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Javier Solana Magne IV et Charles Quint

Qui aurait pu prédire à Javier Solana, quand il manifestait son idéal pacifiste sur les campus universitaires, avec sa longue écharpe rouge flottant au vent, sa barbe de contestataire et sa tenue soixante-huitarde composée de l’inévitable veste en velours côtelé avec garnitures en cuir aux coudes et son jean préalablement bien délavé, qu’après avoir été appelé Magne IV il serait également honoré au nom de Charles Quint ?

On disait même, en ces temps-là , que Javier Solana, tout naturellement, éprouvait certaines démangeaisons d’écrivain et concrétisait ses velléités littéraires sous forme de poèmes bien sentis dégoulinants d’humanisme et d’amour de la paix. Lorsqu’il n’écrivait pas, il dissertait au milieu d’un auditoire d’étudiants (d’étudiantes, le plus souvent) sur l’impérialisme yankee, le génocide que les marines U. S. perpétraient au Vietnam et le radieux avenir socialiste qui nous attendait dès que lui et ses amis arriveraient au pouvoir.

Ses amis et lui n’avaient besoin que de la confiance des électeurs et d’un peu de temps pour mettre en application leurs manifestes et leurs idéaux.

Et, du temps, ils en eurent : dix ans, toute une décennie, consacrés à cette unique tâche : piétiner avec acharnement leurs promesses et leurs faux-semblants, jeter à bas et mettre en charpie leur credo socialiste pour finir par adhérer à un gang de malins avec des ramifications dans le crime, le pillage et la répression.

Tous les engagements pris dans le passé, ils les ont ignorés et trahis avec une telle impudence et une telle hâte qu’une année à peine après avoir répudié l’OTAN, et avec cette ferveur si naturelle et si habituelle chez les nouveaux convertis repentants, ils l’ont réintégrée pour commencer et l’ont dirigée pour finir.

Javier Solana, pour lors, avait déjà abjuré toutes ces expressions caduques et ces mots d’ordre obsolètes évidemment relégués aux oubliettes par les modernes circonstances vécues au sein de cette « Europe du futur ».

L’écharpe rouge de notre Javier fut offerte aux victimes d’un ouragan dans les Caraïbes et sa femme de ménage hérita de sa veste en velours côtelé le jour où Solana dut faire de la place dans sa penderie pour six complets gris impeccablement coupés avec leurs six irréprochables chemises blanches assorties.

Il avait pris soin de raser net barbe et mémoires tout en jouant des coudes énergiquement pour se frayer un chemin jusqu’au sommet du pouvoir.

Sa pénultième pirouette l’amena à diriger en personne, en tant que Ministre des Armées, cette Alliance militaire créée pour soi disant faire front au Pacte de Varsovie désormais inexistant.

Et c’est ainsi qu’à coup de maturité et de bon sens réaliste, parti de l’écriture inspirée de déchirants épanchements existentialistes et amoureux, il en est arrivé à rédiger des communiqués militaires ; et c’est ainsi que le militant pacifiste qu’il fut est devenu chef de guerre.

Arrivé au terme de son mandat de Secrétaire Général de l’OTAN, pour mieux mettre à profit sa vaste expérience acquise dans des guerres pacifistes et des bombardements humanitaires, il fut nommé conseiller permanent du dit gang et, depuis lors, il voyage, d’hôtel en hôtel, à travers le vaste monde, pour dicter de pompeuses conférences tout en fuyant, par habitude, les miroirs qui osent lui renvoyer l’image de son honneur à jamais perdu.

« Vivre c’est se laisser porter… quant à moi, je ne voulais aller nulle part, mais des vents m’ont poussé », nous expliquait un Javier Solana tout ému lors de son allocution de départ en tant que Secrétaire Général de l’OTAN.

Velléitaire ce vent fripon qui a poussé Solana… et Solana, lui, s’est laissé pousser dans la tranchée de l’utopie, dans un premier temps, et ensuite dans ce donjon où l’âge mûr, comme disent certains, et le vent polisson, ajouterait Solana, bâtit ses convictions réalistes pour la défense des véritables valeurs.

