Hollandie : L’ « aimable non changement » c’est maintenant !

Au terme de huit mois, le doute est définitivement levé. Et avec lui, le plus gros de l’espoir de gauche. Le changement promis par François Hollande se décrit simplement : aucune promesse n’est tenue - ce qui ne saurait constituer une surprise - mais fort « aimablement ». Et dans un certain désordre.

Il est à craindre que ce que retiendra finalement l’homme de gauche du présent quinquennat sera le Mariage pour Tous. Problématique de société, importante comme l’abolition de la peine de mort de 1981, mais qui ne saurait faire oublier l’ampleur de la crise.

Au surplus, Marianne n’a plus de saint « traditionnel » auquel se vouer.

Le gouvernement Hollande/Ayrault taille, ou s’apprête à tailler, en pièces ce qui reste de tissu social : prestations sociales, retraites, Sécu, et à imposer des augmentions fiscales tous azimuts, à commencer par une forte hausse de la TVA. Mais la fine équipe de Matignon s’ingénie avec plus ou moins de bonheur à enrober le tout dans la rondeur « normale » du locataire de l’Elysée.

LA « DROLE D’ALTERNANCE »

Hollande n’est pas franchement plus nocif, ni, hélas, plus efficace que son prédécesseur sur les grandes préoccupations que sont le chômage ou le pouvoir d’achat, voire la sécurité. Mais l’État est désormais confronté à un sens de la désorganisation qui atteint des sommets presque esthétiques. C’est la « drôle » d’alternance, comme il y eût la drôle de guerre de 39-40. Dans l’une comme dans l’autre, une chatte n’y retrouve pas ses petits.

Un second constat, tout aussi triste, s’impose : dans cet « aimable » foutoir, les Français ont de plus en plus de mal à rêver à une planche de salut. L’opposition traditionnelle patauge dans une panade grotesque de luttes intestines pendant laquelle elle ne peut trouver le temps de redorer constructivement le blason de l’anti-Sarkozysme, presque de l’anti-UMP, ou, mieux de jeter les fondations de ce qui serait un après Sarko. Il y a, à droite, comme un vrai problème de « casting »…

Il s’agit là , comme sur le plan économique actuel, d’un véritable scénario catastrophe. Et ceci sera mis à profit par le Front National et, peut-être, par le Front de Gauche, aux élections municipales de l’an prochain qui s’annoncent grandguignolesques. Elles sont déjà une source d’affreux cauchemars dans le camp socialiste.

Donc nous évoluons sans conteste dans un « aimable » bordel. Celui-ci tient beaucoup à la personnalité de Pépère, surnom qui lui est donné par ses conseillers, nous apprend le Canard Enchaîné.

Pépère dirige la France comme il gérait le PS lorsqu’il en était premier secrétaire. Il n’aime guère le travail d’équipe, possède un goût Mitterrandien du secret, se mêle de tout (tiens donc…) mais, contrairement à Sarko, fait croire que c’est son Premier ministre qui est aux commandes.

Le hic, est que, de l’autre main, le Président ne tranche rien, laisse les problèmes en l’état car il a horreur de conflits. Et il s’agit là , sans doute de l’origine du mal.

PEPàˆRE

Aimablement, Pépère entend préserver les équilibres internes aux socialistes et la paix avec les divers « partenaires » Verts, Radicaux et Communistes (dans une moindre mesure…). Du coup, l’équipe gouvernementale passe pour un retour des Branquignols et est quasi incontrôlable.

Montebourg bénéficie d’une immunité diplomatique. Ses sorties - pas forcément inutiles - mettent souvent l’Élysée-Matignon dans un vif embarras. Mais le bouillant ministre du Redressement productif, sur tous les fronts, avait obtenu la bagatelle de 17% aux primaires socialistes : Donc pas touche ! Jean-Marc Ayrault en perd son allemand et y gagne de curieuses relations avec Angela Merkel.

