L’étonnant marché de Jérôme Cahuzac

Morgue époustouflante, provocation ou prise de température ? Le banni, l’exilé Jérôme Cahuzac fait son marché dans sa bonne ville de Villeneuve-sur-Lot. Cette petite balade pimentée de serrages de mains fait grincer des dents sur le plan local, celle du PS en tête...

À Paris, le silence est assourdissant car le dossier Cahuzac est une bombe à fragmentation qui réserve encore bien des surprises. Ou pas. Et ce, du fait d’un opportun enterrement de première classe… D’aucuns n’hésitent pas à évoquer un pacte dont la République a le secret.

Parmi les nombreuses interrogations qui planent encore et toujours sur les conditions de la fraude fiscale du premier percepteur de France, quelques unes ont atteint la stratosphère.

Depuis combien de temps le sommet de l’État était-il au courant des indélicatesses de son ministre ? La procédure d’enquête – purement administrative – décidée par le patron de Bercy, Pierre Moscovici était-elle la plus adaptée à faire la lumière, et rapidement, sur cette affaire ? Et, qu’est-ce qui a bien pu pousser Jérôme Cahuzac à avouer ses actes – dégoutant définitivement son avocat – alors que cela faisait belle lurette que l’étau se resserrait autour de lui ?

Force est de constater qu’une chape de plomb s’est posée tant à Matignon qu’à l’Élysée sur l’ensemble de l’affaire Cahuzac en général et sur son calendrier en particulier.

Bien sûr, on imagine sans peine que les communicants de l’Élysée, après s’être échinés à faire entrer avec plus ou moins de succès dans les reins et les cœurs que la carambouille était le fait d’un seul homme et non d’une équipe, rasent les murs et parlent bas afin d’éviter de réveiller le monstre d’un scandale partagé.

Mais il n’en demeure pas moins que lorsque l’on évoque ce cas, pourtant très récent, on a l’impression qu’il n’a jamais existé. On reste sur sa faim et sur l’hypothèse avancée par la presse suisse selon laquelle ce seraient les militaires et particulièrement les barbouzes de la DGSE qui aurait eu la peau d’un Cahuzac prompt à rogner le budget de la défense nationale.

Silence gêné

Il n’est plus question d’évoquer le moment où l’Élysée a su.
Ensuite, toujours en essayant de savoir quelles ont été les conclusions de l’enquête diligentée à Bercy, au détriment d’une plainte judiciaire en bonne et due forme, sur les agissements de longue date dudit Cahuzac, on se heurte au mur d’un silence gêné. On bafouille que c’est à la justice de faire son travail sur un air connu et usé jusqu’à la corde.

Le seul effet qu’aura cette ténébreuse histoire sera sans doute le déplacement ou le limogeage de Moscovici au début de l’été, histoire de laisser à son successeur les coudées franches pour présenter et défendre ensuite le budget 2014.

Enfin, grand clerc sera celui qui pourra expliciter les raisons du passage aux aveux de Cahuzac. Pourquoi là et pas avant ni après ? L’observateur a du se contenter alors de maigres éléments, du style « la position n’était plus tenable ». Pour quelle(s) raison(s) ? Mystère.

Du coup, certains « familiers » de l’affaire n’hésitent pas à avancer qu’un accord, dont Hollande, grand fan de Tonton Mitterrand, a le secret, aurait été passé entre l’exécutif et sa brebis galeuse.
Non pas que l’on se soit sucré à haut niveau et qu’on veuille masquer une éventuelle malversation. Il s’agirait tout bêtement de camoufler dans une organisation des plus relatives, qu’il a été choisi de ne pas prêter l’oreille aux informations alarmantes sur la personnalité aussi rapace qu’indélicate de l’ancien président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale et futur ministre du Budget. Pour une fois qu’on tenait un expert rassurant tant pour l’électeur par défaut que pour Bruxelles !

