmes et marchandises qui se vendent le mieux. ↑
2. On admettra sans peine que les contours de la catégorie « culture populaire » sont assez flous... ↑
3. Bon nombre d’enseignants procèdent bien sûr déjà à cette intégration, et l’école n’a évidemment plus son imperméabilité d’antan vis-à-vis de ces formes culturelles. Voir par exemple : Dubet, F. (2002). Le déclin de l’institution. Paris : Seuil. ↑
4. En tant que « machines affectantes », les œuvres littéraires et artistiques peuvent tout à la fois servir les plus nobles causes et les plus sombres desseins (le cinéma nazi en est un exemple patent...). C’est une raison supplémentaire d’apprendre à l’école à se distancier des œuvres, notamment en questionnant l’idéologie qu’elles véhiculent, et les procédés affectifs qu’elles emploient. ↑
5. Parfois pompeusement nommées « compétences du XXIe siècle »... ↑

9 janvier 2021

 https://www.skolo.org/2021/01/09/la-culture-generale-pour-tous-une-ambition-scolaire-depassee/

COMMENTAIRES  

01/02/2021 09:45 par cunégonde godot

Tous les intelligents ne sont pas cultivés, mais aucun sot ne l’est ni ne le sera : "distinction" fondamentale, et irréductible.

La culture, au sens sociologique, ce n’est pas de la culture mais du culturel (et son marché), lieu du conditionnement mental.
La grande culture dite classique n’a que faire de la sociologie.

« octroyer tout l’espace qu’ils méritent à la culture populaire [2] et à des genres culturels trop souvent dédaignés [3] – musique populaire, bande dessinée, science-fiction, théâtre populaire, folklore, art urbain, etc. – qui recèlent pourtant de véritables joyaux, et/ou qui peuvent constituer, en tant que produits d’un contexte historique et géographique, des portes d’entrée tout à fait pertinentes pour une lecture politique, idéologique, philosophique voire religieuse des sociétés (Mordillat, 2010) »

Octroyer de l’espace, aujourd’hui, à la "culture populaire", alors que celle-ci l’occupe déjà à 99% relève de l’escroquerie intellectuelle.

01/02/2021 17:20 par Autrement

Entièrement d’accord avec cet article, que j’ai lu avec attention, et auquel j’applaudis des deux mains !
- une remarque de forme : un "autobus", passe (du moins on l’espère quand on l’attend...), "conforama" et "bricorama", passe encore, mais "webinaire", c’est une espèce d’urinoir, ça ne passe plus ! ( ;-)
- une remarque de fond :

Or pour comprendre le monde et y agir en citoyen critique, cette culture littéraire et humaniste est certes indispensable, mais en aucun cas suffisante. Traversant des enjeux socioéconomiques, sanitaires, environnementaux, éthiques, etc., les débats et luttes actuels et futurs exigent non seulement des citoyens qu’ils disposent d’une culture littéraire, artistique, historique, géographique et philosophique, mais aussi qu’ils puissent s’appuyer sur de larges connaissances scientifiques et mathématiques, ainsi que sur une véritable culture polytechnique (Hirtt, 2012).

 :
Là je refuse le titre "une culture humaniste...mais pas seulement" : l’ opposition conventionnelle entre culture littéraire et humaniste d’une part, et culture scientifique et polytechnique d’autre part, est artificielle et désastreuse ! L’humanisme véritable englobe aussi la culture scientifique et polytechnique. L’enseignement des sciences qui comprend l’histoire des sciences, ou des techniques, doit être repensé et conçu d’un point de vue humaniste, et non pas uniquement abstrait, impersonnel et professionnalisant (c’est-à-dire soumis au Marché). Il s’agit de mettre le progrès scientifique et technique au service de l’humain, c’est-à-dire de l’arracher aux distorsions de l’idéologie et à la rapacité du profit !
Ce qui suppose non pas de "dégraisser le mammouth" (honte à Claude Allègre et Jacques Attali réunis, et à leurs présents continuateurs), mais au contraire de mettre tous les moyens dont peut disposer la nation au service de l’éducation et de la culture, et de réorganiser de fond en comble le fonctionnement de l’École et la formation des maîtres.

