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Commnt la terre d’Israël fut inventée, selon Shlomo Sand

Comment la terre d'Israël fut inventée !« Dans la guerre israélo-palestienne, il y a un aspect qu’il ne faut jamais mésestimer. Le sionisme a opéré une gigantesque manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives. C’est cette manipulation qui permet l’adhésion majoritaire des Juifs (aussi bien en Israël que dans le reste du monde) à un projet colonialiste et militariste qui détruit chaque jour un peu plus la Palestine et généralise l’apartheid. »

Pierre Stambul, dans le texte ci-dessous, confirme et abonde les thèses de Shlomo Sand que j’évoquais récemment. Bien entendu, chacun peut partager ou non la totalité des thèses de Shlomo Sand rapportées par Pierre Stambul.
Michel Peyret

Un mythe meurtrier, « Dieu a donné cette terre au peuple juif. »

Dans un ouvrage précédent (Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008), Shlomo Sand avait réduit à peu de choses deux mythes fondamentaux du sionisme : l’exil et le retour. Non, il n’y a pas eu d’exode massif des Juifs lors de la destruction du Temple par les troupes de Titus en 70 ap JC. Les Juifs d’aujourd’hui ne sont pas les descendants des Hébreux de l’Antiquité. Ils descendent majoritairement de convertis. L’idée sioniste qu’après des siècles d’exil, ils auraient fait leur retour sur la terre de leurs ancêtres est une fiction.

Cette fois-ci, Shlomo Sand s’attaque à un autre mythe meurtrier. Pour les membres du courant national-religieux, « Dieu a donné cette terre au peuple juif » et au nom de ces conceptions intégristes, les Palestiniens sont des intrus. Mais les sionistes « laïques » partagent cette même conception. Ils ont fait de la Bible un livre de conquête coloniale en affirmant que les Juifs ont toujours eu un attachement indéfectible à « la terre d’Israël », ce qui leur donne un droit de propriété exclusif. C’est ce mythe de la terre qu’il passe à la moulinette avec un style agréable et de très nombreuses références historiques et bibliographiques. Bref, c’est un livre absolument indispensable.

Histoires personnelles

Dans Comment le peuple juif fut inventé, Shlomo Sand avait raconté quelques anecdotes personnelles. Son amitié ancienne avec le poète palestinien Mahmoud Darwish, banni de son propre pays et qui n’aura même pas pu être enterré dans son village d’origine (qui n’existe plus). L’histoire aussi de son beau-père, catalan et rescapé de la guerre d’Espagne qui finit par « atterrir » en Israël.
Là, Shlomo nous livre quelques touches de ses origines. Il est né dans un de ces camps de rescapés juifs du génocide nazi pour lesquels il n’y avait qu’une seule destination possible : Israël. Les Palestiniens ont payé pour un crime européen.
En 1967, Shlomo est soldat dans une armée qui fait la conquête sanglante de Jérusalem-Est. Il décrit la fièvre nationaliste des jeunes qui l’entourent, cette certitude de « revenir sur la terre de leurs ancêtres ». Il décrit aussi un crime de guerre gratuit : un vieux Palestinien torturé à mort par cette armée qui se dit morale. Son écriture s’empreigne alors d’une grande émotion.

Shlomo Sand est professeur d’histoire à l’université de Tel-Aviv. Son université, située dans les faubourgs de la ville, a été construite sur un de ces nombreux villages (plusieurs centaines) rayés de la carte avec l’expulsion de la population palestinienne en 1948. Les habitants de ce village n’ont pas combattu et ont espéré jusqu’au bout qu’ils ne seraient pas expulsés. L’État d’Israël pratique un négationnisme total sur la vraie histoire de cette terre et notamment sur les Palestiniens. Shlomo évoque l’action de l’association israélienne anticolonialiste « Zochrot » qui fait revivre la mémoire de ces villages rayés de la carte.

Shlomo a milité dans le mouvement de l’extrême gauche antisioniste Matzpen dans les années 80. Il ne se définit plus comme antisioniste. Pourtant, encore plus que le précédent, son livre démolit avec beaucoup d’efficacité les mythes sionistes.

Il est partisan de deux États vivant côte à côte en Palestine qui seraient des États de tous leurs citoyens. Il écrit pourtant : « En apparence, l’occupation, entrée dans sa cinquième décennie, prépare au plan territorial, la constitution d’un État binational ».

Il est contre le droit au retour des réfugiés palestiniens. Il explique à titre de comparaison qu’on ne fera pas revenir les millions d’Allemands originaires des pays de l’Est descendants de ceux qui ont été chassés en 1945. Pourtant, il montre bien comment l’expulsion des Palestiniens de leur pays en 1948 a été criminelle, comment Israël a rendu définitive leur expulsion. Son enquête sur le village détruit pour construire son université (et ses habitants) est précise et sans concession.

