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La classe bourgeoise et son idéologie sont parasitaires

Le mouvement social contre les retraites commence à s’inscrire dans une perspective de lutte des classes. Nicolas Framont, sociologue, cofondateur et rédacteur en chef de Frustration magazine, s’en réjouit. Auteur de Parasites (Les liens qui libèrent), il explique ici en quoi il n’existe pas de bon bourgeois ou de bon capitaliste d’après lui, et qu’il est nécessaire de recourir au rapport de force contre les bourgeois qui vivent du travail et des besoins vitaux des autres.

Laurent Ottavi (Élucid) : Vous évoquez deux définitions du parasite. La première est celle d’un être qui vit aux dépens d’un autre sans le détruire. En quoi cela s’applique-t-il à la classe bourgeoise : aux dépens de qui vit-elle, par quels moyens ? Pouvez-vous rappeler, par la même occasion, ce qu’elle recouvre ?

Nicolas Framont  : Le capitalisme est un mode de production qui n’est pas défini par le fait que l’on achète des choses, comme on l’entend trop souvent (la critique du « consumérisme ») mais par le fait que ces choses sont conçues, produites, transportées et vendues par des travailleurs qui ne reçoivent qu’une part infime de la valeur produite dans ce processus. Ce sont ceux qui possèdent les moyens de production, les capitalistes, c’est-à-dire la classe bourgeoise, qui en tirent les fruits et les accumulent avec le temps. La classe bourgeoise est cette classe sociale qui, progressivement, s’est enrichie sur le travail des autres, en le dirigeant au nom de la propriété.

L’exploitation du travail est sa principale source de revenu, et elle met en œuvre, via une classe intermédiaire qu’on nomme à Frustration la sous-bourgeoisie, une intensification régulière de cette exploitation, par le biais de différentes vagues de révolution managériales ou techniques décrites dans le livre : le travail à la chaîne au siècle précédent et, désormais, la mise sous pression psychologique des salariés. Mais précisons aussi que cette classe s’enrichit sur le dos de nos besoins, qu’ils soient fondamentaux ou sociaux (on pourrait dire « artificiels ») : le logement est par exemple un marché de plus en plus lucratif pour une bonne partie de la bourgeoisie française.

La bourgeoisie est donc une classe qui se nourrit de notre travail et de nos besoins vitaux. Elle est donc intrinsèquement parasitaire. Comment définir un bourgeois ? C’est quelqu’un dont les capitaux lui donnent du pouvoir sur le travail ou les besoins des autres. En ce sens, un patron propriétaire de son entreprise, un actionnaire ou un multi-propriétaire immobilier est un bourgeois. Certains sont des petits bourgeois, car leur emprise sur notre économie est très limitée, d’autres des grands bourgeois car ils contrôlent un ou plusieurs secteur clef.

Élucid : La deuxième définition que vous donnez du parasite est une perturbation ou un bruit électromagnétique qui trouble le fonctionnement d’un appareil ou superpose un bruit à un signal utile. Le lien avec votre livre, de prime abord, est moins évident. Que cherchez-vous à montrer dans ce cas ?

Nicolas Framont : J’ai filé la métaphore du parasitisme dans le livre. L’un des sens du mot « parasite » concerne en effet un bruit ou une sensation qui se superpose et perturbe les autres. En ce sens, l’idéologie bourgeoise est parasite. Selon moi, il est excessif de parler de « manipulation », de télévision qui nous lobotomise, de peuples « moutons » obnubilés par les récits du star-system bourgeois... autant de théories omniprésentes dans les milieux militants, de gauche ou gilets jaunes. Par contre, je crois que la bourgeoisie fait du bruit, qui nous empêche d’observer la réalité sociale et d’agir pour la transformer.

