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Le capitalisme global dans les Caraïbes

Jadis les avant-postes de plantation d’esclaves du colonialisme européen, puis un domaine de l’impérialisme américain, les Caraïbes se sont engouffrées au cours de ces dernières décennies dans de nouvelles formes d’accumulation et de relations sociales alors que des capitalistes transnationaux du monde entier ont déferlé dans la région. Cet article rend compte de l’intégration des Caraïbes dans le nouveau système capitaliste global d’aujourd’hui en tant que produit du jeu de la dynamique de classes et des appareils institutionnels opérant au niveau local et au niveau global pendant les dernières décennies du XXe siècle et le début du XXIe siècle. L’émergence du capitalisme transnational globalisé a des conséquences extraordinaires pour les régions du monde, y compris le bassin des Caraïbes.

Le rôle et l’émergence d’une classe capitaliste transnationale, avec ses différentes fractions, s’observent dans toute la région. Les îles Caïmans sont désormais le siège choisi de plus de 40% des sociétés cotées à la bourse de Hong Kong. Richard Branson, fondateur du groupe transnational Virgin, possède une île de 30 hectares dans les îles Vierges britanniques, où il a accueilli le président Obama peu de temps après son départ du pouvoir. Aux Bahamas, la Walt Disney Corporation possède une île privée, « Castaway Cay », qu’utilise sa compagnie de croisières. Toujours aux Bahamas, l’Export-Import Bank de Chine a récemment accordé un prêt de 2,5 milliards de dollars pour développer la station balnéaire de Baha Mar. Ali Pascal Mahvi, un homme d’affaires d’origine iranienne, chef de la société suisse M Group Corporation, a contribué au développement de la station balnéaire de Sugar Beach à Sainte-Lucie. En Jamaïque, et dans de plus petites îles telles que Saint-Martin, des centres d’affaires chinois se sont formés, en même temps que d’importants investissements ont eu lieu. Pendant ce temps, à Cuba, des entreprises brésiliennes ont largement financé un énorme nouveau centre de fabrication et de transport de marchandises, géré par une entreprise singapourienne. [i] De nombreux capitalistes américains à orientation transnationale utilisent des stratégies de comptabilité pour « transférer » les profits vers Porto Rico (les filiales locales gèrent la production) pour éviter les taxes continentales. Et, peu après le tremblement de terre de 2010, Haïti a privatisé la plupart de sa compagnie de téléphone publique, la vendant à une société vietnamienne.

Il existe également un nombre croissant de capitalistes transnationaux originaires des Caraïbes. Par exemple, Trinité-et-Tobago abrite la famille Sabga, originaire de Syrie au début du XXe siècle. Gustavo A. Cisneros, un ressortissant vénézuélien dominicain d’origine cubaine, du groupe Cisneros, dont le siège est en Floride, a une fortune estimée à plus de 1 milliard de dollars. Avec des intérêts financiers partout à travers le globe, c’est un actionnaire important de médias et chaînes de divertissement en langue espagnole tels qu’Univision et Venevisión. Le plus riche homme d’affaires jamaïcain, Michael Lee-Chin, est un investisseur et un philanthrope qui a la double nationalité jamaïcaine et canadienne. Son patrimoine est estimé à 1,5 milliard de dollars. Il a été, entre autres, le président exécutif d’AIC Limited, un fonds commun de placement canadien, et le président de la National Commercial Bank de la Jamaïque depuis décembre 2014. Souvent décrite comme le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental (ainsi que le pays avec le plus d’inégalités), Haïti abrite également un nombre croissant de capitalistes transnationaux. Originaire d’Haïti mais résidant maintenant aux États-Unis, Dumas Siméus est un ancien PDG et fondateur de Siméus Foods International. Il a investi dans de nombreuses autres sociétés et a des puissants liens politiques, notamment au sein du Parti républicain en Floride.

L’accumulation capitaliste globale est synonyme de gains immenses pour les capitalistes transnationaux et de certains avantages pour la consommation de la classe moyenne. Pourtant, la majorité de la population de la région est confrontée à des conditions d’exploitation ou de marginalisation. Malgré un accès amélioré aux soins de santé et aux biens bon marché, la majorité des Caribéens font face à des crises de plus en plus graves. 6,3 millions sur les 10 millions de personnes en Haïti ne peuvent satisfaire leurs besoins basiques, et 2,5 millions ne peuvent satisfaire leurs besoins alimentaires, avec seulement 2% de la population consommant l’équivalent de 10 dollars par jour ou plus, selon les données de la Banque mondiale.[ii] Selon la Banque mondiale, un cinquième de la population jamaïcaine vit dans la pauvreté, mais la réalité structurelle est nettement plus marquée avec autant de personnes confrontées à un sous-emploi ou à de bas salaires ainsi qu’un manque d’infrastructures publiques et une augmentation du coût de la vie. Le taux de chômage peut atteindre entre 40 et 60% dans les quartiers à faible revenu de Kingston, tel que Tivoli Gardens.