Il a espéré avant 1967 que son pays saurait se normaliser et faire une paix juste. Amèrement il écrit : « je ne savais pas que je vivrais la majeure partie de mon existence à l’ombre d’un régime d’apartheid, alors que le monde “civilisé”, du fait notamment de sa mauvaise conscience, se sentirait obligé de transiger avec lui, et même de lui apporter son soutien ». Le mot « apartheid » est souvent utilisé dans le livre pour qualifier la réalité actuelle.

Une terre habitée par de nombreux peuples et une religion venue de l’étranger

Dans Comment le peuple juif fut inventé, il y a un chapitre difficile pour un non-spécialiste sur la notion de « peuple ». Cette fois-ci, Shlomo examine les notions de patrie, de frontières, du droit du sol et de droit du sang. Chapitre ardu mais dont la conclusion est claire. La prétention des sionistes de retourner dans leur « patrie » au nom d’une histoire réécrite ne repose sur aucune des différentes constructions de patries que l’histoire a connue.

Comment la terre qui est aujourd’hui Israël/Palestine fut appelée dans l’histoire ? Quelle est l’importance de Jérusalem ?

La Bible parle de Canaan et affirme que les Hébreux sont venus de l’étranger. Les deux personnages centraux, Abraham et Moïse seraient venus, l’un de Mésopotamie, l’autre d’Égypte. Ces personnages sont légendaires. Le livre de Josué (qui est une véritable apologie du nettoyage ethnique et du génocide) évoque une terre habitée par de nombreux peuples qui restent toujours là malgré les massacres. Autrement dit la religion juive décrit un peuple venu de l’extérieur ayant une haine terrible pour les autochtones.

Dans la Bible dévoilée, les archéologues israéliens estimaient que la Bible avait été essentiellement écrite dans le royaume de Judée, peu avant la prise de Jérusalem par les Babyloniens (VIIe siècle av JC). Shlomo Sand va plus loin. Il pense que le texte a été écrit par les lettrés qui ont été autorisés par l’empereur perse Cyrus à retourner à Jérusalem, voire plus tard à l’époque hellénistique. Ces lettrés sont entourés de paysans restés majoritairement païens, ce qui explique tout le mal que la Bible dit des autochtones.

Dans le livre des livres, la promesse de la terre pour le peuple élu est toujours soumise à condition. Tout est conditionné par le degré d’intensité de la foi en Dieu. Quand les colons religieux actuels prétendent que « Dieu leur a donné cette terre », ils s’écartent beaucoup de leur texte fondateur. La région d’Israël/Palestine s’est appelée Canaan et la région de Jérusalem la Judée. Cette région avait un peuplement hétérogène et on y parlait des langues diverses. Ce n’est qu’à l’époque des Maccabées (IIe siècle av JC) que la religion s’est répandue dans de nouvelles régions (Samarie, Galilée, Néguev) puis plus loin dans l’empire romain. Il n’y a aucune référence à la « terre promise ». Le philosophe juif Philon d’Alexandrie a vécu à l’époque de Jésus-Christ et il est peu probable qu’il ait effectué un quelconque pèlerinage à Jérusalem pourtant toute proche.

Contrairement au mythe enseigné aujourd’hui dans les écoles israéliennes (l’exode de plusieurs de millions de Juifs quand les troupes de Titus détruisent le deuxième temple), il y a eu trois grandes révoltes juives aux premier et deuxième siècles après Jésus-Christ qui traduisent un antagonisme fondamental entre polythéistes et monothéistes. Mais aucun exode massif et encore moins un tel nombre. Après la dernière révolte juive (Bar Kokhba, 135 ap JC), la région prend le nom de Palestine et la population va se convertir au christianisme puis cinq siècles plus tard à l’islam. Il n’y a pas de trace du terme « Eretz Israel » (la terre d’Israël) à l’époque.

La religion juive et l’absence d’attachement à la terre

Le premier commandement du Talmud « interdit explicitement aux fidèles juifs de s’organiser pour émigrer dans le foyer saint avant la venue du messie ». Seule une dissidence du judaïsme, les karaïtes prêcheront une immigration en Palestine. Malgré (comme les Juifs) une grande dispersion dans le monde, les karaïtes seront présents à Jérusalem lors de la prise de la ville par les Croisés et il y a toujours une synagogue karaïte à Jérusalem.

Les lettrés juifs qui visitent la région au Moyen-Âge cherchent surtout leurs coreligionnaires. L’un note d’ailleurs qu’il y a beaucoup plus de Juifs à Damas qu’à Jérusalem.