« Le système de valeur bourgeois, basé sur la "réussite" financière et sociale, nous empêche de nous concentrer sur l’amour des autres, la camaraderie au travail, le plaisir... »

Ce bruit, c’est celui que font les chroniqueurs des « Grandes Gueules » sur RMC, les grands artistes invités sur le plateau de « Quotidien », les polémiques lancées – parfois sur du vent – par la clique de « TPMP ». Il s’agit de faux débats, de paniques morales, d’inquiétudes feintes, qui s’imposent partout et nous empêchent de discuter de justice sociale et de réaction aux catastrophes climatiques... Le système de valeur de la bourgeoisie, basé sur la « réussite » financière et sociale vient lui aussi, au quotidien, nous empêcher de nous concentrer sur ce qui nous ferait du bien : l’amour des autres, la camaraderie au travail, le plaisir...

En quoi Total est-elle une entreprise « symptomatique du parasitisme français » ?

Total Energies coche les cases de plusieurs formes de parasitisme : un parasitisme sur le travail de milliers de salariés dans le monde, dont nombre d’entre eux ont fait grève l’automne dernier pour obtenir une meilleure répartition des immenses richesses produites, et accaparées par des actionnaires qui n’ont jamais été aussi riches. Un parasitisme politique, celle d’une ex-entreprise publique privatisée dont les actionnaires bénéficient du soutien de l’État sans la moindre contrepartie, et avec une fiscalité fort avantageuse.

Un parasitisme écologique que subissent surtout les pays africains où l’entreprise continue de construire des infrastructures. Or, on sait désormais que Total comme ses concurrents connaissait bien avant le grand public la réalité du changement climatique lié aux énergies fossiles. Mais plutôt que de travailler à sa reconversion rapide, l’entreprise investit dans son green washing (d’où le changement de nom) et la rémunération croissante de ses actionnaires.

De même que vous refusez de faire la distinction entre une petite bourgeoisie « vertueuse » et une grande bourgeoisie « coupable », vous rejetez la distinction entre le « bon » capitaliste et le « mauvais ». Pourquoi y voyez-vous de fausses oppositions ?

Je pense qu’il faut sortir des qualifications morales si l’on veut changer la société et la rendre plus juste. Il y a, en France, une certaine sympathie pour la figure du « petit patron ». Il est mieux perçu par les citoyens et il est constamment pris en exemple, voire en alibi pour justifier des mesures (de réduction du droit du travail par exemple, de maintien d’un SMIC faible), par la grande bourgeoisie. Pourtant, très objectivement, les conditions de travail et d’exploitation des salariés ne sont pas meilleure dans les petites et moyennes entreprises (PME, jusqu’à 500 salariés). Au contraire : en dessous de 50 salariés, la représentation des salariés est beaucoup plus faible. Dans les petites entreprises, les gens sont moins bien payés que dans les grandes. La violence et l’arbitraire d’un patronat « familial » n’a souvent rien à envier à celle d’une entreprise du CAC40... Alors pourquoi faire une si grande différence ? Dans les faits, il se passe la même chose : la confiscation, par celui qui possède, du fruit du travail de celui qui bosse.

« Entrepreneur ou pas, les grands capitalistes sont là pour générer du cash pour eux et leurs actionnaires. Tout le reste n’est qu’une question d’image. »

Il en va de même parmi les figures de la grande bourgeoisie. On a tendance à opposer les « capitaines d’industrie » des financiers, mais cette distinction n’existe pas réellement. Bernard Tapie qui reprend Manufrance l’a affaibli pour en tirer le plus d’argent possible, comme il a fait avec les usines Wonder. « Entrepreneur » ou pas, les grands capitalistes sont là pour générer du cash pour eux et leurs actionnaires. Tout le reste n’est qu’une question d’image. Et cette image mérite toujours d’être creusée : dans le livre, je reviens sur le cas Leclerc, père et fils, ce dernier étant, selon un sondage, le « patron préféré » des Français. Leur vertu n’est construite qu’à grand renfort de communication. Dans les faits, les Leclerc ont été à l’avant-garde de la précarisation de l’emploi, de la répression antisyndicale et de l’écrasement financier des agriculteurs.