Des processus internationaux aux processus transnationaux

À un carrefour mondial et historique, la région a traversé différentes phases du capitalisme : du mercantilisme au capitalisme transnational/global actuel, en passant par la formation nationale et au capitalisme monopoliste international, comme en ont discuté William I. Robinson et Roberto Regalado. [iii] Alors que les processus nationaux se déroulent à l’intérieur des frontières des états, les processus internationaux se produisent de part et d’autre des frontières. Les processus transnationaux, bien qu’ils se déroulent également à travers les frontières, se distinguent des processus internationaux par la façon dont les différents composants ou agents opèrent conjointement à travers les frontières. Cela crée une variété de phénomènes structurels, institutionnels et organisationnels qui relient fonctionnellement les régions et les nations à travers le globe.

Au lieu de percevoir le monde social comme des populations regroupées dans des états-nations centraux et périphériques, le centre et la périphérie peuvent également désigner des classes et des groupes sociaux dans un contexte transnational, comme d’autres, tels que Ankie Hoogvelt, Leslie Sklair et Hilbourne Watson, le suggèrent également. Cela nous aide à réfléchir à comment la polarisation sociale enracinée dans la transnationalisation croissante des relations matérielles se répercute sur les régions et les nations. Certains groupes du premier monde (tels que les strates à forte consommation et les ultra riches) existent maintenant aussi dans le tiers monde, et vice versa ; ils sont liés à de nouveaux réseaux transnationaux de production et de finance.

Depuis la fin du XXe siècle, les Caraïbes servent de laboratoire pour le capitalisme transnational et le consensus néolibéral de Washington, promulguant des politiques d’austérité parallèlement au développement du tourisme, aux exportations agricoles non traditionnelles et aux zones franches d’exportation (ZFE) qui servent de plates-formes pour intégrer les relations productives locales dans l’économie globale. Des périodes de stagnation économique, de tumulte politique et d’intervention renouvelée des États-Unis ont simultanément affecté la région, ainsi que des crises globales comme le changement climatique, la polarisation sociale et les crises de légitimité politique. Il en est de même de la suraccumulation capitaliste, avec des investissements risqués dans les crypto-monnaies et les marchés dérivés.

Au cours des quatre dernières décennies, avec l’émergence du capitalisme transnational et de la globalisation, parallèlement à l’augmentation des niveaux de production et de consommation, plus de la moitié des récifs coralliens des Caraïbes ont été perdus.[iv] Comme l’expliquent Ramón Bueno, Cornelia Herzfeld, Elizabeth A. Stanton et Frank Ackerman de l’Université Tufts : « Les deux douzaines de pays insulaires des Caraïbes et les 40 millions de personnes qui y vivent sont aux premières loges de la vulnérabilité au changement climatique. Les températures plus élevées, l’élévation du niveau de la mer et l’intensité accrue des ouragans menacent les vies, les biens et les moyens de subsistance dans les Caraïbes. » 
[v] L’intégration d’un nouveau capitalisme global dans la région a mis en relief cette turbulence, ce qui a conduit à d’importantes transformations sociales et de classes.

Quels sont certains des changements fondamentaux représentatifs de la montée de la globalisation capitaliste ? Au fur et à mesure que l’économie politique de la région est remodelée, nous voyons un certain nombre de dynamiques qui dépendent de formes transnationales d’accumulation, d’exploitation et d’intégration. Celles-ci comprennent l’émergence d’un système financier transnational, la formation de réseaux de production transnationaux et la flexibilisation et la précarisation du travail. Nous voyons également que les décideurs régionaux s’éloignent de la planification indicative du développement en vue d’objectifs nationaux vers une orientation transnationale et la promotion de la soi-disant « compétitivité globale ». Un autre facteur important est le développement de nouveaux réseaux de sous-traitance qui intègrent les entreprises dans des chaînes transnationales.

La finance globale et le régime de transferts d’argent

Les nouveaux flux financiers transfrontaliers font partie du processus de globalisation en cours depuis la fin du XXe siècle. Nous pouvons retracer l’origine de certaines parties de l’histoire de ce phénomène à la création de la SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications Network), fondée dans les années 1970, à l’interconnexion des marchés boursiers nationaux qui a débuté dans les années 1980 et à la croissance massive de l’investissement direct étranger (IDE) et des fusions et acquisitions transfrontalières des quatre dernières décennies. Les Caraïbes sont devenues le foyer de paradis fiscaux parmi les plus prospères de l’histoire du monde : en 2013, 92 milliards de dollars ont été investis dans les îles Vierges britanniques. Ce petit territoire a attiré plus d’IDE que toutes les autres nations du monde, à l’exception de la Chine, de la Russie et des États-Unis. [vi] Les IDE vers les pays en voie de développement des Caraïbes sont passés de 320 millions de dollars en 1970 à plus de 6 milliards de dollars en 2012, bien qu’ils aient connu des périodes de stagnation.