À la base du sionisme, il y a l’alyah, la « montée » en Israël. C’est une manipulation : l’alyah, c’était (dans la Kabbale) « l’ascension mystique de la personne qui se condense dans la formule : ascension de l’âme ». Du IVe au XIXe siècle, les chroniques ont répertorié seulement 30 pèlerinages juifs en Palestine alors qu’elles ont répertorié 3500 comptes rendus de pèlerinages chrétiens. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Le pèlerinage est une tradition chrétienne puis musulmane. La prière juive « l’an prochain à Jérusalem » évoque une rédemption prochaine et pas une émigration. « La ville sainte est pour le juif religieux un souvenir qui nourrit la voix et pas un site géographique attractif ».

Et si le sionisme était une invention chrétienne ?

On connaît aujourd’hui les mouvements chrétiens sionistes. Ces mouvements évangélistes ont très puissamment aidé la colonisation de la Palestine financièrement et politiquement. Accessoirement, ces Chrétiens sionistes sont attachés à un « Juif irréel », pas aux Juifs réels. Pour eux, les Juifs doivent chasser de la terre sainte Armageddon (= le mal = les Arabes) puis se convertir à la « vraie foi », sinon ils disparaîtront car ce courant est millénariste (et antisémite). Ces Chrétiens sionistes ont identifié la colonisation de nouveaux territoires (Amérique du Nord, Afrique du Sud, Australie) à la conquête de Canaan par Josué.

Déjà Mohamed Taleb était allé plus loin dans l’idée que le sionisme a des origines chrétiennes. Les Chrétiens sionistes, ce sont les « dissidents » du protestantisme (évangélistes, puritains).

Shlomo Sand parle aussi des Anglicans et il accumule des faits sur l’histoire anglaise. Dès le XVIe siècle avec la Réforme, la Bible est traduite. Le monde hébraïque antique, tel qu’il est décrit dans la Bible devient familier. Le « juif irréel » devient sympathique. Après plusieurs siècles d’interdiction de séjour, Cromwell (en 1656) autorise le retour des Juifs en Angleterre (des facteurs économiques jouent aussi. Les Juifs chassés d’Espagne et réfugiés aux Pays-Bas ont contribué à la prospérité de ce concurrent).

De nombreux personnages publics britanniques évoquent le « retour » des Juifs en Palestine (au XIXe siècle, Shaftsbury, Palmerston et bien sûr Disraeli, Premier ministre). Les Britanniques manifestent un intérêt croissant vers la Palestine, pièce essentielle sur la route de l’Inde.

À partir des pogroms de 1881, des millions de Juifs de l’empire russe partent vers l’Ouest. Ils iront principalement vers les États-Unis car la Grande-Bretagne ferme ses portes. Premier ministre en 1905, Lord Balfour fait adopter en 1905 une loi très restrictive contre l’immigration, principalement celle des Juifs. Il tiendra publiquement des propos antisémites. Le même enverra à Rothschild la fameuse déclaration Balfour en 1917. Il n’y a pas contradiction. Pour Balfour, les Juifs sont « inassimilables » s’ils viennent en Europe mais ils deviennent des colons servant les intérêts de l’empire britannique s’ils vont s’installer en Palestine. Pour de nombreuses raisons, dont l’attachement à une lecture familière de la Bible, la déclaration Balfour a fait consensus chez les principaux hommes politiques britanniques.

On a donc eu au début du XXe siècle la rencontre de trois phénomènes politiques qui ont rendu faisable le projet sioniste : une sensibilité chrétienne issue du monde protestant articulée avec une vision coloniale britannique, l’antisémitisme virulent en Europe de l’Est et l’apparition d’un nationalisme juif qui a tout inventé : l’histoire, la terre, la langue.

Le sionisme et la religion juive

On connaît les virulentes critiques contre le sionisme, venues des Juifs socialistes qui seront hégémoniques dans le monde juif européen jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Le Bund, parti ouvrier préconisant « l’autonomie culturelle » des Juifs sans territoire spécifique, était farouchement antisioniste. Et les partis ouvriers socialistes ou communistes dans lesquels militaient beaucoup de Juifs étaient aussi très critiques.

On connaît moins l’opposition radicale des Juifs religieux au sionisme. Le livre de Yacov Rabkin Au nom de la Torah, l’opposition juive au sionisme apporte de nombreux faits. On a souvent en tête l’attitude actuelle des religieux juifs. Depuis 1967, ils sont devenus majoritairement colonialistes, nationalistes et racistes à l’image d’Ovadia Yossef, fondateur du Shass ou du grand rabbin de la ville de Safed qui interdit de louer à des « Arabes ». Il n’en a pas toujours été ainsi et Shlomo Sand rappelle que, pour les religieux, la « terre sainte » n’a jamais été la patrie des Juifs. Le judaïsme réformateur était contre le sionisme car il craignait (à juste titre) que cela retarderait la marche vers l’égalité des droits. Les Juifs orthodoxes étaient encore plus durs. Citons certains de leurs propos : « reçois la Torah dans le désert, sans pays, sans propriété terrienne », « Les sionistes n’aspirent qu’à secouer le joug de la Bible et des commandements pour n’en conserver que le national, voilà ce que sera leur judaïsme ».

