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Comment coller des centaines de milliers d’affiches en quelques heures.

En quelques heures ? Oui, et dans tout un pays, quelle que soit sa superficie.

Je vois se dresser les oreilles et les sourcils d’une multitude d’associations locales, de créateurs d’événements culturels à la salle des fêtes, d’organisateurs de kermesses des écoles et de lotos des chasseurs. Et ne disons rien des militants de partis de la gauche de la gauche qui sautent déjà au plafond.

Ils vont tous découvrir ici que c’est possible et que ça peut même rapporter de l’argent.

Il s’agit d’un système nouveau inventé au Venezuela ou, plus exactement ; en usage ailleurs, mais dans l’amateurisme. Ici il a été extraordinairement perfectionné et des innovations techniques permettent même aux affiches de tenir sans colle. Mieux, il est impossible à l’ennemi de classe (pour qui la liberté d’expression est une rigolade) des les arracher, de les maculer, d’y dessiner des moustaches qui font rire le passant alors qu’il s’agit de le faire réfléchir. Or, rire en réfléchissant est une des nombreuses fonctions que nous ne pouvons exercer en simultané. D’où l’importance de pouvoir garder chaque affiche intacte avec son message figé dans tout le sérieux de sa lisibilité initiale.

Donc, des centaines de milliers d’affiches, partout, à durée de vie suffisante et (ce point n’est pas sans importance) dans les endroits les plus passants. Oui, parce que, les affiches gluantes collées sur les palissades de chantiers, sur les murs lépreux de zones industrielles, sous les ponts d’autoroutes et sur les lampadaires dont elle font le tour, franchement, ce n’est pas le top.

Donc, grâce à ce procédé vénézuélien moderne, il est facile, par un moindre effort, de s’adresser simultanément à des centaines de milliers (à des millions même, sans exagération) de cibles potentielles.

Au fait ! Au fait !, dites-vous en trépignant.

La recette :

Prenez un pays révolutionnaire (cet ingrédient est indispensable), saupoudrez d’un coup d’Etat (golpe) militaire bien assaisonné avec un mélange de dollars US et de syndicat patronal, ajoutez un golpe pétrolier, un golpe économique, un golpe financier et remuez bien en vous pinçant le nez (cette odeur !). Vous obtenez un mélange dont la couleur et le fumet sont ceux du jus de chaussettes du général Francisco Franco et de l’âme du général Augusto Pinochet.

Versez le tout dans une casserole "Partis de droite". Si, dans un geste mécanique, vous avez ajouté quelques pincées d’épices "Elections", la casserole se dissout et vous devez alors agir vite pour sauver la préparation nauséabonde. Il est urgent en effet d’arroser avec un liant salvateur : le "golpe médiatique" qui peut vous redonner une chance de récupérer votre saloperie tropicale. Sinon, elle va sinistrer la nappe, sauf si vous avez eu le précaution de la protéger avec quelques exemplaires du Monde et de Libération qui vont absorber la brune mixture sans que soit notablement modifiés leur texture et leur arôme (1).

Où se procurer l’ingrédient "Golpe médiatique" ? On en trouve un peu partout dans le monde, en France aussi, mais aucun n’égale en qualité celui du Venezuela. De quoi est-il constitué ? D’une substance visqueuse appelée "Quotidiens patronaux". Ici, ils remplacent avantageusement la casserole "Partis de droite" fondue et inutilisable.

Où se procurer ce providentiel ingrédient ? Dans tous les kiosques de la République bolivarienne du Venezuela où il est exposé en millions d’exemplaires. Il résiste au soleil grâce à un mélange préalable en usine avec les autres assaisonnements qu’il va utilement compléter.

Goebbels rêvait d’un tel affichage, la bourgeoisie de ce pays l’a fait.

Quant aux militants français de partis de la gauche de la gauche, d’associations locales, aux créateurs d’événements culturels à la salle des fêtes, aux organisateurs de kermesses des écoles et de lotos des chasseurs qui voudraient faire connaître leurs initiatives qu’ils n’oublient aucun des produits. 5 golpes : militaro-patronal, pétrolier, économique, financier, médiatique. Aucun ne révulse les estomacs démocrates, sinon David Pujadas (2) et ses honorables confrères nous l’auraient dit.

Maxime Vivas.
Décembre 2009, Caracas,Venezuela.

(1) «  Hugo Chávez augmente de 638 % le budget présidentiel du Venezuela », titre Le Monde du 26 octobre 2009. Libération.fr, du même jour titre : «  Aló, presidente ? Votre budget est en hausse de 638%" . Les deux se livrent à une analyse détaillée et particulièrement pointilleuse du budget de la présidence, épluchant jusqu’aux notes de blanchisserie, mais en passant sous silence une information capitale : en vue de garantir l’optimisation de l’exécution des missions sociales, leurs dépenses en sont désormais imputées au budget de la présidence. En clair, il y a réaffectation de crédits imputés sur d’autres ministères lors des années précédentes, lesquels verront leur budget abondé ensuite par cet argent par des procédures qui faciliteront le contrôle de son usage.
Ainsi, une mesure visant à mieux contrôler l’argent public est présentée par nos deux quotidiens comme une dilapidation éhontée. Le Monde indique que ses sources sont le quotidien vénézuélien d’opposition, El Nacional (qui participa activement au coup d’Etat d’avril 2002). Or, ce quotidien indiquait en détail le système de réaffectation des fonds nouveaux alloués à la présidence et précisait même, lui, qu’il s’agissait d’entretenir "une meilleure coordination de l’exécution et du contrôle des missions" (source : Acrimed).

(2) David Pujadas, est ce présentateur vedette du journal télévisé de 20 heures sur la chaîne publique France 2, prêt à tomber amoureux de la République bolivarienne du Venezuela dès qu’elle aura changé de président, de politique, de nom et éventuellement de peuple.

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Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l’unité, son motif le plus puissant. C’est pour la mener avec succès en rassemblant l’ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n’est pas une invention, c’est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu’elle cesse :
renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l’exploitation et à l’écrasement.

H. Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT

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