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Tout le monde dans la salle d’audience savait qu’ils punissaient un homme innocent.

L’Innocence de Gerardo

Rappel historique du traducteur : en 1995/1996, des avions d’un groupe anticubain basé à Miami (« Frères à la Rescousse ») violent à des dizaines de reprises l’espace aérien cubain, en ignorant les mises en gardes à la fois des autorités cubaines qu’étatsuniennes. En février 1996, après une dernière sommation et mise en garde, deux avions (sur trois) qui tentent une nouvelle fois de survoler l’île sont abattus par des avions de chasse cubains – dans l’espace aérien cubain, selon Cuba, dans l’espace aérien international, selon les Etats-Unis.

Les Etats-Unis « profiteront » de l’incident pour passer l’infâme loi Helms-Burton qui renforce le blocus et inaugure deux principes encore jamais vus en droit : « l’extra-territorialité » de la loi (la loi s’applique même hors des Etats-Unis) et sa « rétroactivité » (deviennent « punissables » des actes commis avant son entrée en vigueur). Elle prévoit aussi la mise sous tutelle de l’île par un pouvoir ad-hoc désigné par les Etats-Unis, le maintien du blocus jusqu’au « remboursement » par Cuba des « dommages » occasionnés aux Etats-Unis depuis la révolution cubaine (montant non précisé dans la loi), la privatisation de tous les secteurs économiques. Elle rend aussi « obligatoire » pour le Président des Etats-Unis en exercice le renversement du « régime cubain » (càd que le renversement n’est pas/plus une « option », mais une obligation). Et pas mal d’autres choses.

Entre-temps, Cuba avait implanté à Miami un réseau d’observateurs (qualifiés par la grande presse d’ « espions ») chargés de surveiller l’activité des organisations terroristes anticubaines, auteures de centaines d’attentats contre l’île. Contre toute attente, le FBI proposa à Cuba une collaboration pour lutter contre le terrorisme et une réunion fut organisée à la Havane. Peu après, début 1998, le FBI arrêta non pas les terroristes, mais les antiterroristes... L’affaire dite des Cinq de Miami était née. Dans une ambiance de lynchage médiatique, et au cours d’un procès qui durera près d’un an (le plus long de l’histoire des Etats-Unis) ils seront condamnés en 2001 à de lourdes peines (deux d’entre eux ont purgé leurs peines depuis et sont rentrés à Cuba) – non sans avoir passé des périodes invraisemblables en isolement et s’être systématiquement vu refuser la visite de leurs proches.

Voici un commentaire récent sur le cas de l’un des Cinq, chargé de surveiller justement l’organisation « Frères à la Rescousse », condamné à « deux peines de prison à vie, plus 15 ans » sur les bases d’une pirouette dont les étatsuniens ont le secret. L’auteur, Ricardo Alarcon, fut ambassadeur de Cuba aux Nations-Unies et Président de l’Assemblée Nationale de Cuba.

* * *

L’Innocence de Gerardo

La réunion de Londres de la Commission d’enquête sur le cas des Cinq Cubains a examiné en profondeur le cas particulier de Gerardo Hernández Nordelo et l’accusation infâme (chef d’accusation numéro 3 « conspiration pour commettre un meurtre ») dont il fut le seul à être accusé. Elle constitue la base de sa peine, pour laquelle il doit mourir deux fois en prison. Il est faussement accusé d’avoir participé à l’opération où deux avions du groupe terroriste appelé « Brothers to the Rescue » [Frères à la Rescousse] ont été abattus.

D’un point de vue juridique, pour être recevable devant un tribunal des États-Unis, l’acte en question aurait dû se produire dans l’espace aérien international, à l’extérieur de la juridiction cubaine. Dans le cas contraire, aucun tribunal des États-Unis n’aurait pu statuer.

C’est pourquoi, lors du procès à Miami, le lieu exact de l’incident a été longuement débattu, en répétant ce qui avait déjà été dit devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Lors de ces discussions, les contradictions entre les données fournies par les radars cubains et ceux des États-Unis ont été sans cesse soulevées. Il y a certainement beaucoup de choses à écrire sur les données fournies par les États-Unis, par exemple, le retard de plusieurs mois pour les fournir, ce qui a provoqué un retard dans les travaux de l’OACI et la destruction suspecte de certains dossiers, tout ceci figurant dans le rapport de l’OACI.

Afin de tenter d’expliquer les différences entre les radars, l’OACI a demandé aux États-Unis de présenter les images satellites, demande qui a été rejetée en 1996. Washington a également refusé d’autoriser la Cour de Miami de les examiner. Depuis longtemps maintenant, Washington s’oppose aux demandes répétées du Centre pour le droit constitutionnel et les Droits de l’Homme de Californie et a plaidé devant les tribunaux de cet Etat pour ne pas montrer ces images. Une censure obstinée qui dure depuis bientôt vingt ans.