Il ne faut pas s’en prendre à la bourgeoisie parce qu’elle serait méchante, mais parce qu’elle est nuisible : ses intérêts la porte à aller à l’encontre de ceux de la majorité de la population et, désormais, du vivant tout entier. Un bourgeois vertueux est, dans cette logique, un bourgeois qui renoncerait à posséder, exploiter et influencer. Bref, il ne serait plus un bourgeois.

Vous avez été collaborateur parlementaire. Qu’est-ce que cette expérience vous a appris sur les liens entre les grands patrons et le monde politique et en quoi vous permet-elle de mieux saisir ce que vous appelez la classe parasite ? 

J’ai été collaborateur de groupe parlementaire de juillet 2017 à avril 2019. Durant ces deux années, des lois extrêmement régressives pour la société et favorable au patronat ont été adoptées : ordonnances réformant le code du travail, réforme de l’assurance chômage et de l’apprentissage, suppression de l’ISF, pérennisation du CICE... Ce qui m’a frappé, c’est de constater à quel point le lobbying était presque inutile : l’appartenance de classe des députés de la majorité présidentielle, leurs liens d’intérêts (des ministres issus du privé, avec un gros patrimoine financier, des députés ex-cadres sup etc.) les rendent totalement perméables aux besoins du patronat.

Pas besoin de lobbyiste discret et malin pour faire passer ses lois : il suffit que les députés vivent leur vie, qui les rend proches de la bourgeoisie dont ils font souvent partie. Mais même lorsqu’ils ne font originellement pas partie de ce monde, le niveau de vie très élevé, qui est le leur du fait de leurs indemnités et de leurs frais de mandat, leur font perdre rapidement le sens des réalités sociales. L’Assemblée Nationale est une institution bourgeoise, pour les bourgeois par les bourgeois. Il est très difficile d’y tenir un discours différent des intérêts des classes dominantes.

Le parasitisme politique recouvre cette idée selon laquelle les institutions sont forgées pour que s’y sentent bien les membres de la bourgeoisie et mal ceux des classes laborieuses. J’étais frappé de voir comment, lors des débats sur le droit du travail, les députés LREM disaient « collaborateurs » à la place de salariés, comme s’ils étaient encore au conseil d’administration d’une boîte privée.

Mais en Ve République macroniste, le Parlement a surtout un rôle symbolique. C’est au niveau du gouvernement que les choses se jouent et, à ce niveau, la sympathie directe et immédiate avec le grand patronat est totale, comme je le démontre avec plusieurs exemples dans le livre.

« La bourgeoisie et ses représentants ont tout intérêt à invisibiliser la lutte des classes. »

Par quels moyens la classe bourgeoise impose-t-elle ses représentations aux gens qui ne font pas partie de son monde ? Le discours sur la méritocratie joue-t-il un rôle tout particulier ?

Oui, car la bourgeoisie et ses représentants ont tout intérêt à invisibiliser la lutte des classes. Pour cela, rien de mieux que de faire croire que nous vivons dans une société ouverte, avec un « ascenseur social » parfois grippé mais globalement présent, où chacun peut trouver sa place en fonction de son talent et de son travail. Forcément, c’est une vision bien plus apaisante que la réalité sociale où les rôles dominants, que cela soit dans le champ politique, culturel ou économique, sont principalement distribués à la naissance !

Le récit de soi, ou storytelling, est une composante essentielle de la mystification bourgeoise. Il suffit de lire Challenges ou Les Échos ou même Le Monde pour constater que le portrait qui est fait de nos dirigeants, en particulier d’entreprise, est truffé d’exagérations, d’omissions et de mensonges. Les grands patrons français, qui sont tous des héritiers, sont repeints en créateurs audacieux , en conquérant. Les origines de leur richesse – l’héritage mais aussi la prédation, l’exploitation et le colonialisme – sont systématiquement passés sous silence. On manque donc d’éléments clairs sur eux et on peut d’autant plus facilement croire qu’ils sont des « entrepreneurs » avant d’être de simples bourgeois.