Les propriétaires locaux du secteur bancaire des Caraïbes sont devenus une partie intégrante du système financier global. Dans toute la région, les banques locales et les entreprises de transfert d’argent agissent en tant qu’agents pour les sociétés de transfert d’argent transnationales. En République dominicaine, Remesas Vimenca fonctionne comme un agent pour Western Union. Il existe également des agents locaux plus petits, comme Money Corps qui travaille en collaboration avec Money Gram, dont le siège social est aux États-Unis. En Haïti, Sogebank, l’une des plus grandes banques du pays (détenue en partie par quelques élites locales riches), opère sa chaine Sogexpress comme l’agent local de Western Union.

Western Union, avec son économie d’échelle, est parvenue à contrôler une part importante du marché officiel des transferts d’argent dans le monde. Selon les dossiers fiscaux de Western Union, la société est passée de moins de 400 millions de dollars en 1970 à près de 5,7 milliards de dollars en 2012. Western Union a commencé ses activités en Jamaïque en 1990 via un agent local, le Groupe Grace Kennedy, un partenariat représentant à présent environ 50% de l’ensemble du marché des transferts d’argent de l’île. Au fil du temps, d’autres opérateurs de transfert d’argent en Jamaïque lui ont emboîté le pas.

Les envois d’argent nous permettent de voir la manifestation concrète du capitalisme mondial dans de larges pans de la société. Par exemple, en République dominicaine en 1970, les transferts d’argent reçus s’élevaient à seulement 25 millions de dollars, alors qu’en 2013, ils étaient évalués à 4,4 milliards de dollars. En Jamaïque et en Haïti, au cours de la même période, les transferts d’argent reçus sont passés de montants insignifiants à 2,1 milliards de dollars et 1,8 milliard de dollars, respectivement. Dans de nombreuses communautés rurales et de nombreux centres urbains des Caraïbes, il est possible d’acheter le strict minimum uniquement grâce à l’argent envoyé de l’étranger. Des recherches récentes suggèrent que jusqu’à un ménage sur cinq en Haïti a reçu des transferts d’argent, chacune de ces familles recevant de l’argent recueillant annuellement en moyenne près de 2 000 $. Ainsi, ce sont des communautés souvent dépendantes de la diaspora. Pourtant, au fur et à mesure que les Caribéens s’intègrent dans les réseaux transnationaux de transferts d’argent, de nouvelles inégalités apparaissent parmi les membres de la communauté. Entre-temps, les politiciens de la région justifient le retrait de l’état de ses responsabilités sociales en affirmant que les envois d’argent constituent une sécurité suffisante pour les populations à faible revenu.

La finance globale plonge non seulement les entreprises régionales dans les flux de capitaux transnationaux, mais relie également les travailleurs de la classe ouvrière les uns aux autres à travers les frontières via ces réseaux d’envois d’argent. Les entreprises de transfert d’argent en ont énormément profité en facturant des frais pour les transferts d’argent transfrontaliers. En contrôlant les chaînes de distribution à travers lesquelles les revenus sont envoyés, les entreprises transnationales ont obtenu un moyen supplémentaire d’extraire de la valeur des personnes à faible revenu.

Production et privatisation

Depuis la fin des années 1990, les industries manufacturières et extractives sont intégrées dans des réseaux de production transnationaux. Cela a changé la nature même du fonctionnement du capitalisme dans les Caraïbes. La mise en place d’une série d’accords supranationaux, tels que l’Initiative du Bassin des Caraïbes (IBC), l’Accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALÉAC), divers forums de l’Union européenne et la communauté caribéenne (CARICOM), ainsi que des accords bilatéraux, ont contribué à faciliter ce processus en favorisant un climat plus propice aux grandes entreprises dans la région. C’est le cas, par exemple, de la libéralisation financière, en assouplissant et normalisant des réglementations et en créant de nouvelles infrastructures de la chaîne d’approvisionnement.

Cela s’est produit parallèlement à un changement qualitatif des relations productives, par exemple dans l’industrie minière. Au milieu du XXe siècle, des sociétés britanniques et américaines ont ouvert des mines industrielles modernes au Guyana et en Jamaïque, dont les intérêts étaient souvent étroitement liés aux « intérêts nationaux » de ces états-nations. En fait, la loi américaine sur la sécurité mutuelle (1951) et le programme Point IV (établi en 1949) ont ouvert la voie pour que les décisions concernant le traitement des matières premières, comme la bauxite, le pétrole brut et leurs dérivés, soient considérées comme des questions de « sécurité nationale ». Les initiatives du gouvernement américain ont facilité l’exploitation minière à grande échelle dans les Caraïbes par le biais de ses propres entreprises dans les années 1950 et 1960. Cependant, au cours des dernières décennies, nous avons assisté à un changement complet dans la composition des sociétés minières et dans les caractéristiques structurelles de l’industrie. [vii] Par exemple, la société transnationale UC Rusal, aujourd’hui le plus grand producteur d’aluminium au monde, a commencé, au cours des dernières années, à acquérir des mines jamaïcaines. La société, implantée dans le monde entier, a son siège à Moscou, mais elle a été incorporée dans les îles anglo-normandes et elle est liée à une foule d’investisseurs transnationaux du monde entier, comme les États-Unis, la Chine et le Qatar.

