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Gilets Jaunes : vers une mortelle sclérose ?

Recadrons : il est faux de dire que les GJ ont obtenu plus en quelques mois que les syndicats en 10 ans (1). Il faudrait comparer point par point.

Dans la masse d’une série de défaites subies par les organisations politiques et syndicales, on verra que des choses ont été obtenues, d’autres préservées. Et si l’on voulait polémiquer, on dirait aux figures des GJ : « Où étiez-vous ? ».

Par sa durée, le mouvement des GJ bat tous les records, mais par la puissance, par le nombre, par la contre-violence, par les résultats obtenus pour les sans-dents, mai 68 reste inégalé.
Et surtout, mai 68 se caractérisa par une politisation intense des manifestants. Les noms des penseurs qui, au fil des siècles, ont éclairé et guidé les combats des masses en colère étaient dans toutes les bouches. Mai 68 fut un mouvement ouvert aux idées, aux organisations. Les noms de Marx, de Lénine, de Jaurès, de Louise Michel, de Trotski, de Sartre, de Simone de Beauvoir et de Marcuse étaient à l’honneur. Ceux qui en entendaient parler pour la première fois ne crachaient pas dessus du haut de leur ignorance par crainte de « récupération ».

La vérité est que les GJ ont bénéficié, dès le 17 novembre 2018, d’une explosion de colère et d’indignation qui s’est produite dans un tonneau de poudre patiemment rempli par des organisations auxquelles ils ne prêtaient pas main-forte. Organisations où militaient des bénévoles politiquement conscients.

J’ai entendu dans une (récente et interminable) AG de GJ un intervenant (très impliqué et très écouté) dire que si combattre le capitalisme, ça renvoyait au capital, à Karl Marx, non merci. Et personne pour lui dire le titre du livre le plus connu de Marx, personne pour lui apprendre que cet historien, journaliste, philosophe, sociologue, économiste, essayiste, théoricien de la révolution, est enseigné dans les universités du monde entier et que l’un des hommes les plus riches du monde, Warren Buffet, instruit par Karl Marx sur l’existence de classes sociales, sur l’exploitation de l’homme par l’homme, sur la théorie de la plus-value, a déclaré : «  Il y a une guerre des classes, c’est un fait. Mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la gagner.  »

En mai 68, personne ne prétendait savoir l’essentiel sans avoir rien appris. Personne ne revendiquait un droit de propriété octroyé par l’entrée dans l’action avant les autres (prétention qui empeste son « On est chez nous !  »). Chacun cherchait des renforts et le mot bienvenue avait effacé celui de récupération.

J’ai vu l’autre jour applaudir par une partie d’une AG une GJ qui répétait en hurlant qu’il fallait « chier sur la politique ».

J’ai remarqué la progressive diminution du nombre des manifestants. J’ai vu les organisateurs se réjouir d’en avoir réuni 20 000 dans des agglomérations de 500 000 à 1 million d’habitants.

J’ai vu la mayonnaise ne pas prendre.

J’ai vu des meneurs infatués, méprisants envers ceux qui luttent depuis des décennies pour obtenir des droits sans lesquels les GJ ne pourraient ni manifester, ni se réunir, ni parler.

J’ai entendu les GJ s’insurger (à juste titre) contre les violences policières et judiciaires, en parfaite ignorance de celles subies hier et encore aujourd’hui par des syndicalistes et par des militants politiques. Des militants qui étaient là avant et qui seront là après, quand les GJ auront subi la même fin que les Nuits debout.

J’ai vu une AG de GJ parler pendant 5 heures de problèmes d’organisation, sans une minute accordée à la question de l’isolement du mouvement, sans que soit émise une analyse politique et sans que soit même abordé ce dilemme : puisque de nombreux GJ ne veulent pas voter, puisque presque tous rejettent la violence, puisque les renforts physiques et intellectuels extérieurs sont repoussés, comment vont-ils faire partir Macron-tête de-con et « abattre le système » ?

Oui, je sais, mon propos est sévère et ne dit pas tout ce qui est bien, grandiose, historique, même.

Mais c’est un avertissement pour ne pas avoir à dire un jour prochain : « Nous nous sommes tant aimés ».

Vladimir MARCIAC

(1) Sauf, peut-être, pour les forces de répression.

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Jean Ortiz a publié 90 articles sur le site Le Grand Soir. Son style impeccable, son cœur à fleur de clavier, son intelligence servant sa remarquable connaissance des dossiers qu’il traite, son humour, sa fougue, sa fidélité aux siens, c’est-à-dire aux guérilleros espagnols que le monde a laissé se faire écraser par un dictateur fasciste, le font apprécier par nos lecteurs (nos compteurs de lecture le disent). Il a en poche une carte du PCF qui rend imparfaitement compte de ce qu’est pour (…)
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"Les Etat-Unis eux-mêmes, par leur tendance croissante à agir de manière unilatérale et sans respect pour les préoccupations d’autrui, sont devenus un état voyou."

Robert MacNamara
secrétaire à la défense étatsunien de 1961 à 1968
paru dans l’International Herald Tribune, 26 juin 2000.

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