L’Eugénisme En Marche - ou Heureux les pauvres en esprit car le royaume de la manipulation génétique leur est promis

Le sieur Laurent Alexandre, ci-devant urologue et actuel entrepreneur [1] a récemment confié à l’Express une tribune fort humblement intitulée « Pourquoi Bourdieu avait tort » [2]. Voilà donc le sort de P. Bourdieu et d’un pan de la sociologie scellé sans appel par les 50 lignes à l’emporte-pièce du tribun.

Les lignes en question au demeurant, et quelque provocantes qu’elles paraissent, semblent avoir soulevé fort peu d’intérêt, ne déclenchant apparemment pas le moindre buzz : une recherche sur l’Internet ne mentionne en effet qu’une seule recension notable d’ailleurs fort peu élogieuse, et une critique acerbe qui à vrai dire s’intéresse davantage au journal qu’il l’a publiée qu’à l’auteur [3].

Ce faible écho n’est guère surprenant, car le tribun, sous des dehors révolutionnaires au sens macronien du terme, n’y fait montre que du positivisme le plus suranné, d’un scientisme béat qu’on croyait passé de mode, et du réductionnisme le plus élémentaire. Toutes ces qualités étant rehaussées il est vrai d’un si singulier manque de curiosité. En effet, M. Alexandre semble ignorer les mises en garde précises et nombreuses de l’auteur grâce auquel il pense pulvériser pour le compte Pierre Bourdieu et tous les travaux mettant en évidence l’importance du milieu dans la réussite sociale. Enluminées aussi d’un esprit si rigoureusement critique qu’il passe sous silence les réflexions de fond sur le réductionnisme scientifique pourtant au principe de son article historique.

Reste que quelques aspects conjoncturels de cette tribune, bien inscrite dans l’air du temps, suggèrent de creuser un peu plus avant le pourquoi et le comment d’un tel pétard mouillé. Car ce pétard passablement truqué œuvre à l’accréditation lancinante d’idées fort dangereuses.

Qui est L.A.

Il est évidemment utile de connaître une part du parcours et des engagements de l’auteur afin de tenter comprendre d’où il parle, pourquoi il le fait, et quels sont les credo intellectuels et politiques qui constituent le soubassement de son interprétation des travaux en neurologie et en sciences cognitives. Et ses éventuels intérêts trébuchants.

Si l’on en croit sa biographie telle que décrite par Wikipédia et confortée par nombre d’articles répertoriés sur le web, L.A. est donc médecin urologue, mais il est bien davantage un représentant de la classe IEP/ENA et créateur d’entreprises. Personnalité libérale proche d’Alain Madelin, il est également présent dans la presse via ses rachats et plusieurs journaux font obligeamment place à ses credo.

L’essentiel de ses interventions (tribunes, conférences) se situe dans le domaine des « technologies », en particulier celles de l’ingénierie génétique ; elles révèlent un héraut du transhumanisme dissertant complaisamment sur l’immortalité à court terme et les éventuels bienfaits « humanistes » des dites NBIC. Cette passion visionnaire restant bien entendu totalement indépendante de ses intérêts personnels, investis entre autres dans une société de séquençage d’ADN. Celle-ci n’étant que le prolongement concret de celle-là.

On trouve également parmi ses fort nombreuses déclarations, des prises de position erratiques et tonitruantes sur le sujet, allant de la mise en garde alarmiste contre les apprentis sorciers à la futurologie enthousiaste. Le dénominateur commun étant comme par hasard l’appel à des « investissements massifs ». Car L.A. n’ignore évidemment pas que les avancées technologiques fulgurantes en NBIC et en IA ne tombent pas du ciel, ni de laboratoires marginaux et improvisés, mais sont bel et bien le produit de choix politiques influencés par les nombreux lobbyistes si attentifs au progrès humain...

Que nous dit-il ?

De manière fort simpliste [4], L.A. assène des chiffres dont la signification est assez sibylline, mais qu’il explicite aimablement pour nous après les avoir radicalement simplifiés :

On sait aujourd’hui que l’ADN détermine plus de 50 % de notre intelligence. L’école et la culture familiale ne pèsent pas beaucoup face au poids décisif de la génétique.

La formule chiffrée présente la compacité d’une publicité de pâte dentifrice ou de crème anti-rides, et le pourcentage bien rond est évidemment garant d’élégance scientifique [5].

Cette rigueur prend cependant quelques libertés avec l’arithmétique : les deux parts de 50% sont apparemment modulées par un mystérieux coefficient idéologique, puisque la moitié revenant à l’école et à la culture « ne pèse pas beaucoup », tandis que l’autre moitié est « décisive ». Voilà donc une manière singulière d’accommoder les chiffres à la sauce ingénierie génétique.

On apprend ensuite que pour la lecture elle-même, le rôle de l’école et de l’environnement culturel est marginal. Et l’on se prend à regretter que l’analyse soit encore incomplète puisqu’elle peine toujours à démontrer que le gène de la lecture est usiné à l’origine pour la lecture syllabique et tout à fait incompatible avec la lecture globale.

En dépit de ce petit goût d’inachevé, le degré de précision des analyses mentionnées est tel qu’il laisse envisager qu’il faudrait doubler l’effort individuel et la contribution familiale des malheureux ayant reçu un « mauvais patrimoine » pour qu’ils puissent espérer concurrencer les heureux héritiers [6].

Notre tribun s’essaye ensuite à démontrer que l’évidente corrélation entre QI et pauvreté est taboue [7], ce qui participe incontestablement au déclin de la France.