La diffusion des codes de la bourgeoisie, par exemple le fait de ne pas prendre en compte la division en classes de la société, est aussi d’après vous une raison de l’échec des oppositions aux réformes décidées par la classe parasite. Pouvez-vous en donner des exemples, y compris concernant les Gilets Jaunes ?

Je n’irai pas donner des leçons au mouvement des gilets jaunes, à de nombreux égards exemplaire. Mais s’il se reproduit, je pense qu’il faudrait autant se tourner vers l’État que vers le patronat qui a été un peu trop épargné. Les autres mouvements sociaux, souvent bien encadrés par les grands syndicats et les partis de gauche, ont trop souvent tendance à considérer qu’un gouvernement bourgeois pourrait « entendre » les revendications et penser d’abord à « l’intérêt général » à condition qu’on lui explique bien. Or, on le voit en ce moment avec le mouvement contre la réforme des retraites : le gouvernement sait bien que les classes laborieuses s’oppose et qu’elle va subir négativement l’allongement de la durée de cotisation. Mais il le fait quand même, car c’est pour la bourgeoisie qu’il gouverne. Je pense que par conséquent, le mouvement social prend acte de cette dimension et commence à s’inscrire dans une vraie perspective de lutte des classes, avec grève générale à la clef. C’est un tournant majeur et enthousiasmant.

« La grève et le blocage de l’économie va faire mal au patronat et donc au gouvernement qui le sert. »

La question du blocage est soulevée par le sujet de la réforme des retraites. Or, vous affirmez dans votre livre la nécessité de réapprendre le rapport de force. À quoi songez-vous précisément ?

Le mouvement contre la réforme des retraites est (trop) longtemps resté cantonné à des actions de démonstration de force, visant à exposer le nombre des opposants et favoriser ainsi un infléchissement du gouvernement. Ça n’a pas fonctionné. Comme dans une entreprise régie avant tout par la loi des actionnaires, le dialogue social à l’échelle d’un pays régi par la loi des possédants n’est pas possible.

Il faut donc arrêter de dialoguer vainement et s’imposer de tout son poids face à l’adversaire. C’est ça le rapport de force : c’est trouver ce qui peut faire mal à l’autre pour le faire plier face à nous. La grève et le blocage de l’économie va faire mal au patronat et donc au gouvernement qui le sert.

D’après les sondages que vous citez, la lutte des classes est une réalité pour une majorité de Français. Comment expliquer alors que cette grille de lecture se signale surtout par son absence dans les mots et dans les actes ?

Je ne pense pas du tout qu’elle soit absente des mots comme des actes, mêmes si les termes ne sont pas les mêmes. La conflictualité au travail est forte, même si elle n’emprunte pas forcément les voies traditionnelles. La grande démission ou le sabotage silencieux (ce que les médias mainstream appellent le « quiet quitting ») en sont des illustrations. La défiance envers les plus riches, la montée d’un discours anti-milliardaire en sont d’autres.

D’une façon générale, en France comme ailleurs dans le monde, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis (des pays pas connus pour leur marxisme latent) les conflits sociaux sont très intenses, et nous n’en sommes qu’au début. Il est vrai que la lutte des classes n’est pas encore un discours parfaitement répandu dans la société, mais cela progresse très fortement.

Il y a encore dix ans, parler de « bourgeoisie » ou de « capitalisme » était réservé à quelques groupuscules d’extrême-gauche. Désormais, même parler de « guerre des classes » est devenu acceptable et courant. Du travail culturel reste à faire, en parallèle au travail organisationnel pour structurer les classes dominées. Un livre comme Parasites et un magazine comme Frustration se donnent cette mission.

 https://elucid.media/societe/la-classe-bourgeoise-et-son-ideologie-sont-parasitaires-nicolas-framont/?mc_ts=crises

