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Krach boursier et récession.







Christine Lagarde, Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi, 7 août 2007. Photo postée sur Bulle Immobilière par Maxime.

Mercredi 23 janvier 2008, 11 heures.


On dirait bien que cette fois-ci, ça y est. Georges Soros le dit : "La crise actuelle est le point culminant d’un super boom qui a duré plus de soixante ans" (Financial Times du 23 janvier). La formule du grand financier est remarquable : pour lui il est clair que le boom du capitalisme culmine dans la crise, et cette crise il l’envisage comme l’aboutissement fatal de l’expansion commencée depuis 1945, carrément. A l’époque le capitalisme renaissait, grace aux accords de Yalta, des cendres de la civilisation européenne labourée par Hitler, la précédente catastrophe qu’il avait provoquée. Soixante ans aprés, six milliards d’hommes et la planète en danger, l’expansion capitaliste aboutit à nouveau à la catastrophe. En pire.

N’empèche que voila déjà six mois que tous les matins experts et ministres nous répètent qu’il n’y a pas de crise, qu’il n’y a pas de krach, que les fondamentaux sont sains. Et plus ils le répètent, plus leurs propres déclarations deviennent des facteurs de la crise !

Bien sûr, de fausses compétences à la Jean-Pierre Gaillard continuent à expliquer cette crise bancaire et financière comme un accident malheureux, du à l’imprudence de certains emprunteurs et de certains prêteurs, consentant éventuellement à ajouter qu’en plus, la "dilution des risques" par la formation de produits financiers douteux a créé une situation de soupçon interbancaire généralisé. Toutes choses techniquement vraies, mais qui, répétons-le, n’expliquent pas du tout ce qui est en train de se passer. Car si la chaine a rompu par les prêts subprime, c’est parce que l’accumulation du capital aux Etats-Unis se fait de manière parasitaire envers le monde entier et repose sur l’endettement des ménages, plus fortement encore depuis l’absorption du krach de la net-économie de 2001-2002. L’autre aspect de cette politique, ce sont les dépenses militaires, les interventions tout azimuths, l’enlisement perpétuel dans la "guerre sans fin contre le terrorisme" permis par ce cher Ben Laden, sans lequel la politique militaire et économique de l’impérialisme nord-américain des sept dernières années n’aurait jamais pu se déployer autant.

Une dimension centrale de la crise présente, c’est donc, pour résumer, que les Etats-Unis n’arrivent plus à jouer leur rôle de pivot du capitalisme mondial et de gendarme du monde. Premier acte : ils sont privés de leur partenaire-adversaire avec la fin de l’URSS et entrent dans une posture déséquilibrée. Deuxième acte : le 11 septembre 2001 leur permet le grand déploiement, destabilisateur pour les autres puissances capitalistes. Troisième acte : maintenant. Maintenant, ils n’y arrivent plus.

D’où, soit dit en passant, le caractère hésitant voire chaotique qu’est en train de prendre la pré-campagne des présidentielles US. Barak Obama est la coqueluche de certains, puisqu’il est contre la guerre en Irak. Oui mais ... il est pour la guerre au Pakistan ! Il n’y aura pas d’alternative paisible à l’êre inaugurée par Bush : les Etats-Unis ne pourraient en sortir que par une intervention indépendante du peuple et de la classe ouvrière américain, certes de plus en plus lassés et mécontents de tous leurs politiciens et aussi de leurs hommes d’affaire, et pas par une tête nouvelle ou ancienne qui sortiraient des écoles et des lobbyes des partis républicain ou démocrate.

Le fait décisif dans l’accélération de la crise bancaire et financière et la cause du krach boursier partiel du lundi 21 janvier, c’est justement que le président Bush, sommé d’intervenir, est intervenu, et que son intervention a accéléré la chute, car ce qu’il a annoncé, ce sont les recettes par lesquelles les Etats-Unis avaient absorbé, stockée, la crise du début des années 2000, baisses d’impôts (en moyenne 800 dollars par familles, un écran de télé plat ! ), couplée par ailleurs à la hausse des dépenses militaires, donc toujours le creusement du déficit US. En d’autres temps un plan de relance de prés de 200 milliards de dollars aurait été salué, là son annonce a enfoncé un peu plus les choses car plus personne ne fait confiance à ces méthodes qui ont précisément construit les conditions techniques de la crise actuelle. "Le plan Bush déçoit parce qu’il ne comprend aucune mesure agissant directement sur la crise immobilière". note l’éditorialiste des Echos, J-M. Vittori, le 22 janvier. Là encore s’illustre la difficulté congénitale des experts officiels à comprendre ce qui leur arrive : le même note pourtant que depuis 6 mois toutes les digues financières et bancaires sautent, mais ils s’obstine à se rattraper au détail technique sauveur, comme s’il suffisait que Bush soit un peu moins bête qu’on ne le croit en France et qu’il ait pensé à prendre des mesures "directes" (lesquelles, d’ailleurs ? payer les gens pour qu’ils puissent payer ? donc éponger les créances douteuses des préteurs douteux ? mais cela suppose qu’ils s’identifient, ce qui suffirait à multiplier encore plus la panique ! ) comme si les mesures annoncées n’étaient pas logiquement les seules, dans le cadre de la politique américaines, qui pouvaient l’être.

En réalité, aprés Bush, c’est Ben Bernanke et la Fed (la Federal Reserve Bank, banque centrale US) qui ont dû lacher une baisse sans précédent des taux d’intérêts, de 75 points d’un coup, la plus forte depuis 1985, cela en l’absence de toute réunion de son comité de politique monétaire donc dans une ambiance de petit coup d’Etat interne. Le Monde ce matin 23 janvier titre vaillamment que cela a fait repartir les bourses à la hausse, mais on va voir car Wall Street n’a manifesté en vérité aucun enthousiasme et le rebond n’est vraiment pas garanti.