Alexandre insiste lourdement, dans de nombreux articles, sur le rôle joué par le QI (et par son origine génétique sous-entendue) dans la « réussite » [8]. Derrière cette affirmation s’en dissimule (mal) une seconde : celle de l’origine raciale de cet « avantage comparatif » génétique.

L. Alexandre prend ici appui sur le phénomène amorcé en France par la sidération des sphères ministérielles devant les résultats des enquêtes internationales de « compétences ». Le nouveau ministre, comme ses prédécesseurs, se devant de fournir une explication. Qui mette si possible hors de cause les choix institutionnels.

Pour ce qui concerne la lecture, les résultats de l’enquête Pirls (Programme international de recherche en lecture scolaire, touchant les écoliers de CM1) n’étaient pas très bons en 2012 (cf. Le Monde du 13/12/2012). Ceux de 2017 sont encore plus mauvais, au point de déclencher une prise de parole quasi immédiate du ministre de l’Éducation nationale.

Mais alors ? La baisse continue du QI de la France [9], d’emblée imputée par le ministre aux horreurs du « pédagogisme », traduit-elle une baisse génétique corrélée ? Les résultats comparés au niveau européen représentent-ils le potentiel génétique des différentes populations ? Faut-il révéler que les irlandais sont particulièrement doués de gènes performants, et les maltais particulièrement handicapés par leurs gènes insulaires ?

En fait, contrairement à ce que disent ces auteurs, sans cesse pleurnichant sur les interdits dont ils seraient victimes malgré les titres de presse et les chaires dont ils disposent dans les journaux, c’est bien l’idée d’un « héritage » des dons qui est la plus répandue. On en trouve trace partout dans le langage, dans les récits historiques, et dans les discussions de Bar du commerce [10].

Énoncer la théorie complotiste de l’éléphant dans le couloir est en effet une contre vérité totale [11].

Reste juste à préciser ce que sont ces « capacités » devenant subrepticement « intelligence » [12]. Mais il est assez clair que l’unité de mesure suggérée ici est en dernier ressort la capacité à « créer sa boîte » et à « développer » l’ « innovation » susceptible d’arracher des « parts de marché ».

Il existe en fait deux variétés de fans des fondements génétiques de « l’intelligence » : il y a les « conservateurs », dans l’acception macroniste du monde, pour qui la race, l’origine, la caste... disent tout sur l’intelligence de manière définitive, et il y a les « progressistes », En Marche vers l’amélioration de l’espèce, qui dissimulent leur condescendance de classe derrière le vœu pieu de « réparer » les héritages pénalisants. Ces derniers peuvent alors se réclamer d’un « humanisme » qui fleure bon la pitié charitable, mais en réalité se placent d’emblée dans le cadre de la guerre de tous contre tous : la supériorité chinoise doit être surclassée de toute urgence !

Ce discours a pour but d’ancrer l’idée de supériorités « naturelles » indiscutables, de contrer toute réflexion suggérant des politiques égalitaires voire compensatoires, et surtout de rendre « l’égalitarisme » responsable du « déclin », par l’étouffement de l’énergie des plus doués. Lesquels bien évidemment ne rêvent qu’entreprise, reprises, placements, start-up, concurrence et parts de marché.

Ce que font semblant d’ignorer ces tartuffes, c’est que l’égalitarisme n’est pas un « programme » mais une attitude philosophique et politique refusant l’enfermement des individus pour cause d’hérédité, de race, de couleur, de QI. Ils feignent d’avoir oublié que l’assise des anciens régimes féodaux était précisément de cette nature, de même que celle des privilèges ici, des castes là-bas. Que la déclaration des droits de l’homme est une déclaration de principe et d’intention et prétend justement affranchir l’Homme d’un calcul de QI ou des résultats d’un séquencement de génome.

Les malheureux semblent n’avoir pas compris, que la relativisation de l’interprétation du QI et la défiance vis-à-vis de son utilisation partent du même principe qui refuse que l’on prétende définir, limiter, arrêter le devenir d’un individu, son chemin, ses désirs et sans ambitions en lui opposant un bête chiffre censé le résumer.

Mais le point d’orgue de l’article en est sans conteste l’émouvant prétexte humaniste : lutter contre le déterminisme génétique pour compenser les inégalités. Beau projet. En contradiction cependant avec l’opposition radicale et méprisante à « l’égalitarisme ». Car l’égalitarisme on le sait, est gauchiste, irresponsable et contraire au progrès lorsqu’il s’agit d’éducation, mais il devient humaniste et porteur d’avenir dès qu’il s’agit d’ingénierie génétique.

Pourquoi cette tribune n’a pratiquement aucun intérêt scientifique et frôle l’imposture.

Il faut d’abord noter que les déclarations à l’emporte-pièce de Laurent Alexandre ne se préoccupent d’aucune des mises au point de R. Plomin lui-même, et ne font allusion qu’à des aspects parcellaires des travaux de P. Bourdieu.