Si l’on veut que tous les élèves acquièrent une ambitieuse culture générale, il est indispensable d’agir aussi sur les conditions structurelles de notre enseignement. Un vrai tronc commun, qui donne le temps à tous les élèves de s’approprier la culture commune avant de se spécialiser, est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faudra en outre en finir avec la ségrégation scolaire qui creuse les inégalités.

Ceci afin que les citoyens, bien formés eux aussi (tant par l’École que par leur propre vie) s’en mêlent, inventent des solutions et prennent les décisions. Ce n’est pas utopique, il y a déjà des "communes" sur le terrain. Comme celles qui fonctionnent en Amérique latine...Comme celle qui hier encore a entrepris d’expulser l’envahisseur Amazon d’un territoire à préserver...

Le communisme est un humanisme.
Réappropriation des bien communs et défense tous azimuts des services publics, voilà l’objectif pratique pour la société de demain, en prévision duquel il faut développer l’instruction publique et le niveau culturel de la nation. Et donc réhabiliter les savoirs disciplinaires et l’enseignement personnalisé, trop souvent sacrifiés aux go-go-gadgets pédagogiques :

(...) C’est un curieux raisonnement, après avoir constaté que la production des connaissances est en plein essor, d’en déduire qu’il faille en transmettre une quantité moindre... On voit bien sûr poindre, derrière cet argumentaire, l’opportunisme des milieux économiques, qui n’ont de cesse de réclamer la formation de travailleurs flexibles et « compétents » (Hirtt, 2009), et font peu de cas des connaissances qui conditionnent l’exercice d’une citoyenneté critique. Mais au-delà de cela, même à considérer sérieusement ces méta-compétences, on ne peut que constater qu’elles requièrent de très solides et de très vastes connaissances.

Quant à la "culture populaire", il faut distinguer évidemment celle qui vient vraiment du peuple, comme jadis le folklore, et qui se crée hors circuits, celle qui a besoin de reconnaissance et de moyens de survie, - de la "culture" dite "populaire" qu’on lui impose avec mépris, rien que pour l’endormir à longueur de temps de cerveaux disponibles, et pour faire des sous en produisant les merdouilles à la mode.

02/02/2021 05:48 par babelouest

@ Autrement
Je pense avoir trouvé un bon exemple de la vraie culture populaire, des traces d’un spectacle fondé par des paysans et des descendants de paysans, il y a 50 ans. J’ai trouvé par hasard un disque qui avait été gravé à cette occasion, disque d’autant plus cher pour moi que je connaissais une partie des acteurs de cette réussite. J’ai pu recopier l’essentiel de la pochette, c’est remarquable parce que la petite histoire se retrouve en bonne place à côté de la grande.

02/02/2021 07:19 par Assimbonanga

Où range-t-on Stéphane Bern ?
Il fait
- les villages de France,
- les châteaux avec leur cortèges de rois, papes, cardinaux et empereurs
- l’eurovision.
Question culture, on peut dire qu’il imprime !
Question idéologie, on peut déduire qu’il fait des petits.

Attention, un vent souffle sur la France qui professe que le communisme est un extrémisme et l’ultra-gauche un séparatisme aussi dangereux que l’islamisme. Texto ! Je l’ai entendu sur LCI et sur France Inter. Toute la droite monte au créneau.

02/02/2021 07:29 par Assimbonanga

@autrement, je suis entièrement d’accord avec toi. Sans les sciences et techniques, la culture peut devenir un saupoudrage de billets de musée, théâtres et industrie du disque et touristique. L’armature intellectuelle des sciences et technique offre un rempart logique solide face aux poudres aux yeux et n’empêche pas d’aimer la musique et les arts.
Le chèque culture de Macron pouvait déboucher sur de l’argent juste destiné aux entreprises dont c’est le gagne-pain.