Des dynamiques similaires se sont développées dans presque tous les secteurs de l’économie régionale, y compris dans les télécommunications. Digicel, spécialisé dans les réseaux de téléphonie mobile, est très présent dans les Caraïbes et dans d’autres régions, comme l’Océanie et l’Amérique centrale. Fondé en 2001, Digicel a son siège social en Jamaïque mais est enregistré dans le paradis fiscal des Bermudes. Les investisseurs de Digicel comprennent un nombre croissant de sociétés allant de groupes de capital-investissement aux entreprises gouvernementales en passant par des sociétés. Un certain nombre d’investisseurs basés dans les Caraïbes ont également fourni des coûts de lancement pour de nouvelles opérations de Digicel dans la région, comme à la Barbade. En 2007, Digicel a vendu pour 1,4 milliard de dollars d’obligations à haut rendement. Même la Banque mondiale a investi dans les opérations de Digicel en Haïti, dont le propriétaire majoritaire est Denis O’Brien, un citoyen irlandais résidant à Malte. Après avoir débuté sa carrière dans le secteur des télécommunications durant la libéralisation de l’industrie en Irlande au début des années 1990, son entreprise se concentre désormais sur le marketing des services mobiles dans les petits pays du monde entier. Digicel s’est rapidement développé grâce à l’achat de contrats de licences mobiles par les gouvernements dans le cadre de la libéralisation de leurs secteurs de la communication.

Avant la globalisation, les économistes politiques auraient considéré les directeurs généraux de Digicel comme appartenant à la classe capitaliste irlandaise ou britannique. Mais sous le nouveau régime du capitalisme transnational, ces hommes d’affaires n’ont de plus en plus aucune raison impérieuse de développer leur pays d’origine européen, ni d’intérêt à leur rapatrier les profits. En fait, ils sont de plus en plus orientés vers l’accumulation transnationale. Les investisseurs cherchent à se libérer des contraintes nationales, un objectif partagé par de nombreux alliés politiques. Bien que les politiques publiques particulières ne profitent peut-être pas à tous les investisseurs transnationaux de la même manière, de nombreuses politiques étatiques sont venues explicitement faciliter le capital transnational au détriment d’un capital plus local ou national. Les décideurs des puissants appareils d’état sont d’une importance vitale pour ce processus, en particulier les États-Unis qui peuvent intervenir diplomatiquement, militairement, etc. Comme l’explique Grazia Ietto-Gillies, les capitalistes à orientation transnationale ayant des intérêts dans différents pays « utilisent leur position économique et leur influence pour renforcer leurs liens et leurs revendications... [avec] des pays spécifiques et exercer de l’influence pour obtenir un traitement spécial ».

Les sociétés transnationales du tourisme spécialisées dans les Caraïbes, qui jouissent d’un statut privilégié auprès des gouvernements de la région et du gouvernement des États-Unis, en sont un bon exemple. Les propriétaires et les principaux investisseurs du secteur des croisières sont parmi les plus riches du monde et représentent bien certaines des transformations en cours. [viii] La reconfiguration et la croissance d’une couche sociale globale avec un revenu disponible pour les loisirs a enrichi cette industrie. Aujourd’hui, la région est parsemée de stations touristiques massives et murées, et d’un nombre croissant de plages privatisées.

Les sociétés transnationales (STN) dans le secteur des bateaux de croisière sont devenues étroitement liées au système financier global et non plus aux secteurs bancaires plus enracinés dans le pays. Par exemple, la compagnie de croisière Carnival a fait son entrée en bourse en 1987, tandis que Royal Caribbean en a fait de même en 1993. Ayant mené leurs concurrents à la faillite ou les ayant acquis, Carnival et Royal Caribbean forment maintenant un oligopole qui exploite environ 70% des paquebots de croisière dans le monde. Le chiffre d’affaires de Carnival Cruise Lines de 1,3 milliard de dollars en 1990 a atteint près de 15,5 milliards de dollars en 2013. Micky Arison, l’ancien PDG de Carnival est l’une des 250 personnes les plus riches au monde, selon Forbes.

Il est important de noter que si l’accumulation de capital est souvent présentée de manière erronée comme un projet économique national, il est devenu de plus en plus évident au cours des dernières décennies que le capital n’est pas motivé par les objectifs d’un seul pays. Au contraire, il est axé sur l’enrichissement d’une poignée de particuliers et d’institutions privées, indépendamment de la nationalité. Vu sous cet angle, nous pouvons comprendre comment les processus transnationaux permettent au capital d’extraire une plus grande richesse de chaque coin du globe, avec toujours moins de responsabilité envers les populations locales.