Dans le sionisme, la terre remplace la Bible, et la prosternation devant le futur État prend la place de la ferveur envers Dieu.

Quand Theodor Herzl essaiera de rallier au sionisme les rabbins, l’immense majorité d’entre eux protestera et organisera même une résistance aux idées sionistes. Ils publieront à plusieurs en 1900 une brochure : « livre éclairant, pour les honnêtes gens, contre le système sioniste ».

Le sionisme n’est pas seulement en contradiction avec les droits fondamentaux (refus du racisme, du colonialisme, des inégalités), il est aussi en contradiction avec la religion. Il a nationalisé le langage juif religieux et transformé la Bible en un livre de conquête coloniale.

Le sionisme et les Arabes

La question de la présence d’Arabes en Palestine au début du mouvement sioniste n’a quasiment jamais été soulevée. Comme la plupart des colonisateurs, les sionistes n’ont pas vu (ou pas voulu voir) le peuple autochtone.

Pourtant, alors que jusqu’en 1922, l’immigration des Juifs en Palestine est autorisée, ce pays reste arabe à 90% à cette époque. Et les Palestiniens formeront les 2/3 de la population quand la guerre de 1948 éclate.

Il y a eu chez les sionistes des humanistes qui imaginaient une coexistence pacifique avec les Palestiniens. Citons Ahad Haam ou plus tard Martin Buber. Mais ils ont vite été débordés par les partisans du « transfert », l’expulsion des Palestiniens.

Dans son film La terre parle arabe, la cinéaste franco-palestinienne Maryse Gargour montre que tous les dirigeants sionistes étaient favorables au « transfert » dès 1930. Ils ne divergeaient que sur la méthode pour y parvenir.

Dès 1930, la plupart des recherches sionistes sur le passé se sont efforcées de situer et de maintenir la terre d’Israël au centre de « l’être juif ». Ils sont parvenus à une conclusion insensée : « les Arabes se sont emparés de la terre d’Israël en 634 et ils s’y sont maintenus depuis lors en tant qu’occupants étrangers ». Certains propagandistes vont même jusqu’à comparer avec la présence arabe en Espagne qui a duré plus de 7 siècles. En fait, au-delà de tous les textes d’autojustification, la colonisation sioniste n’a connu comme seul frein que les limites du rapport de force. C’est pourquoi le gouvernement israélien actuel qui est soutenu à bout de bras par l’Occident semble pouvoir tout se permettre.

Shlomo Sand analyse plusieurs mythes qui ont accompagné la conquête sioniste : celui du travail, celui des kibboutz qui, au-delà de l’idéal égalitaire, étaient avant tout des instruments de conquête de la terre réservés aux seuls Juifs, et celui du syndicat Histadrout, réservé lui aussi aux seuls Juifs. Les kibboutz ont systématiquement été installés dans les zones frontalières pour empêcher le retour des « infiltrés » (= les réfugiés palestiniens). Ils sont en déclin aujourd’hui parce qu’on est passé à une nouvelle forme de colonisation.

Depuis 1967

Le mythe de la terre a guidé la politique sioniste. Depuis 1967, il en est le centre.
La colonisation sioniste s’est faite sous l’égide imaginaire, dynamique et mobilisatrice de la « rédemption du sol ».

Shlomo Sand est très sévère pour la « gauche sioniste » qui a participé à toutes les conquêtes.

Il y a eu consensus pour le concept de « judaïsation de la terre » qui signifie bien sûr l’expulsion des Palestiniens. Les nationalistes les plus zélés sont venus de la gauche : Moshé Dayan, Yigal Allon.

Shlomo Sand pense que la guerre de 1967 n’était préméditée ni d’un côté, ni de l’autre. J’ai des doutes à partir d’un témoignage familial. Un cousin de mon père, général de l’armée de l’air israélienne, m’a affirmé dès juillet 1967, qu’Israël n’avait pas été menacé, que les projets de bombardements étaient prêts depuis des années et que la colonisation allait commencer.

Dès la fin de cette guerre, les intellectuels israéliens les plus éminents ont signé le « manifeste pour le grand Israël », prélude à la colonisation. 20 ans plus tard et malgré l’Intifada, le principe de l’État « ethno-démocratique » a repris le dessus. Le sionisme est une machine infernale qui ne saura pas s’arrêter d’elle-même.

