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Quand le PSU et de la CFDT feignaient de prendre « de gauche » le PCF et la CGT

A propos de Michel Rocard

FLOREAL

Comme la mort de tout être humain, le décès de Michel Rocard nous rappelle tristement à notre condition finie ; et bien entendu, sa mort ne peut qu’affliger ses proches.

Mais osons dire que sur un plan strictement politique, sa mort ne saurait dédouaner de son bilan politique cet homme issu comme Blum de la haute bourgeoisie d’Etat qui n’a cessé de combattre le socialisme et le communisme tout en servant sans états d’âme la mortifère « construction » euro-atlantique.

Il est vrai qu’au début des années 70, il n’y avait pas plus « révolutionnaire » – en paroles ! – que celui qui dirigeait alors le PSU. Comme il était alors de bon ton, les dirigeants du PSU et de la CFDT feignaient de prendre « de gauche » le PCF et la CGT, voire d’appeler le prolétariat à « la guerre civile… Mais bien entendu, c’était un jeu : il s’agissait de minorer le rôle du PCF dans l’union de la gauche en formation tout en « relativisant » les revendications « quantitatives » si vulgaires des ouvriers CGT !

Sitôt la vieille SFIO relouquée par Mitterrand et le PSU liquidé par les siens (fin des années 70/début des années 80), sitôt Mitterrand parvenu au pouvoir, le gauchiste de salon se révéla un parfait gestionnaire de la société capitaliste. Finies les utopies destinées à mordre sur l’électorat communiste. Ministre, puis premier ministre de Mitterrand, Rocard s’évertua à rassurer le patronat et à prendre de droite le président dont il convoitait la place. Se présentant comme un socialiste « moderne » à la manière de Tony Blair, Rocard mit en musique la première austérité dictée par le « virage » de la rigueur qui, dès 81, accompagna la marche à la dévastatrice monnaie unique. C’est à l’époque où Rocard était premier ministre de Mitterrand que le statut des dockers fut durement attaqué et que Renault, semi-privatisée, fut frappé au cœur (fermeture de Renault-Billancourt, licenciement des dirigeants CGT) par celui qui, en 68, prétendait parler au nom du prolétariat. C’est Rocard qui institua la CSG, cette manière d’obliger les travailleurs à financer la protection sociale en lieu et place de plus en plus souvent exempté du paiement de ce salaire indirect que sont les cotisations Sécu…

Plus gravement, c’est encore Rocard qui engagea la France dans la première guerre du Golfe déclenchée par Bush Senior en 91 avec à la clé, un blocus de l’Irak qui allait faire plus de cinq cents mille victimes.

N’ayant pas pu devenir président, Rocard n’en participa pas moins à toutes les campagnes idéologiques qui, du référendum sur Maastricht au référendum violé sur l’euro-constitution, ont permis à la bourgeoisie de mettre en place la funeste « construction » européenne et le ruineux euro qui détruisent notre pays, ses services publics, sa production industrielle, sa langue et ses fondamentaux républicains.

Bien entendu, Rocard n’a pas manqué d’applaudir à la chute des pays socialistes en qualifiant la Révolution d’Octobre de « putsch », lui qui jadis flirtait (le romantisme ne coûte pas cher…) avec l’idée d’une prise de pouvoir par la violence armée. Mais il faut ce qu’il faut pour s’ouvrir un marché et pour, une fois qu’on y a pris près, reformater la demande en fonction de l’offre… Cependant à ce petit jeu, les DSK, les Valls et les Macron trouveront toujours un jeune loup pour les doubler sur leur droite…

Saluons néanmoins un parcours politique sans faute puisque d’un bout à l’autre de son existence, et sans cesser de poser à l’ « homme de gauche » devant nos journalistes aveugles, Rocard aura bien servi sa classe, la grande bourgeoisie, et la stratégie de cette classe : la désintégration européenne de la nation, à défaut de servir le peuple et les idéaux de Jaurès.

A chaque classe ses grands hommes…

FLOREAL

 http://www.initiative-communiste.fr/articles/billet-rouge-2/a-propos-de-michel-rocard-par-floral/

COMMENTAIRES  

03/07/2016 11:27 par Ouled Riah

Edifiant ! A cet effet, on pourrait ajouter au titre de Floréal, les mots de J.L Mélenchon : Un éclaireur nous a quittés. Sa vie est une leçon. À chacun de la méditer. « En ce temps-là, tous les socialistes étaient de gauche même très différemment. » #Rocard 02.07.16 Jean-Luc Mélenchon. @JLMelenchon
Chapeau l’artiste, fallait l’faire !

03/07/2016 11:49 par cunégonde godot

Excellent article !