Comme le rappelle en effet dans un article assez complet la rédaction du site Chronik [13], les découvertes de Plomin ne nient pas, contrairement à ce que fait croire Laurent Alexandre, l’influence de l’environnement : bien au contraire, elles lui donnent une place fondamentale. Dans un article de 2004 publié par l’American Psychological Association,Robert Plominexplique eneffet  : 

« Si l’influence des facteurs génétiques sur l’intelligence est d’environ 50 %, cela signifie que les facteurs environnementaux expliquent le reste de la variance. »

 
Plus grave encore, selon les mêmes auteurs, la présentation donnée par notre tribuniste émérite constitue l’erreur type que dénonce R. Plomin :

Nombre de lecteurs de bonne foi peuvent comprendre que l’intelligence de leur enfant est à plus de 50 % déterminée par les gènes dont il a hérité. Mais voilà, c’est précisément cette manière de « comprendre » qui est la plus importante contre-vérité, la plus grave erreur, la « number one fallacy » contre laquelle nous prévient Plomin, notamment dans son interview à la BBC en octobre 2015. [14]

Le site Mute fournit pour sa part de manière bien documentée quelques précisions sur le travail entrepris par Plomin et son équipe :

Mais lorsque des centaines de milliers de marqueurs génétiques furent ainsi passées au crible, les chercheurs n’ont trouvé que quelques associations entre des SNPs (polymorphismes d’un seul nucléotide), dont le plus efficient expliquait un peu moins de 1 % de la variance aux tests psychométriques, et les autres moins de 0,4 % (cf par exemple Harlar 2005, Craig 2006, Butcher 2008). L’effet est si faible qu’il faut répliquer ce genre d’études pour exclure les faux positifs. Et, en aucun cas, on ne trouve pour le moment de gène massivement impliqué dans les différences d’intelligence entre individus. De plus, Les deux propriétés essentielles sont ici la pléiotropie (un même gène a plusieurs effets) et la polygénicité (un même trait dépend d’une multitude de gènes) [15]

Ce qui adoucit singulièrement les déclarations à l’emporte-pièce de L.A., mais nécessite il est vrai un peu plus de réflexion.

D’où sortent encore des chiffres hallucinants de précision comme :

Nos différences de capacités de lecture en sont issues à 64 % du patrimoine génétique, la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers.

Mais de quelle lecture s’agit-il donc, et comment sont mesurées ces « capacités » ?

Par ailleurs, il y a une contradiction absolue à avancer ces affirmations et dans le même temps à charger les méthodes d’apprentissage de tous les maux. Et comment interpréter alors avec un tel prisme les nombreux résultats d’enquêtes internationales ? Le surgissement des « capacités » des chinois, coréens et autres signe-t-il donc une modification de leur patrimoine génétique [16], eux qui étaient considérés il y a un siècle comme des « peuples de coolies » [17] ? Ou bien seuls 50% de ces résultats sont-ils attribuables aux gènes chinois ?

Ou bien encore, la Chine aurait-elle, avant-même les « start-up » macroniennes et nonobstant les brevets en gestation dans l’entreprise de L.A., découvert la pierre philosophale NBIC permettant la production en série de génies de la recherche-développement ?

Ignorent-ils aussi, Alexandre et ses followers, qu’au XIX° siècle les premiers touristes anglais riches qui visitent notre pays, et singulièrement les Alpes (E. Whymper entre autres), y sont stupéfaits par l’omniprésence du « crétinisme » et l’arriération générale des populations qu’ils découvrent. Il faut croire que là encore un phénomène improbable a modifié les gènes des alpins pour en faire, au XXI° siècle des humains quasi normaux.

On pourrait également renvoyer L.A. -mais il est vrai qu’à la date de sa tribune il ignorait probablement les faits- au rapport parlementaire [18] rendu public ce printemps.

On y lit par exemple :

Le département (93) cumule des taux de chômage, de pauvreté et de difficultés scolaires bien supérieurs aux moyennes nationales. Face à ce constat, les moyens humains y sont pourtant inférieurs aux autres territoires : deux fois moins de magistrats, par exemple, au tribunal d’instance d’Aubervilliers, que dans un tribunal parisien équivalent. Dans les écoles « le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis »

Les dés sont donc singulièrement pipés, et il devient très délicat, M. Alexandre, de distinguer ce qui relève de la supériorité des gènes des élèves parisiens de ce qui relève du milieu, n’est-il pas vrai ?

A travers l’ensemble de ces recherches, au fond, il apparaît que les liens désespérément recherchés entre « gènes » et « intelligence » s’obstinent à ne pas se montrer, et bien entendu, à part Laurent Alexandre on ne trouve pas un seul chercheur pour suggérer encore qu’il existerait des « séquences de code » directement responsables de l’intelligence. Si toutefois il avait pris la peine de tenter une définition de la dite intelligence, mais sans doute veut-il encore faire croire que le QI dont il se gargarise dans nombre d’interventions est un indicateur largement satisfaisant.

Plus honnête, croisant les réflexions des neurologues, de l’épigénétique, de la sociologie, de la psychologie, de la pédagogie, des sciences cognitives en général, l’article pourrait alors se résumer à la formule :

P’têt bien que l’héritage génétique a une certaine influence sur l’intelligence, et p’têt bien que l’environnement, les conditions de la croissance et de l’éducation en ont aussi une.

Ce qui avouons-le est totalement renversant et en surprendra plus d’un. Et que Pierre Bourdieu admettait parfaitement [19]. Notre hardi tribuneur aurait certes gagné à lire quelques autres textes plus larges et plus synthétiques sur le sujet [20] ; mais une compréhension correcte, étayée, de bon sens et non biaisée n’était sans doute pas dans le propos de L.A., archétype des vulgarisateurs à l’affût de bribes de travaux scientifiques susceptibles d’apporter de l’eau à leur moulin quitte à en commettre une exégèse aventureuse. Toutes époques, tous les intérêts et toutes les idéologies ont tenté ainsi de subtiliser les travaux de recherche. Et à l’ère technocratique, surtout s’ils produisent de beaux chiffres [21].