02/02/2021 12:44 par Autrement

Merci babelouest pour ce texte vivifiant :

"Avec les Ballets Populaires Poitevins, un ’pays’ s’essayait à l’expression et réussissait, avec les moyens qui lui sont propres".

Le programme est impressionnant et riche de son authenticité, histoire et vie vécue : il s’agissait de

"conter l’histoire exemplaire des absents de l’histoire, de ceux qui cependant font oeuvre essentielle..."

et particulièrement évocateurs sont aussi les noms des Associations locales qui ont créé le spectacle :

"Pibolous de la Mothe, Marchandelle d’Augé, Compagnons de la Belle Fille de Parthenay, Avant-Deux du Bocage de Moncoutant, ensemble pop de la M.J. de Saint Mexant : ’Les Muches’. Pas un seul professionnel !"

On oublie souvent que le meilleur de la culture dite "classique" tire son inspiration de sources populaires (comme le théâtre antique s’inspire de la mythologie) autant que d’un répertoire plus savant.

02/02/2021 21:40 par Feufollet

Je vous laisse à vos discours d’érudits un peu longs à suivre
Excusez-moi de mon peu
A un niveau minimum. la culture générale au niveau populaire
Devait instruire chacun aux références historiques et géographiques indispensables
Et procurer à chacun un minimum de savoir sur ces références qui s’additionneront
C’était, je crois l’idéal de l’école laïque et républicaine à son niveau de base
L’idéal étant que l’on peut être suffisamment conséquent dans ses discernements
Sans avoir a passer dans les facultés universitaires
C’était trop beau à croire et ça marchait
Mais c’était pas compatible avec les ordres du système
Le système veut un peuple abruti et ignorant
Et des crétins instruits

03/02/2021 02:36 par Vania

Un article excellent. Très important aussi quand il affirme que :"la résolution de problèmes pour être efficace EXIGE toujours des connaissances disciplinaires ou techniques bien ancrées en mémoire" "Pour un problème complexe il est nécessaire de disposer de solides connaissances qui jouent le rôle de structures d’accueil des nouvelles informations en CONDITIONNANT la compréhension et l’appropriation du problème". Autrement dit, il est faux de dire"qu’il suffit d’aller voir sur internet pour interpréter et comprendre un problème complexe. L’exemple le plus frappant est de constater qu’aujourd’hui avec l’ épidémie covid-19, n"importe qui s’érige en virologue, épidémiologiste/infectiologue sans disposer de connaissances solides.

03/02/2021 18:34 par Assimbonanga

Les maths, la chimie, la trigonométrie, l’électricité, la mécanique sont nécessaires au rêve de chaque jour, ne serait-ce que pour l’auto-constructeur. Charpente, escalier, la turbine pelton, le capteur solaire. J’en passe et des meilleures car ce n’est pas moi l’auto-constructrice !
Les citoyens consomment ce qu’on leur apporte tout cuit, l’eau au robinet, y a plus qu’à tourner et engueuler le plombier quand c’est pas réparé assez vite !
Désormais, des gens pensent sincèrement que faire un projet de rénovation d’appartement consiste, simplement, en mettre la pression aux artisans ! Quelle sale mentalité ! Harceler son prochain semble être le B.A BA de la relation sociale. Et ça se dira bienveillant ! Une fois les travaux terminés. Voilà la culture contemporaine.

03/02/2021 20:04 par Ange Lini

@ Vania
" L’exemple le plus frappant, est de constater aujourd’hui avec l’épidémie de covid 19, n’importe qui s’érige en virologue, épidémiologiste/infectiologue, sans disposer de connaissances solides "
Avec tout mon respect fallait oser ! Vous qui êtes sans sympathie pour le Pr Raoult ... Mais j’oubliais ! Dans son cas le "n’importe qui" c’est lui...Suis je distrait.

04/02/2021 02:10 par Vania

@ Ange, Je n’ai jamais mentionné le Dr Raoult dans mes commentaires !! Je ne suis ni contre ni pour sa thérapie.La médecine utilise la méthode empirique et c’est le temps qui va trancher. Je pensais plutôt aux prises de position des citoyens lambda avec des connaissances superficielles sur la matière !

