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Ebola, Sida, Malaria, Choléra... héritage des plans d’ajustement structurels.

Alors que, à n’en pas douter, cette énième épidémie d’Ebola qui se répand actuellement en Afrique de l’Ouest revêt un tour de gravité jamais atteint pour cette maladie ; Alors que les chancelleries occidentales, tout en pleurant comme le crocodile devant sa victime morte, et selon la formule consacrée, "prennent toutes les précautions d’usage pour protéger leurs ressortissants" ; Alors que le Paludisme, le Sida, le choléra, la rougeole... continuent de tuer en silence et par millions, dans tous les pays pauvres et principalement en Afrique, (1) ; Alors que, une fois de plus, au prétexte de l’épidémie en cours, le continent, souffrant dans sa chair, est menacé de "mise en quarantaine" internationale généralisée, de disparition de ses dernières conditions sanitaires, de dislocation de ses infrastructures sur place, de pénuries d’approvisionnement en tout genre... N’est-il pas temps, à ceux qui prétendent mettre un terme à la récurrence de ces situations, de poser la question : "Qui est responsable et pourquoi tant de morts ?"

Négligences et "demande non solvable..."

Après que nombre d’ONG de santé (Responsables de santé africains, Médecins sans frontières dès le mois de Juin, l’OMS...) aient vainement tenté d’attirer l’attention des pouvoirs publics tant en Afrique qu’auprès des instances internationales, force est de constater que nous sommes aujourd’hui confrontés à la plus grande vague de cette maladie depuis son apparition.

Vraisemblablement très ancienne concernant les primates, soit les singes et les hommes, elle n’est toutefois connue comme "tueuse" d’êtres humains que depuis 1976 où elle est identifiée comme telle en Afrique Centrale et plus précisément en République Démocratique du Congo.

A ce jour, avant le déclenchement d’aujourd’hui, le virus est déjà apparu quelques dizaines de fois, essentiellement en Afrique Centrale, entrainant la mort de plusieurs centaines de personnes. On parle généralement de 1600 morts au total. Même si ce chiffre est certainement revu à la baisse, comparé aux millions de morts et de victimes de la Malaria et du Sida, il apparaît, clairement, aux yeux des "responsables", très peu important. Trop peu, en tout cas, pour mobiliser les énergies suffisantes permettant de s’attaquer au mal.

C’est donc en 1976 qu’Ebola est identifié comme fièvre hémorragique particulièrement dangereuse. Aujourd’hui, 38 ans plus tard on est toujours à "Ebola, année zéro !". 38 longues années que cette maladie est connue de la communauté internationale et que rien, jamais, n’a vraiment été mis en mouvement pour l’enrayer et l’éradiquer.

Par delà un quelconque décompte macabre pour savoir qui du Sida, de la Malaria, du choléra ou d’Ebola tue le plus de personnes en Afrique, le fait marquant reste que, concernant cette dernière, après toutes ces années, il n’existe toujours ni traitement, ni vaccin !

La virulence de la maladie est connue de longue date et toujours, curieusement, niée par les autorités qui la pensaient, quelle stupidité (!), circonscrite ad vitam aeternam entre les frontières de la RDC !

Eh bien non, Mesdames et Messieurs les responsables, les virus ne présentent pas leurs papiers aux postes frontières en restant dans la file ! Ils circulent et ce qui était à prévoir arrive. Désormais, l’épidémie, élargissant considérablement son champ d’expansion géographique, donne la pleine mesure de ses capacités de nuisance. Nous sommes bel et bien devant une situation particulièrement grave, pour les populations menacées, qu’il serait criminel de tenter de sous-estimer ou de cacher !

Les communiqués entendus régulièrement sur RFI, station pourtant très loin d’être alarmiste sur le sujet, sont éloquents : "L’OMS s’attend rapidement à 20 000 cas en Afrique de l’Ouest... Concernant l’épidémie Ebola, selon l’OMS, la situation est hors contrôle... Le bilan de l’épidémie ne cesse de s’alourdir..."

Pour le professeur Peter Piet, Président de l’Ecole de médecine tropicale de Londres, les choses sont encore plus nettes : "On ne s’y est pas pris à temps... Il y a eu une claire sous-estimation... Il faudrait des gens sur le terrain, des "locaux"...On peut estimer aujourd’hui à 5000 personnes victimes de la maladie sans compter les victimes (collatérales, NDLR) décédées pour d’autres raisons mais n’ayant pu être soignées faute de personnel, de lieux d’accueil, de fermetures d’hôpitaux..." (2)

Mis à part les habituelles gesticulations de la "solidarité" médiatique en temps de crise, sous forme d’images télé de "blancs au secours des africains", d’aides financières (des prêts supplémentaires pour la Dette !), d’envoi sur place, forcément parcimonieux, de personnels médicaux... il est clair que, s’agissant tant de traitement que de vaccin, aucun programme, nulle part, dans aucun des laboratoires les plus connus et les plus en pointe, n’a jamais été démarré. Drôle d’oubli !

