Le coup d’état sans « impeachment » a déjà été mis sur les rails par le ministre du STF (Supremo Tribunal Federal - Cour suprême) et président du TSE (Tribunal Superior Eleitoral - Cour Suprême Électorale) Antonio Dias Toffoli, en collusion avec son collègue Gilmar Mendes. Nous en verrons la conclusion dans quelques semaines.
Les étapes du coup d’état sont les suivantes :
1. Jeudi dernier, le 13, le mandat du ministre Henrique Neves au Tribunal Supérieur Électoral a pris fin (les juges, qui remplissent leur office aux deux Cours Suprêmes, ont statut de ministre NdT). Les ministres peuvent être reconduits une fois à leur poste. Toffoli, Président du Tribunal Supérieur Électoral, a présenté une liste de trois noms à la présidente Dilma Rousseff. Toffoli espérait que Neves (Henrique de son prénom, à ne pas confondre avec Aécio Neves, candidat battu aux élections NdT) serait reconduit dans ses fonctions.
2. Dilma était hors du pays (au G20 NdT) et le renouvellement n’a pas été automatique. Contrarié par la non-reconduction du mandat de Neves, Toffoli a redistribué les procès de celui-ci, à peine 14 heures après l’expiration de son mandat. Parmi les milliers de procès, les deux principaux – concernant les comptes de la campagne de Dilma - ont été distribués à Gilmar Mendes. Premier parfum d’escroquerie. Parmi les sept juges du TSE, la probabilité que deux procès principaux de Neves retombent sur Mendes était de 2 pour 100. Il y a tous les signes d’un arrangement monté par Toffoli (1).
3. Le Ministère Public Électoral, par son procureur Eugênio Aragão, s’est prononcé contre la redistribution. Aragão a invoqué l’article 16, paragraphe 8 du Règlement intérieur du TSE, qui prévoit qu’en cas de vacance du ministre effectif, les procès sont repris par le ministre substitut de la même classe. La date limite pour l’examen de comptes de campagne étant le 25 Novembre, il y a suffisamment de temps pour nommer le remplaçant – Neves peut d’ailleurs être reconduit. Donc, « l’urgence imposée n’a pas lieu d’être, elle est donc rejetée ».
4. Gilmar a allégué que trente jours était déjà passés depuis la fin de la durée du mandat de Neves. En réalité, Toffoli a redistribué les procès seulement 14 heures après la fin de ce mandat.
5. La réaction de Gilmar a été de déterminer que son équipe examine les comptes du TSE et prennent les mesures nécessaires à ce travail. Tout cela pour entraver la demande de redistribution faite par Aragão.
Avec le pouvoir d’enquêter sur les comptes de campagne, Gilmar pourra s’accrocher à n’importe quel détail pour les contester. Et en les contestant, Dilma ne pourra pas assumer la présidence le 18 Décembre.
Le coup final - déjà prévu - sera de travailler un curieux concept sur la caisse officielle (Caixa 1 - en opposition avec la Caixa Dois – Caisse noire NdT). Gilmar alléguera qu’une partie du financement de la campagne officielle, à savoir de la Caixa 1, a quelque rapport avec les ressources dénoncées par l’opération Lava Jato (actuel procès sur la corruption de la Petrobras. Par ses développements spectaculaires – mise en examen des dirigeants de six parmi les plus importantes entreprises brésiliennes – cette affaire, qui arrangeait l’opposition quand il s’agissait d’accuser le PT, commence désormais à donner des sueurs froides à celle-ci NdT). L’action de Gilmar profitera de l’énorme tapage autour de Lava Jato pour consommer le coup d’état.
Toffoli a été nommé à ce poste par l’ancien président Lula. Jusqu’à l’épisode actuel, il risquait de rester dans l’histoire comme l’un des juges les moins bien préparés de la Cour suprême.
Avec l’opération en cours, il risque de rester dans l’histoire d’une façon plus dépréciative encore. L’histoire le mettra dans une galerie aux côtés de ses pairs, les célèbres Cabo Anselmo (2) et Joaquim Silvério dos Reis (3).
Hier, lors d’un dîner en l’honneur du président de la Cour Suprême Ricardo Lewandowski, l’ancien gouverneur de São Paulo Claudio Lembo se disait stupéfait par un discours de Toffoli, pendant la journée, dans lequel ce dernier faisait les éloges du coup d’État de 1964.
S’il y a quelque fait illégal dans les comptes de campagne de Dilma, il faut que la justice suive son cours. Le fait est que l’opération armée par Toffoli et par Gilmar est truffée d’irrégularités ; c’est un vrai coup d’État.
S’il n’y a pas de réaction forte dans le pays de la part d’esprits légalistes, le coup sera consommé dans les prochaines semaines.
Luis Nassif
Note du traducteur : il est impossible de traduire tous les articles sur ce sujet parus dans la blogosphère brésilienne d’information alternative. Toutefois, ce scénario est considéré comme crédible. Certains disent qu’en cas d’irrégularités dans ses comptes de campagne, Dilma pourrait quand même assumer la présidence en décembre, mais que le processus d’impeachment serait mis en place. Avec une bagarre juridique dantesque et une instabilité politique qui fragiliserait sans doute l’économie du pays. Et cela pourrait durer longtemps, quand on connaît l’habileté des juristes brésiliens (on se souvient du projet de loi sur la Ficha limpa - qui empêche les politiques élus et déjà condamnés de se représenter – qui avait été bloqué pendant des mois à cause d’un subjonctif !)
PS : apprenez le portugais !
Traduit par Lulu pour Si le Brésil m’était traduit...