Au final, l’apport de la tribune alexandrine serait inexistant si elle n’était faussée et caricaturale, et s’il ne tirait des conclusions tout à fait gratuites, primaires et dangereuses.

On voit donc sans effort exagéré transparaître dans le texte publié par l’Express, ce que L.A. et un certain nombre de commentateurs ont voulu faire dire à R. Plomin, lequel comme on l’a vu s’en est bien défendu.

Il s’agit essentiellement de prétendre raviver la querelle inné-acquis sur de nouvelles bases incontestables parce que chiffrées, pour espérer enfin faire basculer l’histoire dans le sens de l’inné. Or quelles que soient les intentions charitables (et surtout pragmatiques) affichées, vouloir à tout prix privilégier l’inné est une démarche enfermante, celle-là même qui renvoie les dominés à leur prétendue infériorité « naturelle ». Discours que l’on retrouve dans les discours de tous les dominants, de l’esclavage au nazisme en passant par la droite américaine la plus obscurantiste et ségrégationniste. Alors que le choix de l’éducabilité est par nature émancipateur, qui présuppose une égalité de principe et s’attache à la rendre réalisable.

Il s’agit aussi de redonner vie au scientisme [22], que l’on croyait durablement disqualifié mais qui ressurgit de ses cendres à chaque « innovation R&D ». Il s’agit d’y ajouter hypocritement la promesse de l’amélioration génétique, faisant ainsi le lit d’un transhumanisme au masque humaniste et égalitariste. Hypocrisie fort utile cependant à toute la startuposphère de l’ingénierie génétique, qui trépigne d’impatience à l’idée de pouvoir un jour fabriquer de l’humain OGM et tenter de damer le pion à la croissance de Facebook.

Reste que si cette promesse est déçue, comme celle de l’immortalité au bout du chemin de la recherche NBIC, il demeurera la « démonstration » de la nature génétique des différences d’intelligence, justifiant bien entendu les différences de statut humain.

Il s’agit enfin d’accréditer obstinément une approche réductionniste, fétiche des technocrates avides de chiffres. Un réductionnisme dopé par l’informatique et sa nouvelle dimension « big data » qui n’en est pas avare, et en produit bien davantage que tous les L.A. de la terre peuvent en digérer.

Il semble pourtant que, prévenu par Karl Popper, tout scientifique sait les limites de cette approche, mère du déterminisme. Car si le réductionnisme peut selon Popper constituer une étape méthodologique fructueuse, il ne peut en aucun cas constituer une doctrine, et l’extrapolation de résultats « réduits » à la réalité est toujours hasardeuse [23].

Et l’on retrouve également dans cette rhétorique le projet de la sociobiologie, qui prétend expliquer tous les comportements humains sur des bases biologiques, puis plus tard génétiques. Et nombreux sont les scientifiques de toutes disciplines qui ont mis en garde contre un schéma explicatif dont ils dénoncent les évidents effets pervers tant socio-politiques que scientifiques.

Ou tout cela nous mène-t-il ?

On serait donc tenté de conclure que la tribune en question est tout simplement totalement dénuée d’intérêt, et n’est qu’un pot-pourri d’approximations, de contre-vérités, de travestissements partiaux de résultats scientifiques, d’absence de réflexion et de rigueur. De soupçonner qu’elle n’était là que pour faire acte de présence dans les média et rester en vue. Le premier réflexe serait donc de l’ignorer simplement et de ne plus jamais ré-ouvrir le journal qui l’a publiée [24].

Mais ce serait oublier que ce texte poursuit en réalité deux objectifs bien précis, complémentaires, et lourds de conséquences.

Le premier est d’alimenter en eau fraîche le moulin de la macronie en avançant l’hypothèse de « start-up » susceptibles de doper au CRISPR-Cas9 l’intelligence française dont L.A. et ses amis nous révèlent qu’elle laisse tant à désirer, et qu’elle sera bien insuffisante dans le « monde réel » de la lutte de tous contre tous [25].

Le second est que compère L.A., par là même avance ses pions en tentant de montrer tout ce que l’ingénierie génétique pourrait apporter à l’économie française, se chiffrant comme à l’ordinaire en points de croissance et donc en créations d’emploi. Hypothétiques. En tous cas en perspectives radieuses pour les intérêts de ce secteur prometteur.

L’invocation du ministre Blanquer, de son proche collaborateur Dehaene et de la vision macronienne du monde souligne d’ailleurs la nature éminemment politique de la prétendue avancée scientifique :

.. C’est-à-dire accentuer la stratégie du ministre Blanquer, développer la recherche en pédagogie et donner des moyens aux grands spécialistes de la cognition : Stanislas Dehaene, François Taddei, Franck Ramus...

Et bien entendu l’approche « pédagogique » suggérée est majoritairement centrée sur cette vision selon laquelle, comme le déclare volontiers S. Dehaene, l’imagerie cérébrale va ouvrir les portes à la compréhension de l’acte de lire. Loin de cette équipe l’idée de s’appuyer sur les travaux pédagogiques d’approche globale et humaine : il s’agit plutôt d’un « retour à l’ancien monde (!), avec la glorification du modèle purement transmissif. Et elle ignore superbement l’ensemble des travaux de fond, de longue haleine, nourris de savoirs, de savoir-faire et d’expériences multiples. Là encore, « La Science » aurait tranché de manière indiscutable et désigné les procédures « efficaces ». Il n’est pour s’en rendre compte que de lire certaines réactions approfondies aux projets du ministre [26].