COMMENTAIRES  

16/03/2023 13:39 par irae
17/03/2023 23:32 par Lou lou la pétroleuse

Je viens de découvrir la première grève connue de l’histoire, je ne résiste pas au plaisir de partager cette info avec les lecteurs du GS.
C’était il y a 3 000 ans, en Egypte, et le rapporteur conclut : « Preuve que, il y a 3 000 ans déjà, il convenait de faire durer la grève pour obtenir des résultats. » https://www.radiofrance.fr/franceculture/il-y-a-3000-ans-en-egypte-la-premiere-greve-de-l-histoire-9566229

18/03/2023 08:30 par keg

JdG N° 76 – (Jr + 387) – Décortiquer la Constitution et découvrir (https://wp.me/p4Im0Q-5Pp ) ce qui cloche dans notre ripoublique est à la portée du moindre prolo ? Il suffit de vouloir, réellement s’en sortir, de la m……

18/03/2023 09:55 par babelouest

@ Keg
C’est bien pourquoi j’ai proposé voici déjà un certain temps une nouvelle mouture de la Constitution, avec énormément de garde-fous explicites qui manquaient de façon cruelle.
https://www.lulu.com/fr/shop/jean-claude-cousin/constitution/paperback/product-jrnekp.html?page=1&pageSize=4
J’ai déjà donné ce lien, mais y avoir travaillé douze ans peut inciter au moins à lire ce travail. Je ne prends pas un centime de droits d’auteur.

18/03/2023 10:26 par colinas

Bonjour, amis : je lis ces infos du jour : « Qui aurait pensé il y a seulement 15 ans qu’en Occident la prise en charge des enfants, leur salut et leur traitement deviendraient une infraction pénale » Briefing du représentant officiel du ministère russe des Affaires étrangères M.V. Zakharova (16 mars 2023)

etc...

Si j’ai bien compris, le président Poutine et la responsable russe pour la sauvegarde des enfants du Donbass sont condamnés par la CPI pour avoir "déporté des enfants"... Je vous suggère, prie, implore de confier à un camarade du Grand Soir le rappel cinglant de l’opération Peter Pan contre Cuba menée par USA et Vatican en un temps pas si lointain. Ne serait-ce pas instructif ? Si besoin, l’Ambassade de Cuba à Paris doit avoir quelques idées à ce sujet . Une idée comme ça, entre mille autres possible. Gracias y abrazo, compañeros.

18/03/2023 10:35 par Milsabor

« Le système de valeur de la bourgeoisie, basé sur la « réussite » financière et sociale vient lui aussi, au quotidien, nous empêcher de nous concentrer sur ce qui nous ferait du bien : l’amour des autres, la camaraderie au travail, le plaisir... »
Cette phrase révèle le volet psychologique du capitalisme. « Le système de valeur de la bourgeoisie » consiste en un formatage psychologique opéré au niveau familial trans-générationnel sur le développement psychique des enfants. Il peut être résumé dans l’injonction : « Tu es ce que tu fais », en lieu et place de l’injonction normale « Tu es ce que tu sais » en donnant au savoir le sens ontologique acquis dans le jeu transitionnel par lequel l’enfant articule les dimensions du symbolique, du réel et de l’imaginaire. Ce savoir auto-engendré constitue la base du Moi autonome indifférent au jugement par le regard des autres. Ce Moi autonome est le prérequis pour le développement de relations d’amour authentiques.
Au contraire, l’injonction « Tu es ce que tu fais », détourne l’enfant de la voie du développement psychique naturel autonome vers la voie du conformisme comportemental tendu vers la réussite. Le savoir ontologique auto-engendré est perdu. L’enfant n’existe que par la reconnaissance que ses parents lui accordent dans le registre du produit de son action. L’enfant-producteur est enfermé dans l’échelle de l’évaluation verticale : en haut c’est la réussite, en bas c’est l’échec, la honte, la dévalorisation. En haut c’est l’euphorie, en bas c’est la dépression. L’enfant, puis devenu adulte est aliéné dans le regard des autres. Son statut n’est en rien garanti, devant toujours démontrer son aptitude à la réussite par de nouvelles conquêtes selon une dynamique inflationniste menacée de son inversion sous forme d’effondrement. On reconnait la dynamique bipolaire maniaco-dépressive.
Le bourgeois héritier n’est donc en rien un homme libre. Il est assujetti à l’impératif de la croissance. Les privilèges de sa classe favorisent son succès, mais ne le garantissent pas. De plus ce régime fondé sur la réussite a pour corollaire la rivalité, la compétition qui relativisent l’évaluation de la réussite. C’est ainsi que dans une famille d’héritiers, tel enfant sera plus performant que d’autres, condamnés à l’évaluation négative. On peut trouver dans le mythe de Caïn et Abel, l’expression de la rivalité fraternelle dans un système productiviste.
L’enfant de prolétaire subit la même pression psychologique dans des conditions bien moins favorables. La seule voie de la réussite qui s’offre à lui est représentée par l’ascenseur social : améliorer son statut social par rapport à son milieu d’origine. Ce qui n’est pas sans poser des problèmes ambigus de loyauté dans la mesure où le franchissement de classe représente une mise en évidence du statut précaire des parents, c’est-à-dire de leur propre échec. L’échec de la promotion sociale condamne à la dépression chronique.
La souffrance du prolétaire ne vient pas seulement de l’exploitation dont il est victime, mais aussi du conditionnement psychologique par le système de valeur de la bourgeoisie qui lui assigne la position du raté ontologique : social, psychologique, familial, amoureux.

