GAZA - Les dirigeants israéliens n’ont pas de plomb dans la tête

illustration : http://benjaminheine.blogspot.com/
Jonathan GEFFEN

Pour le poète israélien Jonathan Geffen, qui fait paraître ce texte dans la presse conservatrice, l’offensive de l’armée israélienne est insensée. Et le prix à payer risque d’être très lourd.

De retour de New York le 26 décembre, je ne savais pas quel Israël j’allais retrouver. Sur la route de Lod à Tel-Aviv, alors que mes yeux fixaient le ciel, j’avais bien remarqué des hélicoptères Apache qui s’envolaient pour le Sud. Malgré cela, je ne me rendais pas encore compte dans quel pays j’étais revenu. Et, comme lors de chaque retour, j’ai à peine déposé ma valise que je me suis effondré dans mon lit. Lorsque je me suis réveillé le lendemain à 17 heures, j’ai entendu sur mon répondeur trois messages qui me demandaient de participer à une manifestation de protestation à Tel-Aviv et de signer une pétition contre la guerre. Quelle guerre ? Pourquoi ne m’avait-on rien dit ? Lorsqu’on subit le décalage horaire, il y a quelque chose qui va bien au-delà de la simple fatigue, quelque chose de mystérieux qui vient inexorablement brouiller l’espace et le temps. Mais j’ai été profondément heurté de me rendre compte que, pendant que je dormais, la guerre contre laquelle je suis censé me mobiliser venait précisément d’éclater.

Ainsi, à l’occasion des fêtes de Hanouka, nous avons inventé un nouveau spectacle pour le plus grand plaisir des enfants, spécialement pour ceux de Gaza : le Festigaza, un spectacle de pyrotechnie qui a l’avantage de bénéficier du concours extraordinaire de l’aviation israélienne, le tout diffusé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et notre peuple tout entier s’est à nouveau mis à communier dans la violence festive, en scandant des incantations telles que "Opération justifiée" et "Tsahal a lavé l’affront". Mais de quelle justice et de quel honneur parle-t-on ? Certes, l’Etat a le devoir de protéger ses citoyens. Mais cette guerre insensée n’éliminera jamais le Hamas. Au contraire, elle rendra la population de Gaza davantage sensible aux extrémistes. Une fois de plus, nous faisons la seule chose que nous semblons savoir faire : un massacre de masse qui finit toujours par être perçu comme une sorte de génocide (pardonnez-moi l’expression), une opération de destruction et de dévastation qui nous amène, encore et toujours, plus de dévastation et de destruction. Dès lors que nos dirigeants n’ont ni programme politique ni plan militaire, et qu’ils n’ont même pas la finesse d’envisager des incursions ponctuelles de commandos, ils préfèrent envoyer nos "hurleurs d’acier" [les avions de chasse] rayer de la carte toute une ville sans se soucier ni des morts innocents, ni des mères prostrées dans les tunnels mitraillés, ni de leurs enfants qui ne savent plus trop de qui ils doivent avoir le plus peur - du Hamas ou de nos forces armées.

"Comme nous avions cette bombe, il fallait bien que nous l’utilisions", avait déclaré le président Truman après le largage de la bombe atomique sur Hiroshima. Puisque nous ne manquons pas de munitions, nous utiliserons toute notre puissance de feu contre un adversaire qui ne nous arrive pas à la cheville. "A Gaza, il n’y a plus assez de place pour les cimetières", a expliqué un commentateur israélien. Mais comme il nous reste encore des tonnes de missiles et qu’il faut bien en faire quelque chose, bombardons les cimetières ! Et gardons-nous de diffuser la moindre image du massacre, vu que les spectateurs sont de grands sensibles. Et envoyons des médicaments aux Palestiniens avant de bombarder leurs stocks de médicaments. En attendant, ceux qui osent s’exprimer contre le crime sont à nouveau considérés comme des traîtres. Je suis curieux de savoir si Amos Oz et A.B. Yehoshua [deux consciences de gauche qui soutiennent l’offensive israélienne] ont déjà publié un énième manifeste humaniste dans les pages du Ha’Aretz ou s’ils sont seulement en train d’y travailler. Cela dit, depuis quand un écrivain est-il écouté dans ce pays ?

A cet égard, quoi de plus troublant que de découvrir que le nom du pogrom que nous sommes en train de commettre est tiré d’un poème de Bialik* [Plomb durci], le "poète des pogroms" ? Honte sur vous, militaires, si, après ma mort, vous décidiez de baptiser l’une de vos opérations en vous inspirant d’un de mes poèmes. En toute modestie, je viens de modifier mon testament pour que mes ayants droit (ma compagne, mes parents et mes enfants) puissent légalement intervenir contre quiconque aurait l’idée saugrenue de baptiser la prochaine opération israélienne "Jardin fermé" ou "Violettes". Cela dit - qui sait ? -, peut-être que d’ici là , vous aurez été cités à comparaître devant un tribunal international pour crimes de guerre et contre l’humanité.

* Lancée lors de la fête juive de Hanouka, l’offensive israélienne a été baptisée d’après une comptine enfantine du poète Haïm Nahman Bialik (1873-1934), En l’honneur de Hanoukka, où il est question d’une toupie en plomb durci. Bialik doit sa notoriété à son poème La Ville du massacre, composé après un pogrom qui avait entraîné la mort de quarante-neuf Juifs en 1903, en Russie.

Jonathan Geffen

Maariv

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=93115#

COMMENTAIRES  

06/01/2009 17:49 par JOUKOV

Mes Salutations et mon admiration à cet "intellectuel"qui reste propre ,ce sont des gens comme lui qui préservent l’avenir qui verra un jour le peuple palestinien retrouver ses droits,ce jour la une réconciliation pourra peut étre se produire.
cela me fait penser à la guerre d’Algérie où quelques pieds noirs se sont rangés du coté des opprimés et qui ont donné une autre image de la France.

06/01/2009 22:01 par Nicole

Des photos de Gaza, les Gazaouis demandent qu’on en montre. Je les ai maladroitement mises sur mon blog. Il y a un PPT et PPS à télécharger et à faire circuler, d’autres photos, aussi, terribles.

(Commentaires désactivés)