A l’Intérieur, Valls (7% aux primaires) regarde Taubira (1% via Baylet) à la Justice de travers. Cette dernière lui rend bien, et les deux détricotent (plus ou moins « aimablement ») ce que l’un ou l’autre a fait ou s’apprête à faire. Pas grave : on comptera aimablement les points, mais pas tout de suite. Il n’y a pas le feu. Sauf à Marseille, en banlieue ou encore dans les prisons …

Duflot poursuit un vibrant parcours gouvernemental entre une hâtive dépénalisation du cannabis, des passes d’armes avec l’Église pour des réquisitions de logements d’urgence. Pas de vaguelette : elle bénéficie d’un accord des plus opaques mais « aimable » avec Pépère qui lui a accordé un maroquin en lieu et place d’Eva Joly (très triste) en contrepartie d’indulgences parlementaires (hypothétiques) au cas où le PS perdrait sa majorité absolue au Palais Bourbon. Après une « aimable » loi sur le non-cumul des mandats, par exemple …

Sans tomber dans un inventaire à la Prévert, on citera les aimables déboires suisses de Cahuzac, la liberté de parole de Lebranchu sur le jour de carence des fonctionnaires. Là non plus : pas de vagues.

JEU DE PISTE

Nous aurons aussi la décence de ne pas parler de Pierre Moscovici (Finances) et de Michel Sapin (Travail) qui ont laissé à la porte de leurs établissements toute espérance. Comme dans l’Enfer de Dante. Pourtant ils n’étaient pas si incompétents, initialement. Aimables.

Tout ce beau monde délivre à qui mieux mieux des messages contradictoires, chacun dans son coin, sans coordination ni pilotage visible mais il nous indique sans ambiguïté : la France n’est pas gouvernée à gauche. Pour son bien ? Pour une image améliorée ? Vous en êtes juges.

Pépère veut reprendre du poil de la bête : il engage le pays dans un conflit au Mali. La population aime la virilité et lui accorde quelques points d’oxygène dans les sondages. Las ! Une fois décryptée, l’aventure « anti-terroriste » retombe avec des allures de bourbier françafrique.

Pépère plonge aussi vite dans l’opinion que Sarko. Hollande sait très bien ce que l’anti-Sarkozysme lui a permis de gagner et craint encore plus ce qu’un anti-Hollandisme lui ferait perdre.

Mais il y a le feu aux caisses de l’État. Pour éteindre et renflouer, les solutions suivent une méthode inédite : moins de retraites, moins de vacances, plus de taxes (TVA, diesel) dans les tuyaux mais tout ceci n’est ni officiellement décidé ni même officiellement arbitré. En élément de langages ce sont des « pistes ».

De fait un « jeu de piste » dans lequel les ministres eux-mêmes ont du mal à retrouver leur chemin. Quant à suivre, ou montrer, une direction …

Denis Thomas

COMMENTAIRES  

17/03/2013 21:00 par Dwaabala

Problématique de société, importante comme l’abolition de la peine de mort de 1981,

A tout prendre, et à choisir, je trouverais moins douloureux en tant qu’homosexuel d’être privé du mariage pour tous qu’être inculpé et condamné à mort puis exécuté pour un crime que je n’ai pas commis.

18/03/2013 07:56 par BM

Non, il y a un cap très clair : le néolibéralisme.

19/03/2013 09:26 par Altau

Si ça fait toujours plaisir de lire certaines vérités sur la pseudo politique de gauche du pouvoir actuel, tout cela est enrobé dans une idéologie réformiste et incroyablement dépassée qu’on retrouve à chaque ligne.

Chaque expression utilisée mériterait un long développement pour en extraire les fondements complètement trompeurs s’appuyant sur une conception de la politique qu’il est urgent de mettre en pièces :
"l’espoir de gauche", "l’homme de gauche", "le Mariage pour Tous, problématique de société importante", "Hollande n’est pas franchement plus nocif, ni, hélas, plus efficace que son prédécesseur", "le Président ne tranche rien, laisse les problèmes en l’état car il a horreur de conflits. Et il s’agit là , sans doute de l’origine du mal", "Mais il y a le feu aux caisses de l’État".

