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La classe ouvrière n’existe pas ?

Il y a quarante ans, un ami m’annonça, ébaubi, que la classe ouvrière avait péri. Percevant mon scepticisme, il m’expliqua que les usines fermaient les unes après les autres, que les emplois ouvriers disparaissaient par milliers, que les salariés étaient jetés sur le pavé avant de se retrouver sur l’aide sociale. Pourtant, la production nationale augmentait sans cesse (hausse du PIB). Avec moins d’ouvriers et plus de production, il ne pouvait y avoir qu’une explication, la robotisation. La nouvelle classe sociale des exploités était désormais formée des robots de la productivité.

Mais qui donc produisait ces robots, lui ai-je demandé ? D’autres robots plus sophistiqués, eux-mêmes commandés par des robots géniaux. Il faut dire qu’à cette époque, la série Star Wars (1977) battait tous les records aux Box-Offices et contaminait la pensée des bourgeois désœuvrés. Toujours est-il que, depuis les années quatre-vingt, chaque bobo rencontré et moult petits bourgeois déjantés tentent de me prouver que les usines, les manufactures, les sweats shops, les mines, les chalutiers, les chantiers de construction, les chaînes de montage, les ports, les cales sèches, les voies ferrées, les transports routiers, les champs cultivés et les camps forestiers fonctionnent tous sans ouvriers – totalement robotisés. Selon eux, il ne subsiste que des intellectuels gestionnaires et des travailleurs du clavier.

J’ai donc procédé à des visites d’usines en banlieue de Montréal, afin de me renforcer dans mon refus obsédé de ces billevesées et pour conforter mon incrédulité. Voilà que le premier avril dernier une amie m’a transmis une vidéo accessible sur Facebook qui prouve hors de tout doute que la classe ouvrière spoliée de sa plus-value, pillée de son surtravail, exploitée et robotisée existe toujours, mais en pire qu’auparavant. La seule chose qui ait changé vraiment, c’est qu’elle est encore plus aliénée que par le passé.

Observez cette courte séquence (six minutes) de l’usine agricole à votre assiette en passant par CosCo et MacDo.

 

Évidemment, les intellos à gogo – les petits-bourgeois – les prolos de bistro – et les bobos des studios seront scandalisés du sort réservé à la volaille, aux porcs et aux vaches dans cette vidéo, sans même remarquer les milliers de travailleurs et de travailleuses s’échinant à évider des carcasses cordées, alignées, enchaînées aux tapis roulants tournoyant à une cadence infernale, esclaves de la chaîne de montage robotisée.

Voilà ce que Marx voulait signifier quand il disait que sous le capitalisme l’ouvrier devient partie constituante de la machine, son extension, le moteur pensant qui lui donne le mouvement. Le travailleur est le robot intelligent qui fait marcher ce mécano roulant. L’ouvrier, lui, est le seul pouvant se régénérer et se reproduire et faire fonctionner les machines. Il est également le seul qui fournit la valeur et la survaleur aux produits (marchandises), le seul à produire le salaire et la plus-value source de toutes les formes de profit. La machine robotisée (la chaîne de dépeçage) et les animaux ne font que transmettre leur valeur au produit fini via le travail de l’ouvrier-ouvrière sur la chaîne d’esclavage salariée.

La vidéo se termine sur des scènes navrantes où des milliers de salariés endoctrinés – publicisés – courent jusqu’au plus proche supermarché acheter les biens de première nécessité qu’on leur impose en surabondance. Encore une fois les petits bourgeois feront la gorge chaude et cracheront leur mépris sur les salariés-consommateurs accusés de fréquenter une multitude de restaurants fastfoods. Pourtant, tous les restaurants – ou presque – servent le même type d’aliments. Une fois de plus, ils oublieront qu’avec les salaires concédés par les propriétaires privés, seuls ces temples de la mort culinaire demeurent accessibles à ceux que l’on invite à creuser leur tombe avec leurs dentiers.

La classe ouvrière existe, et elle peine, mais le mépris n’aura qu’un temps.

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Hélène Berr. Journal. Paris, Tallandier, 2008.
Bernard GENSANE
Sur la couverture, un très beau visage. Des yeux intenses et doux qui vont voir l’horreur de Bergen-Belsen avant de se fermer. Une expression de profonde paix intérieure, de volonté, mais aussi de résignation. Le manuscrit de ce Journal a été retrouvé par la nièce d’Hélène Berr. A l’initiative de Jean Morawiecki, le fiancé d’Hélène, ce document a été remis au mémorial de la Shoah à Paris. Patrick Modiano, qui a écrit une superbe préface à ce texte, s’est dit « frappé par le sens quasi (…)
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« Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »

John Swinton, célèbre journaliste, le 25 septembre 1880, lors d’un banquet à New York quand on lui propose de porter un toast à la liberté de la presse

(Cité dans : Labor’s Untold Story, de Richard O. Boyer and Herbert M. Morais, NY, 1955/1979.)

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