Seuls les États-Unis ont pu examiner ce que ses satellites ont filmé, mais personne d’autre n’est autorisé à le voir. Ni le Conseil sécurité de l’ONU, ni l’OACI, ni les tribunaux des États-Unis. Pourquoi ?

Il n’y a qu’une seule réponse. Washington sait que l’incident s’est produit dans les eaux territoriales cubaines, très près de la côte de La Havane et, par conséquent, ne peut exercer de juridiction. Puisque les images satellites sont la preuve irréfutable du mensonge Yankee, personne à part les autorités US ne sera jamais autorisé à les voir.

Mais la question n’est pas de savoir si les images satellite exonèrent Gerardo. Elles ne sont pas nécessaires car pour le condamner, l’accusation devait prouver qu’il avait personnellement participé à l’incident, ce qui est totalement absurde, impossible à soutenir et peu importe où les avions qui violaient le territoire cubain ont été abattus. Mais pour Washington, cela a constitué et constitue un problème.

Un problème, parce que les images prouvent que les États-Unis, ses autorités et ses tribunaux n’avaient aucun droit pour juger un incident qui a eu lieu en dehors de sa compétence territoriale. Il convient de souligner que, selon les radars américains, les avions ont volé ensemble tout le temps vers le sud et au moins un d’entre eux, selon la propre version de des Etats-Unis, avait pénétré dans l’espace aérien cubain. En effet, si l’on accepte la version des États-Unis sur la localisation des avions, ils se trouaient près de la capitale cubaine, très proche de sa partie la plus centrale et peuplée. En quelques minutes, ils l’auraient survolée et auraient pu traverser l’île jusqu’au sud.

L’incident a eu lieu loin de l’espace aérien des États-Unis, bien en dessous du 24ème parallèle qui délimite les zones de surveillance aérienne des deux pays. C’est là, dans la zone sous contrôle cubain, qu’une bonne partie du vol s’est effectué, vers le sud en direction de La Havane et en ignorant les indications et les avertissements émis par le Centre de contrôle du trafic aérien de notre pays.

Quoi qu’il en soit, Gerardo n’avait absolument rien à voir avec cet incident, peu importe où il s’est produit. Et les autorités américaines étaient parfaitement au courant.

Selon l’acte d’accusation de Septembre 1998, le FBI avait repéré Gerardo et connaissait la mission qu’il effectuait. Depuis 1994, ils interceptaient ses communications avec Cuba, plus de deux ans avant cet incident qui a gravement affecté les relations entre les deux pays.

Les meutes de la mafia terroriste pro-Batista ont appelé alors à la guerre dans les rues de Miami. Pendant ce temps, selon ce qu’a écrit le Président Clinton dans ses Mémoires, la Maison Blanche avait discuté la possibilité de bombarder Cuba. Clinton choisit de signer la loi Helms-Burton, accompagnée de menaces belliqueuses. Peut-on croire qu’ils auraient épargné Gerardo s’il avait été impliqué ? Ils n’ont rien fait précisément parce qu’ils le savaient innocent.

C’est aussi la raison pour laquelle ils ne l’ont pas accusé lorsqu’il fut arrêté avec ses camarades en Septembre 1998. Dans l’acte d’accusation initial, il n’est fait aucune mention de l’incident du 24 Février 1996, pas plus que des avions abattus ou de questions en rapport. Ils ne l’ont pas fait parce que le FBI, qui possédait et avait lu les messages transmis entre Gerardo et La Havane, savait qu’il était innocent.

Le chef d’accusation numéro 3 (« conspiration pour commettre un meurtre » ) a été lancé uniquement contre Gerardo, plus de sept mois après l’arrestation des Cinq Cubains, alors qu’ils étaient enfermés en isolement – au « trou » - isolés du monde et où il était impossible de se défendre. À cette fin, l’Accusation a présenté un deuxième acte d’accusation qui - comme la presse de Miami l’a décrite - fut créée dans des réunions ouvertement dirigées par le FBI, le Procureur et les dirigeants des groupes terroristes.

Il s’agissait d’une accusation arbitraire, inventée de toutes pièces, dans le seul but de satisfaire les criminels, et d’attiser la haine contre Gerardo et ses camarades et de garantir à l’avance les condamnations les plus sévères, la plupart illégales et irrationnelles. Le chef d’accusation numéro 3 fut le centre d’une campagne médiatique sans foi ni loi et vulgaire, promue et financée par le gouvernement fédéral. Tel un tsunami de mensonges, il a balayé une communauté sans défense paralysée par la terreur. Il y avait cinq articles par jour dans la presse, des commentaires sans fin, jour et nuit dans les radios et télévisions locales, créant ce que les juges de la 11ème Cour d’appel ont qualifié en 2005 de « tempête parfaite » de haine, de préjugés et d’hostilité.