La transformation du travail

Ces changements ont un impact profond sur la vie des classes populaires des Caraïbes. La montée des STN est liée à de nouveaux modèles de migration interrégionale, à la segmentation de la main-d’œuvre basée sur la race et le genre et à de nouvelles stratégies de discipline du travail. Dans l’industrie minière, les emplois ont diminué parallèlement à l’utilisation de nouvelles technologies éliminant le travail. Les dizaines de milliers de travailleurs qui travaillent toujours dans les mines de la région font face à de nouvelles conditions de travail flexibles et souvent précaires, dans lesquelles les entreprises utilisent de nouvelles technologies de surveillance et augmentent ou diminuent rapidement le nombre d’employés et les heures de travail, ce qui rend l’emploi moins prévisible et moins sécurisé.

En outre, la migration de la main-d’œuvre se produit désormais à des intervalles plus rapides et à des distances plus grandes. Par exemple, des mineurs expérimentés boliviens, péruviens et chiliens sont embauchés pour effectuer des travaux spécifiques et hautement qualifiés à court terme à la mine de Pueblo Viejo en République dominicaine, tandis que les entreprises recrutent des gens locaux principalement pour des tâches plus subalternes et des travaux de soutien. Nous voyons des dynamiques racialisées dans ces industries, où les gestionnaires sont majoritairement métis ou blancs, ou proviennent de pays du Nord Global.

Les sociétés transnationales des Caraïbes ont également fait appel à des stratégies anciennes et nouvelles pour empêcher la formation de syndicats parmi la main-d’œuvre globalisée. Par exemple, l’industrie des croisières repose sur divers moyens de contrôle social et de surveillance des travailleurs : les compagnies de croisières recrutent généralement des travailleurs de plusieurs pays, avec des langues et des origines différentes, ce qui mine la possibilité d’une action collective. Même lorsque les travailleurs dépassent les barrières linguistiques et culturelles pour travailler ensemble, les entreprises profitent de leur situation juridique et migratoire précaire en haute mer. Par exemple, une compagnie de croisière a résolu un conflit de travail en plaçant des stewards de cabine sud-coréens, jamaïcains et haïtiens qui tentaient de se syndiquer dans des bus au port de Miami, les renvoyant immédiatement dans leurs pays d’origine, selon des recherches de Ross Klein. [ix]

Beaucoup ont remarqué que les entreprises opérant dans les zones franches d’exportation (ZFE) exploitent souvent une main-d’œuvre composée principalement de jeunes femmes. Ces hiérarchies imposées par le genre sont reproduites et reconfigurées pour se conformer aux besoins du capitalisme transnational dans ces secteurs en plein essor, comme Carla Freeman l’explique dans son livre, High Tech and High Heels in the global economy : Women, Work, and Pink-Collar Identities in the Caribbean. [x] Entre-temps, sur les bateaux de croisière, il y a non seulement peu de femmes capitaines, mais les relations inégales entre les sexes imprègnent l’industrie de haut en bas. Les travailleuses sont généralement responsables du travail « de première ligne » d’interaction avec les passagers, ou du travail « en coulisses » du nettoyage des cabines, [xi] selon une étude de Christine Chin, publiée dans le International Feminist Journal of Politics en 2008. Le travail des femmes est également ségrégué selon des lignes nationales et racialisées. D’après Chin, alors qu’il est courant pour les employées originaires de l’Europe de l’Est d’accueillir et interagir avec les passagers, les travailleuses à faible revenu et non blanches originaires des Caraïbes et d’autres pays du Sud sont habituellement chargées des tâches fastidieuses qui ont un statut inférieur et qui donnent au bateau de croisière un air de propreté et de luxe.

Ces changements dans l’industrie se sont produits parallèlement à un changement dans le type de travail effectué en raison de la croissance explosive de la sous-traitance et du développement de réseaux d’affaires de grande envergure. De nouveaux réseaux de sous-traitants ont évolué comme moyen vital d’intégrer les entreprises locales et régionales dans les systèmes de capitaux transnationaux. Dans l’industrie minière, par exemple, les entreprises emploient tout un éventail de sous-traitants locaux, régionaux et globaux pour effectuer des tâches auparavant effectuées à l’interne. Des changements sont survenus jusqu’à la manière dont les travailleurs déjeunent, et de manière contradictoire : il y a plusieurs décennies, en République dominicaine, les travailleurs de la mine de Pueblo Viejo, pour la plupart des hommes, mangeaient des repas qu’ils apportaient de chez eux. Au lieu de cela, au cours des dernières années, le méga-sous-traitant SODEXO apporte sur place des ouvriers salariés, presque entièrement des femmes, pour préparer et distribuer des repas à tous les mineurs.

De même, au cours des dernières années, les sous-traitants sont devenus très actifs dans l’industrie des bateaux de croisière. Par exemple, dans de nombreux cas, ils gèrent des opérations qui sont moins rentables ou qui nécessitent une expertise, comme des boutiques, des casinos, des services de photographie et de spa, et paient des frais considérables aux compagnies de croisières pour avoir accès aux clients sur les bateaux. Les sociétés transnationales sont devenues très dépendantes des sous-traitants, dans des circonstances extrêmement avantageuses qui externalisent efficacement une grande partie des risques de poursuites et des conséquences de la gestion directe des employés. Les relations avec les sous-traitants des STN se produisent souvent dans ce contexte, comme dans les ports et les marchés privatisés et clôturés, construits expressément pour le tourisme de croisière.