19/03/2023 18:27 par Christian DLR

C’est exact qu’on évoque plus qu’avant non seulement le mince groupe oligarchique mais aussi et surtout une classe sociale dominante, que certains disent bicéphale car avec branche privée capitaliste et branche publique . On parle aussi de bloc dominant qui englobe plus largement encore que le 1%, notamment avec les cadres perçus comme dominants-dominés, bien payés au-dessus de 4000 euros et chargé du sale boulot, accroitre et suivre l’exploitation de la force de travail.

19/03/2023 21:09 par Assimbonanga

L’opération Peter Pan contre Cuba menée par USA et Vatican !
@Colinas, merci ! Et penser aux enfants de la Creuse. Debré n’a pas été poursuivi par la CPI ?
Et les enfants pauvres d’Angleterre qu’on envoyait en Australie plutôt que de mettre en place un service de protection de l’enfance (années 60) ?
Finalement, Poutine est le plus fondé à extirper des gosses des bombardements ! Si c’est bien de cela qu’il s’agit, bien entendu... Je souhaite à un maximum de gosses de retrouver leur famille le plus rapidement possible.

19/03/2023 22:49 par Chris DLR

Ceux d’en-haut : trois groupes et dessous le peuple des dominé-es par Chris DLR

Ce n’est pas uniquement la position dans les rapports sociaux de production qui dit tout de la structure sociale car un petit patron exploiteur peut aussi être dominé hors son entreprise par défaut de sécurité sociale ou de service public
et à contrario un cadre salarié considéré comme exploité peut gagner bcp d’argent et ne plus sentir son exploitation et même reproduire la domination de classe
Donc ce sont ceux d’en-haut qui dominent : trois groupes
I ) Les trois groupes d’en-haut à la manoeuvre
Du plus petit au plus grand : Il y a à chaque niveau combinaison de pouvoir et de richesse
1) Oligarchie de fait  : toute petite minorité d’ultra-riches au sommet d’une nation` :
JMT propose contre elle la souveraineté nationale (le peuple-nation) et des alliances droite-gauche sont possibles pour certains (Niconoff).