Tout ce galimatias n’a finalement pour but que de déguiser sous les aspects d’une « science dure » à la mode, capable de présenter des chiffres et des images numériques, une démarche idéologique non explicitée.

Or cette démarche conduit tout naturellement à faire surgir un eugénisme -bien entendu positif- et à un transhumanisme justifié par la concurrence déloyale et le péril du « gène jaune » augmenté [27]...

Il y a là, répétons-le, le fond commun de tous les racismes, les esclavagismes, les misérabilismes et de toutes les formes de mépris social : la volonté de renvoyer les dominés à leur place en affirmant qu’ils sont « nés comme ça ». On l’a trouvé à toute époque et sous tous climats, et la convocation des « neurosciences » (extrapolées, tronquées, manipulées, parfois même trahies) n’est que le nouvel alibi justificatif, paré des plumes de l’imagerie cérébrale.

Laurent Alexandre, toutefois, manque singulièrement d’audace dans la voie qu’il s’est tracée, et hésite à exposer toutes les conséquences prévisibles de son approche de l’inné et de l’acquis : s’il se lâchait vraiment, il nous révélerait sans aucun doute la base génétique des inégalités qui perdurent entre hommes et femmes. Mais nous proposerait bien vite une ingénierie susceptible d’upgrader le second chromosome X des malheureuses.

On sait évidemment l’idée de « l’amélioration de la race » vieille comme le monde, elle n’a pas attendu L.A., ni le « traitement de textes génétique » ; et depuis le II° Reich jusqu’aux inventeurs du transistor, nombreux sont ceux qui ont parié sur cette voie... Sans grand succès et avec moult dégâts.

Un chemin beaucoup plus direct vers l’amélioration de la race que celui prêché par L.A. (encore que pas accessible à tous) fut en effet imaginé dans les années 80 du XX° par une Banque des spermes d’exception créée par R.K. Graham [28]. C’était aux US bien entendu, la Chine n’étant alors pas encore le point de mire des eugénistes. L’un des plus célèbres des généreux et altruistes donateurs fut William Shockley, glorieux inventeur de l’effet transistor et prix Nobel de physique 1956 [29].

Mais il semble bien, hélas, qu’aucun des rejetons des spermatozoïdes hyper-performants n’ait inventé la Moulinette-à-faire-la-vinaigrette ni même le Repasse-limaces, et l’on ignore si le « pack » fourni par la Banque Graham comprenait à la fois le gêne des semi-conducteurs et celui des traces de paranoïa...

La seule nouveauté de cette tribune est donc bien sa conclusion en forme d’humanisme en trompe l’œil : certes les nuls sont nuls de naissance et aucune éducation n’y pourra rien, mais la macronie dans sa grande générosité (à moins qu’il s’agisse de pragmatisme) va les aider en faisant appel à L.A. et ses collègues. Elle va « réparer » ces mal dotés de l’ADN, et du même coup de ciseau génétique assurer les « avantages concurrentiels » de la France face à l’Asie.

L’émouvant slogan : « Se battre et dynamiter le déterminisme génétique ! » claque comme une bannière progressiste, et propulse même L.A. et toute la techno-sphère macronienne dans l’univers sulfureux de l’insoumission, de la révolte, de la lutte finale contre les injustices de la nature...

Le procès, ici, est clair et a deux aspects complémentaires. Affirmer la grande générosité visionnaire des nouvelles équipes gouvernementales, prêtes à faire la courte échelle aux sous-doués pour qu’ils viennent faire concurrence aux élites. Conforter la volonté de Macron de transformer la France en start-up nation, en privilégiant les visées réductionnistes et scientistes de Blanquer [30] et des équipes de numéricologues et de leur amis entrepreneurs. Lesquels n’attendent que les investissements massifs (publics ?) qui vont leur permettre de créer les « boîtes » de demain [31]. Et tout cela sans laisser place une seconde à la réflexion sur le monde dans lequel ils prétendent ainsi nous entraîner.

Il n’est au reste pas surprenant que tout ce que la macronie compte de Laurent Alexandre et autres hérauts de la croissance innovante s’empare avec gourmandise de travaux tels que ceux de l’équipe de R. Plomin. Quitte à ne lire que la surface des résultats scientifiques, à se hâter de détourner les travaux pour les citer à l’appui de leur vision orientée du monde.

Et c’est dans ce droit fil qu’apparaît l’argument massue : la dénonciation hypocrite de la licence qui régnerait en Chine vis-à-vis de l’IA et du transhumanisme : « Aucune norme éthique ne semble freiner les transhumanistes chinois ».

Et c’est pour mieux conclure : « La Chine disposera d’un avantage considérable dans la société de l’intelligence », suggérant que les « lois de la concurrence » nous obligeraient aussi à accepter à contrecœur l’eugénisme du XXI° siècle à visage (trans)humain.

Gérard COLLET

[1D’une société belge de séquençage ADN selon sa biographie Wikipédia.

[3Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express... En un mot : oui. Voir : http://www.acrimed.org/Sciences-peut-on-publier-n-importe-quoi-dans-L

[4Mais il est vrai que le format « Tribune » de l’Express ne permet pas de faire dans la dentelle.

[5On sait en effet très bien qu’Oral-B élimine 100% de plaque dentaire en plus, que par certaine crème anti ride « l’ovale du visage est redéfini pour 82 % des femmes » tandis que 96% des femmes constatent plus de fermeté...

[6En effet, « Nos différences de capacités de lecture sont issues à 64 % de cet héritage, tandis que la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers. » Or il est clair que 2 x 33 % est supérieur à 64 %.