L’encore conseiller municipal de Villeneuve-sur-Lot, en faisant sa tournée des popotes, rappelle peut-être à Paris qu’il est juste blessé mais bien l’abri derrière des dossiers auxquels il ne serait bon pour personne de faire prendre l’air. Et ce avant des législatives partielles destinées à son remplacement au Palais Bourbon.

COMMENTAIRES  

14/05/2013 22:07 par Quidam

Ce qui est proprement sidérant c’est qu’il ne se soit pas fait au bas mot insulter par les badauds... plus ça va plus l’appréciation du général de Gaulle sur ses concitoyens se confirme décidément, c’est consternant...

15/05/2013 09:26 par pilhaouer

Contrairement à Quidam, je ne suis pas sidéré par le petit tour de marché de Cahuzac et je crois que la citation du Général n’était qu’un bon mot de circonstance ou de dépit.

Il faut rappeler que les repris de justice sont souvent réélus et les listes d’élus condamnés et réélus foisonnent sur la toile. On ne peut donc nullement exclure le retour de DSK ou de Cahuzac en politique.
La politique politicienne a peu à voir avec la morale, sinon comment expliquer le parcours d’un Mitterrand au passé sulfureux qui sauta dans les jardins de l’Observatoire mais fit aussi exécuter des résistants algériens.

L’explication serait plutôt à trouver dans l’origine et l’évolution de la démocratie dite "représentative".
Faut-il rappeler ce qu’en disait Sieyès :

Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants.

(Dire de l’abbé Sieyes, sur la question du veto royal : à la séance du 7 septembre 1789)

Et si on n’introduit pas de common decency en politique on fait élire des Balkany ou des Flosse qui peuvent être corrompus jusqu’à la moelle mais entraîner la majorité des électeurs qui y trouveront quelque intérêt.

L’élection devrait confier à l’élu au mandat unique la CHARGE d’exprimer et de réaliser la volonté de ses électeurs sous contrôle et sans possibilité de réélection, avec une indemnité suffisante mais sans avantages particuliers. Nous ne verrions plus les mêmes !

15/05/2013 09:34 par gérard

Très bien cet article car il lance plus de questions qu’il n’apporte de certitudes...
Quel jeu Cahuzac a-t-il réellement joué ?
Qu’est-ce qui et qui se cache derrière lui ?
S’indigner contre lui ?...la belle affaire !
Lire l’article de Antoine Peillon :
http://www.la-croix.com/Actualite/France/Un-rapport-accuse-le-renseignement-interieur-d-entraver-la-justice-2013-04-04-928953
« la presque totalité des cadres de la DCRI et de ces autres services de police ou de renseignement, toujours en responsabilité, sont ceux qui ont servi avec zèle le président de la République précédent  »
...ainsi qu’un extrait de son livre :
http://fr.scribd.com/doc/87054882/600-milliards-premier-chapitre.
Alors les 600.000 € de Cahuzac, des "broutilles" ?
Sans aucun doute !
Ceci dit, même si je comprends très bien qu’il faille quand même s’en indigner.
Mais à mon avis ce ne sont que des "amuse-gueules" pour occuper le "bon peuple".
Plus que jamais "coup de balais" et VI ème République s’imposent...mais il faudra des balais costauds !

15/05/2013 13:51 par do

"La Transparence est le projet même de la société festive.... Elle est sa religiosité, son ciel, sa poésie, son impératif, le facteur essentiel de sa réunification ; et aussi la motivation de fond à partir de laquelle de nouvelles persécutions deviennent possibles, ainsi bien sûr que de nouvelles condamnations sans appel contre les derniers récalcitrants qui pourraient encore être tentés d’avoir quelque chose à cacher, ou de ne pas considérer comme aussi exaltant de se montrer, et qui peuvent donc se trouver mis en examen pour hypocrisie, tricherie, cachoterie, endurcissement vicieux dans l’inauthenticité. La Transparence est l’aveu sans fard de la finalité que poursuit l’époque qui commence et dont nul n’arrêtera l’infini déchaînement. "
Selon P. Muray "Réclamer des Têtes. Entre deux fêtes." est ce qui excite le plus les "mères Teresa virtuelles et multiples de la bonne pensée universelle".

