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De peur, mourir les prolos les font.

Elections : pour une déferlante de filles et de fils du peuple.

Vous connaissez le proverbe qui dit que ce sont les tonneaux vides qui font le plus de bruit ?

Ce sont ces tonneaux vides qui s’offusquèrent de voir Rachel Keke, alors gouvernante d’hôtel, née en Côte d’Ivoire, devenir députée LFI du Val de Marne. Et avec son accent, en plus !

Et comment ont-ils traité Caroline Fiat aide-soignante, députée LFI de la Meurthe-et-Moselle ? Pendant la pandémie de Covid, elle enfila sa blouse pour aller soigner les malades. Certains de ses collègues macronistes la surnommaient « Bac moins 2 ». Agnès Buzyn, ministre de la Santé l’interpella ainsi dans l’hémicycle : « Je comprends Madame Fiat que vous ne compreniez pas. »

Et voici le tour de Sébastien Delogu, fils d’une militante de la CGT des Bouches-du-Rhône, descendante d’Espagnols et d’un père chauffeur de taxi, d’origine arménienne et italienne. Sébastien Delogu a grandi dans les quartiers nord de Marseille. Il fut vendeur de prêt-à-porter, serveur, SDF, chauffeur de taxi... Depuis 2022, il est député LFI dans la septième circonscription des Bouches-du-Rhône, élu avec 64,68 % des voix. Mon dieu !

Le plus illustre des iconoclastes fut sans conteste Patrice Carvalho, 45 ans, ancien ouvrier mécanicien chez Saint-Gobain et député communiste de l’Oise, qui s’est rendu à l’Assemblée nationale le 12 juin 1997... en bleu de travail.

Le panache ! Les huissiers tentèrent en vain de lui barrer le passage. Ainsi entra dans l’Hémicycle un ouvrier en tenue d’ouvrier. Son choix vestimentaire illustrait ce propos de Cyrano de Bergerac :

«  Moi, c’est moralement que j’ai mes élégances.
Je ne m’attife pas ainsi qu’un freluquet,
Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet ;
Je ne sortirais pas avec, par négligence,
Un affront pas très bien lavé, la conscience
Jaune encor de sommeil dans le coin de son œil,
Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil.
Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise,
Empanaché d’indépendance et de franchise ;
Ce n’est pas une taille avantageuse, c’est
Mon âme que je cambre ainsi qu’en un corset,
Et tout couvert d’exploits qu’en rubans je m’attache,
Retroussant mon esprit ainsi qu’une moustache,
Je fais, en traversant les groupes et les ronds,
Sonner les vérités comme des éperons ».

Le mépris de classe peut se transformer en moteur de révolte.

Les leçons de bien parler.

A lire et à entendre notre fine fleur médiatico-politique, on a souvent du mal à croire que cette donneuse de leçons a majoritairement fréquenté les meilleurs lycées, les universités, les écoles de journalisme, l’ENA, Sciences-Po, l’Ecole Nationale Supérieure...

La plupart des responsables politiques, nombre de journalistes, ignorent des règles de grammaire française enseignées au collège.

Je vais en rappeler deux ici, pour leur rabaisser le caquet.

1- Nombre d’entre eux ignorent comment se fait l’accord du participé passé, conjugué avec l’auxiliaire avoir. Ils disent : « Les décisions que nous avons pris, les démarches que nous avons fait...  ». Bien entendu, il faut dire et écrire « prises, faites... ».

2- Presque tous bafouent pareillement la règle qui veut que le verbe reste à l’indicatif s’il suit la locution « après que ». Charles Trenet : « Longtemps après que les poètes ont disparu... » et non pas : « aient disparu ».

Il faut dire et écrire : « Après que les lumières se sont (ou se furent éteintes)... » (et non pas « se soient éteintes »). À la différence de « avant que », la locution « après que » est obligatoirement suivie d’un temps de l’indicatif.

Je vous parle ici de règles qui sont respectées par TOUS les écrivains, les intellectuels et quelques journalistes, ceux pour qui le bon usage du français est une impérieuse exigence du métier. Il m’en coûte de faire ici ce compliment, mais elles sont scrupuleusement respectées dans des quotidiens comme Le Monde, Le Figaro, parfois même (parfois !) par des chroniqueurs de l’audio-visuel. Le site Le Grand Soir, hormis, de temps à autres, des trous dans la raquette des administrateurs-relecteurs, respecte ces règles.

La politique est assurément le seul métier où sont mis en vedettes des mauvais professionnels, servis par des journalistes plus préoccupés par leur message que par la syntaxe.

Et pourtant, c’est dans cette engeance, dans cette mafia de « cuillères d’argent dans la bouche » que triomphent un sentiment de supériorité et un mépris pour ceux qui montent du ruisseau quand eux descendent du château.

Beaumarchais (Le Mariage de Figaro) distingua de belle manière les tenants de l’héritocratie et ceux de la méritocratie : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie !… noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu, perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes ; et vous voulez jouter !… ».