04/02/2021 06:15 par Xiao Pignouf

Mais j’oubliais ! Dans son cas le "n’importe qui" c’est lui

Même moi, j’avais compris que Vania ne parlait pas de Raoult, ici.

04/02/2021 08:17 par Ange Lini

@ Vania
Alors je vous adresse mes plus sincères excuses. Il m’avait semblé dans précédents posts une prise de position anti chloroquine. J’ai du confondre et vous réitère plutôt deux fois qu’une toutes mes excuses.

04/02/2021 08:49 par Ange Lini

@ Xiao

"Même vous", vous n’avez rien compris ... Le "n’importe qui" vous ressemble comme deux gouttes d’eau ...

04/02/2021 11:20 par Assimbonanga

QUI PEUT LE PLUS PEUT LE MOINS. Abondance de biens ne nuit pas. Et tout est relatif.
Les jeunes issus de la bourgeoisie ont un bon bagage qui les fait sortir du lot comme la crème sur le lait.
Non contents d’être forts en math, ils peuvent en plus passer 8h par semaine au conservatoire de musique, assurer les concerts et passer leur bac. Venir à l’école en skate , avec sur le dos l’étui de violon et à l’épaule la raquette de tennis.
C’est ce différentiel qui pénalise les beaufs de base et le pire c’est quand on entend ceux-ci pérorer : les maths, ça sert à rien. Alors là, ils ne sont pas loin d’être foutus... Les maths et la musique pendant ce temps-là font au bourgeois un cerveau d’athlète.
Le jeune du conservatoire, lui, il a déjà tout programmé. L’an prochain, il sera à Cambridge. (Ah, on me souffle dans l’oreillette que cette année, ça va pas être possible. Ouf, un peu de rééquilibrage mais bon, les classes prépa et les écoles d’ingénieurs restent ouvertes tandis que les facs sont fermées... )

Je ne sais plus si c’est un lecteur du GS qui avait fourni ce lien pour le coupable de la situation : Blanquer (émule de Stanislas-Paris).

Bon, c’est sûr que moi j’aimerais bien qu’ils lisent tous un minimum de littérature à peu près classique parce que j’en ai marre d’entendre des "supporter ma communauté", "insulter de" et "souhaiter mes condoléances"...

Un truc un peu déplaisant, c’est lorsqu’on écoute les "artistes" à longueur d’émissions "culturelles" qui sont en fait des campagne de promo (publicité) pour leurs nouveau disque : cette normalisation de toute la musique par l’institution école de musique. Elle a tout digéré, récupéré, stérilisée. Le jazz n’est plus du jazz mais une trituration cérébrale et le tradi est devenu un loisir de classe supérieure, bien codifié et propret. Et surtout, surtout, absence totale de conscience politique.

