Gibraltar, le film et l’actualité des saisies de drogues

Chien Guevara

Comment ne pas rapprocher la sortie du film de Julien Leclerc, "Gibraltar "le 11 septembre dernier, avec la saisie record de cocaïne à Roissy, à la même date.
Pour ceux qui ont vu le film , un haut dirigeant des douanes y lâche lors d’une entrevue avec l’aviseur : « « La lutte contre le trafic de drogues, c’est de la publicité »...

Actualité 1 (cinématographique) : Gibraltar, le film

Un nom qui a toujours fait rêver : Gibraltar. Un nom qui claque comme un drapeau, qui sonne comme une promesse de voyage. Une enclave britannique de 6 700 m2 à l’extrême sud de l’Espagne, un port entre l’Atlantique et la Méditerranée, entre l’Europe et l’Afrique… Le générique du film qui mélange cartes, coupures de journaux, chiffres et statistiques reprend cet imaginaire en y ajoutant celui d’une autre sorte de voyages : les drogues, dont des milliers de tonnes transitent par ce territoire.
Du fait de sa proximité avec le Maroc, le lieu était dans les années 80 une plaque tournante pour divers trafics de drogues. Ce contexte va inspirer le scénariste Adbel Raouf Dafri, déjà à l’écriture de Mesrine, Un prophète ou encore la série Braquo, qui adapte ici, avec ce film, une histoire vraie.

Marc Duval, expatrié français, vit avec femme et enfant à Gibraltar. Entre les paiements de son bateau et du bar de sa femme, il peine à boucler ses fins de mois. Proposé par un voisin, Marc intègre les douanes françaises en devenant agent infiltré. Sa première mission est d’écouter les conversations de trafiquants qui trainent dans son bar, et de les rapporter à son contact. Très vite, il permet la saisie de 150 kilos de haschich. Celà lui rapporte de manière officieuse 10% de la somme de revente estimée. D’autres missions lui sont confiées mais celles ci se révèlent de plus en plus dangereuses, et infiltrer les cartels de la drogue ne s’avère pas sans conséquence, surtout lorsqu’on rencontre un des réseaux les plus puissants du monde...

Marc doit prendre de plus en plus de risques alors que le support des douanes semble se dérober. Pris au piège, il devra faire un choix difficile.

Tiré d’une histoire vraie, on rentre facilement dans ce film très efficace, on partage ses joies, ses peines, ses inspirations, ses craintes, ses peurs, ses motivations... Bref, une petite réussite, ne nous le cachons pas... sauf si vous travaillez dans les douanes, auquel cas, votre profession n’est pas montrée sous ses meilleures auspices, loin de là... Gilles Lelouche est excellent comme à son habitude.

La construction de l’intrigue en trois chapitres est peut-être ce qui restera comme le plus perturbant. La dynamique de la dernière partie du film aurait pu prendre plus de place, évacuant les quelques longueurs du milieu en donnant une perspective plus politique (donc plus polémique) au film.

Il manque donc encore à Julien Leclercq une certaine maîtrise pour aborder plus frontalement les thématiques qu’il pose. Alors qu’il ne faisait qu’effleurer le problème de la montée du terrorisme dans l’Assaut, il se refuse ici à condamner certaines pratiques des douanes françaises envers leurs « aviseurs ».

L’ensemble souffre quand même de sérieux problèmes d’écriture qui risquent d’entamer la crédibilité d’un propos pourtant intéressant sur l’instrumentalisation des individus par l’Etat.

Car : « La lutte contre le trafic de drogues, c’est de la publicité ». Prononcée par l’un des patrons des douanes françaises, cette phrase, en substance, est peut-être celle qui résume le mieux le fondement du film : les milliers de tonnes de drogues qui arrivent en Europe, en constante progression et ce, malgré les politiques prohibitionnistes qui sont coordonnées au niveau mondial, ont montré de manière criante l’échec de la guerre à la drogue. Alors, quand un Etat annonce qu’il a fait une énorme saisie, c’est d’abord affaire de publicité, montrer aux autres polices de douanes (partenaires ou rivales) qu’on est capable d’arrêter des trafiquants. Gibraltar raconte comment la lutte contre le trafic de drogue s’organise au travers de coups tordus où dealers et flics finissent par étrangement se ressembler, jusqu’à devenir indiscernables.

