Londres. « Potentiellement un désastre environnemental sans précédents » : commentaire de Wesley P. Warren du Natural Resources Defense Council avant même la tentative improvisée, pathétique et désastreuse, de British Petroleum d’absorber avec une « cloche » de ciment armé des millions de mètres cubes de pétrole brut des fonds marins du Mexique. La tentative, plus de public relations que de technologie même la plus expérimentale, a été comparée à une opération de chirurgie cardiaque réalisée dans le noir à 1.600 mètres de distance. Mais Monsieur Tony Hayward, Company Executive Officer de BP, après avoir essayé de décharger toutes les responsabilités sur Transocean, la société sous-traitante qui a construit la plateforme Deepwater Horizon à quatre vingts kilomètres des plages de Louisiane polluées par les premiers blobs de goudron, a fait marche arrière en promettant de payer les dégâts ; il a même admis qu’il n’existe pas de méthodes connues, expérimentales ou pas, pour bloquer les trois massives émissions de pétrole goudronneux à cette profondeur. Sa compagnie se vante d’être à l’avant-garde des forages à plus de mille mètres de profondeur ; elle gère dans le Golfe du Mexique une autre douzaine de plateformes, identiques à celle de Transocean Orizon, et de nombreuses autres encore près des côtes du Brésil ; ainsi que, en cogestion avec Anadarko Petroleum, les plateformes proches du Ghana, du Sierra Leone et de l’Arctique. Elle (BP) aurait dû cogiter, avant, des systèmes d’urgence pour faire face à des accidents de ce genre - écrit The Guardian - « parce que personne ne l’obligeait à travailler à de telles profondeurs de l’océan ». Personne ou rien, sauf la logique du profit. Le « kill, baby, kill » remplacé par « drill, baby, drill » - tue, petit, tue remplacé par creuse, petit, creuse, quelles que soient les conséquences dévastatrices pour l’environnement et le genre humain. C’est comme si une compagnie spécialisée dans le désamorçage d’explosifs périmés les jetait du haut d’une montagne au fond de la vallée et, en cas de déflagrations, glissements de terrain, destruction de digues et tragédies de civils, affirmait que la priorité était de se débarrasser à bas prix de dynamite et TNT qui n’étaient plus utilisables à des fins guerrières, le tout uniquement dans les intérêts de la communauté nationale. Les intérêts nationaux, c’est-à -dire ceux de l’autonomie énergétique, avaient été avancés par Barak Obama, quand, il y a à peine plus d’un mois, et sans la moindre discontinuité avec les directives de son prédécesseur, il avait autorisé les forages au large des côtes atlantiques. Après le désastre du Golfe il a suspendu mais n’a pas abrogé l’autorisation. On n’oubliera pas que l’an dernier après l’explosion dans une raffinerie du Texas (11 morts), BP avait porté à 15 millions et 900.000 dollars les financements de son lobby aux campagnes électorales des sénateurs et députés : afin de conjurer une aussi lointaine que vague possibilité que l’Administration Démocrate ne remplaçât le « code éthique » adopté de façon volontariste par les pétroliers, par le code pénal. Il est d’ores et déjà prévisible que les lobbyistes de BP à Washington puissent disposer du double ou du triple de cette somme, d’autant plus que la Cour Suprême a abrogé toute limite des contributions financières des sociétés aux membres du congrès ou aux hommes politiques.
Il est vrai aussi que la générosité de BP est déjà en train de prendre d’autres voies : ses agents, par centaines, sont en train de battre les côtes des Etats déjà touchés ou menacés par la vague noire : ils distribuent des chèques de 5.000 dollars en faveur de tous ces citoyens qui ont manifesté l’intention d’avoir recours aux tribunaux. Une oeuvre de dissuasion qui ne semble pas avoir été couronnée de succès notable du fait, aussi, que ce ne sont pas des milliers ou des centaines de milliers mais des millions de citoyens de la république étoilée qui sont potentiellement victimes du désastre qui plombe sur les Etats de la Louisiane, du Mississipi, de l’Alabama et de la Floride (si le courant du Golfe est investi par la vague noire, même les côtes atlantiques de cet Etat seront touchées). A l’exception du nombre de morts, la catastrophe est plus vaste que celle de l’ouragan Katrina : plus d’un demi-million de pêcheurs ont suspendu ou vont devoir suspendre leur activité ; les Etats en question approvisionnent 50% du marché national du poisson (80% des crustacés, crabes, les fameux « stone crabs », langoustes et clovisses (palourdes, coques, NdT) ; 500.000 travailleurs du secteur du tourisme et deux millions d’auxiliaires dans les Etats vacanciers des Etats-Unis d’Amérique. La menace est une explosion du chômage dans une région où les syndicats sont pratiquement inexistants, les caisses de chômage, on ne sait même pas ce que c’est, et les indemnités pour les gens qui n’ont pas de travail sont minimales et limitées à quelques (rares) mois.
BP, donc, comme arme de destruction de masse et Monsieur Tony Hayward, son Company Executive Officer, bien pire que Saddam Hussein qui ne possédait pas une seule de ces armes et a été pendu.
Lucio Manisco
http://www.luciomanisco.com/ultime/ultime_1.htm
Traduction M-A Patrizio