A cette liste des dirigeants de gauche frappés par de graves problèmes de santé, il convient d’ajouter le regretté Nestor Kirchner, époux de l’actuelle Présidente Cristina Fernandez de Kirchner. Il a été victime d’une attaque cardiaque, attribuée selon son médecin à son caractère impulsif, qualifié de « personnalité de type A ». Nestor Kirchner était effectivement un homme intègre et entier, qui joignait l’action à la conviction. Cette conduite a souvent exigé de lui un grand courage, comme lorsqu’il s’est rendu personnellement à l’académie militaire pour faire retirer les portraits de plusieurs dictateurs encore exposés (à ce sujet l’ex-dictateur Bignone vient d’être condamné la semaine dernière pour son implication dans l’intervention menée en 1976 contre le personnel de l’hôpital Posadas à l’aide de blindés et d’hélicoptères et dans la répression menée à l’intérieur de l’hôpital par un groupe spécial alors dénommé « SWAT » (cela ne s’invente pas)). La lutte constante que Nestor Kirchner a menée pour démocratiser la société et l’économie afin de réduire les inégalités lui a valu des ennemis terribles et des pressions constantes.
La presse, majoritairement détenue par une sorte de lobby « international » (dont Goldman Sachs affilié à Clarin le quotidien le plus distribué), a entrepris contre lui une guerre médiatique permanente et destructrice, lui attribuant de nombreuses affaires de corruption sans preuves, l’accusant de populisme, d’incompétent, etc. Parallèlement à la presse dominante, se sont ajoutées plusieurs parutions de biographies particulièrement humiliantes. La critique négative des médias est systématique et dénigrante.
Sous le rôle apparemment critique de l’opposition, se trame une campagne de destruction psychologique, car elle vise l’homme. Jamais cette presse ne fait l’éloge des très nombreux progrès démocratiques remportés par Nestor Kirchner et son épouse, les procès contre la dictature, l’octroi d’un document d’identité pour tous, facilitant l’enregistrement de tout travailleur à la protection sociale, les allocations familiales, les programmes de construction d’écoles, de soins de santé, le droit au logement particulier, l’octroi de prêts préférentiels aux plus défavorisés, la lutte pour freiner la concentration inexorable des moyens de production sous l’effet de l’automatisation, la lutte âpre pour la défense de l’enseignement public alors que les antennes d’universités et d’hôpitaux privés américains se multiplient (comme en Europe d’ailleurs, une catastrophe pour les universités en Espagne, un plan drastique de réforme pour l’enseignement et la recherche est déjà prévu en France…), la lutte pour sauvegarder la souveraineté nationale et éviter la soumission de l’Etat aux lobbies, le redressement spectaculaire de l’économie argentine sans l’ingérence du FMI et de la Banque Mondiale, etc. La liste des succès remportés est très longue et fait beaucoup de jaloux. Les Kirchner ont payé de leur santé les bienfaits qu’ils ont acquis de haute lutte pour le bénéfice général de la population.
Ajoutons - cela se passe aujourd’hui - la lutte pour la pluralité des médias, la TV Publica reprend vie peu à peu, et surtout la très polémique « Ley de los medios », que la presse dominante, soutenue par ses références « internationales » cherche à empêcher à tout prix, en la qualifiant de « dirigiste » ou « dictatoriale ».
Je ne peux m’empêcher de citer une anecdote vécue vers 2006 ou 2007, alors que je faisais la connaissance dans une taverne d’une enseignante de mathématiques. Celle-ci, voyant le quotidien que je lisais, me lança soudain à travers la conversation : « Comment pouvez-vous lire ce journal de fasciste ? ». Sa question m’a surpris, il m’aura fallu plusieurs années pour comprendre qu’une presse, qui semble apparemment participer au jeu démocratique parce qu’elle critique un gouvernement légitimement élu, peut s’avèrer en réalité, à travers sa critique systématique et toujours négative, l’outil destructeur d’un lobby oligarchique qui vise à éliminer des personnes élues pour faire perdurer l’état d’asservissement des classes défavorisées.
Concernant les pressions exercées sur des élus, surtout lorsque ceux-ci touchent aux intérêts du pouvoir réel, je ne peux pas m’empêcher de penser à l’affaire Bérégovoy, qui avait osé toucher à l’économie et à l’industrie (tentative de mener une politique industrielle). C’est pourtant à Bérégovoy que l’on doit en partie le sauvetage du secteur automobile français, qui a échappé de peu au même sort que celui de nos voisins britanniques.
Il conviendrait d’étudier les statistiques, mais dans l’ensemble, il me semble que les politiques de gauche souffrent beaucoup plus dans leur vie personnelle des conséquences d’affaires de corruption. La gauche est-elle vraiment plus corrompue que la droite ?
On vote (parfois très mal) pour des représentants lors des élections.
On ne vote jamais pour les membres de l’appareil juridico-médiatico-financier, souvent lié au pouvoir réel et oligarchique.
Les rapports avec le pouvoir réel ne sont pas sans danger, surtout pour ceux qui ne font pas partie de l’oligarchie. De tels exemples pourraient suffire à décourager ou faire dévier tout candidat qui oserait défendre un programme qui ne soit pas au service de l’oligarchie, et pourraient aussi expliquer pourquoi rien ne change, en France c’est toujours « L’UMPS » comme certains l’écrivent parfois sur ce site.
Je me permets de faire cette observation, non pas pour diffuser le pessimisme, mais pour savoir à quoi s’en tenir, pour souligner notamment l’importance de l’éthique, d’un savoir multidisciplinaire fiable et utile, d’un soutien moral partagé et des protections nécessaires au sein du parti qui se lance dans l’aventure politique.
Sans vouloir remplacer un asservissement par un autre dans le cadre de l’accès au pouvoir, il est clair qu’une révision de la répartition des pouvoirs politique et économique est nécessaire, parce que nous ne pourrons plus rester longtemps passifs en Europe ou ailleurs face à la concentration oligarchique du pouvoir et des ressources, fortement amplifiée par l’automatisation, ce qui provoque une dégradation du tissu social, un appauvrissement de la population, et un affaiblissement du rôle de l’Etat et de la sphère publique, au point de menacer la démocratie.
J’espère que les efforts de Cristina Kirchner seront reconnus à leur juste valeur, qu’elle pourra bénéficier d’une retraite bien méritée et que son successeur approfondira les progrès obtenus.
Félicitations à Oscar Fortin pour son excellent article.
Meilleurs voeux pour tous les participants et longue vie au Grand Soir !