Inspiré de l’expérience vécue par Marc Fievet relatée dans son livre autobiographique intitulé L’aviseur, Gibraltar est avant tout l’histoire d’un homme qui a servi l’administration des douanes françaises, avant d’être trahi par celle-ci et abandonné à la justice de son pays, purgeant plus de 10 ans de prison, suivis de 10 ans de conditionnelle, pour des crimes qu’il n’a pas commis.

Source : Actualité 1 (cinématographique) : Gibraltar, le film

Actualité 2 (journalistique) : Saisie record de cocaïne à Roissy

Comment trente-et-une valises bourrées de pains de cocaïne ont-elles pu transiter bien tranquillement à bord d’un vol Air France Caracas-Paris ?

Il y a 10 jours, les douanes ont saisi plus d’une tonne de drogue en provenance de Caracas, la capitale vénézuelienne, a-t-on appris ce samedi. Un record pour les douanes françaises félicitées par Manuel Valls.

Manuel Valls a tenu à l’annoncer lui-même samedi : les autorités ont saisi plus de 1,3 tonne de cocaïne pure le 11 septembre dernier à bord d’un avion de fret d’Air France en provenance de Caracas, capitale du Venezuela.

Devant des journalistes et une trentaine de valises vides qui contenaient la drogue, le ministre de l’Intérieur a expliqué que cette saisie, la plus grosse jamais effectuée en région parisienne, avait une valeur à la revente d’environ 50 millions d’euros.

Manuel Valls faisait cette conférence de presse à Nanterre dans les Hauts-de-Seine à l’office central de lutte contre les stupéfiants. Le ministre a tenu à saluer le "formidable travail des services de police et de justice qui a permis cette saisie exceptionnelle".

Visiblement les trafiquants étaient bien organisés : ils ont réussi à introduire dans l’avion des bagages remplis de cocaïne, en inscrivant dessus des noms de passagers fictifs : Bianca Sanchez ou Carlos Ortegas par exemple. Il pourrait donc y avoir eu des complicités au sein des autorités aéroporturaires ou locales, voire au sein d’Air France (NDLR : ou d’ailleurs… ?).

La cocaïne se trouvait dans une trentaine de valises enregistrées à Caracas à bord d’un vol Air France à destination de Paris, mais elles ne correspondaient pas à des passagers embarqués. Une partie a été saisie dans l’avion, l’autre dans un camion intercepté sur une autoroute en direction du Luxembourg.

Autre zone d’ombre (même si ce n’est pas la première fois), la cocaïne est arrivée en France le 11 septembre, mais n’a été saisie que 9 jours plus tard, le 20 septembre.
Les valises « n’ont pas été enregistrées par le circuit habituel », précise une source proche du dossier, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas passées au comptoir d’enregistrement d’Air France à Caracas.

Il s’agissait de bagages embarqués en fret sur un vol passagers, précise une source policière.

« Il faut nécessairement des complicités à l’escale d’Air France de Caracas pour imprimer les étiquettes de bagages », a expliqué à l’AFP Christophe Naudin, spécialiste de sûreté aérienne. « Il faut aussi des complicités à l’arrivée de l’avion pour récupérer les valises et les faire sortir ensemble ou une par une par la zone de fret », souligne-t-il.

Sources : franceinfo.fr et liberation.fr

L’avis de Chin Gué :

Pour ceux qui ont vu le film Gibraltar (histoire vraie), un haut dirigeant des douanes y lâche lors d’une entrevue avec l’aviseur : « La lutte contre le trafic de drogues, c’est de la publicité ».

A noter également que la fabuleuse saisie a eu lieue le 11 septembre, date de la sortie du film en salles.