[7Tabou indiscutablement lié à la domination culturelle des idées crypto-marxistes, diffusées sournoisement par les chaînes de télévision et les organes de presse écrite.

[9Statistiquement s’entend, car il y demeure heureusement quelques grands esprits échappant à la malédiction.

[10A titre d’exemple, cet extrait de L’Autre Amérique, Arte, 29/5/2018. : « Ce portrait le Justin Trudeau présente en beau gosse bien né, fils de Pierre Elliott Trudeau [...]. Outre ce lignage, qu’en est-il des convictions de Justin, de sa vision pour le Canada [...] . »

[11Cette théorie a été popularisée par Mme Smith-Woolley, une élève du professeur Robert Plomin, personnalité controversée qui a longtemps soutenu l’idée que l’intelligence est très fortement héréditaire. Elle compare la génétique à “l’éléphant dans le couloir” [en référence à l’expression anglaise “the elephant in the room”, qui évoque un problème évident que personne ne veut ou ne peut voir et ne veut discuter, ndt] et pense qu’elle devrait être enseignée aux futurs professeurs. Toby Young, libertarien provocateur et activiste en matière d’éducation, apparaît comme co-auteur de cet article. M. Young s’est récemment attiré l’opprobre pour avoir écrit que la génétique étant le facteur dominant de la réussite scolaire, les écoles ne faisaient que peu de différence. (https://www.lenouveleconomiste.fr/financial-times/reussite-la-spirale-du-succes-63020/)

[12Dont le sens reste propriété de M. Alexandre. En tous cas, il n’aura pas la place de les définir.

[14Voir note précédente.

[17En tous cas par les entrepreneurs de l’époque, ancêtres spirituels de L.A.. A ce sujet, on lira avec intérêt Cochinchine de Léon Werth.

[18L’état recule en Seine Saint-Denis, rendu public en mai 2018.

[19Voir note 11.

[20Albert Jacquard dans « L’Héritage de la liberté » expliquait de manière lumineuse l’articulation des deux genèses.

[21Rapprocher des instrumentalisations de Darwin (Contresens_Darwin) Voir aussi https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2017/09/09/lecobusiness-de-darwin-leur-evolution-et-la-notre/ : l’entreprise Darwin à Bordeaux !)

[22Tout problème humain quel qu’il soit peut être résolu par « la science ».

[23Voir à ce sujet Karl Popper ou la connaissance sans certitude, ChapitreXVII Échec au réductionnisme, Page 109.

[24Voir à ce sujet l’article d’ACRIMED : « Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express ? »

[25Selon Acrimed, il s’agit là d’ « un article pseudo-scientifique cachant mal ses objectifs politiques : défendre une certaine vision de l’éducation, en l’occurrence celle du gouvernement actuel ». Voir note 1.

[26Dans ce contexte, la création du conseil scientifique, présidé par Stanislas Dehaene et où neurobiologistes et psychologues cognitivistes sont dominants, est une forme de coup de force qui, de plus, désorganise le paysage français de l’évaluation où les acteurs sont déjà nombreux. (Fondation Copernic – Axel Trani (coord.) : Blanquer : un libéralisme autoritaire contre l’éducation, Éditions Syllepse.

[28Le narcissique homme d’affaires pense que son action va permettre de maintenir « un certain niveau d’intelligence » dans une société américaine en crise. Graham avait 38 ans d’avance sur L.A..

[29Selon sa biographie Wikipédia : A partir de là, les tendances dominatrices et paranoïaques de Shockley commencèrent à s’exacerber. Et il s’évertua à éclipser les deux autres co-inventeurs du célèbre effet.

[30M. Blanquer ne limite évidemment pas sa vision à cette facette. Cependant il est clair que le ministre veut une place primordiale pour les neurosciences et affirme volontiers que sur plusieurs débats pédagogiques « la science a tranché ». Confortant ainsi l’approche réductionniste.

[31M. Alexandre, pour sa part, ne pourra pas participer pleinement à ces investissements massifs en France, puisque sa biographie le décrit comme résident fiscal belge. (Wikipédia cite à ce sujet « L’Obs). Mais il pourrait bien en profiter.


COMMENTAIRES  

23/06/2018 20:06 par depassage

Ce Laurent Alexandre, je l’ai suivi depuis bien longtemps. Il n’est pas méchant du tout, mais il paraît qu’il mange de la nourriture humaine comme tout le monde, mais il ne sait pas sur quelle planète il se trouve. De ce fait , il passe son temps à dialoguer avec lui-même comme tous les prêcheurs. Ayant entendu beaucoup de prêcheurs dans ma vie, je me dis : un de plus ou un de moins, ça n’empêchera pas la terre de tourner.

23/06/2018 20:09 par Raoul

La construction du cerveau d’un être humain est influencée par les facteurs génétiques, certes, par l’environnement aussi, bien sûr, mais dépend énormément du hasard lors de l’établissement des liaisons synaptiques. Car les seuls gènes sont bien incapables de décrire précisément comment ces liaisons doivent s’établir (jusqu’à un million de synapses par seconde au début de la vie !) et il semble bien que ce soit le seul hasard qui nous donne un cerveau au potentiel plus ou moins élevé.

Ce cerveau brut va devoir apprendre et c’est là que l’environnement entre en jeu, là où les potentialités se révèlent ou non. Alors, si les gènes commandent effectivement la production des synapses, mais sont incapables de décrire précisément leur positionnement précis, en quoi ont-ils une importance sur les capacités de l’individu ? Cette question n’a actuellement pas de réponse, ce qui montre que les tenants du caractère génétique de l’intelligence font preuve d’un parti pris idéologique évident.

