Les organisateurs récompensaient le « journaliste le plus servile ».
Selon eux, Pujadas mérite la Laisse d’or pour son amour des euros (12 000 par mois) sa haine des syndicalistes et son dévouement pour les puissants, réaffirmé dans le film culte de Denis Jeambar, Huit journalistes en colère (Arte, 9.2.10), qui le montrait fustigeant la surmédiatisation des humbles : « Le journalisme des bons sentiments, c’est aussi une bien-pensance. C’est l’idée que, par définition, le faible a toujours raison contre le fort, le salarié contre l’entreprise, l’administré contre l’État, le pays pauvre contre le pays riche, la liberté individuelle contre la morale collective. En fait, c’est une sorte de dérive mal digérée de la défense de la veuve et de l’orphelin. »
Au moment où Pujadas sortant des studios s’apprêtait à enfourcher son scooter, un groupe surgit pour l’acclamer, le couvrir de confettis et lui enrouler sa laisse autour du cou avant de dorer son deux-roues avec de la peinture aérosol (lavable) aux cris de « Vive le laquais du Siècle ! Vive le roi des laquais ! ». J’emprunte cette information au Plan B. J’ai même fait un peu de copié-collé, sachant qu’il n’y trouvera pas à redire.
Le Plan B assure que les images de la scène figureront dans le prochain film de Pierre Carles, "Fin de concessions" qui sort en salles le 27 octobre prochain.
Pierre Carles y a également filmé Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de Gauche et député européen, réagissant à un extrait du journal de 20 heures présenté par David Pujadas : « Larbin », « salaud ». Plus tard, il ajoutera : « Laquais ».
Et tout ça parce que David Pujadas titillait Xavier Mathieu, responsable CGT de l’usine Continental de Clairoix (Oise) en essayant de lui faire condamner les violences (sur du matériel) de ses petits camarades, alors que par étourderie, il n’avait jamais pensé à demander à Laurence Parisot si ce n’est pas se livrer à des violences physiques que de fermer des usines qui marchent, de tout prendre aux pauvres, de ruiner les familles, de les faire se disloquer dans leur malheur, d’hypothéquer l’avenir des enfants, de sinistrer une ville ou une région au profit de ceux qui ont assez d’argent mais qui pourront dès lors en gagner plus ailleurs.
Pas davantage, il n’interrogea des patrons sur le fait qu’ils soient obligés de se déguiser en « entrepreneurs », sur le foutage de gueule qui consiste à proposer à un Continental un job en Tunisie pour 137 euros brut par mois, sur la violence exercée par les CRS sur des crânes prolétariens en révolte contre leur malheur volontairement déclenché par des « entrepreneurs ».
Invité dimanche 10 octobre 2010 au « Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro » Jean-Luc Mélenchon a comparu devant le tribunal formé par Etienne Mougeotte, Jean-Michel Apathie et Eric Revel, scandalisés par ce qu’il avait dit de Pujadas, vieux routier des médias, s’échinant (en vain) à essayer de rouler dans la farine un prolo qui parle au micro et à qui il semblait d’abord facile, puis possible (en s’y prenant à quatre fois) de lui arracher une condamnation des violences, faites aux vitres innocentes d’une sous-préfecture, par des individus jetés à la rue : ses frères, ses compagnons de résistance, même pas masqués.
Pujadas : Est-ce que ça ne va pas trop loin ? Est-ce que vous regrettez ces violences ? Pour vous la fin justifie les moyens ? Est-ce que vous lancez un appel au calme ce soir ?
En 1911, à Paris, Georges Clemenceau avait réussit à piéger Marcellin Albert, héros de la révolte des vignerons du Languedoc. A son retour au pays, le malheureux au coeur pur fut accueilli par une foule qui voulait le lyncher. Il mourut dans le désespoir et la misère.
Clemenceau, quel « salaud » quel « larbin », quel « laquais » du grand capital ! Si la télé avait existé et s’il avait rasé sa moustache, il pouvait présenter le JT sur n’importe quelle chaîne.
Vous le saviez, vous, que les salariés de Continental avaient renoncé depuis deux ans à leur prime de fin d’année et aux 35 heures pour sauver l’emploi ?
Que les dégâts qu’ils ont causés dans les bureaux de la sous-préfecture à Compiègne sont estimés à 12 000 euros ?
Vous le saviez, vous, que la direction de l’usine Continental de Foix (Ariège) exige des salariés leur accord pour une baisse de salaires 8 %, sinon l’usine (bénéfice : 38 millions d’euros en 2009) n’ira pas loin ?
Vous le saviez que Continental a demandé exactement la même chose dans ses filiales en Espagne et en Allemagne ?
Vous savez ce qu’ils sont devenus, les ex-salariés de Continental Clairoix ?
Vous savez que Jean-Michel Apathie a plus passé de temps à reprocher à J.L. Mélenchon son propos sur David Pujadas qu’à parler du sort des « Continental » ?
Vous saviez que Jean-Michel Apathie travaille pour RTL, France 3, Canal + ?
Vous saviez que son compère, Étienne Mougeotte, a dépassé depuis plus de dix ans l’âge légal de départ à la retraite et qu’il cumule des jobs à TF1, au Figaro, à RTL ?
Vous saviez qu’Eric Revel travaille pour RTL et est directeur de LCI ?
Vous saviez que toutes les chaînes de télés sur lesquelles vous zappez sont de droite ?
Vous savez si Pujadas, Mougeotte, Apathie trouvent que les ouvriers de Clairoix sont plus violents, Mélenchon plus grossier que les patrons de Continental ?
Vous savez qu’il est possible, dans un article, en guise de conclusion, de répéter un paragraphe remarquable ? Tenez : Pujadas fustigeant la surmédiatisation des humbles : « Le journalisme des bons sentiments, c’est aussi une bien-pensance. C’est l’idée que, par définition, le faible a toujours raison contre le fort, le salarié contre l’entreprise, l’administré contre l’État, le pays pauvre contre le pays riche, la liberté individuelle contre la morale collective. En fait, c’est une sorte de dérive mal digérée de la défense de la veuve et de l’orphelin. »
Vladimir Marciac.
PS. Au cours du Grand Jury, Apathie, faisant flèche de tout bois, révéla que le véhicule de Pujadas avait été vandalisé. Il en conclut à demi-mot que ceux qui le critiquent ouvrent la bonde des violences. Mélenchon, par exemple. Celui-ci lui répliqua que, critiqué par les médias, il avait été frappé la veille dans la rue par un énergumène lui reprochant sa vulgarité.
Le silence d’Apathie et de Mougeotte fit la démonstration qu’ils avaient épuisé tout leur réservoir d’indignation pour « le véhicule vandalisé » (le scooter repeinturluré ?) de leur complice de France 2.
Ah ! les s…, non, rien.
Voir aussi sur le site d’Acrimed une analyse détaillée du traitement de l’information sociale par nos télés :
http://www.acrimed.org/article3132.html