A l’égard de ceux qui ne sont pas de leur chapelle, les bouffis de la camarilla « bien née » ne sont que persiflage et raillerie. Ils ont oublié que le temps où les précieux petits marquis aux rubans fifrelins se moquaient impunément des haillons des gueux est passé depuis 1789.

Les Carvalho, Fiat, Keke, Delogu, etc. ont été dé-mo-cra-ti-que-ment élus députés par ceux qui se reconnaissent en eux, ceux dont Darmanin a dit qu’ils « boivent de la bière et mangent avec les doigts ». Ils ont été élus par les « sans-dents », par les « pue-la-sueur » par ceux dont Macron a affirmé que, « dans un hall de gare, ils ne sont rien).

Les Carvalho, Fiat, Keke, Delogu, etc., cela fait tache parmi les élus où la part du lion est dévolue aux médecins, cadres, patrons, professeurs, avocats, fils de famille, émissaires de banques, voire à des mafiosi (1). La survivance d’une portion, même congrue, de « la France d’en-bas » semble inconvenante là où est censé s’exercer le pouvoir de la République, c’est-à-dire le pouvoir du peuple.

Delogu candidat à la mairie de Marseille 

Puisque Sarkozy peut évoquer Roland BarthÈs, puisque Royal peut admirer la bravitude et Dati apprécier la baisse du taux de fellation, puisque la quasi-totalité de notre pseudo-savante « élite » bafoue les règles de français à connaître pour passer le brevet, il sera pardonné à Delogu quelques solécismes pourvu que, sur les conseils de Victor Hugo, il fasse taire

« Ceux qui n’ont ni coeur ni flamme,
Qui boitent de l’honneur et qui louchent de l’âme ».

Vas-y Sébastien, on est avec toi. Quand tu parles, on entend le peuple.

Vladimir MARCIAC

Note (1). https://www.inegalites.fr/L-Assemblee-nationale-ne-compte-quasiment-plus-de-representants-des-milieux

COMMENTAIRES  

27/11/2025 09:58 par Palamède Singouin

Pour l’exemple concernant Dati, il s’agit simplement d’une déformation professionnelle...

27/11/2025 10:20 par diogène

En 1936,l’assemblée nationale comptait 89 députés anciens ouvriers ou employés, soit un élu sur sept et ce chiffre était monté à 98 en 1945, soit un député sur quatre
Après l’élection législative de 2017 , Jean Lassalle et Caroline Fiat étaient les deux seuls députés ayant exercé la profession d’ouvriers, sur un total d’environ 600.
La structure sociologique du pays avait changé, la proportionnelle avait cédé la place au découpage électoral, l’industrie avait été délocalisée, le syndicalisme était devenu catégoriel et les services avaient remplacé la production, le nombre des "petits boulots" était monté en flèche pendant que le nombre d’emplois ouvriers dégringolait.
Cette tendance n’a fait que s’accentuer avec l’ubérisation, et le mépris de classe envers les rescapés traduit la morgue des enfants des anciens collabos qui ont fini par reprendre du poil de la bête (tout le poil de la bête, en fait), grâce à l’amélioration de la productivité basée sur la robotisation et l’externalisation qui ont tué la classe ouvrière, sans parler des manipulations type révolution orange de 68, gilets jaunes et wokisme qui ont drainé les mécontentements sur des fausses pistes.
On en est là.
Mais, à la fin du compte, qui achètera les marchandises produites pour engraisser les profiteurs (ceux qui font du profit) si le pouvoir d’achat de la population ne lui permet plus de se les procurer ? Les emplois de services ne peuvent être rémunérés que par l’utilisation de la valeur ajoutée aux produits finis.
Ils scient la branche sur laquelle ils sont assis, mais ce n’est pas une consolation : on coulera avec eux.

27/11/2025 12:07 par GE13

Le problème avec Delogu est qu’il a été désavoué par LFI lors de son voyage en Algérie au cours duquel il n’a pas eu un mot pour le journaliste emprisonné et pour la libération de Sansal...

27/11/2025 13:20 par Vincent

Les députés qui sont ici cités par l’auteur sont les trop rares exceptions dans un système de la représentativité qui ne représente plus le "peuple souverain" depuis longtemps.
Je les vois comme les très (très) rares élèves boursiers issus des cités de banlieues qui obtiennent une bourse pour Sciences-Po par exemple, et que les médias ne manquent pas de mettre à l’honneur de temps en temps, pour ensuite donner la parole sur le plateau TV au bourgeois héritier de service qui aura fait les grandes écoles qui sont réservées aux héritiers de bourgeois, et qui dira que, vous voyez bien, la République donne toute sa place au mérite.

En vérité à l’Assemblée Nationale il n’y a même plus vraiment des partis qui défendent des idéologies.
Oh ! il y a bien encore l’impression de cela, l’idée de cela ; une rémanence, si vous voulez : la mémoire des murs, en somme.
Je crois même que LFI (le dernier dinosaure - oups - je veux dire "parti de gauche") parle plus de lutte des classes que le PCF de M. Roussel l’atlantiste convaincu !
Mais même là, on a bien vu les Autain, Corbière, Garrido, etc. qui pensent plus à la représentation de leurs intérêts individuels qu’à autre chose.