Pour conclure

Logiquement, Israël se retrouve aujourd’hui gouverné par une coalition d’extrême droite. Le consensus qui a abouti à cela vient en partie d’une histoire totalement réécrite. Comme pour son livre précédent, Shlomo Sand sera sûrement très lu en Israël. Les sionistes l’injurieront. On enverra d’éminents spécialistes pour réfuter des faits pourtant indéniables. Ce livre doit nous aider à démonter les mythes meurtriers. Le jour où la « rupture du front intérieur » sera possible en Israël, ce livre, comme le précédent, aidera les Israéliens à se débarrasser d’une identité falsifiée qui contribue à détruire la société palestinienne mais qui est aussi suicidaire à terme pour les Israéliens.

Pierre Stambul

Comment la terre d’Israël fut inventée
Shlomo Sand (Flammarion)

 https://www.paperblog.fr/7353692/comment-la-terre-d-israel-fut-inventee/amp

COMMENTAIRES  

03/11/2023 10:52 par michel PAPON

Si la propriété de la Palestine trouve son origine il y a 3200 ans alors l’Egypte est fondée à revendiquer le retour de ce qui etait à l’epoque une partie de l’empire egyptien.

03/11/2023 11:15 par njama

Bonjour, merci à Pierre Stambul et à LGS pour l’article
La grosse mystification est que la création d’Israël n’a rien à voir avec l’antisémitisme, pas plus qu’avec l’anti-judaïsme. Bien sûr ça va en décoiffer plus d’un, mais c’est l’histoire...
C’est une idée anglaise clairement coloniale, le jour où les Juifs seront déniaisés ça ira mieux pour tout le monde, pour les Palestiniens en premier lieu
La réalité très prosaïque était d’installer des colons en Palestine, parce qu’il en faut quand on colonise une région, un pays.
Israël n’est qu’un condominium, une idée de Lord Shaftesbury en 1841 devenue une création anglaise de la deuxième moitié du XIX° siècle...
« A land without a people for a people without a land » ... "and the Jews ...will probably return in yet greater numbers, and become once more the husbandmen of Judaea and Galilee." l’expression est de ce personnage en 1841
Rien à voir avec les pogroms, Herzl et Cie... rien à voir avec l’antisémitisme, et encore moins avec WW2, qui auront servi à justifier l’idéologie sioniste au XX° siècle, tout ça c’est quelques décennies plus tard, qui servira de faire valoir à ce "colonialisme de peuplement" !
plus de détails dans mes anciens commentaires, j’ai exploré le sujet depuis un bon bout de temps
https://www.agoravox.fr/commentaire5303531
https://www.agoravox.fr/commentaire5303699

L’idée coloniale de Lord Shaftesbury est à replacer dans le contexte du XIX°...de la thalassocratie de l’Angleterre, de la France, de l’influence qui sera installée sur la région plus officiellement et politiquement en 1920 avec les mandats britannique et français
Création du Canal de Suez entre 1859 et 1869... importance hautement stratégique ! nouvelle route de la soie.
Occuper la Palestine pour garantir l’investissement de cette nouvelle route maritime...

La haute finance à la manœuvre... dans le démantèlement de l’empire ottoman
La dette comme instrument de la conquête coloniale de l’Égypte
https://www.cadtm.org/La-dette-comme-instrument-de-la
La Banque ottomane (en turc Osmanlı Bankası) est une banque fondée en 1856 à Constantinople grâce à un accord actionnarial entre des investisseurs britanniques, français et le gouvernement ottoman.
L’Empire Ottoman face à une « troïka » franco-anglo-allemande : retour sur une relation de dépendance par l’endettement
par Louise Abellard, étudiante chercheuse en économie et sciences politiques, membre du CADTM France
https://www.cadtm.org/L-Empire-Ottoman-face-a-une-troika

03/11/2023 11:48 par Zéro...

Il est des Hommes qui redonnent foi en l’Humanité !!

Ce ne sont pas ceux qui subissent une situation, qui se défendent comme ils le peuvent, au péril de leur liberté et même de leurs vies, car c’est logique et attendu, mais ceux qui sont du "bon côté du manche" et pourraient y rester mais s’en détournent pour soutenir les victimes de leurs coreligionnaires...

C’est le Blanc qui soutient les Noirs sous l’Apartheid ; c’est le colon qui prend fait et cause pour les colonisés ; c’est le citoyen d’un pays colonisateur qui rejette sa politique ; c’est l’Occidental qui pèse ses mots et ses jugements sur la Russie, la Chine, la Corée-du-Nord, Cuba, le Venezuela, l’Iran ; c’est le Juif qui s’inquiète des Palestiniens ; c’est le Palestinien qui défend sa terre mais sans pour autant vouloir éliminer les Juifs ; c’est le Musulman qui tolère les autres religions en terre musulmane ; c’est le Chrétien qui tolère les Musulmans en terre chrétienne ; c’est le riche qui s’inquiète, défend et soutient les pauvres.