03/07/2016 12:59 par fond de la marmite

Très juste article mais pour que le portrait soit complet on peut ajouter :
- de 2007 à 2009 M. Rocard a effectué 4 missions pour le compte de M. Sarkozy : "L’étrange Monsieur Rocard, socialiste nommé quatre fois par Sarkozy" http://www.20minutes.fr/politique/338352-20090709-etrange-monsieur-rocard-socialiste-nomme-quatre-fois-sarkozy
- il a toujours su faire payer les pauvres :
on lui doit l’impôt injuste de la CSG pour "sauver la sécurité sociale" pour rectifier la trop grande bonté avec les pauvres que la création de la sécu avait représenté.
On lui doit la préparation (avec M. Beregovoy faut être juste) de la réforme des retraites que M. Balladur a trouvé dans un paquet cadeau à son arrivée à matignon et qu’il a lancé dès son arrivée. d’abord dans le privé puis dans le public, avec des arguments aussi douteux les uns que les autres.
On lui doit, alors que de nombreux politiques étaient enlisés dans les affaires la loi d’amnistie dite loi Rocard. A l’arrivée ce sont les contribuables qui ont financé les partis politiques et truqué la démocratie avec le système racketteur que l’on connait aujourd’hui.
Bien que qualifié de gauchiste, il a dès le début montré à quel point il pouvait être malfaisant et ne rien comprendre : en mai 68 alors que la France comptait 10 millions de grévistes et venait de connaitre une nuit d’émeutes le 24 mai qui effrayait tout le monde (la bourse en feu) il a contribué à trouver une réponse assez ridicule. Ce fut le meeting de Charléty avec la participation du révolutionnaire bien connu M. Mendès France et la sortie annoncée par la voie électorale et la participation aux élections.Ouf. (tant pis pour les militants du PSU qui étaient de sincères révolutionnaires ce mois là et qui se sont faits avoir)
Enfin, Mitterrand, qui était bien placé pour s’y connaitre, avait dit de Rocard dès le début (1971) que quelqu’un qui ne voulait "pas de rupture avec le capitalisme et avec le système établi n’avait pas sa place au parti socialiste". Sur ce point on peut faire confiance à Mitterrand, qui savait de quoi il parlait.

03/07/2016 15:32 par Scalpel

@ Ouled Riah
Les yeux me piquent de vous avoir lu ! Il a osé ! Un vrai coming out !
Dire qu’il fut une époque ou les ROcardiens vociféraient quand il étaient confondus avec les GIScardiens.
Alors qu’ils ne sont que d’horribles frères siamois politiques, grand commis de l’oligarchie.
Ainsi l’ami de Dassault est en total communion politique avec feu le plus à droite de la gauche...de droite.
Les mélenchonâtres qui prospèrent ici vont sûrement nous expliquer que nooon, pas du tout, en fait...toussa, il ne faut surtout pas se méprendre sur le véritable sens de l’hommage..etc etc...mais bien sûr...
Voilà qui en guise "d’éclaireur" a au moins le mérite de la...clarté sur...la clairvoyance de "l’éclairé" européiste qu’est J(e)L(l’)M.

03/07/2016 15:34 par ACHARD

Rocard c’est aussi la réforme de l’administration des services publics (1989). Il s’agissait alors de faire entrer les méthodes managériales du privé dans la fonction publique. C’est grâce à lui qu’on parle dorénavant de client et non plus d’usager. Une façon d’étendre les idées du libéralisme à un domaine ou le bien commun avait encore une signification, mais aussi de préparer le socle des privatisations qui suivirent.
Rocard ce n’était pas la “seconde gauche“, mais une gauche fourbe, gauchiste dans toute sa splendeur, c’est-à-dire qui se donne des airs de révolution mais pour mieux servir la bourgeoisie au pouvoir.

04/07/2016 08:09 par macno

J’ai une très nette préférence pour un autre article sur Michel Rocard, il n’est pas moins critique mais plus honnête, car certains points développés dans cet article ne sont pas d’une honnêteté évidente.
Je n’ai pas envie de les soulever et à quoi bon...
Le Michel Rocard dont on se souviendra
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article7333

04/07/2016 15:24 par fond de la marmite

Les articles salutaires se multiplient qui rappellent ce que fut VRAIMENT M. Rocard, c’est à dire la composante dure de la deuxième droite (qui se dit "socialiste") qui a osé s’appeler deuxième gauche :

QUAND ROCARD PREPARAIT LE TOURNANT DE LA RIGUEUR
http://www.contretemps.eu/interventions/quand-rocard-pr%C3%A9parait-tournant-rigueur
extrait :
"(...)Il est également celui qui, dès les années 1970, a préparé le tournant de la rigueur et favorisé l’introduction, au sein du PS, du néolibéralisme.

