RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Apartheid à Hébron ? (Countercurrents)

Tu as sûrement lu des articles sur la situation dans la ville de Cisjordanie de Hébron où 800 colons juifs vivent au milieu de 170 000 Palestiniens. Mais c’est autre chose de se trouver sur place. Voir ce que tu vois, te donne mal au ventre. Voir ce que tu vois te fais immanquablement penser à un mot qui commence par "A".

Il y a quelques semaines, j’ai passé un après-midi dans des lieux qu’on ne visite pas quand on fait le tour des synagogues et il n’y a pas d’autre mot pour décrire ce que j’ai vu. Dans la colonie de Kiriat Arba, la directrice du projet de Peace Now (Paix maintenant) de surveillance des colonies, Hagit Ofran, a dit à notre délégation composée d’Etasuniens appartenant au mouvement Peace Now : "A partir d’ici seuls les Israéliens peuvent entrer dans Hébron en voiture, les Palestiniens doivent y aller à pied." J’ai cru qu’elle plaisantait. Mais pas du tout.

Depuis les années 1970 des colons radicaux revendiquent des propriétés de Hébron que des Juifs possédaient avant l’établissement de l’état d’Israël en 1948. Aujourd’hui il y a des affiches partout qui proclament le droit divin des colons à la ville, en citant les paroles de la Torah ("Les enfants sont revenus dans leurs frontières" Jérémie 31, 17) et rappelant le massacre de 66 Juifs par leurs voisins arabes.

Je n’ai trouvé aucune mention du massacre de 1994 qui a eu lieu à la mosquée Ibrahimi dans la tombe des Patriarches au cours duquel Baruch Goldstein, un docteur israélien originaire des USA, a ouvert le feu sur des musulmans en prière faisant 29 morts et 125 blessés. Quand les Palestiniens en colère sont sortis dans les rues de Hébron, les forces de défense israéliennes ont imposé un couvre-feu aux Palestiniens, qui ne leur laissait que quelques heures par jour pour sortir faire les courses.

D’abord on nous massacre, ensuite on nous punit, ont rétorqué les Palestiniens furieux. Pourquoi ne pas imposer un couvre-feu aux Juifs extrémistes ? Pourquoi le fardeau de la sécurité des Juifs doit-il retomber sur nous ?

A chaque nouvelle éruption de violence, l’armée israélienne a imposé de nouvelles restrictions aux Palestiniens. Le Protocole de Hébron de 1997, un accord diplomatique signé entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine avec l’aide de l’administration de Clinton, a divisé officiellement la ville. Les Palestiniens ont la responsabilité de la plus grande partie de Hébron appelé secteur H-1 et le secteur H-2 -qui couvre les 18% de la ville où les colons se sont installés- est resté sous le contrôle de l’armée israélienne.

Le grand marché qui approvisionnait la ville et les villages environnants s’est retrouvé dans le secteur H-2. Il a été fermé par l’armée israélienne et des mesures de séparation ont été mises en place pour protéger les colons contre les attaques et réduire au maximum les frictions entre les Arabes et les Juifs. L’accès des Palestiniens au centre ville a été sévèrement restreint, les échoppes ont fermé, quelques unes ont été réquisitionnées par des colons et des planches sont clouées sur la plupart des issues.

Au bout de 14 ans de ce régime, la rue principale ressemble à une ville fantôme, les bâtiments qui s’écroulent sont couverts de graffitis en hébreu : "Les Juifs n’achètent qu’aux Juifs", "Pas d’arabes ni de rats" et pire encore. Mon coeur se soulève en lisant ces mots pleins de haine mais plus encore en voyant que la rue est divisée physiquement en deux, d’un côté les Palestiniens, de l’autre les Juifs -le côté le plus large pour les Juifs- et tout cela sous la surveillance des soldats. Ofran me dit que certains Palestiniens doivent passer par les toits pour rentrer chez eux parce que les rues leur sont interdites.