Bon nombre de ces installations portuaires, comme à Falmouth, en Jamaïque, sont des simulacres de vraies villes derrière les gardes armés et les portails de sécurité. Alors qu’il y a 30 ans, au début de la globalisation, les touristes continuaient à faire leurs achats chez les marchands indépendants locaux, ils se dirigent maintenant vers la côte pour faire leurs achats dans les chaînes exploitées ou sous-traitées par les compagnies de croisières. La logique du capital transnational s’infiltre de plus en plus dans toutes les crevasses disponibles. Quand aucun bateau de croisière n’est en vue, ces zones deviennent des villes fantômes fermées, avec des restaurants et des magasins silencieux. Des sous-traitants locaux sont même venus défendre les intérêts de ces entreprises. Par exemple, les opérateurs d’excursions et de taxis se sont mobilisés pour aider les sociétés transnationales à faire pression sur les autorités locales. De cette manière, même certains travailleurs sont attirés dans la structure même du capital transnational, en intériorisant sa logique, à mesure qu’ils en deviennent dépendants.

L’état, la politique et le capital

L’élaboration de politiques de plusieurs tendances dans les Caraïbes a évolué, au cours des dernières décennies, vers une orientation transnationale. En effet, les élites de l’état sont de plus en plus dépendantes du capital transnational pour leur propre survie. Beaucoup ont facilité de nouveaux mécanismes pour promouvoir la confiance des investisseurs, répondre aux crises qui menacent la stabilité et la sécurité du marché, et établir un niveau d’uniformité de la politique macroéconomique à travers les frontières. Ce projet reste ouvert, incomplet et sujet aux crises.

L’état lui-même ne disparaît pas, contrairement à ce que prétendent certains observateurs, mais il se transforme plutôt de manière à s’adapter à cette ère de globalisation. Les politiciens et les représentants gouvernementaux caribéens ont besoin d’un accès au capital qui se trouve de plus en plus entre les mains de gens d’affaires transnationaux. Les acteurs politiques régionaux doivent simultanément continuer à apaiser l’opinion publique nationale. Cela conduit à un certain nombre de contradictions. Les dirigeants politiques sont constamment en train de jongler, car ils essaient de maintenir la légitimité politique nationale, tout en approfondissant des pratiques qui sont favorables au capital transnational. Même lorsque ces stratégies sont délétères pour les classes populaires et pour la nature, les dirigeants des états clament souvent la création d’emplois dans les nouveaux secteurs pour renforcer leur légitimité.

Les industries globales ont de puissants groupes de lobbying et moyens juridiques dans la région qui s’infiltrent dans l’état. Par exemple, les représentants de l’état, ainsi que les chambres de commerce nationales et les associations professionnelles qui cherchent des canaux moins lourds pour la production et le commerce, font largement la promotion des ZFE. Lorsque j’ai interviewé un responsable du ministère des Finances de la Jamaïque, il a expliqué qu’en plus de son travail au gouvernement, il travaillait avec un groupe d’entrepreneurs pour lancer une société de transfert d’argent en ligne qu’il espérait présenter aux investisseurs de la Silicon Valley. Les agents du gouvernement qui sont responsables de la privatisation des industries ont régulièrement été récompensés par des emplois lucratifs dans ces secteurs après avoir quitté leurs fonctions, c’est un schéma malsain.

Pourtant, ce ne sont pas que l’enrichissement personnel et les dons de campagne qui favorisent cette dynamique implacable. Les autorités ont également cherché à augmenter les recettes publiques en baisse en exploitant de nouveaux flux de capitaux transnationaux, avec des résultats mitigés. Certains pays, comme Saint-Kitts et la Dominique, ont recours à la vente de la citoyenneté, où de riches étrangers, souvent originaires de Chine ou du Moyen-Orient, peuvent obtenir un passeport leur permettant ainsi de voyager dans plus de cent pays, comme le fait remarquer Kevin Edmonds. [xii] De nombreux gouvernements ont également imposé de nouveaux frais et taxes sur les envois d’argent. De telles mesures sont très impopulaires, car beaucoup dépendent de ces envois d’argent, ils sont leurs moyens de subsistance. Par ailleurs, les gouvernements des Caraïbes n’ont pas réussi à tirer un grand profit des touristes sur les bateaux de croisière : les touristes de ces bateaux ne payent en moyenne que 15 dollars aux pays où leurs bateaux font escale. [xiii] Les responsables politiques des Caraïbes ont tenté mais n’ont pas réussi à tomber d’accord sur une taxe d’entrée commune dans les années 1990 et au début des années 2000, car les lobbyistes des compagnies de croisière ont vaincu cet effort en montant les gouvernements insulaires les uns contre les autres. La capture apparente de l’état par des intérêts obscurs a produit en même temps une crise de légitimité et un profond cynisme envers la politique des partis aux yeux de beaucoup dans la région.