Philippe Muray, "Après l’Histoire"

15/05/2013 18:13 par Anonyme

Pourquoi ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Cahuzac" fait-elle couler autant d’encre, occupe-t-elle autant d’esprits...? Et ce aussi bien sur les médias des marchands de canons que sur les médias alternatifs...?

N’y a-t-il pas une "affaire Sarkozy" ? Une "affaire Lagarde" ? Une "affaire Guéant" ? Par exemple ?. Tous de droite ? Et encore, pour celles dont se mêlent un peu les tribunaux. Car pour les politiciens autres que Cahuzac qui placent leur immense fortune à l’étranger, circulez, y a rien à voir, les médias n’en parlent tout simplement pas..

Tout se passe comme s’il était question d’empêcher François Hollande d’aller au bout de son mandat. Car ; bien que du même parti que les on ne peut moins recommandables Kouchner, Besson et autres, qu’il soient appelés "éléphants" ou pas... ceux-ci n’ont toujours pas été mis au rancart du PS comme étant de droite... Ceci au profit d’une droite plus dure, très pressée, plus attachée au "valeurs de droite", et d’une l’exrtrême droite qui se confond avec elle mais est travestie en ’pas si méchante ni si raciste que ça au fond’. D’ailleurs, en France, cette extrême droite a une tête de ’bonne maman’ à qui ’on donnerait le bon dieu sans confession’, donc qui est censée protéger les enfants perdus (pour mieux les manger en réalité).

Et tout se passe comme si la droite comptait bien sur l’appui et le soutien de ceux qui ont cru de bonne foi le PS "à gauche" et qui vont aller dans le sens de la destitution du PS.

La gauche de la gauche ou la vraie gauche ? Les médias savent bien la diviser, puis faire état de ses divisions par elle amplifiées, ils ont l’habitude. De même que casser un leader sous toutes les formes de mépris imaginables ou, pour les médias qui font semblant d’être de gauche, sous forme de questions.

Cependant, lorsque le leader de la gauche de la gauche est récalcitrant et ne se laisse pas faire, il faut agir vite de crainte que ses troupes ne grossissent.

La droite laissera donc à la vraie gauche un ’leader’ pour lui faire espérer avoir plus de 10 % aux élections... le temps de remporter la victoire après avoir fait tomber le PS et pris sa place.

Après... si le leader l’ouvre encore trop... couic !

Car, si nous n’y prenons garde, la droite et l’extrême droite seront au gouvernement de la France (comme en Espagne) avec l’aide du PS et de la Gauche de la Gauche qu’on effraiera avec le danger d’arrivée au pouvoir de l’extrême droite ! La droite (et l’extrême droite qui lui aura servi de repoussoir, donc merci pour les renvois d’ascenseur), pourtant, arrivera au pouvoir "démocratiquement", bien sûr. Car ce ne sont pas les médias appartenant aux marchands de canon qui diront aux Français que c’est avec leur participation intéressée ...

C’est-y pas une belle conspiration complètement délirante, ça, Mesdames et Messieurs ?

16/05/2013 11:54 par BM

Les électeurs qui élisent des gens corrompus le font en toute connaissance de cause. Et même plus : ils espèrent récupérer quelques miettes de l’assiette au beurre... Sinon, pourquoi les braves gens interrogés lors des "télé-trottoirs" diraient-ils : "Oui, c’est vrai, mais il a beaucoup fait pour la commune..." ?

17/05/2013 01:46 par axb2-1000

Pasqu’on peut se demander si les "braves gens" ou "français moyens" interrogés lors des "micro-trottoirs" ne sont pas des salariés du marchand d’armes qui possède la chaîne et les journalistes qui les interrogent. Les TV sont trop honnêtes pour ça, croyez vous ? Elles appellent à la révolte plutôt qu’à la dépression généralisée ?

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