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Finitude de l’homme présidentiel

EM, 15 avril 2018 © Gilles Walusinski
Juliette Keating

Inquiétant, sombre personnage qui, à l’aube de ses quarante ans dans un pays qui vieillit, montre le visage non pas de la jeunesse mais celui de la mort.

Inquiétant, sombre personnage qui, à l’aube de ses quarante ans dans un pays qui vieillit, montre le visage non pas de la jeunesse mais celui de la mort.

L’impression en le voyant, et tenant pour une fois à l’écouter jusqu’au bout, d’un être sans chair, machine lisse qui ne trouve qu’en elle-même les raisons et mécanismes de son fonctionnement, et qui ne comprend rien à ce qui se joue ici et maintenant.

Son agressivité à peine contenue est sans humanité. Dans ses mots policés qui voudraient rappeler le droit, on entend les semelles cloutées des préfets et des flics piétinant chaque jour la loi pour mieux écraser les contestataires, celles et ceux qui veulent vivre autrement.

Ainsi nous devrions nous plier à l’ordre dominant, céder à l’autoritarisme d’un individu hissé à la présidence par l’effet de la crédulité de certains, de la peur compréhensible du FN, et surtout par l’activisme d’une poignée d’amis opulents et hauts placés qui ont le pouvoir de faire ou défaire une élection prétendument démocratique.

La vision de CRS casqués, armes à la main, pénétrant en masse dans un amphi d’université pour cogner les étudiants, est une image qui ne le choque en rien, éternel fayot de la reproduction sociale, petit soldat du creusement des inégalités au profit d’une frange infime de la population, ces plus riches qui, dit-il, n’auraient même pas besoin de lui.

La détresse des migrants ne le touche pas, les enfants emprisonnés en centre de rétention ne sont qu’une question d’efficacité de leur déportation, et l’on entend dans sa voix de sinistres échos quand il évoque l’islamisme par le mauvais bout du voile, qu’il accuse les Français.es solidaires des migrants de se faire les complices des passeurs ou qu’il répète mille fois le mot république comme on invoque une déesse païenne, du type qui dévore ses adulateurs.

Il ne voit pas, il n’entend pas, il ne dit rien non plus, incarnant à lui tout seul les trois singes qui ne seraient pas ceux de la sagesse mais de l’indifférence assassine.

Défenseur autoproclamé sévère mais juste des humains légaux, des écoliers sages et des petits propriétaires qui payent leurs impôts, il ne convainc personne. Il ne comprend pas que, sous le maquillage bonne mine, il suinte le mensonge et la mauvaise foi par tous les pores de sa peau et que c’est cela que le public, déjà lassé de sa ganache qu’il impose au quotidien, retient de chacun de ses cabotinages.

Il ne sait pas que tout ce qu’il représente, cet ancien monde fait d’agriculture intensive, de nucléaire, de bétonnage, de missiles, de surproduction, de compétition exacerbée, de mise en concurrence de chacun avec tous, de profits à verser aux actionnaires contre les travailleurs, de gloire aux millionnaires et malheur aux vaincus, nous n’en voulons pas. Que nous haïssons l’oligarchie qu’il représente. Que son temps est fini.

Juliette Keating

 https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/160418/finitude-de-lhomme-presidentiel

COMMENTAIRES  

30/04/2018 20:32 par irae

Belle description lucide du triste sire.

30/04/2018 22:43 par Feufollet

Pas mal le portrait que nous dresse Juliette
Mais il n’est pas encore assez complet et exacte
Pour une raison qui m’est inconnue, la morpho-physio-psychologie
Agit par réflexe dans mon évaluation préliminaire des personnes
A cet angle de vue, il faut rajouter l’écoute de la voie, du ton et de la parole
Dresser le portrait exacte de Macron, fait appel aux diverses sciences
En passant par toutes les sciences sociales
Pour en arriver à définir Macron comme un pur produit de la technocratie
Technocratie financière, s’il vous plaît
Alors je rajouterais bien cela au portrait
- Le vide et l’absence de franchise dans son regard,
son regard est comme halluciné, toujours dévié ou fuyant,
soit vers le haut, soit vers le bas, à gauche, à droite ou caché,
jamais en face, comme un coupable qui se sait.
Alors, le regard se cache dans l’absence quand on est macronisé à ce point

01/05/2018 00:07 par Eric Bétend

Bravo à l’auteur pour avoir su trouver les mots justes pour décrire M. Macron : "un être sans chair" en effet, avec si peu de sensibilité aux êtres et aux choses.