Dans ce même film, on y voit les douaniers organiser un achat/revente

Bon, je dis ça comme ça …

Mais … j’aime pas la publicité, c’est plus fort que moi !

A noter également que cette saisie n’a pas été effectuée par les douanes, comme annoncé rapidement (rapidement, mais … 9 jours après !) dans la presse, mais par l’OCTRIS. Trop tard, la pub est faite et assimilée par le grand public.

L’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCTRIS), qui relève de la direction centrale de la police judiciaire, centralise tous les renseignements pouvant faciliter le travail des services chargés de lutter contre les trafics illicites de stupéfiants. Il coordonne sur le territoire national les enquêtes importantes, apporte son aide et assistance technique (surveillances) et sert de liaison entre les services de police français et étrangers collaborant sur une affaire. L’OCTRIS dispose aussi d’antennes extérieures implantées dans des zones présentant un intérêt stratégique (pays de production de la drogue – Colombie, Pays-Bas…- ou de transit – Venezuela, Brésil, Espagne…) et assurant un relais opérationnel avec les autorités répressives locales.

Source : Actualité 2 (journalistique) : Saisie record de cocaïne à Roissy

COMMENTAIRES  

02/10/2013 17:49 par gérard

heu...Gibraltar 6.8 ou 6.7 peu importe mais km2
La prohibition n’a jamais servi qu’à enrichir déjà les banques, mais y a pas que...

02/10/2013 18:42 par Anonyme

Combien y-a-til de détenus en France pour la cocaïne transportée ?

Telle est la question que pose Carlos Luna Arvelo, Vénézuélien, tout en faisant quelques remarques.

Vénézuéla : 22 détenus après enquête minutieuse et selon des informations gouvernementales.
France:5 détenus, trois Italiens et deux Anglais d’après les informations diffusées .

"selon les éléments concernant cette affaire, la saisie de drogue a été le résultat d’une opération de renseignements menée depuis des mois entre les polices de France, Espagne, Angleterre et Hollande. Ces mêmes éléments laissent clairement apparaitre que les services de renseignements vénézuéliens n’ont pas participé à l’opération.

Il convient de se demander :

1. Comment un acte de cette nature a-t-il pu être mené sans qu’il existe de complicités, civiles et militaires, à l’aéroport où a atterri le vol d’Air France n°368 ?
2. Peut-être que cinq individus, étrangers de surcroît, pourraient mener tout seuls l’opération qui consiste à débarquer 1382 kg de cocaïne ?
3. Pourquoi les autorités françaises n’ont-elles pas encore communiqué de détails sur le réseau de complices qui opérait à Roissy-Charles-de-Gaulle, comme l’ont fait celles du Vénézuéla ?

Il n’est pas facile de croire que dans l’aéroport le plus important de Paris (...) les moyens de contrôle pour empêcher le trafic de drogue sont si vulnérables que 5 étrangers peuvent passer outre.

Nous ne doutons pas que dans notre pays il peut y avoir des employés, civils et militaires, qui prêtent main forte à la mafia qui utilise notre territoire pour le trafic de drogue. Il doit leur être appliqué tout le poids de la loi et de la justice, ce qui a été fait. Mais il ne nous viendrait pas à l’esprit qu’en France cette mafia n’a pas aussi ses complices et alliés !

Si les autorités françaises ne font pas état du réseau de complices intervenus dans le débarquement de la drogue transportée par le vol 368 d’ Air France, il sera tout simplement clair qu’il s’est agi d’un montage à ajouter au dossier du Vénézuéla en tant que pays trafiquant de drogue. Souvenons-nous que les Français sont au service des intérêts de l’empire et que la DEA a tenté d’impliquer le Vénézuéla et son gouvernement dans le trafic de drogue."

02/10/2013 22:01 par Chien Guevara

Bien vu Gérard, j’ai buggé sur la conversion et c’est en effet 6,7 km2.