Rien d’étonnant dès lors à ce que Michel Rocard ait pu fêter ses 80 ans en compagnie d’ancien·ne·s dirigeant·e·s du MEDEF, tels Ernest-Antoine Seillière ou Laurence Parisot, d’Alain Bauer (grand promoteur de politiques sécuritaires sous couvert de « criminologie »), outre évidemment les pontes du PS, Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT, reconvertie en PDG d’une entreprise d’audit-conseil) ou l’intellectuel social-libéral Pierre Rosanvallon (qui cherche activement, depuis quelques années, à faire oublier qu’il fut, sur un plan intellectuel, le principal promoteur de l’extrême centre, c’est-à-dire d’un néolibéralisme "ni droite ni gauche"). Nulle raison non plus de se montrer surpris que Rocard ait pu, à la toute fin de sa vie, considérer que la loi travail était « une chance pour la France ». "

04/07/2016 20:26 par chb

Dans l’article de l’excellent B. Guigue publié par comite-valmy et cité par macno,

Difficile, en fait, de le prendre en défaut d’incohérence. Européiste convaincu, Rocard était aussi un fervent atlantiste. Lors de la crise franco-américaine de 2003, il se rend auprès de l’ambassadeur US à Paris pour le rassurer. La frénésie gaulliste de Jacques Chirac, lui dit-il en substance, n’est qu’une passade, un feu de paille. Solidement arrimée au bloc occidental, la France demeurera toujours un allié indéfectible des Etats-Unis. Définitivement jetées aux orties, les diatribes contre l’impérialisme du jeune dirigeant du PSU ! Avec l’âge et les responsabilités, Michel Rocard a pris soin de se ranger du côté du manche.

05/07/2016 01:25 par Ouled Riah

à l’attention de macno
Le papier de Floréal est tout à fait honnête. Il ne médit en rien sur Rocard, il rappelle, certes avec vigueur, les positions de Rocard tout au long de ses engagements partisans au service des classes dominantes.
Certes, jeune fonctionnaire, il rendit compte de la politique dite de « regroupement »qui permit à l’armée française de déplacer des centaines de milliers d’Algériens à mille lieux de leurs lieux de vie, afin d’isoler les résistants de toute base de vie. Mais cette action courageuse n’est pas à mettre en balance avec ses orientations politiques, économiques,etc, une fois en responsabilité ( parlementaire, ministre, premier ministre).
Il reste, par exemple, à revisiter son rôle dans la question kanak, et durant la première guerre dite du Golfe, (démission de son ministre de la défense Chevènement en protestation de l’engagement de l’armée française).
Ses choix et ses orientations il les a assumés. Les rappeler, et les critiquer n’est pas lui faire injure

05/07/2016 08:53 par fond de la marmite

Finalement comme le montrent les exemples de la CSG, de la loi sur les retraites et du financement des partis politiques (consécutif à la loi d’auto amnistie), ce qui restera de M. Rocard c’est qu’il aura été un Robin Des Bois à l’envers : il a consacré sa vie à voler aux pauvres pour donner aux riches.

Comme le résume Daniel bensaïd dans l’article référencé ci-dessus : "quand rocard préparait le tournant de la rigueur "
Dès les années 70 (négociations sur le "programme commun")
"En un temps où se discutaient notamment l’étendue des nationalisations ou une augmentation significative du salaire minimum, dans la perspective de la future alliance gouvernementale entre le PS et le PCF, Rocard fut celui qui – derrière un discours pseudo-autogestionnaire adapté à l’air du temps – défendait les intérêts fondamentaux du capital : « les Rocard et consorts ont de la suite dans les idées. Ils travaillent dans le long terme, en hommes de gouvernement et d’administration. Sans le dire encore ouvertement, ils partagent les préoccupations des technocrates capitalistes »."

Ce fut un social traitre de course, incontestablement.

05/07/2016 10:52 par babelouest

Si je m’en réfère à Fond de la marmite, c’est certainement exact. Une amie s’était retrouvée en 1978 face à lui, au cours de primaires en vue de la législative. Piétinant les votes militants, il a imposé SA colistière. Il est reparti sous les huées des militants, malgré un vote primaire de justesse qui lui a permis de gagner l’élection. Voir l’ouvrage autobiographique "Arlequine", page 204 et suivantes.

08/07/2016 04:54 par Jean Canaci

Vous critiquez, vous critiquez, mais quand même !
Rocard c’est dommage qu’il soit mort sur le tard
S’il avait fait comme Mitterrand il serait parti bien avant
( Aux raisons funèbres des peines capitales )

09/07/2016 17:15 par JMS

Entièrement d’accord sur Rocard...

Par contre :

"C’est à l’époque où Rocard était premier ministre de Mitterrand que le statut des dockers fut durement attaqué... :
On va pleurer sur le triste sort des Dockers...

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