Oppression et désastre

Quelles sont les implications plus larges de la convergence de tous ces processus ? Une grande partie de la population caribéenne est confrontée à la marginalisation structurelle et à l’exclusion du marché du travail, car de nouvelles stratégies policières ciblent ces personnes défavorisées et racialisées, regroupées dans des quartiers tels que le bidonville de Laventille à Port-d’Espagne à la Trinité, la Cité Soleil en Haïti, et Tivoli Gardens en Jamaïque, ou dans les villes frontalières dominicaines. [xiv] 

Ces populations sont donc obligées de rechercher de nouveaux moyens de survie. Leurs choix se rétrécissant, si les pauvres cherchent un emploi qui viole la loi, ils peuvent s’attendre au pire, à l’humiliation et à l’oppression. Le capital profite également de ces populations excédentaires, car leurs conditions de vie désespérées poussent les gens à accepter des salaires bas.

Des changements politiques ont accompagné ces changements économiques dans la région. Les blocs de pouvoir locaux, y compris les États-Unis, ont longtemps utilisé une variété de méthodes pour contenir les énergies révoltées des gens qui sont structurellement marginalisés. Le chauvinisme et les forces religieuses conservatrices deviennent un baume dans lequel certains groupes endossent la responsabilité de nombreuses contradictions qui existent dans la société, sans aucune critique claire sur la façon dont les forces du capitalisme façonnent ces réalités. Dans certains cas, les politiciens confrontés à des crises de légitimité ont profité de ces conditions en amplifiant la rhétorique nationaliste, allant même jusqu’à promouvoir des politiques « nationalistes » en contradiction apparente avec le capital transnational.

Pourtant, comme je l’ai dit ailleurs, la restructuration politico-économique d’aujourd’hui consolide globalement le pouvoir entre les mains d’une bourgeoisie transnationale. En même temps, de nombreuses formes de domination sont en train d’être remaniées : des tribunaux au rôle de l’intervention des États-Unis et d’autres appareils coercitifs, en passant par la police militarisée. [xv] Entretemps, la construction de l’hégémonie se renouvelle à travers l’idéologie, la production culturelle, les mécanismes des flux d’information et le rôle de la polyarchie sur les scènes politiques nationales, où les électeurs doivent choisir entre des élites concurrentes. Ce qu’Arundhati Roy qualifie d’« ONG-isation de la résistance », avec son impact pernicieux par le bas sur les mouvements qui manquent de ressources, est également pertinent.

Entre-temps, les élites transnationales et leurs alliés sont devenus experts dans l’exploitation des effets des grandes catastrophes qui ont plongé les sociétés et leurs systèmes politiques dans le désarroi. De la Nouvelle-Orléans aux petites îles du sud des Caraïbes, nous voyons comment de grands investisseurs ont cherché à racheter des biens immobiliers à la suite des ouragans, comme Naomi Klein l’a si bien démontré dans son travail. [xvi] La réaction indifférente et inhumaine du gouvernement américain à la dévastation causée par l’ouragan Maria à Porto Rico est certaine d’avoir de profondes conséquences sociales, économiques et politiques pour l’île et peut-être pour toute la région. Pendant ce temps, les principales composantes de la stratégie de développement post-séisme en Haïti se sont concentrées sur l’attraction d’investisseurs internationaux, alors que les États-Unis et la Banque mondiale facilitent les opérations de transformation des exportations, les nouveaux développements miniers et de nombreuses lois sur l’investissement remodelées de façon non démocratique. Selon les principaux décideurs et investisseurs, la solution aux urgences auxquelles la région est confrontée est d’approfondir davantage l’intégration dans l’économie capitaliste globale.

Résister et refondre l’économie politique des Caraïbes

Cependant, à travers le labyrinthe de cette restructuration capitaliste, il existe de nouveaux efforts de transcendance et résistance. [xvii] Les protestations syndicales et la syndicalisation populaire et syndicale se poursuivent dans la région, souvent au sein des ZFE et des communautés minières. Les mouvements étudiants et les campagnes anti-corruption ont pris de l’ampleur, repoussant ainsi les modèles politiques néolibéraux et oligarchiques persistants. Des manifestations de grande envergure ont également eu lieu contre la présence militaire américaine, notamment à Porto Rico, où des militants ont réussi, au cours des dernières décennies, à faire pression sur l’armée pour qu’elle mette un terme à de nombreuses activités, comme les entraînements et bombardements de la marine américaine à Vieques (comme l’explique Marie Cruz Soto dans ce numéro). En Haïti, la pression citoyenne augmente contre la reconstruction de l’appareil militaire brutal du pays. L’alliance d’état anti-néolibérale, l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), a été un développement important du XXIe siècle. Mais au cours des dernières années, le projet dirigé par le Venezuela a souffert de ses propres contradictions internes, de la baisse des prix des produits de base et de l’intensification de l’agression des États-Unis et des élites. Le Cuba socialiste fait face à ses propres difficultés en cherchant à s’intégrer davantage dans l’économie globale, un cas particulier dans la région, alors que de nouvelles dynamiques économiques sociales et politiques déclenchent des transformations contradictoires.