2) Classe dominante  : elle est vue de plus en plus comme bi-céphale depuis l’avènement du néolibéralisme.
a) - Une fraction privée : la classe capitaliste de Marx qui détient les usines et les contrats de travail : Elle combine pouvoir économique et richesse dans le 1%.
b) - Une fraction publique avec des hauts fonctionnaires surtout ceux de Bercy (rôle stratège de coordination des intérêts des fractions de capitalisme) : Elle combine pouvoir administratif et richesse aussi (18000 à 25000 euros à Bercy) dans le 1% d’en-haut.
c) - Des professions libérales riches et dans les affaires pour toutes les défiscalisations : les avocats d’affaires par exemple

3) Bloc dominant : Gramsci
Embrasse plus loin que la classe dominante
a) On y trouve l’encadrement capitaliste d’Alain Bihr dans le 10% d’en-haut (sauf le 1%) : Cadres salariés avec pouvoir de contrainte sur les subordonnés. Ils sont eux-même subordonnés. Ils perçoivent un salaire nettement au-dessus de la masse des salariés : entre 4000 et 8000 euros
b) On évoque aussi une « sous-bourgeoisie » (concept récent) qui est aisée mais pas d’une richesse énorme : entre 4000 et 8000 euros mais avec un patrimoine immobilier comprenant résidences secondaires (une ou deux pas plus sinon c’est le 1%). Cela vise donc aussi grosso modo les 10% d’en-haut aussi (sauf le 1%).
c) on y trouve des gogos indépendants à rémunérations plus ordinaires inférieure à 3000 euros par mois

II) Riposte d’en-bas d’une variété de peuple, d’un "peuple d’en-bas"
Pas qu’une seule classe dominée et c’est tout le problème,
On peut détacher et gagner la sous-bourgeoisie (pas simple) mais pas la classe dominante (sauf rares exceptions) : Différence avec JMT
Donc la notion de "peuple social dominé » (par sa propre classe dominante) correspond assez bien à peuple-classe que j’ai repris
Pour moi le peuple-classe englobe la sous-bourgeoisie (ce qui déjà n’est pas tjrs simple)
Sous-bourgeoisie que je ne laisse pas au bloc dominant par fatalité car il s’agit de dominants-dominés —
et bien sur toutes les autres classes et strates sociales en-dessous des 90%.
Mais certainement pas la classe dominante (1%) car elle domine d’ou son classisme
On trouve globalement une :
1) opposition franche des intérêts et
2) volonté de reconduire la domination de classe soit le classisme

Classisme c’est domination de la classe dominante (pas que l’oligarchie)
1) Exploitation du travail salarié renforcée
2) Casse des éléments de l’Etat social ou de la République sociale : Sécurité, Retraite répartition,Services publics
3) volonté de diviser le peuple-classe avec du sexisme (capitalo-patriarcat) et du racisme (en plus du classisme)

D’ou le triptyque « Ni classisme, ni sexisme, ni racisme »

20/03/2023 00:43 par EL Yagoubi

« Il ne faut pas s’en prendre à la bourgeoisie parce qu’elle serait méchante, mais parce qu’elle est nuisible : ses intérêts la porte à aller à l’encontre de ceux de la majorité de la population et, désormais, du vivant tout entier. Un bourgeois vertueux est, dans cette logique, un bourgeois qui renoncerait à posséder, exploiter et influencer. Bref, il ne serait plus un bourgeois. ». Excellent.

Elles sont plus que parasitaires. Elles sont structurées dans un paradigme mortifère qui se nourrit de l’indifférence passive et active du reste, et des illusions sur la réussite individuelle par des mécanismes de travailler plus pour gagner plus, et du projet et l’accompagnement au financement du projet, dit dans un langage courant : s’en sortir. Ce paradigme aux pesanteurs contaminantes n’est que la manifestation visible de la maladie socio-politique édulcorée par la démocratie, le droit, la justice et la liberté. Des signifiants sans signifiés.

J’ai aimé l’article articulé à des réalités vivantes et en effervescence.