Le résultat désastreux de cette "négligence" est que, pour l’instant, on considère que 50% des personnes contaminées décèdent.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, la "négligence" dont font preuve en la matière les labos et les pays occidentaux n’est pas fortuite. Elle est intimement liée aux profits espérés par les opérations commerciales. Il y a, toujours gravés dans les mémoire, des précédents qui parlent d’eux-mêmes.

Qui ne se souvient, en effet en Afrique, de l’interdiction faite à l’Afrique du Sud de soigner ses malades du SIDA ?

Comment Bill Clinton, président Démocrate, "jeune, ouvert..." des USA avait entamé une implacable bataille de procédures contre l’Afrique du Sud de Mandela, alors que celui-ci, pour faire face à l’ampleur de l’épidémie de SIDA frappant son pays, avait décidé de recourir aux génériques.

Aux côtés des trusts, soutenant son industrie pharmaceutique privée, en s’attaquant à Mandela, Clinton avait ainsi permis que ne se fonde pas un précédent qui aurait pu faire jurisprudence et faire baisser les profits des labos occidentaux et, s’agissant du SIDA, principalement des labos américains. (3)

Une défense d’intérêts privés, gagnée, au prix de combien de morts et de nouveaux malades infectés sur le continent ?

Qu’on le sache bien, l’Afrique, par les tenants du marketing international, est un continent toujours considéré à forte demande... mais une demande dite "non solvable" et, à cet égard, depuis le crime commis contre l’Afrique du Sud au nom des règles du commerce international et de l’OMC, soyons bien certains que rien n’a changé.

Un continent ruiné par le racket de la Dette

Selon toute vraisemblance, si cette épidémie se répand, cette fois, de façon beaucoup plus dangereuse que les précédentes c’est qu’elle se produit à un moment où les conditions sanitaires, dans les pays concernés, sont considérablement dégradées, voire devenues inexistantes.

Etant donné le mode de transmission de la maladie, essentiellement par le contact avec les fluides d’un malade infecté, il est parfaitement envisageable, dans un premier temps, de la circonscrire et de l’endiguer, notamment par l’information des populations qui, par manque d’information, ne saisissent pas toujours tous les tenants et aboutissants de cette maladie nouvelle.

Evidemment, un tel schéma supposerait que les systèmes de santé soient encore en état de marche, avec les infrastructures opérationnelles et des personnels formés en quantité suffisante. Ce qui est loin d’être le cas ! Au contraire même.

Depuis les années 80 et les tristement célèbres PAS (Plans d’ajustements structurels) l’Afrique s’est vue soumise à un véritable racket de la part de la Banque Mondiale, la "prêteuse" et du FMI son garde chiourme.

L’exemple du Cameroun est un véritable "mode d’emploi" à livre ouvert des méthodes de la Banque Mondiale et du FMI visant à l’extorsion de fonds et au maintien définitif au bas de l’échelle de leurs victimes.*

La Banque Mondiale, avec la duplicité des potentats locaux mis en place par les colonisateurs, a commencé par lourdement endetter les pays. Toute dette devant être honorée, une fois les dépenses réalisées, tout l’argent dépensé et détourné, il fallait passer à la caisse et justement...les caisses étaient vides ! Pour rembourser la Banque Mondiale a la solution, simple : "il faut réemprunter". Commence alors le piège infernal : Pour réemprunter, auprès de la Banque Mondiale s’entend, il faut "bien se conduire" et bien se conduire, selon nos "experts prêteurs", c’est ne plus dépenser !

Stopper les dépenses publiques, privatiser l’ensemble des services, tout vendre (!), opérer un désengagement massif des services d’aide aux populations...Les premiers secteurs touchés, dans tous les pays concernés, en Afrique et partout ailleurs, ont été les systèmes scolaires et, bien sûr, les systèmes de santé !

L’exemple de la Guinée, réputée pour être un des foyers de l’épidémie est particulièrement éclairant pour l’ensemble du continent.

Il convient de savoir que, alors que l’OMS et la CDEAO conseillent un minimum de 15% des dépenses totales de l’état consacrés à la santé, l’état guinéen en alloue...moins de 3% ! (4)

Il convient de savoir également que, au moment où vient frapper la maladie, ce sont moins de 3% de la population qui peuvent prétendre à une couverture sociale, savoir aussi que les personnels formés sont en pénurie maximum, que les structures sanitaires restantes sont, évidemment, d’une très mauvaise qualité... Tous éléments qui expliquent la faible confiance des populations envers les structures locales et leur très faible accès aux médicaments disponibles et aux informations sur la prévention (5)

Toujours concernant la Guinée, et compte tenu de ce contexte de délabrement général des systèmes de santé, le choléra qui avait sinon disparu largement reculé a fait lui aussi une réapparition meurtrière puisqu’en 2012 on recensait 8000 cas pour 150 décès (selon les sources officielles).