Une grande partie du procès fut centrée sur le chef d’accusation numéro 3. A l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience, des personnes liées à « Frères à la Rescousse » s’agitaient et faisaient des déclarations véhémentes amplifiées par les médias locaux. Eux et les « journalistes » payés par les Etats-Unis ont persécuté et assiégé les membres du jury qui se sont plaints auprès de la juge qui, pour sa part, s’est également plaint à plusieurs reprises auprès du gouvernement. Mais en vain, bien sûr.

Dans la salle d’audience, malgré tout, le mensonge sans fondement de l’accusation fut rejetée. Les accusateurs, qui avaient été si efficaces à promouvoir la haine et les préjugés contre lui, furent incapables de présenter une seule preuve reliant Gerardo aux événements du 24 Février. Pas une seule.

La défaite fut si écrasante et évidente que le gouvernement fit quelque chose de très inhabituel. A la fin des débats, lorsque la juge était sur ​​le point de publier ses instructions pour guider le jury dans ses délibérations, les procureurs se sont opposés, de façon surprenante, au texte que la juge avait préparé et qui reprenait mot pour mot le chef d’accusation. Ils ont proposé de le changer radicalement. La juge, à raison, n’a pas accepté la demande, en affirmant qu’ils avaient déjà passé sept mois à discuter l’accusation et qu’il était beaucoup trop tard pour la modifier. Le même jour, le Procureur se précipita pour faire quelque chose d’encore plus inhabituel : dans une action qu’il a reconnu comme étant « sans précédent », le Procureur a fait appel auprès de la Cour d’appel avec une « motion urgente d’interdire », cherchant à renverser la décision du tribunal de première instance ainsi qu’à faire reporter le procès.

Dans ce document étrange, l’Accusation a soutenu que « à la lumière des preuves présentées au cours de ce procès, [l’instruction donnée par la juge] présente un obstacle insurmontable pour les États-Unis dans cette affaire, et se traduirait probablement par un acquittement. »

Il convient de souligner que, selon un principe universel en droit, une personne est présumée innocente jusqu’à preuve du contraire et qu’il revient à l’accusateur de présenter les preuves de la culpabilité de l’accusé. Le Procureur était très certainement confronté à « un obstacle insurmontable » pour la simple et bonne raison qu’il ne pouvait pas présenter de preuve contre Gerardo, tout simplement parce qu’il n’y en avait pas et qu’il ne pouvait pas en avoir. Ils n’avaient aucune preuve contre lui et, pire encore, ils le savaient - car ils possédaient toutes ses communications depuis plusieurs années avec La Havane, y compris celles des années qui ont précédé l’incident des avions, et ils savaient qu’il n’avait rien à voir dans cette affaire. En d’autres termes, lorsque le Procureur a présenté son deuxième acte d’accusation, il était pleinement conscient qu’il accusait un innocent et par conséquent a pervertit la justice d’une manière grossière et impardonnable.

Le chef d’accusation numéro 3 fut une grave violation de la Constitution et du droit et aussi du devoir légal et professionnel des procureurs. Ils ont travaillé main dans la main avec le FBI de Miami en tant qu’agents et complices de la mafia terroriste qu’ils étaient censés combattre, alors qu’en réalité ils s’étaient mis à leur service avec une soumission scandaleuse.

La Cour d’appel n’a pas accepté la demande tardive de l’accusation et à partir de là, les événements qui se sont enchaînés pourraient être qualifiés de surprenants s’il ne s’agissait d’une affaire qui, du début à la fin, n’aura été et est encore, qu’une énorme parodie de justice.

Très rapidement, sans exprimer le moindre doute, sans poser de questions, en quelques heures, le jury a déclaré les cinq Cubains coupables de chacune des accusations déposées contre eux, y compris le chef d’accusation numéro 3 alors que, pour ce dernier, l’Accusation avait admis son échec et tenté de le retirer.

A la conclusion du procès, pendant la première semaine de Juin 2001, la juge a annoncé qu’elle prononcerait les peines à la mi-Septembre. L’acte terroriste abominable qui a suivi (11 Septembre 2001) lui a apparemment fait changer d’avis. Ni elle, ni le gouvernement se seraient sentis à l’aise en punissant sévèrement des héros anti-terroristes au moment même où W. Bush lançait joyeusement et en fanfare sa « guerre contre le terrorisme » à travers la planète. Ils ont donc attendu trois mois.

Finalement, le 14 Décembre 2001, Gerardo fut condamné à deux peines de prison à vie, plus 15 ans.

Tout le monde dans la salle d’audience savait qu’ils punissaient un homme innocent.

Ricardo Alarcón de Quesada

http://www.antiterroristas.cu/en/innocence-gerardo

http://www.freethefive.org/updates/CubanMedia/CMGerardoAlarcon051914.htm

Traduction « l’antiaméricanisme n’est pas une opinion mais un art de savoir-vivre » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles, et aussi une pensée pour les camarades encore emprisonnés.

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