C’est celui que tout autoriserait à être un bourreau et se mue en avocat.

Au lieu de ça, beaucoup, beaucoup trop d’êtres humains - une trop large majorité d’entre eux - se laissent emporter par leur instinct grégaire et défendent petitement, en meute sans esprit, leur situation sans penser un seul instant aux autres et font douter de ce qui reste d’humain chez eux.

Mais cela ne doit pas effacer les différences - culturelles, cultuelles, linguistiques, physiques, etc... - entre humains qui sont une richesse : voulons-nous cet horrible, affreux, détestable Monde où l’Anglais devrait rester la seule langue puisque parlée partout, la disparition des yeux bleus et des cheveux blonds (je rassure tout le monde, je ne défends pas une chapelle sectaire : j’ai les yeux marrons et le peu de cheveux qui me reste est châtain...), la disparition des cuisines régionales et nationales au nom de la rationalité, et toutes les normalisations imaginables...?

Ne confondons pas universalisme, internationalisme, égalité, équité, droits des peuples, lutte antiraciste, etc... avec la destructrice et abjecte uniformisation !!

Il ne doit être demandé à personne de se sacrifier pour les autres mais personne ne devrait penser à sa petite condition sans penser à celle des autres : c’est le riche, l’Occidental, le colon qui oublie les pauvres, le Tiers-Monde, les colonisés...

C’est l’égoïsme, la réussite individuelle, le discours selon lequel chacun peut avancer s’il en a la volonté or nous savons bien que ce n’est pas vrai et que selon d’où on part - sauf exception qui ne devrait pas être l’exemple... - on y restera : le fils d’ouvrier a toutes les "chances" de rester dans cette catégorie sociale tandis que le fils de bourgeois sera un bourgeois - sans parler du fils de riche qui se vautrera toute sa vie dans la soie sans le moindre effort pour cela !

Et la faute de cette dérive est le Capitalisme, avec ses préceptes inhumains.
Capitalisme qui n’a de cesse de fustiger le Communisme qu’il met sur le même pied que son rejeton le fascisme, pour des dérives tout à fait condamnables, mais dont le message est au moins humain pendant que les valeurs capitalistes sont l’argent, le pouvoir et la réussite individuelle, quitte à monter sur les cadavres des laissés-pour-compte pour s’élever !!

Un jour, à Paris, il y a longtemps, pendant nos études, une amie, adorable petite poupée brune... du Seizième arrondissement (la précision a son importance...) - qui était plus que ça dans mon cœur, mais ce n’était pas partagé... Sniff - m’a dit : « je ne le dis pas aux autres (nos copains réciproques), ce n’est pas la peine, on critique le Communisme mais je trouve que c’est une belle idée. »
J’ai adoré le message et la confidence, d’autant que je n’ai pas compris pourquoi elle me l’avait faite aussi spontanément car nous ne parlions jamais de politique ; Sophie V., si tu me lis, je serais fier (et heureux !) de te retrouver ici - ce n’est pas impossible si tu es restée toi-même...

Comme quoi, il ne faut pas désespérer de tout : la Lumière vient parfois d’où on ne l’attend pas, des Ténèbres !!

« J’appelle bourgeois quiconque renonce à soi-même, au combat et à l’amour pour sa réussite. » Léon-Paul FARGUES.

03/11/2023 13:53 par Micmac

En fait , l’idée que les Juifs d’aujourd’hui serait les descendants des Juifs (soit-disant) déportés par les romains était connu pour être une légende médiévale par les historiens, juifs ou non, depuis que les historiens sérieux ne prennent plus la Bible pour un document historique. Ça n’avait d’ailleurs pas beaucoup d’importance, c’était un détail insignifiant de l’Histoire, sauf pour les intégristes protestants et certains sionistes. Les juifs, qui n’était pas sionistes dans leur grande majorité avant la première moitié du XXème siècle, n’en avait rien à faire.

Aucun texte ne parlent d’un gigantesque exode de Palestine vers l’Europe à travers la méditerranée ou le Caucase, pas plus qu’un ordre romain de déportation. Ce que de toutes façons les Romains ne faisaient jamais.

Au point qu’Herzl lui même n’envisageait pas seulement l’implantation d’un "foyer national juif" en Israël (pour quoi faire finalement ?), mais projetait l’achat de terres à Madagascar et, je crois, en Ouganda. Il a changé d’avis par la suite, ou les circonstance et l’intéressement britannique ont finalement fait pencher la balance.

En fait, Sand ne fait qu’énoncer des évidences bien connues des historiens, et qui heurtent de front les croyances du public israélien, ce qui n’enlève rien à son mérite.