C’est probablement ce même vent coquin qui est responsable s’il a été nommé, pour services rendus, Haut Représentant de l’Union Européenne pour la Politique Extérieure et la Sécurité.

A Copenhague, on se souvient encore de son arrogance de potentat digne d’une dictature bananière et du jour où il paralysa entièrement tout le centre-ville sous le prétexte de faire réparer sa paire de lunettes dans une boutique connue du quartier, et parce qu’il n’était pas question pour lui de se priver du long cortège de voitures officielles et de ses gardes du corps, sans compter les six motards danois et un nombre non négligeable d’agents secrets et discrets.

Pour l’Histoire, il a laissé un long répertoire d’indécences et quelques euphémismes, « dommages collatéraux » de son cru que jamais n’oublieront les Serbes, les Bosniaques, tout comme les Irakiens, les Palestiniens et toute personne douée de mémoire.

Pour que son héritage fût complet et, peut-être " qui sait ? " poussé par le vent, c’est la Fondation Charlemagne, celle-là même dont la charge est de perpétuer la mémoire de qui fut Empereur d’Occident " ce qui, en ces temps-là , était aussi le monde " et fut couronné à Rome par le Pape Léon III, cet empereur par son peuple appelé « Le Plouc », car il apprit à lire sur le tard et mourut sans savoir écrire, fils de Pépin le Bref et petit-fils de Charles Martel, marteau d’hérétiques et de chrétiens, cet empereur qui tailla en pièces force Byzantins, Musulmans, Germains et tout peuple qui voulut barrer la route à son empire expansionniste, c’est la Fondation Charlemagne donc qui vient de décerner à Don Javier Solana l’Ordre de Charlemagne « en raison des services qu’il a rendus pour l’unité et le progrès de l’Europe et la promotion de la paix dans le monde ».

Don Solana Magne IV est le quatrième Espagnol à recevoir si haute distinction puisque, avant lui, l’ont également reçue le roi Juan Carlos, le Premier Ministre Felipe González et Salvador de Madariaga.

Et le vent " assurément c’est le vent " a ajouté à cette distinction un parchemin, une médaille et cinq mille euros par-dessus le marché pour que notre homme puisse s’acheter un nouvel attaché-case en cuir noir, un nouveau costume gris ou bien résoudre son problème de lunettes.

C’est ce même vent polisson qui, ce jour, dans le Monastère de Yuste (1) (province de Cáceres) lui a décerné le Prix Européen Charles Quint du nom de cet empereur qui fut aussi appelé « Sa Magesté Césarienne » et dont le casier judiciaire de criminel figure dans toutes les archives, prix à lui décerné, pour ne pas être en reste, par le Prince Felipe en compagnie de deux González, la Sinde (2) et le Felipe (3). Le prince héritier espagnol a présenté Solana comme un « Espagnol universel et un européen convaincu » qui, a-t-il assuré, incarne les meilleures valeurs européennes, sans oublier « son infatigable labeur ».

Fort heureusement, le vent de l’Histoire a prévu l’existence du tout-à -l’égout.

Koldo Campos Sagaseta
Cronopiando - Rebelión http://www.rebelion.org/noticia.php?id=122255

Traduit par Manuel Colinas Balbona pour Le Grand Soir

1 - Monastère de Yuste : couvent espagnol, dans la province de Cáceres, en Extrémadure, célèbre pour avoir servi de résidence à l’empereur Charles Quint, de 1557 à sa mort en 1558. (d’après Wikipedia).

2 - Felipe González Márquez, ancien premier ministre socialiste espagnol. Son nom est étroitement associé au scandale des crimes d’Etat commis par les GAL contre les militants d’ETA…

3 - à ngeles González-Sinde Reig est actuellement, en Espagne, la Ministre de la Culture et l’auteure de la loi qui porte son nom, Loi Sinde, l’équivalent de la Loi Hadopi française, et très contestée par la gauche espagnole véritable.

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