Issa Amro, un militant palestinien des droits de l’homme, nous a brossé, en 10 petites minutes, un portrait effrayant de l’occupation israélienne du secteur H-2 et de ses 18 checkpoints. Bien que natif de Hébron, certaines rues lui sont interdites. Bien qu’il pratique la non violence, il est soumis à la loi militaire tandis que le colons le plus radical est soumis au droit civil. Il nous expliqué que les Palestiniens peuvent être détenus sans jugement pendant plusieurs jours mais les Israéliens seulement 24 heures. Les Palestiniens doivent barricader leurs fenêtres pour se protéger des pierres que lancent les colons car l’armée ne protège pas leurs maisons. Il nous a raconté qu’il y a deux ans une femme a accouché au checkpoint parce que les ambulances palestiniennes ont besoin d’autorisations spéciales pour passer d’un secteur à l’autre. Des douzaines de routes ont été bloquées avec des barrières en ciment pour empêcher les Palestiniens de se déplacer librement.

Si on ouvre les yeux et qu’on regarde les choses en face, on est obligé d’admettre l’impensable - "A" pour arrogance et, oui, pour apartheid. Cela me fait mal rien que d’écrire ce mot.

Moi qui suis une sioniste de longue date qui aime Israël et veux la paix, j’ai rejeté cette étiquette qui me paraissait outrancière ainsi que les comparaisons que je trouvais incendiaires et faciles avec l’Afrique du Sud d’avant Mandela, qu’ont répandues Jimmy Carter et quelques personnalités de la gauche. J’ai fait des douzaine de voyages en Israël depuis 1976 et tout en critiquant sévèrement la politique de son gouvernement -qu’il soit Labor, Likud ou Kadima- à l’égard des Palestiniens à l’intérieur et à l’extérieur de la ligne verte, je n’ai jamais pensé que les faits sur le terrain justifiaient ce jugement extrême. Mais c’est que, avant le mois dernier, je n’étais jamais allée à Hébron.

Les Juifs qui aiment la justice ne peuvent pas nier plus longtemps ce que les autorités israéliennes font à Hébron ; on n’a pas le droit de dire qu’on ne savait pas.

Letty Cottin Pogrebin, a fondé et dirige Ms. Magazine, est l’auteur de neuf livres, et a été présidente de Americans for Peace Now.

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/pogrebin310311.htm

traduction : D. Muselet

URL de cet article 13291
  

Même Thème
Israël/Palestine - Du refus d’être complice à l’engagement
Pierre STAMBUL
Entre Mer Méditerranée et Jourdain, Palestiniens et Israéliens sont en nombre sensiblement égal. Mais les Israéliens possèdent tout : les richesses, la terre, l’eau, les droits politiques. La Palestine est volontairement étranglée et sa société est détruite. L’inégalité est flagrante et institutionnelle. Il faut dire les mots pour décrire ce qui est à l’oeuvre : occupation, colonisation, apartheid, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, racisme. La majorité des Israéliens espèrent qu’à terme, les (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Que ce soit bien clair : nous avons commis des erreurs, évidemment. Et nous en commettrons d’autres. Mais je peux te dire une chose : jamais nous n’abandonnerons le combat pour un monde meilleur, jamais nous ne baisserons la garde devant l’Empire, jamais nous ne sacrifierons le peuple au profit d’une minorité. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait non seulement pour nous, mais aussi pour l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie, les générations futures. Nous avons fait tout ce que nous avons pu, et parfois plus, sans rien demander en échange. Rien. Jamais. Alors tu peux dire à tes amis "de gauche" en Europe que leurs critiques ne nous concernent pas, ne nous touchent pas, ne nous impressionnent pas. Nous, nous avons fait une révolution. C’est quoi leur légitimité à ces gens-là, tu peux me le dire ? Qu’ils fassent une révolution chez eux pour commencer. Oh, pas forcément une grande, tout le monde n’a pas les mêmes capacités. Disons une petite, juste assez pour pouvoir prétendre qu’ils savent de quoi ils parlent. Et là, lorsque l’ennemi se déchaînera, lorsque le toit leur tombera sur la tête, ils viendront me voir. Je les attendrai avec une bouteille de rhum.

Ibrahim
Cuba, un soir lors d’une conversation inoubliable.

Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.