03/11/2023 14:51 par njama

Depuis cette fin du XIX° une confusion s’est installée entre anti-judaïsme (un peu consubstantiel à l’histoire du catholicisme), et un antisémitisme qui était purement politique. « L’antisémitisme » est un néologisme très récent à l’époque, un mot « inventé » en 1879 par un journaliste politique allemand Wilhem Marr.(1819-1904) :
En 1879, Marr publie à Berlin son essai polémique antisémite Der Sieg des Judenthums über das Germanenthum (« La victoire de la judéité sur la germanité ») qui le place à la pointe de la défense de l’antisémitisme. La même année, il fonde la « Ligue antisémite » [L’Antisemitenliga] dont la durée de vie sera courte et publie également jusqu’en 1880, son organe officiel Die neue deutsche Wacht (« La nouvelle garde allemande »). Il introduit ainsi le terme antisémitisme dans le discours politique de la société de son temps. Il plaide pour une expulsion de tous les juifs vers la Palestine. Les derniers mots sont « Finis Germaniae !  » (« La fin de la Germanie »).
[...] Vers la fin de sa vie, Marr renonce à son radicalisme, arguant du fait que le conflit social avait été le résultat de la Révolution Industrielle et de conflits politiques. Selon Moshe Zimmermann, il demanda ouvertement le pardon des Juifs pour avoir manqué à isoler le problème. Marr publia à Hamburg un essai final intitulé Testament d’un antisémite, où il expliquait avoir rejeté la « misérable folie romantique du Germanisme ». Il se plaignait du fait que l’antisémitisme moderne s’amalgamait au mysticisme et au nationalisme Allemand, condamnant les « chefs buveurs de bière », les crieurs de « Heil » de l’antisémitisme moderne ainsi que le cruel préjudice contre les écrivains et penseurs juifs1.
En 1904, le 17 juillet, Wilhelm Marr meurt à Hambourg. https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Marr

Le terme "sionisme" est de la même époque
Dans le livre de Schlomo Sand « Comment le peuple juif fut inventé » il écrit : Page 357 :
Nathan Birnbaum, que l’on peut, dans une large mesure, définir comme le premier intellectuel sioniste (il fut l’inventeur du concept de « sionisme » dès 1891), prolongea la pensée de Moses Hess : « Seules les sciences naturelles peuvent expliquer la spécificité intellectuelle et affective d’un peuple particulier. « La race est tout » , a dit l’un de nos grands coreligionnaires, Lord Beaconsfield [Benjamin Disraeli], la spécificité du peuple se trouve dans celle de la race. Les différences de races sont à l’origine des variétés nationales. C’est en raison de l’opposition entre les races que l’Allemand ou le Slave pensent et sentent différemment du Juif. Ainsi s’explique également le fait que l’Allemagne ait créé la Chanson de Nibelungen, alors que le Juif a engendré la Bible (1). »
1. Cité in « Nationalisme et langage », un article datant de 1886 publié dans le livre de Joachim Doron, La Pensée sioniste de Nathan Birnbaum (en hébreu), Jérusalem, La Bibliothèque sioniste, 1988, p. 177.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nathan_Birnbaum


Moses Hess (1812-1875) était un philosophe allemand, proche de Karl Marx et de Friedrich Engels
"Il est aussi considéré comme l’un des fondateurs du sionisme avec son livre Rome et Jérusalem, qui « est tout simplement, trente-trois ans avant le Judenstaat de Theodor Herzl, la première expression articulée du sionisme politique »"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Moses_Hess

La Chanson de Nibelungen est une épopée médiévale allemande, composée au XIIIᵉ siècle et rédigée dans la langue vulgaire de l’époque : le moyen haut-allemand

04/11/2023 11:48 par njama

Schlomo Sand écrit dans « Comment la terre d’Israël fut inventée : De la Terre sainte à la mère patrie » :

« Si le romancier Disraeli ne propose pas un vrai happy end, Disraeli l’homme politique réussit en fin de compte, dans la réalité historique, à rendre la Grande Bretagne plus « asiatique »- autrement dit : à accroître notablement sa dimension coloniale.
Disraeli n’est pas devenu sioniste ni, à fortiori, sioniste chrétien. Il appartenait toutefois au même parti que Shaftesbury, avec qui il a entretenu une relation étroite dès les années 1860. Cependant, l’appui à une restauration juive en Palestine appelée à devenir un foyer chrétien ne faisait pas particulièrement partie de ses préoccupations [63]. Par sa politique, Disraeli a servi, de son mieux et sans déroger, la classe dominante en Grande Bretagne. Mais peut-être, sans l’avoir voulu, a-t-il contribué indirectement à la création des conditions diplomatiques qui, plus tard, mettront l’Angleterre en position d’adopter l’idée sioniste juive »

