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Comment peut-on vendre des armes à des États en faillite ? La controverse Allemagne-Mexique (La Jornada)

Armes et état de droit

Stuttgart. La veille du premier décembre eut lieu à Berlin la rencontre Mexique : État de droit ? Ce fut le jour de la violente provocation-répression policière qu’a inauguré la passation au pouvoir de Enrique Peña et punit le retour du vieux PRI à l’administration du pays - suivie d’un lynchage médiatique et de la criminalisation de plus d’un cinquantaine d’étudiants dissidents, victimes d’agents de l’État, de la fédération et du gouvernement local sortant de Marcelo Ebrard.

Les deux axes les plus importants de cette rencontre - organisée par la Coordination Allemande pour les Droits Humains au Mexique - furent les suivants : tout d’abord d’exiger à l’État allemand l’arrêt de l’exportation d’armes de guerre et de technologie militaire au Secretariat de la Défense Nationale (Sedena, Mexique), puis, de suspendre les accords de sécurité et de collaboration policière entre les deux pays.

La guerre de Felipe Calderón contre le trafic de drogues a transformé le Mexique en un marché très juteux pour les compagnies d’armement et de sécurité. Ces dernières font des affaires fructueuses et lucratives grâce aux conflits belliqueux, toujours sous le prétexte de fournir du matériel, de la technologie et des outils contre le crime, pour venir en aide à des gouvernements présomptueusement assujettis à l’État de droit. Ce sont, par exemple, les cas de la firme germanique Heckler & Koch, qui obtint en 2006 un permis pour exporter 8 mille rifles d’assaut G-36 vers l’État mexicain, et en particulier vers la Direction Générale de l’Industrie Militaire (entité en charge d’acheter également des armes pour la police). Ce fut le même cas pour la coopération franco-allemande Eurocopter qui l’année dernière souscrit un accord pour vendre une douzaine d’hélicoptères de combat EC725 à la Sedena.

En janvier 2000, le gouvernement allemand approuva une série de régulations qui contrôlent l’exportation d’armes. Une d’entre elles signale que le pays récepteur devra faire particulièrement attention au respect des droits de ses citoyens. Grâce à ces régulations, quelques mesures de prudence furent mises en place, par exemple que l’on n’arme pas avec des fusils G-36 les agents de police municipale du Chiapas, de Chihuaha, du Guerrero et de Jalisco. Pourtant, ce genre d’armes furent fournies à la police municipale de l’État de Chihuahua. Il existe, en fait, une plainte officielle portée contre la firme Heckler & Koch, tirée au clair par la télévision publique allemande.

De même, en décembre 2008, l’Union Européenne adopta des normes communes qui régissent le contrôle des exportations en technologie et en équipements militaires (2008/944/PESC). A travers ces normes, les États membres se sont engagés à arrêter les ventes d’armes quand il devient évident que les outils exportés ont une finalité répressive dans les pays récepteurs.

Par répression ou répression interne on entend tout ce qui concerne la torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants, les exécutions extrajudiciaires, la disparition forcée, les arrêts arbitraires et toute violation grave des droits humains et des libertés fondamentales. Les États de l’Union Européenne se sont également engagés à refuser des licences d’exportation de technologies et d’équipements militaires qui puissent provoquer ou prolonger des conflits armés ou bien qui puissent aggraver les tensions ou les conflits déjà existants dans le pays de destination finale. Néanmoins, malgré la mise en lumière des violations aux droits humains profuses et bien prouvées commises lors d’opérations militaires et policières au Mexique, la coordination allemande ne peut pas s’expliquer pourquoi les mesures de prudence concernant l’armement des policiers locaux se limitent uniquement à ces quatre États de la République mexicaine (Chiapas, Chihuahua, Guerrero, Jalisco).

Par ailleurs, les hélicoptères de combat EC725 peuvent transporter jusqu’à 29 personnes et peuvent être équipés de deux mitraillettes (7,62 mm), deux canons (20 mm) et deux lance-roquettes, Selon le gouvernement mexicain, les hélicoptères acquis par la Sedena seront employés pour le transport et la prise en charge de civils. On ne peut pas savoir si ces appareils sont armés ou s’ils sont utilisés par des troupes d’élite transportées par voie aérienne. Pourtant, la coordination allemande estime que, suite à l’utilisation de ces hélicoptères dans des zones de conflits où des pratiques inhumaines ont eu lieu - parmi elles des arrêts arbitraires et l’apparition de cadavres dans des zones inhabitées -, les appareils d’Eurocopter, avec ou sans armement, pourraient s’avérer être des outils employés pour la répression interne.

Le même goût du secret officiel de la part des gouvernements allemand et mexicain règne sur les conventions en matière de sécurité, annoncés en mai 2011 par l’ancien président germanique Christian Wulff. Selon quelques sources parlementaires allemandes, la convention inclut l’échange d’informations concernant : des groupes et des réseaux criminels, le blanchiment d’argent, des organisations terroristes, les lieux et les heures des crimes, ainsi que l’infraction de normes et d’opérations de collaboration mutuelle, éventuellement avec le support de personnel et/ou de matériel de la part de l’Allemagne.

Le 30 novembre, dans le cadre de la conférence Mexique : État de droit ?, le chef de l’Unité du Crime Organisé du Ministère de l’Intérieur allemand, Sven Berger, affirma que son gouvernement ne pouvait pas envisager le Mexique comme un pays pratiquant la torture, en affirmant qu’il s’agit plutôt d’une jeune démocratie. Sa position sur le sujet alla dans la direction des argumentations antérieures, lors desquelles les autorités germaniques s’efforçaient d’accorder au gouvernement mexicain le privilège du doute. Business is business.

La coordination humanitaire allemande a exigé à son gouvernement de suspendre les conventions de sécurité, policières et de ventes d’armes ; de s’assujettir aux normes sur le respect des droits humaines de l’accord commercial de l’Union Européenne avec le Mexique (TLC), et, enfin, de vérifier son accomplissement in situ et ce à partir du dialogue avec des représentants de la société civile mexicaine et du témoignage des victimes de la violence officielle.

Carlos Fazio

publié dans La Jornada le 10 décembre.

Traduction : à lvaro Ruiz Rodilla, Fréquences Latines : www.frequences-latines.com

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