20/03/2023 14:56 par Vania

@Assim, Que nenni, la situation des enfants au Donbass n’a rien avoir avec l’opération peter pan.
Christelle N. en place nous éclaire : "J’aimerai rappeler au procureur de la CPI, que depuis 2014 dans le Donbass, plusieurs centaines d’enfants sont morts des suites des tirs et bombardements de l’armée ukrainienne, et plusieurs centaines d’autres ont été blessés, certains gravement.Le dernier en date, Nikita Safronov, huit ans, est mort à Donetsk il y a à peine six jours, tué par un obus de 155 mm (standard OTAN) tombé près du taxi qui l’emmenait avec sa famille à sa fête d’anniversaire ! S’il avait été évacué comme les enfants des orphelinats du Donbass et des régions de Kherson et Zaporojié, qui ont été envoyés dans d’autres régions de Russie pour des raisons de sécurité, Nikita aurait pu fêter son huitième anniversaire et les suivants !Oser reprocher à Vladimir Poutine et à Maria Lvova-Belova, d’avoir tout fait pour mettre à l’abri des enfants hors de la zone de conflit, est totalement abject. Peut-être la CPI considère-t-elle que les autorités russes auraient dû laisser ces enfants à la merci des bombardements ukrainiens ?........Et surtout j’aimerais qu’elle explique pourquoi elle n’a JAMAIS mis en accusation les autorités de Kiev pour avoir déporté hors du Donbass en 2014 des centaines d’enfants qui étaient soit handicapés, soit étaient dans des internats, soit dans des orphelinats
pour défaut de soin et dont les parents n’ont pas été informés de la destination. Certains se sont enfuis des endroits où ils avaient été placés et sont revenus à pied dans le Donbass ! Mais beaucoup ont tout simplement disparu des radars. "
Inversions accusatoires comme d’habitude !
https://www.donbass-insider.com/fr/2023/03/18/la-cpi-veut-arreter-poutine-pour-avoir-mis-des-enfants-a-labri-loin-des-bombardements-des-fau/
Pour bien comprendre la situation des enfants du Donbass, voici ce documentaire (en espagnol) avec des témoignages réels :
https://mf.b37mrtl.ru/actualidad/public_video/2022.09/6322091be9ff715a0636fe5f.mp4?download=1
https://actualidad.rt.com/programas/documentales/441586-ninos-donbass-bombardeos-ucrania

25/03/2023 07:21 par Zéro...

Le Système a éradiqué la notion de lutte des classes pour la reprendre à son compte... sans en dire le nom !

On voit bien pour qui travaillent nos gouvernants...

Un qui se dévoile de plus en plus - si besoin était...- , c’est Hollande qui ne retient même plus l’expression de ses penchants ultralibéraux : un bourgeois au service des bourgeois qui avait été élu par le peuple pour le défendre !!

Il en sera ainsi tant que le peuple continuera à se laisser "bourrer le mou" par les journalistes au service du Système et votera pour des représentants embourgeoisés.

25/03/2023 11:24 par Francine lo

Zéro, vous pensez à qui quand vous parlez d’embourgeoisés ? Parce que pour jouer les révolutionnaires, les petits et grands bourgeois sont très doués. Et ils ont les moyens de le faire savoir, les projecteurs se dirigent toujours "naturellement" vers eux.

Pour prendre des postures de gauche en pensant à droite ou simplement à sa petite gueule et sa caste qui attend des résultats, de son groupe sociocul, pas besoin de corps politique pour cela, on a des écoles de théâtre, cinéma, avec des figurants travestis bien meilleurs que des Hollande, Sarkozy.et tous les mauvais acteurs du paysage politique francais. Mais le rideau est déjà tombé côté cours, il est en train de tomber côté jardin : le personnel politique, administratif, financier qui s’affiche en France depuis 40 ans est complètement à poil, et c’est vraiment pas sexy...

25/03/2023 14:18 par T 34

Pour ceux qui ne comprennent pas l’espagnol voici la version française du documentaire posté par Vania : Les enfants du Donbass

03/04/2023 12:06 par robess73

j ai acheté le livre de Nicolas .je vous conseille d en faire de meme et après l avoir lu ,de le faire circuler !

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