04/11/2023 12:01 par njama

Sur les prémisses de l’antisémitisme moderne
« L’Affaire de Damas » en 1840
Résumé : Un crime, une accusation du Consul de France, sans aucune preuve que des aveux extorqués sous la torture.
Le 5 février 1840 dans le quartier chrétien de Damas, le Père Tommaso da Calangiano1 (1777-1840), un moine d’origine sarde, de nationalité française, frère mineur capucin, et son domestique, Ibrahim Amarah, disparaissent sans laisser de traces. Le moine étant français, le consul de France à Damas, Ratti-Menton, supervise l’enquête, confiée aux autorités égyptiennes qui administrent alors la Syrie. Le consul de France et la police se fient à la rumeur publique qui accuse les Juifs de Damas d’avoir tué rituellement le moine et son domestique, afin de récupérer leur sang pour le repas de la Pâque.
... L’affaire a eu d’importantes répercussions internationales. Elle lance le coup d’envoi de l’antisémitisme moderne, selon Rina Cohen 2. Elle sert de « point de départ à la constitution des organisations internationales de défense des Juifs, à commencer parl’Alliance israélite universelle », selon Léon Poliakov

L’affaire de Damas et les prémices de l’antisémitisme moderne
par Rina Cohen
[............] À Paris comme à Londres, c’est la raison d’État qui prévaut sur la justice. En Angleterre, ce choix joue en faveur des Juifs de Damas. En effet, Londres compte beaucoup sur le mouvement millénariste, alors en plein essor [33], pour tenter d’entraîner les Juifs vers une conversion qui serait bien utile, notamment en Palestine, pour les projets britanniques [34]

En France, en revanche, la campagne anti-juive ne doit pas être seulement interprétée comme la résurgence d’une calomnie médiévale. C’est en fait à partir de cette dernière que s’élaborent les premiers constituants de la logomachie de l’antisémitisme moderne. Dans ce sens on peut soutenir que l’affaire de Damas est un brouillon de l’affaire Dreyfus.

[33] Pour le mouvement millénariste anglais voir Mordechai Eliav, « Ascension et chute du consul britannique James Finn », Cathedra 65, septembre 1992, pp. 37-81 (en hébreu) ; Menahem Kedem, « La Conception de la rédemption du peuple d’Israël et d’Eretz-Israël dans l’eschatologie protestante anglaise au milieu du XIXe siècle », Cathedra 19, avril 1981, pp. 55-72 ; Mayir Verete, « Le Retour d’Israël dans la prise de conscience protestante en Angleterre dans les années 1790-1840 », Zion 33, 1968, pp. 145-179 (en hébreu).

[34] Israël Bartal, « Contacts des missionnaires protestants avec le kolel des prushim à Jérusalem dans la deuxième décennie du XIXe siècle », Cathedra 28, juillet 1983, pp. 158-168 (en hébreu).
[..........]
https://www.cairn.info/revue-archives-juives-2001-1-page-114.htm [lien mort]
https://web.archive.org/web/20080702081414/https://www.cairn.info/revue-archives-juives-2001-1-page-114.htm

16/11/2023 11:21 par michel PAPON

Puisque les juifs "ethniques" sont aujourd’hui les palestiniens on peut considerer qu’ils subissent à nouveau les châtiments envoyés par Yahvé de la part des nouveaux philistins (les israêliens)

humour noir !

24/11/2023 10:50 par Kabouli

C’est bien ce qu’il me semblait, le HAMAS est le descendant direct des zélotes et des sicaires qui combattirent avec ferveur l’ignoble domination romaine remplacée aujourd’hui par une non moins ignoble domination américano-judéo-chrétienne. Le peuple palestinien est le peuple décrit si admirablement dans la Bible et les Evangiles et qui universalisa le message de la philosophie grecque finissante ( Marx/Engels). Le christianisme inventa la religion et donc aussi le judaïsme actuel qui n’ a rien à voir avec le judaisme biblique ( Henri Atlan). Tout ces faits étaient ensevelis dans les bibliothèques et la guerre de libération nationale palestinienne nous les fait redécouvrir. Le peuple juif redevient un mystère qui n’a aucune racine directe avec l’Orient mais avec l’Occident, tout vient que les juifs posèrent tant de questions aux européens quand le christianisme se chargea de rendre à César ce qui était à dieu.

01/12/2023 10:14 par Kabouli

Veuillez excuser la confusion des dernières phrases. Il faut simplement comprendre que le peuple palestinien est au fondement du christianisme et possède toutes les qualités que voulait bien lui reconnaître Engels.Le peuple juif actuel est un pur produit occidental ,une dissidence religieuse chrétienne, dont on ne peut nier l’importance pour l’histoire occidentale et pour le socialisme.

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