01/05/2018 06:17 par babelouest

Avec d’autres mots, des aspects différents, cela ressemble au regard que j’en avais le soir même de "son élection" (bidon comme le reste) :

lundi 22 mai 2017
Après le despotisme roué, le despotisme sombre
C’était pendant l’erreur d’un quinquennat fini.
Via l’océan profond vint un homme inspiré.
De sombre aspect il eut des accents susurrés.
Derrière lui, bien caché, s’en venait un roué
Qui lui dictait ses mots de malice chargés.
Lui, de belle prestance, il montrait que son âge
N’avait point tout-à-fait buriné son visage.
Comme des fils de nuit descendaient vers son corps,
Sans doute pour mouvoir de ses traits le décor.
Une voix entonna le Veni creator,
Des fracas de squelettes tambourinèrent alors.
De cette bacchanale insensée s’éleva
Un rythme lourd d’effroi sonnant comme le glas.
Les fils le conduisirent devant les lourds battants
D’un Élysée gisant, silencieux et mourant.
D’un pied leste il frappa sur le sol de pavés,
Les battants s’entrouvrirent pour le laisser passer.
Le sombre le plus noir sur le monde s’étendit,
Et plus jamais le jour ne vint chasser la nuit.

(d’après Racine, Athalie, acte II, scène 5)

bab

01/05/2018 08:08 par Chris

"Il ne sait pas que tout ce qu’il représente, cet ancien monde fait d’agriculture intensive, de nucléaire, de bétonnage, de missiles, de surproduction, de compétition exacerbée, de mise en concurrence de chacun avec tous, de profits à verser aux actionnaires contre les travailleurs, de gloire aux millionnaires et malheur aux vaincus, nous n’en voulons pas. Que nous haïssons l’oligarchie qu’il représente. Que son temps est fini."

Ce que représente le président Macron, c’est sa soumission à l’Union Européenne. Tout son corpus idéologique et toutes ses actions sont directement issu des traités de l’Union. Arrêtons de nous focaliser sur son insignifiante personne et regardons la cause de nos problèmes actuels : Notre appartenance à cette organisation impérialiste.

01/05/2018 09:05 par calame julia

Oui. Vraiment triste et transparent.

01/05/2018 09:24 par Ange Lini

D"accord sur tout ! Sauf sur : "Son temps est fini"... C’est plutôt le notre qui n’a pas commencé. Non plus celui des cerises mais celui du gâteau ! ...

01/05/2018 09:46 par daniel

"... hissé à la présidence par l’effet de la crédulité de certains, de la peur compréhensible du FN, et surtout par l’activisme d’une poignée d’amis opulents et hauts placés qui ont le pouvoir de faire ou défaire une élection prétendument démocratique."
Très bel article.

C’est cela qui fait peur, de savoir que le capital mets en place l’individu qui leur convient au moment donné !!!!

01/05/2018 11:07 par Triaire

Ce qui est incompréhensible, ce sont ceux qui ont voté pour lui ; certes, Le Pen était là...mais la grosse arnaque, c’est que ses idées sont au pouvoir ! Alors, pourquoi ce vote idiot ?Il y avait la FI juste à côté qui indiquait une autre voie, très progressiste cette voie...Comment a t on pu ignorer cela ?Hein ? les petites classes moyennes qui ont voté Macron en seront comptables devant l’histoire et nos malheurs à venir .
Au fait, oû sont les enseignants en grève ?!

01/05/2018 13:03 par Georges SPORRI

@Triaire // La FI aurait pu "gagner" les législatives ... Avec la tactique adéquate ... Ils ont préféré une absconse consultation de leurs adhérents et des postures // Ils auraient dû prévoir tous les résultats prévisibles et :
Au soir du premier tour annoncer la victoire de Macron contre la Le Pen ( aucun risque / aucun suspens ) - Appeler à une victoire la plus riquiqui possible par abstention massive - Expliquer que les législatives sont plus importantes que la présidentielle - Appeler le "peuple anti-austérité" à se venger aux législatives et, bien sûr, grèves et manifestations pour ériger le salariat et les classes populaires au rang de phénomène dominant // Marx : les idées qui dominent sont celles de la classe dominante ... sauf si ...

02/05/2018 10:13 par daniel

Pourquoi chercher un éventuel candidat autre que Macron au dernière élection présidentielle !!!!!!
Tout a été fait par le capital/finance pour faire élire Macron, quoi qu’il se passe....Point barre.

02/05/2018 11:53 par Assimbonanga

Macron ou Fillon, ç’aurait été du pareil au même : https://www.youtube.com/watch?v=2quMnH0tUEY
Qu’importe le Guignol sous les feux de la rampe ? Le pouvoir est chez les possédants. Ce sont eux qui tirent les ficelles de la marionnette. Le président de la République n’est plus qu’un simple DRH de la populace. Ça nous occupe l’esprit pendant que derrière le rideau les industriels vaquent à leurs placements financiers et à leurs industries prédatrices qui laisseront la planète exsangue.