Quant au sieur Laurent Alexandre, on ne saurait que lui conseiller la lecture de l’excellent ouvrage de Stephen Jay Gould, « La mal mesure de l’homme », livre déjà ancien, mais manifestement toujours actuel tant les mêmes errements sont répétés, les mêmes arguments bidons ressassés et l’éternel QI ressorti comme ultime et seule mesure de l’intelligence.

23/06/2018 22:06 par Roger

Au Docteur Binet qui inventa les tests pour mesurer les connaissances déclaratives et procédurales d’un sujet, on demanda : qu’est-ce donc que l’intelligence ?
la réponse (sans aucun doute intelligente) de Binet : "ce que je nomme intelligence c’est ce que mesurent mes tests..."
Les QI et autres tests, évaluations nationales ou internationales, sont de belles "tautologies".
Par exemple les évaluations des chercheurs fondées sur le nombre de publis et la fréquence des citations de leurs travaux dans la littérature scientifique, auraient complètement ignoré Einstein !
Comme le souligne ce remarquable article, les élucubrations de L.A. et leur "publicité" sont surtout un des signes alarmant de la dangerosité de l’idéologie "buldozer" de la Macronie .

23/06/2018 23:30 par Georges SPORRI

En marge de cet article // Je viens d’apprendre qu’en Suisse , le CHUV ( Centre Hospitalier Universitaire Vaudois ) a fait une étude comparative des cerveaux de 2 populations 1- les élèves des écoles "disciplinaristes" et 2- ceux des écoles "Montessori" ( non directivité assez radicale proche des méthodes "Freinet" ) - Les IRM , Scan et autres test ont montré que les élèves " Montessori " avaient un cerveau mieux développé et une meilleure résilience à l’échec --- Conclusion intelligente mais débilement formulée : il faut foutre notre ministre de l’EN et ses thuriféraires Onfray et Polony dans la première poubelle qui sera assez grande pour contenir ces trois "volumes" ou alors dans trois poubelles plus petites , on a le choix !

24/06/2018 12:42 par IMBERT Olivier

Soit c’est salutaire, comme l’était la lutte un peu tous azimuts contre la socio-biologie, parfois même dans la nouvelle droite teinté d’un gramscisme très réduit à des lieux communs d’ailleurs ! Mais il me semble que ce qu’on évoque contre cet idéalisme déguisé en matérialisme mécaniste génétique en causalité univoque, pourrait au sein de sciences sociale être retourné contre Bourdieu, qui commence par s’en prendre au côté impérialiste de la philosophie, disons en France surtout où il y a un problème d’enseignement de masse dans le secondaire, et de formation des universitaires ; mais il finit par s’en prendre à l’économie, pour montrer que si les économistes ont des problèmes de quantitativistes un peu aveugle devant leurs échecs en politique économique et leur prédictions insuffisante c’est finalement parce que les difficultés rencontrer ne sont pas économiques mais sociologique. Et il prend l’exemple des politique du logement et donc aussi mais là ce n’est pas dit de la rente foncière, comme du bien logé et du mal logé..et donc pour dire que la science sociale explicative c’est au fond al sociologie et là il ne s’inquiète plus de son impérialisme, puisque la philosophie était seulement de l’euphémisation..comme un freudien dogmatique-impérialiste dirait qu’elle n’est que sublimation. Or là, ilme semble qu’on voit la pente naturelle de la métaphorisation du capital,dont la publicité s’est emparé tout autant au travers du capital culturel, notamment, en visant les classes moyennes disons petites-bourgeoises et aussi les administrateurs de l’Etat, comme les politiques après les enseignants au lieu d’en garde le sens d’économie politique à savoir le sens monétaire et donc comptable d’entreprises comme d’Etat, et du lien avec le profit et sa répartition comme distinct, du reevenu du capital, comme capital variable et donc aussi comme salaire du travail productif lui-aussi objet d’une comparaison avec la redistribution de la (sur)valorisation globale, donc macroéconomique aux salarié( de droits) des emplois non productifs qui en font en terme des inégalités des revenus et donc des modes de vie qu’ils déterminent, des distinctions et "différentialisations" de goûts par exemple, mais aussi des usages possibles des biens de luxes ou de conforts, en fonction donc d’activités de loisirs manuels parfois comme leur travail, mais aussi du délaissement d’autres pratiques sociales aux classes mieux payées (en apparence salariales)-rémunérées( en rétrocession de profit et partage de rente). Donc je crois que la détermination en dernière instance par les rapports sociaux économiques de productions ne peut pas ne pas expliquer ce "sociologisme" sans grande bourgeoisie financière-commerciale-industrielle et capitalistes unifiés en titre et obligations sans être au fond une alternative utile aux sottises génétiques qu’on lui oppose et qu’en effet...cette historicité sociale acquise de l’""entendement" et de la raison, donc en un autre sens de la culture générale ; au fond ce que le philosophe de la bourgeoisie allemande montante appelait la "Bildung", tout cela donc que je partage avec Bourdieu, dans la limite du matérialisme biochimique.

25/06/2018 09:20 par Assimbonanga

Avez-vous remarqué comme la méthode Montessori jouit d’une promotion exaltée tandis que la méthode Freinet est reléguée aux oubliettes ?