La rougeole qui sévit actuellement en Guinée est également "installée" dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Comment peut-on imaginer que des populations soient, encore en 2014, soustraites aux programmes de vaccination ? Est-il seulement admissible de considérer comme "normal" que des enfants d’Afrique puissent encore mourir de la rougeole ?

N’évoquons même pas le paludisme, plaie ouverte des populations africaines subsaharienne, qui pour la seule Guinée tue régulièrement (toujours selon les chiffres officiels) plus de trente mille guinéens chaque année. Selon l’OMS, le taux de mortalité du palu atteint aujourd’hui 170 décès pour 100 000 habitants.

La Guinée n’est malheureusement pas un cas isolé, il suffit de rappeler que le Libéria, au début de l’épidémie, compte sur tout son territoire, moins de 50 médecins ! (6)

C’est donc au prix fort que les africains paient l’endettement de leurs états.

On est bien loin des "OMD pour le millénaire" des Nations Unies qui préconisaient des mesures et des dépenses dans les domaines de l’école et de la santé, pour l’an 2000, qu’elles savaient absolument hors d’atteinte pour...cause de remboursement de la Dette ! Le système est simplissime : "Je te reprends d’une main ce que je te prête de l’autre et, bien entendu, je te reprend davantage que je t’ai prêté. Ainsi, je te ruine à vie et te contrains à...la Dette pour survivre."

L’hypocrisie des puissants est toujours sans pudeur aucune.

Autre conséquence de la crise sanitaire actuelle, l’écroulement de ce qui restait des systèmes de santé. En effet, du fait de la maladie et de la crainte qu’elle inspire, les hôpitaux restants sont soit encombrés, soit désertés, soit abandonnés, vides de personnels ou inopérants.

Situation qui fait dire à Augustine Kpehe Ngafuan, ministre de la santé du Libéria : "Tout le secteur de la santé est dévasté par la crise. Des gens meurent de maladies communes parce que le système de santé est en train de s’effondrer." (7)

Tel un carcan verrouillé son cou, une Dette illégitime à "payer", pillée jusqu’à l’os, rackettée par les banques, l’Afrique se meurt de demeurer, pour les requins commerciaux, un continent à "demande non solvable".

Il serait temps que, pour remettre à l’endroit ce qui a été mis à l’envers, on puisse commencer à envisager, en Afrique même, de prendre les affaires en main. Que l’Afrique, sa santé, ses richesses, ses populations... revienne enfin aux africains.
Et si, pour commencer, les pays d’Afrique, ensemble, décidaient de ne plus "honorer" cette Dette odieuse ? (8)

François Charles

* Voir article : "Pourquoi faut-il réaliser un audit citoyen de la dette du Cameroun ?" 28 août par Jean-Marc Bikoko ,

»» http://lautreafrique.info/2014/09/01/ebola-sida-malaria-cholera-herita...

1/ Un million sept cent mille morts par le SIDA

2/ Peter Piet est aussi le codécouvreur du Virus Ebola. Interview sur RFI du Août.

3/ On se souvient aussi que, pris dans le tournant social libéral économique de l’ANC, l’administration Mandela avait fini par céder aux pressions américaines. (Naomi Klein : "La stratégie du choc")

4/ Pour les autres pays d’Afrique le taux moyen est de à peine 5%

5/ Le traitement ironique, dans les médias européens, de la méfiance des populations à l’encontre des centres de soins frisent le racisme. A ce propos, il convient de rappeler que, en 1976, alors que Ebola sévissait en RDC, les victimes se sont trouvées, après enquête ultérieure, être les personnes qui fréquentaient le plus assidûment les centres de soins ! La maladie n’y était pas propagée, bien entendu, mais faute de mesures de prévention suffisantes, elles s’y propageait bel et bien. Et , certes parfois déformée, la mémoire collective a la vie dure.

6/ Nicolas Sarkozy, lorsqu’il oubliait "que l’homme africain n’était pas assez entré dans l’histoire", s’étonnait de" voir davantage de médecins béninois dans les hôpitaux parisiens qu’au Bénin". N’était-ce pas pourtant cela "l’immigration choisie" ?

7/ Repris par l’agence Reuter le 8 août 2014

8/ Selon le principe rappelé par Eric Toussaint (CADTM) : "Quand tu dois de l’argent à ta banque, tu as un problème avec elle. Quand tu ne la rembourse plus, c’est ta banque qui a un problème."


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