Résumons donc la problématique par ceci : il va falloir se poser sérieusement la question de l’utilisation du vocable "gauche" qui est manifestement dépassé. La simple vérité c’est que les élites disposent de deux équipes qu’on fait alterner de telle sorte que l’on puisse encore vendre le mot "démocratie" au bon peuple en voulant lui faire croire qu’il existe une alternative à la situation. Je ne sais pas si on va longtemps continuer à pouvoir le berner ainsi, d’autant que l’expérience nous apprend que ceux qui tirent les marrons du feu ne sont pas forcément ceux qui vont apporter du mieux, l’extrême droite par exemple.

Il faut arrêter de penser en terme gauche/droite alors qu’il ne s’agit que de différences mineures. On pourrait d’ailleurs dire la même chose de l’opposition droite/extrême droite tant les propositions des uns se nourrissent de celles des autres. Il faut changer de paradigme, il faut sortir de ce piège que sont les joutes électorales pour que rien ne change. Il faut travailler à casser l’État existant dans sa nature d’organisateur de la domination capitaliste et dans son rôle de metteur en scène du spectacle politique. Toute autre perspective est vouée à laisser ce système perdurer.

19/03/2013 14:15 par olivier

Bonjour,
Je suis assez d’accord avec Altau.
Il y a à mon avis une erreur d’appréciation dans le texte de Mr Thomas. Les symptômes que laisse transparaître le PS ne sont pas le fruit d’un rhume passager, d’une hollandite que l’on pourrait soigner avec une cure de vitamine C. C’est un mal systémique qui va toucher tous les partis qui vont se trouver en position de pouvoir. Le problème est connu, l’"élite" (je préfère le terme de classe dominante qui ne renvoie pas à des idées morales -aujourd’hui généralement absentes chez ceux que l’on souhaite désigner par le terme d’élite- et amène vers l’inéluctable affrontement, au moins au niveau idéologique) se perpétue au pouvoir (grâce à son contrôle exclusif du pouvoir médiatique) afin de conserver ses privilèges et devient une caste parasitaire dont le peuple ne peut plus rien attendre et ne représentant que ses propres intérêts.

Le système économique étant la source de presque tous les maux du peuple français doit être remis en question. Il est cependant le garant des privilèges de la classe dominante et ne sera donc jamais effleuré (malgré les promesses électorale qui n’engagent que ceux qui y croient). L’abolition du fonctionnement parasitaire de la classe dominante est donc une condition sine qua non à l’amélioration de la condition du peuple.

La seule cure possible est de mettre en place une démocratie beaucoup plus directe impliquant davantage (totalement ?) le citoyen dans le cycle démocratique (à travers des comités de quartiers, de communes et des aménagements de temps afin de permettre la participation de chacun) et en désarmant cette classe dirigeante par la mise en place d’une possibilité de révocation des mandats de la part du peuple en plus d’une loi effective sur le non cumul des mandats.

L’idée même de "classe politique" (dont le PS fait partie) est parfaitement incompatible avec l’idée de démocratie lorsqu’elle n’inclut pas l’ensemble de la population.

20/03/2013 05:53 par babelouest

Je plussoie sur Olivier. il est plus que temps de passer à la phase "la classe politique va au paradis" vu qu’en majorité elle y croit, elle. Cela risque de se faire de façon abrupte, vu que les solutions dites "démocratiques" sont très largement détournées, et aussi prévisibles que le mouvement du balancier.

Même les composantes du "front de gauche" paraissent en partie contaminées par le consensus devenu tout simplement inadmissible. Seul grand dilemme : nos compatriotes sont-ils prêts à assumer eux-mêmes des responsabilités que le système leur fait déléguer (bien légèrement) à des "professionnels" ? J’ai pu observer qu’à une échelle bien plus petite, les copropriétaires d’un immeuble s’en remettent à des bénévoles qui gèrent des choses aussi minuscules et essentielles qu’un remplacement d’ampoule dans un couloir commun, ou la relance d’un intervenant extérieur. Ce qui ne les empêchera pas, le jour de l’assemblée générale, de critiquer des actions, ou des inactions de ces bénévoles.

Comme d’habitude, le consensus mou d’une majorité pratiquant le principe des "trois singes" écrase ceux qui, ayant compris, voudraient agir. Quand ce consensus va-t-il enfin s’émousser, la colère et le mouvement dépasser la simple "indignation" comme le préconisait pourtant Stéphane Hessel ? On notera que dans notre pays, même ce minimum a été bien peu suivi. Que serait-ce d’un vrai mouvement de fond ?