04/02/2021 11:52 par charclot

Quand j’entends le mot Kultur, je sors les doigts de mon....A tout bien considérer, la seule qui soit considérable, c’est la mienne, celle que j’ai accumulé, au fil des ans, et qui me permet de voir et d’analyser le monde et ses relations et, à tout bien considérer, celle qui m’intéresse chez toi c’est la tienne, pas celle de ton père, parce celle qui m’intéresse chez lui c’est la sienne, pas celle de son père et ainsi de suite... La culture collective, la tradition, avec le temps , c’est drôle, elle m’impacte beaucoup moins... Depuis j’ai découvert la science, je sais qu’au delà de la culture il y a des continents à explorer que j’aurai pu commencer à explorer beaucoup plus tôt sans cette culture du gavage qui est si bien symbolisé par les religions... La religion et la foi sont 2 choses si différentes que leur synonimie dialectique volontaire induit, pour le profane, un identité qui est très loin d’être. Il en va de même avec la culture et l’intelligence. Notre "métier" d’adulte est de rendre les suivants intelligents et pas forcément cultivés. Que la ’grandeur’ d’une Kultur soit la marque d’une ’grande’ nation tend à faire oublier comment s’est forgé la dite Kultur... On va faire un tour au musée des arts premiers ? Ou au Louvres ? Maupassant est mort de la chtouille, Arthaud en HP, Bach ruiné, "les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots."... La culture se construit au prix de la douleur de ceux qui la font naître et se perpétue à la hauteur de l’argent et du prestige qu’elle rapporte... Je différencie, maintenant, de manière très profonde, culture et savoir. L’une est localisée, l’autre non. L’une façonne les stéréotypes et les différences sociales, l’autre bâtit l’égalité par la construction d’une intelligence commune. Il existe des parties du savoir qui sont l’étude des cultures mais pas, à l’inverse, des cultures qui étudient le savoir. Elles l’utilisent comme une arme, à des fins de préemptions et d’accaparements mentaux, territoriaux, sociaux, en bref, expansionnistes. Culture et savoir sont aussi compatible que l’huile et l’eau : si les conditions émulsives ne sont pas remplies, elles restent séparés, la fine couche, soit disant civilisationnelle, en surface et, dans le fond, l’océan du savoir. Il est des cultures où l’huile rempli pratiquement le verre ; à la moindre gelée, elles figent, au moindre coup de chaud, elles rancissent et, pour un peu qu’elles soient arrivées à la date de péremption, elles frelatent empoisonnant l’environnement... Qu’elle devienne glace vapeur, l’eau reste ce qu’elle était et ce qu’elle sera. Le savoir est fille de l’intelligence et celle ci, la pluie qui forme le torrent de montagne qui alimente un fleuve tumultueux se jetant dans un océan en perpétuelle tempête où seuls quelques rares voyageurs égarés, parfois, par chance, trouvent quelques criques paisibles pour y poser leurs frêles esquifs.... Du coup, la culture, si elle n’était pas tant sujette à phagocytation, pourrait servir de béquille mais, comme tout étant dans qui la possède comment et pourquoi, il est bien qu’elle meure et revive chaque jour...C’est comme ça qu’elle devient savoir...
Donc, quand j’entends le mot culture, je sors mon camembert...

04/02/2021 13:33 par Yannis

La culture, vaste débat... Ici il s’agit de culture générale (en panne d’Internet) mais on passe vite à la Culture officielle ou institutionnelle sur le forum. L’une ne va pas sans l’autre.

On se rend donc compte que ce terme CULTURE (utilisé aussi pour le jardin et l’agriculture) est très malléable car il englobe des besoins dits secondaires mais pourtant essentiels au vivre ensemble et à la construcrion mentale de chacun.

Lassés de la Grande Culture officielle ou souhaitant une rupture radicale, un choc culturel (soft power, on résumera par néocolonialisme), les petits Français vont bientôt tout connaître de l’histoire récente des USA et plus ríen de celle de leur pays natal, du moins si on laisse la destruction de l’EN s’achever - éducation nationale qui est quand même la base des connaissances et de la culture d’une société moderne. Mais tout ne se fait pas en un clic dans de domaine...

Je suis bien d’accord avec Cunégonde, la valorisation des "cultures populaires" et des "cultures et arts vivants" (en bref tout ce qui est en train de disparaitre sous nos yeux dans le monde d’après pour être digéré par GAFAM et big data) n’a que trop duré et ne sert plus que de cache-sexe à la médiocrité du paysage culturel français et de ses principaux acteurs ; eux et elles tellement empêtrés dans leur auto-promotion permanente, leurs egos immenses et toujours supposés unniversels grâce à l’usage de la langue française dans le monde, qui n’est déjà plus propriété intellectuelle des Françaises et Français..

Tant d’artistes et écrivains qui ont collaboré au système inique actuel. Comme sous Pétain, afín de continuer à faire carrière et vivre dans le pur esthetisme Heureusement, comme pendant la Résistance animée par de nombreux artistes engagés, communistes pour beaucoup, certains tiennent tête en risquant évidemment leur carrière ultralibérale.ou leur santé mentale, leur vie.