Anonyme, j’ai moi aussi trouvé que le pays de départ de la drogue, même s’il est plausible, est politiquement bien choisi. Dans l’article d’origine, j’ai d’ailleurs mis en gras le mot Venezuela, dans la dernière phrase, histoire d’ouvrir le débat comme tu l’as fait.
On fait de la pub pour les administrations sécuritaires françaises, et tant qu’à faire on enterre un peu plus ce pays envouté par le socialisme bolivarien...

03/10/2013 09:39 par Anonyme

Si on s’ "amuse" à lire la presse francophone sur le sujet...la palme revient peut-être au Huffington Post qui ose titrer :

Air France : saisie record de cocaïne dans un avion du Venezuela

Ce qui laisse ’penser’ au lecteur :

1. Que ce sont les BONS et PERFORMANTS douaniers Français qui ont effectué la "saisie"
2. Que "le Vénézuéla", donc son gouvernement, trafique la drogue EN MASSE. Ce serait donc un DANGER pour la "démocratie" ! On voit venir les belliqueux au gouvernement US et leurs vassaux: : faut bombarder "humanitairement"... (gros soupir de crocodile)

Il est vrai que le Huffington Post peut se permettre tout et n’importe quoi qui aille dans le sens de l’empire. Il sera non pas sanctionné mais couvert de louanges pour son habileté manipulatrice.

03/10/2013 16:31 par Christian Gatard

Bonjour,

Je suis avec beaucoup d’attention les commentaires sur le film "Gibraltar" et pour cause ........parce que je suis justement le "flic-douanier" (comme indiqué dans le film alors qu’ en fait je n’ étais que douanier) qui ait recruté Marc Fievet à Gibraltar.
Le film s’inspire effectivement de l ’histoire vécue mais (je pense que ce n’ était pas non plus l’objectif) ne retrace pas ce qui s ’est passé réellement tout au long de la collaboration Marc Fievet / douanes.
Il est certain que le beau rôle n’ est pas donné à la douane mais je peux vous assurer que la réalité est éminemment plus complexe que celle relatée dans le film ....même si déjà celle ci ne parait pas simple.

06/10/2013 15:43 par Marc Fievet

La réalité est éminemment plus complexe que celle relatée dans le film...qui n ’est qu’une fiction, très lointaine de la réalité des actions menées.
Totalement d ’accord avec Christian Gatard.

Comment expliquer qu’à partir de l’infiltration au sein de l organisation Locatelli, j’ai rencontré d’énormes difficultés pour obtenir l’aide et l assistance nécessaire à une telle action.

Me reste encore en travers de la gorge, le refus qu’a encaissé Christian Gatard de faire couvrir par des agents de la DNRED Paris une rencontre pourtant capitale avec d’importants narcotrafiquants, rencontre qui a eu lieu à l Hôtel Meurice à Paris et ce, quelques mois après le début de mon infiltration au sein de l organisation Locatelli.

Joseph Le Luarn, l’alors patron de la DNRED a refusé à Christian Gatard les hommes de la DNRED Paris pour couvrir la rencontre, obligeant Christian Gatard à envoyer ses hommes de l’échelon de Nantes, demandant renfort aussi à quelques agents de la DNRED Lille. Vu la totale méconnaissance des lieux, les narcotrafiquants sont repartis comme ils étaient venus, sans qu’une seul photo soit prise...

Quant aux saisies qui ne sont pas déclarées de suite, il faudrait demander aussi à Joseph Le Luarn si de tels cas se sont produits durant le temps qu’il était le DI des douanes à Roissy.

Marc Fievet
NS 55 DNRED

06/10/2013 23:20 par Chien Guevara

Merci Christian et Marc pour vos compléments d’informations, qui ne m’étaient qu’à moitié étrangers.

Puis-je me permettre de copier/coller vos interventions ici, pour les rajouter dans les articles d’origine ?
Dans le seul but d’enrichir l’information ...

07/10/2013 17:26 par Marc Fievet

Reprise de commentaires, pour moi, c’est d’accord !

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