Il se trouve que le fameux forum des "décideurs mondiaux" de Davos commence aujourd’huin, donc au lendemain de cette baisse des taux de la Fed. L’avalanche des critiques est éloquente : Stephen Roach, patron des opérations asiatiques de Morgan Stanley, estime qu’au mieux la politique de la Fed conduira à une "nouvelle bulle". M.Trichet et l’équip de le BCE franfortoise misent d’ailleurs sur ces critiques pour résister aux pressions visant à ce qu’ils en fassent autant. Mais le pompom est décroché par John Studzinsky, conseiller en chef dans le fonds d’investissement Blacsktone, l’un des plus puissant sinon le plus puissant, fond américain mais dans lequel l’Etat chinois est fort présent depuis ce printemps, qui déclare :

"Les marchés ont besoin d’une seule chose : d’un leadership, que ce soit au niveau régional ou mondial. Mais il semble faire cruellement défaut ces jours-ci."

Voila qui frise l’étatisme : un des plus importants gestionnaire de capitaux qui réclame soudain un "leadership". On pourrait à juste titre ironiser sur le fait que le leadership du capital, c’est le capital lui-même. Oui, mais la seule limite du capital (quand les exploités et les opprimés ne peuvent arrêter sa course folle), c’est le capital lui-même. Quand John Studzinsky s’écrit effrayé, "pas de leadership", c’est une accusation terrible envers Washington lancée par ses vrais fondés de pouvoir.

Décidemment, ils n’ont plus confiance. Plus confiance en qui ? Plus confiance en eux !

Dans ces conditions, on entend de plus en plus dire que le soutien du système vient des pays "émergents" : ce ne sont plus "les fondamentaux qui sont sains", ce sont les "pays émergents" qui, comme leur nom l’indique, émergent et, ce faisant, rajeunissent la bête.

S’ il est vrai que ces pays, la Chine "communiste" en tête de trés loin, déversent une plus-value indispensable au capitalisme mondial en général et nord-américain en particulier, il est cependant illustoire de les prendre pour des jeunes pousses vigoureuses analogues à ce qu’étaient les premiers pays capitalistes autrefois comme la Hollande des années 1600, l’Angleterre de la révolution industrielle ou les Etats-Unis autour de 1900. Ils arrivent dans un monde déjà occupé et leurs propres économies, au prix d’une exploitation sans borne des êtres humains et d’une dévastation environnementale, fonctionnent sur la base des exportations de produits manufacturés vers les vieux pays capitalistes, pour ce qui concerne la production et la vente des marchandises, et sur la base de l’accumulation de dollars sous la forme principalement de bonds du Trésor, pour ce qui concerne le financement. La récession nord-américaine conduit à la crise de surproduction des économies asiatiques et à des à -coups financiers de caractère épileptique ; les bourses asiatiques n’ont d’ailleurs pas été les moins malmenées ces derniers jours. Certes, le rebond de la bourse de Hong-Kong ce mercredi matin est le plus vigoureux et confine au spectaculaire (+ 10,72%), mais les commentaires des experts asiatiques sont réservés et vont souvent, notons-le, dans un sens inverse des commentaires distillés à Davos cités ci-dessus : "Beaucoup de gens se rendent compte que l’initiative de la Fed hier est insuffisante." ( Hideaki Inoue, du Mitsubishi Trust and Banking de Tokyo). Ce rebond, s’il se confirme, fait repartir le dollar à la baisse par rapport à l’euro, mais pas par rapport aux monnaies asiatiques toujours sous-évaluées, autrement dit les grands déséquilibres persistent.

Dans ces conditions, les déclarations de Christine Lagarde en France tiennent à la fois du pathétique et du ridicule, car son acharnement à répéter la même chose qu’il y a six mois montre que le niveau de réflexion et, disons-le, de compétence, de la "gouvernance" à la française, celle que Sarkozy fait maintenant évaluer par audit, est particulièrement lamentable. L’assombrissement de l’horizon économique arrive en France au moment ou le mécontentement populaire est en train de s’intensifier à des profondeurs rarement atteintes. Pouvoir d’achat, laïcité, présidence "bling-bling", ce sont ici les paramêtres économiques, mais aussi politiques et psychologiques, qui passent au rouge. Pour faire basculer la situation, il suffirait que Sarkozy n’arrive pas à avoir ses trois cinquièmes de parlementaires le 4 février à Versailles pour avaliser son "nouveau traité" européen qui reprend, le caractère constitutionnel en moins, le contenu du précédent, rejeté par le peuple en 2005. Ceux qui empèchent la situation de basculer et aident donc Sarkozy à nous faire payer les conséquences de la crise du capitalisme sont donc ceux qui, dans l’ "opposition", auraient décidé de l’aider ce jour là ...

Vincent Présumey
www.le-militant.org


Cent quarante milliards de dollars pour éviter la récession. Mondialisation sadomaso, par Fabio lo Verso.

Immobilier, subprime : les racines de la crise, par Michel Husson




Fatal freinage aux Etats-Unis, par Joseph E. Stiglitz.


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Crise mondiale : les banques, le brut et... l’emploi, par Fabio lo Verso.




L’immobilier californien bouscule la croissance chinoise, par François Chesnais.


France : La crise des subprime ou le nouveau nuage de Tchernobyl, par Philippe Cohen.




A LIRE * * * : Note sur l’éclatement de la bulle immobilière américaine, par Isaac Johsua.



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