On les redécouvrira plus tard quand le pays sera sorti de sa longue sidération, du moins s’il ne s’abîme pas dans la haine que tous les fascismes ont envers la Kultur (réellement vivante et pas momifiée ou sanctuarisée comme les Nazis et leur "Art autorisé") ou les cultures populaires. Est-ce atteindre le point Devilwin que de dire que Pinault et autres "mécènes" du monde postmoderne sont les nouveaux fossoyeurs nazis avec leurs fondations dévoreuses de subventions publiques, et machines à déductions d’impots ? Pour n plus promouvoir les pires escrocs de l’art contemporain actuellement...

Mais même si Cocteau n’était pas vraiment la figure du résistant incarné, il a dit des choses, créé des oeuvres toujours utiles et belles aujourd’hui. Ce qui ne sera pas le cas d’une grande partie de la.production artistique française de notre époque. Ou servira de preuves archéologiques pour les futures générations de petits Français (si ce terme aura toujours du seba dans l’avenir) du dévoiement et de l’aveuglement de mise dans le millieu de la culture comme dans la société toute entière durant un demi-siècle maintenant d’hypocrisies tout azimut.

04/02/2021 14:53 par Xiao Pignouf

Mon petit @Ange, que vous preniez de la chloroquine par paquet de 10 en suppo, je m’en cogne, mais alors...

Par contre, voir Raoult partout... vous consultez ?

05/02/2021 17:14 par Yannis

Petit rectificatif qui ne changera pas la face du monde, plutôt en égard à certains acteurs et actrices cultutels de premier plan des années 80 et (encore un peu) 90.

Je dirai donc que depuis 30 ans réellement la Culture est devenue de plus en plus une machine à divertir et à à décérébrer dans notre si bô país, tellement France Q.

Il faut désormais faire la même distinction que les zaméricains entre "entertainment", éducation scolaire et cursus universitaire (culture publique ou privée ?), cultures populaires 2021 macramé, atelier céramique et Puy du fou, modes contemporaines et culture classique, ou ayant acquis ses lettres de noblesse par le temps, la valeur artistique.

Du grain à moudre pour la pensée complexe...

06/02/2021 10:18 par Assimbonanga

Ne semble-t-il pas évident que ça arrange bien le pouvoir de fermer les facs ? Pendant ce temps, les BTS, les écoles prépa, les écoles d’ingénieurs, tout le fleuron conservateur, continuent de vaquer à leurs occupations. Tiens, sait-on si l’école de Marion Le Pen à Lyon a fermé ses portes ?
Fermer les facs c’est s’assurer qu’il n’y aura au moins pas de contestation étudiante et tant pis si on bouzille l’avenir d’une classe d’âge. Il va y avoir du déchet... Avoir juste le bac en poche, c’est bien peu. Ça n’offre même pas une qualification professionnelle. Que vont devenir ces jeunes ? Seuls les plus malins ou opportunistes vont surnager.
Macron se frotte sans doute les mains de faire crever la fac et le monde du spectacle, surtout le gauchiste... Le corona l’aide bien.

07/02/2021 12:07 par Assimbonanga

Ah ! Tiens, ça bouge. On vient de ré-ouvrir les restau U. Encore un petit effort de cohérence : pourquoi ne pas ouvrir les amphi ?
Pourquoi pas par roulement ? Pourquoi pas des tutorats en petit comité après le cours, à quatre ou cinq ?

08/02/2021 11:29 par Assimbonanga

Ma parole ! Sciences-po est ouverte ! L’ENS est ouverte ! Mais alors ? Toutes les écoles sont ouvertes, de la maternelle au secondaire, les BTS, les écoles privées et seules les facs sont arrêtées ?
C’est un assassinat, une volonté de nuire. Et qui trahit certainement la peur de la contestation étudiante. c’est GRAVE. C’est carrément une rupture d’Egalité.
Je suis surprise que ce sujet ne ressorte guère dans la presse, en politique et dans l’opinion publique... C’est quoi ce bordel ?

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