Et c’est là le truc :
Les partis et les députés qui en sont issus représentent parfaitement l’époque : celle du libéralisme en toute chose. L’intérêt particulier. L’individualisme. La convoitise. La cupidité.
Un député n’aura du succès que s’il représente les bons groupes d’intérêts. Et un groupement d’intérêts, il a plus de chances d’être influent s’il peut aligner les biffetons.

À Bruxelles par exemple, là où sont vraiment prises les décisions qui nous concernent (la retraite à 67 ans - si, si - EDF pillée par des concurrents pirates au nom de "la concurrence libre et non faussée" et l’électricité 4X trop chère qui en découle, 800 milliards pour l’armement, la surveillance de masse, l’identité numérique, la censure institutionnelle, la propagande de guerre et ses mensonges éhontés de type "les Russes ont piraté mon GPS", etc.)
à Bruxelles donc il y a 35 lobbyistes pour 1 eurodéputé.
25 000 lobbyistes donc, munis de très nombreux biffetons et qui arrosent, qui payent en nature, qui invitent gracieusement aux meilleures tables, des gens qui touchent pourtant 8400 balles d’argent public pour n’être pas (trop) corruptibles...

Un député ça n’a plus une mission de représentation, ni une mission au service de l’intérêt collectif.
Un député ça a une carrière.
Un député ça pense d’abord a sa gueule, parce que c’est ça le seul modèle que cette société tolère, promeut, même.
Un député ça peut trahir, même plusieurs fois, du moment que ça suit le vent qui lui est favorable.
Et un vent favorable, dans une société qui produit de l’acculturation de masse, ça s’appelle la démagogie.

Moi ce que je souhaite, c’est un ouragan qui balaye TOUT.
Pas me bercer d’illusions en imaginant que trois prolos qui se sont fait une place dans un hémicycle qui les méprise pourtant bien moins que JE suis méprisé moi qui suis des millions, arriveront à changer quoi que ce soit au nihilisme libéral mortifère qui nous pille tous, impunément, au delà même de l’indécence, du supportable ou du soutenable.
Tu veux ma voix ? Tu vas l’entendre !

27/11/2025 14:41 par Lou lou la pétroleuse

voire à des mafiosi (1)

Je me suis rendu sur le site indiqué dans la note (1), site intéressant certes, mais qui n’évoque pas de mafiosi.
J’ai longtemps soupçonné Sarko d’en être, et je le soupçonne encore, mais je n’en ai aucune preuve. Est-ce qu’on en connait d’avérés parmi les parlementaires ?

27/11/2025 18:12 par homme

Que Delogu soit élu par les marseillais bien lui en fasse , mais qu’il apprenne déjà à lire un texte à l’assemblée nationale en arrivant à le comprendre serait un minimum !!!

27/11/2025 22:54 par RBOBA

"(...) bafoue les règles de français pour passer le brevet". Vous êtes gentil ! Même pas pour passer le Certificat d’Etudes pour lequel cinq fautes de français à la dictée, étaient éliminatoires ! Une autre faute régulièrement entendue sur nos "ondes nationales", c’est celle-ci : "pallier à" au lieu de pallier tout simplement, car c’est un transitif direct. Pendant tout un dimanche, il y a quelques années déjà, une "journaliste" manifestement ne sachant pas lire les lettres romaines, a répété à chaque journal "d’information" : " Mohamed IV". Si seulement "on" lui avait écrit le nom de ce souverain en chiffres dits...... arabes !

28/11/2025 18:57 par Guillaume Rampon

Le Français est une langue vivante qui change avec le temps.
La comtesse de Sévigné n’employait jamais le don mais systématiquement le que.
Comme font beaucoup de gens du peuple actuellement, faut il pour autant les mépriser ?
Toutes ces subtilités sur les participes passés et le dont sont absentes de l’Espagnol, pour autant ça n’empêche pas les Espagnols de communiquer.
La bourgeoisie a créées des règles de ce type pour disqualifier le peuple.
La seule chose de drôle c’est que ces gens butent sur des règles absconses que leur classe a mises en place. ( j’eu pu mettre mis car ça n’altère en rien la compréhension qui est la seule chose fondamentale.)

28/11/2025 19:09 par Josy

quel mépris de classe !
Surtout que l’on finit forcément par utiliser un langage familier qui se "commet" avec ceux qui ne veillent pas constamment sur la tenue des phrases ,comme ceux que l’on fréquente hors des académies. .

29/11/2025 07:19 par calame julia

Ben voyons "manger avec les mains" ! On peut le nombre de pays où l’on mange avec les doigts ?
Commençons par l’Amérique du nord...
Vous avez omis "mettre la barre haute" que j’ai encore entendu ces jours...

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