21/03/2013 03:41 par olivier

@babelouest
Concernant le mouvement des indignés et son suivi plus que moyen en France : Il y a à mon avis 2 composantes majeures dans l’absence de réaction française qui sont en fait liées. La crise économique qui, si on en a beaucoup parlé n’a pas (encore) eu les conséquences terribles (au niveau social) qu’elle a eu en Espagne ou en Grèce où le mouvement a été plus soutenu. De ce fait, le chômage (2ème composante) est resté "relativement" stable en France et n’a pas atteint les sommets que subissent la Grèce et l’Espagne (sans parler du nombre de personnes qu’on a purement et simplement jeté à la rue suite à un non paiement d’hypothèques). C’est, à la base, une somme de phénomènes qui ont touché les personnes de manière purement égoïste et non un élan de solidarité (comme on pourrait le souhaiter et comme il pourrait le devenir) qui a été le facteur déclenchant.
L’Espagne n’a pas été épargnée par la propagande capitaliste et son illusion de société basée sur l’image, elle n’est pas peuplée de révolutionnaires. J’y habitais alors qu’avait lieu le référendum sur la constitution européenne... et on ne peut pas dire qu’il y ait eu débat (au niveau médiatique c’était pire qu’en France, il n’y avait même pas de question à se poser, c’était du plébiscite pur et simple, une formalité). La société de distraction avait le vent en poupe.
Tout cela pour dire que ce sont les conditions sociales drastiquement dégradées qui ont poussé les gens dans la rue et que la France qui n’était (et n’est) pas encore arrivée à ce stade ne s’est pas autant mobilisé.

En ce qui concerne le grand dilemme je me permets de reprendre votre exemple sur le peu de présence dans les ersatz d’"élans démocratiques" comme les réunions de copropriété. Là encore plusieurs facteurs, en premier lieu, la société de distraction : on n’a pas le temps (premier facteur), on bosse et quand on ne bosse pas on aimerait pouvoir oublier qu’on bosse et on a "autre chose à foutre que de se coltiner une réunion" où (deuxième facteur) les enjeux ont une répercussion quasi nulle sur notre quotidien (dans le cas contraire, comme lorsqu’il s’agit, par exemple, de faire construire un ascenseur qui va multiplier le prix des charges et qui va engendrer des travaux pendant un an, là généralement il y a salle comble).
Il y a aussi le fait que l’éducation nationale et l’éducation en général ne nous prépare pas suffisamment à 1 construire une idée 2 exprimer une idée 3 dialoguer (différent de tenter de convaincre) alors que cela devrait être un point central de l’éducation du citoyen.

En résumé, si l’on souhaite mettre en place une vraie démocratie fondamentalement participative pour et par le peuple, il faut aménager le temps nécessaire à la participation démocratique de chacun (en réduisant le temps de travail à travers des dispenses, pourquoi pas...) et remettre au centre de l’éducation (pour tous et pas seulement pour la classe judiciaire ou législative) un "art du bien parler", de la rhétorique, en évacuant la dimension exclusivement persuasive qui ne permet pas l’échange.
Les conseils formés devront avoir la possibilité d’exercer une vraie incidence, aussi bien au niveau local qu’au niveau national.

Tout ceci ne tombera pas du ciel, nous sommes d’accord, le pouvoir médiatique étant trop bien contrôlé et l’aspect distractif de notre société toujours omniprésent. Mais les conditions difficiles qui s’annoncent et les tensions croissantes qui vont en découler, le nombre d’injustices sociales augmentant drastiquement, rendrons plus perméables nos concitoyens à leur implication concrète dans le processus démocratique, pour peu qu’ils aient le temps d’y réfléchir et qu’ils soient en contact, à un moment ou à un autre avec l’idée.

Enfin, à ce qui crieront à l’utopie, je les renverrai à l’exemple du Venezuela où ces conseils ont vu le jour avec l’arrivée de la révolution bolivarienne et dont l’existence, à mon avis, explique le taux de participation très élevé aux élections alors que le vote n’y est pas obligatoire, signe non équivoque d’une renaissante conscience politique du peuple.

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