Des courants politiques populaires et de gauche existent bien dans toute la région, ils font face à des défis considérables. Je suis d’avis que les classes ouvrières et populaires dans les Caraïbes et le monde entier doivent, tout en poursuivant les luttes locales et nationales, évoluer vers de nouvelles formes transnationales de syndicat et dans le sens de relations de coordination immédiates qui construisent et développent largement les anciens modèles de solidarité internationale. La lutte des forces subalternes dans un monde globalisé reste le défi continu de ce siècle.

Au cours des dernières décennies, non seulement les forces capitalistes étatiques et transnationales ont-elles recalibré et facilité de nouveaux réseaux d’accumulation, mais de nombreuses classes populaires ont été contraintes de participer à des chaînes de valeur transnationales. Nous ne pouvons séparer la dynamique qui enserre la région de la transition plus large du capitalisme international au capitalisme transnational. La nouvelle ère de globalisation est nouvelle à bien des égards, mais elle est également ancrée dans une pratique qui dure depuis au moins 500 ans.

Jeb Sprague
 
Le docteur Jeb Sprague-Silgado enseigne à l’Université de Californie de Santa Barbara. Il est l’auteur de Globalizing the Caribbean : Political Economy, Social Change, and the Transnational Capitalist Class (Temple University Press, 2019) et Paramilitarism and the Assault on Democracy in Haiti (Monthly Review Press, 2012).

RÉFÉRENCES

[i] Mimi Whitefield (2017). “Mariel is Cuba’s big industrial gamble. Could U.S. companies be among investors ?” Miami Herald.

[ii] The International Bank for Reconstruction and Development and The World Bank (2014) “Investing in people to fight poverty in Haiti.” Washington, D.C, USA. http://documents.worldbank.org/curated/en/222901468029372321/pdf/944300v....

[iii] William I. Robinson (2003). Transnational conflicts : Central America, social change, and globalization. London, UK : Verso ; Roberto Regalado (2006). Latin America at the crossroads : Domination, crisis, popular movements, & political alternatives. Melbourne, Australia : Ocean Press.

[iv] Jessica Aldred (2014). “Caribbean coral reefs ‘will be lost within 20 years’ without protection,” The Guardian. Disponible en ligne à : https://www.theguardian.com/environment/2014/jul/02/caribbean-coral-reef....

[v] Ramón Bueno, Cornelia Herzfeld, Elizabeth A. Stanton, and Frank Ackerman (2008). The Caribbean and Climate Change : The Costs of Inaction. Disponible en ligne à : http://ase.tufts.edu/gdae/Pubs/rp/Caribbean-full-Eng.pdf

[vi] Tom Miles (2014). “Top tax haven got more investment in 2013 than India and Brazil : U.N” Reuters. Disponible en ligne à : http://www.reuters.com/article/us-tax-havens-idUSBREA0R1KF20140128.

[vii] Jeb Sprague (2015). “From international to transnational mining : The industry’s shifting political economy and the Caribbean,’ Caribbean studies, 43:1, pp. 71-110.

[viii] Jeb Sprague-Silgado (2017). “The Caribbean cruise ship business and the emergence of a transnational capitalist class,” Journal of world systems research, 23:1, pp. 93-125.

[ix] Ross Klein (2001/2002). “High seas, low pay : working on cruise ships,” OurTimes : Canada’s independent labour magazine.

[x] Carla Freeman (2000). High tech and high heels in the global economy : Women, work, and pink-collar identities in the Caribbean. Durham, NC, USA : Duke University Press.

[xi] Christine B. N. Chin (2008). “Labor flexibilization at sea.” International Feminist Journal of Politics 10(1):1-18.

[xii] Kevin Edmonds (2012). “Selling citizenship in the Caribbean” NACLA. https://nacla.org/blog/2012/12/21/selling-citizenship-caribbean.

[xiii] Ross Klein (2005). Cruise ship squeeze : The new pirates of the seven seas. Gabriola, BC, Canada : New Society Publishers.

[xiv] Voir par exemple : Dylan Kerrigan (2015). “Transnational anti-black racism and state violence in Trinidad.” Site d’anthropologie culturelle. https://culanth.org/fieldsights/692-transnational-antiblack-racism-and-state-violence-in-trinidad.

[xv] Jeb Sprague-Silgado (2018). “Global Capitalism, Haiti, and the Flexibilization of Paramilitarism,” Third World Quarterly. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01436597.2017.1369026.

[xvi] Naomi Klein (2009). The shock doctrine : The rise of disaster capitalism. New York, NY, USA : Picador ; Janise Elie. (2017) “’It feels like Dominica is finished’ : life amid the ruins left by Hurricane Maria.” The Guardian. https://www.theguardian.com/global-development/2017/nov/01/it-feels-like....

[xvii] Hilbourne Watson, Eds. (2015). Globalization, sovereignty and citizenship in the Caribbean. Mona, Jamaica : The University of the West Indies Press.


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