25/06/2018 10:09 par Roger

Imbert Louis, c’est un "bot" dont l’algorithme s’est emballé, ou un humain qui ne sait plus utiliser la ponctuation pour aider ses lecteurs à reprendre leur souffle cognitif ?

25/06/2018 15:42 par Pierre Roc

Bonjour,

Je m’intéresse depuis peu à la douance. Pour rappel on parle de surdoués quand 1. Le test au QI donne un score d’environ 130 ou plus, et/ou 2. On présente un fonctionnement psychologique particulier. Je me suis donc intéressé à l’intelligence sous l’angle particulier des troubles qu’elle peut entraîner et de son fonctionnement spécifique, quand elle est très élevée. Voici quelques éléments glanés au fil de mes lectures, à prendre avec des pincettes tant le sujet est sensible.

1. Le score QI est une construction artificielle, sa distribution suit une loi normale pour le faire paraître naturel, mais c’est le questionnaire qui est construit pour mimer une distribution gaussienne.
2. Le test QI n’est pas fiable. Voilà pourquoi le diagnostic de douance doit être réalisé par un psychologue expérimenté, et complété éventuellement par d’autres éléments ou tests (la douance s’accompagne de troubles dys- plus souvent que la moyenne semble-t-il).
3. Un QI de 130 ou plus vous place statistiquement parmi une minorité, moins de 2,5% de la population. Cela signifie qu’il y aura qu’environ 1 personne sur 50 qui aura répondu comme vous. Difficile de se faire des amis.
4. De fait les surdoués sont sujets à des troubles psychiques plus ou moins graves, à des difficultés relationnelles, etc. (ce qui a donné naissance au mythe du génie incompris, fou, ou qui meurt pauvre et seul - Einstein tirant la langue, Van Gogh se coupant l’oreille, Rousseau rejeté).
5. Plus dérangeant... le QI d’un individu se fixe très tôt (bébé qui apprend à marcher et/ou parler tôt, vocabulaire ou grammaire riche, lecture tôt) et ne bouge pas (hors effets de l’âge communs à toute la population). Clairement la part d’inné est écrasante. Mais ce n’est pas nécessairement génétique (elle est même couramment "spontannée", ie rien ne laisse supposer une ascendance plus intelligente), exemple d’explication : production plus tardive et plus longue de testostérone intra-utérine, avec impact quantitatif ET qualitatif du développement du cerveau.
6. Le QI vaut pour la population culturellement homogène pour laquelle il a été calibré. Il y a une différence entre classes sociales, entre groupes ethniques. C’est une différence de score, pas d’intelligence.
7. J’ai vu passer un graphique montrant corrélation entre QI et note scolaire. Mais je ne connais pas l’échantillon, donc les biais de sélection, ou les effets sociologiques à prendre en compte.
8. La surdouance peut s’accompagner de difficultés sévères dans la vie, échec scolaire, professionnel, relationnels, dûs dans le meilleur des cas au fonctionnement particulier du surdoué (émotivité, sensibilité, impulsivité, introspection/regard critique sur soi, honnêteté/loyauté atypiques) non toléré par une société très normée et très hiérarchique (y compris dans les milieux contestataires ;), et dans le pire des cas par la jalousie (harcèlement, pièges).
9. En conséquence (?!) on trouve les surdoués dans toutes les couches sociales. Ça va être un chauffeur de poids lourd Nitzschéen, un Ruffin (peu en politique, mais Ruffin en est-il réellement un), un artiste de renom, etc.
10. D’ailleurs beaucoup de surdoués du fait d’une conscience accrue des problèmes existentiels et du rapport potentiellement conflictuel aux autres, sont assez peu attirés par les honneurs, la reconnaissance sociale, le gain démesuré. Cela ne les pousse pas dans la réussite au sens ou les autres l’entendent (que ce soit carrière, famille, etc.)

Paradoxalement c’est le caractère inné et fondamentalement inégalitaire, donc tout ce qu’il peut y’avoir de plus INJUSTE dans l’intelligence, qui agit en faveur de "l’égalitarisme". En effet le monsieur que vous critiquez n’est-il pas tout simplement un être effrayé par sa médiocrité affligeante et irrécupérable ? En effet, si l’intelligence est telle que je la décris, alors c’est la possibilité même d’un ordre social qui est remis en question. Un indien sans aucune éducation peut retrouver toutes les mathématiques modernes sans effort, tandis que l’héritier d’un industriel particulièrement avisé sera irrémédiablement infoutu d’aligner 2 additions pour gérer le moindre plus petit budget. L’égalité politique, et non l’égalitarisme, stipule que chaque individu a les mêmes droits. Cela a deux conséquences sur l’inégalité naturelle :
1. Les plus intelligents pourra prendre pleinement possession de ses capacités, quelque soit son milieu d’origine ;
2. Les médiocres ne pourront aspirer à aucune ambition, puisque plus aucun enjeu de cet ordre n’a cours (tous à la même enseigne), car s’ils savent qu’ils n’ont aucune chance de succès concernant leurs mérites propres (parce qu’absents), ils peuvent toujours faire en sorte de rabaisser tout ce(ux) qui dépasse(nt). La macronie est un bel exemple de nivellement par le bas et de médiocrité poussée à l’extrême.

29/06/2018 22:14 par sahb

la théorie génétique (à laquelle plus aucun scientifique sérieux ne croit ...) a tout foiré ! et c’est pas en la complexifiant à l’infini qu’on fera oublier ses tares RELIGIEUSES : ce n’est qu’une version pédante de la PRÉDESTINATION ! elle a toujours plu beaucoup aux religieux et réactionnaires !

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