02/05/2018 16:57 par Fald

Bon article, jusqu’à la dernière phrase qui reprend l’obligatoire couplet optimiste des articles de gauche depuis que la gauche existe : "Que son temps est fini".
"La lutte finale" à commencé il y a bien longtemps. Deux vers plus loin dans la chanson, il dit "et demain", sauf que ça a été dit il y a bientôt 150 ans.
Malheureusement, les peuples attendent toujours le "sauveur suprême", au lieu de s’unir.
Dans la France d’aujourd’hui, l’oligarchie (c.a.d. les ultra-minoritaires) sont unis. Quand Gattaz pose une revendication, il la pose pour tous les patrons et actionnaires, qui le comprennent, même ceux qui n’adhèrent pas au MEDEF.
En face, quand la CGT pose une revendication, c’est pour tout le salariat, hyper-majoritaire, mais les membres de ce salariat se considèrent d’abord comme hommes ou femmes, blacks, blancs ou beurs, homos ou hétéros, actifs ou retraités ou apprentis ou étudiants, comme employés ou chômeurs, comme juifs, musulmans chrétiens (c’est encore chez les athées qu’on trouve le plus les rares qui se considèrent d’abord comme salariés), comme employés du public ou du privé, manuels ou intellectuels, etc., etc., et pas comme salariés.
La bourgeoisie a une conscience aiguë que la lutte des classes existe et elle la mène sans scrupule, intelligemment, courageusement s’il le faut comme en Europe de l’Est il y a 30 ans, et elle la gagne.
Alors, Macron passera, peut-être même au bout de 5 ans seulement, ne se représentant pas pour revenir à la banque, et tranquille de savoir que de toute façon, scénario bien huilé, il y aura pire que lui, si possible face à Le Pen ou successeur, et en s’en foutant que le néo-fascisme finisse par gagner, puisque ce sera aussi une victoire de l’ultra-capitalisme.
Je sais, il y a 100 ans, on en a fusillé de moins défaitistes que moi, mais c’est comme ça ! C’est l’expérience qui alimente mon pessimisme.
Et cette manière de cultiver l’optimisme béat quant à la victoire finale me rend encore plus pessimiste, car il signifie qu’on ne veut rien faire pour ouvrir les yeux du salariat sur son manque de conscience de classe.

02/05/2018 17:45 par Louise de Bretagne

Je ne me trompe point et ne juge pas, mais le petit président des stupides cupides ne trompe que lui et les siens, et ceux des électeurs qui sont plus psychopathes que lui.
"On" peut tromper une partie du monde tout le temps et tout le monde une partie du temps, mais "On" ne peut tromper tout le monde tout le temps ! [Abraham Lincoln]

02/05/2018 23:25 par SPORRI Georges

@Louise de B... / Je trouve que les propos de ce psy. sont hyper normatifs et dégoulinants de moralisme sous couvert d’analyse ... Haïr Macron est légitime, mais il ne devrait pas se la jouer "expertise psychiatrique" pour snipper l’objet de sa haine et, en même temps, tous les couples qui ont un peu la même histoire et la même structure ... Il emploie à tors le mot pédophile ( 15 ans = majorité sexuelle ) et refuse d’admettre qu’une quadra en détresse affective puisse "tomber" amoureuse d’un homme très jeune. Il devrait aussi s’interroger sur la durée du couple Macron qui me parait plus intéressante à comprendre car, en général, ces couples là ne durent pas plus que 3 ou 5 ans . Et puis il devrait aussi se marrer un peu : être déniaisé par une quadra c’est peut être pas si mal ( en tout cas c’est courant dans la bourgeoisie de province ).

03/05/2018 19:00 par Assimbonanga

Macron, c’est un peu la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf : il s’en croît ! Tellement qu’il est intelligent d’avoir fait les grandes écoles, il ne se prend pas pour la moitié d’une et, par conséquent, c’est que tous les autres sont des nigauds. Il flatte le nombre, les foules. Les rockers à crucifix king size, Stéphane Bern, Cyril Hanouna sont ces cartes maîtresses au jeu de l’image et de la comm’. Pour un qui se classe parmi les intellectuels, il fait une grave erreur d’appréciation au sujet de la zad. Il ne sera jamais dans le groupe des grands (Mitterand) car en attaquant NDDL, il choisit le camp de la bêtise.

03/05/2018 23:58 par Georges SPORRI

Assimbonanga dit ce qu’il faut dire // Macron poursuit des buts minables .. Et ce qui me fait jubiler c’est qu’il a mis le petit HULOT-tirelire dans cette affaire ... Par contre, ce qui est triste c’est le manque d’envergure symétrique des opposants : personne n’ose proposer un projet d’utilité publique sur ces 16,8 km2 ! Le pseudo réalisme des opposants les conduit à accepter le dossier de la préfète servile (et vile) comme base // Le noble journaliste Julliard a essayé de nous vendre Macron comme un visionnaire, comme un équivalent de Saint-Simon, louable fayottage auquel Macron ne fournit strictement aucune preuve à l’appuis !

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