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La transition autoritaire
Yann FIEVET

Après une décennie de développement exacerbé du discours sécuritaire, nourri en France par des gouvernements de colorations différentes, le moment est venu de passer à l’étape suivante, celle du recueil des fruits généreux du nouveau gouvernement des citoyens par l’instrumentation de la peur savamment instillée aux tréfonds des esprits les moins critiques. Après les semailles sécuritaires voici enfin, pour la Droite débarrassée de tout état d’âme, le temps de la moisson autoritaire.

Le sentiment d’insécurité est aujourd’hui le point central du débat politique. Là se situe l’origine d’une dérive qui pourrait s’avérer fatale. Ce processus repose entièrement sur la confusion abondamment entretenue et instrumentalisée entre insécurité, phénomène relativement objectif car observable, et sentiment d’insécurité, phénomène essentiellement subjectif. Les hommes politiques, en particulier les élus locaux, n’ont que peu de prise sur l’insécurité qui très souvent se caractérise par de simples incivilités mais ils peuvent agir en revanche avec profit électoral sur le sentiment d’insécurité en suscitant de multiples peurs. Ils ne s’en sont pas privés, à gauche comme à droite. Le lien entre incivilités et sentiment d’insécurité s’est finalement imposé dans tout débat politique ou médiatique. Dans ce contexte dramatiquement irresponsable, la classe politique a poussé sur le devant de la scène une cohorte disparate d’ennemis de l’intérieur désignés à « l’opinion » comme les vrais responsables du délitement du tissu social et de l’intégrité républicaine. Ainsi, la figure de l’ordre intérieur a fini par se réduire à la guerre contre les franges dangereuses que représentent les banlieues honteusement livrées à leur dérive, les jeunes de « la racaille », les clandestins ayant l’outrecuidance de ne pas attendre patiemment d’être choisis, l’ultra-gauche paisiblement rassemblée autour d’une « bizarre » épicerie du plateau de Millevaches…

Face à de si nombreux ennemis, il faut agir promptement et sans faiblesse. La posture sécuritaire ne suffit plus. Elle va se muer en posture autoritaire. L’usage que « l’appareil » pénal fait de l’ensemble des possibilités répressives que lui offre la loi en est la preuve. Le nombre de gardes à vue n’a jamais été aussi élevé : 578 000 personnes, résidant en France et âgées de plus de 13 ans, ont été placées dans cette inconfortable situation en 2008. Le nombre impressionnant d’incriminations pour outrage à agent de la force publique connaît lui aussi une croissance exponentielle. Les prélèvements d’ADN sont devenus monnaie courante dans les milieux militants, qu’il s’agisse des faucheurs de maïs transgéniques ou de jeunes « anti-Otan », sans oublier les étudiants. La catégorie de « délinquant » s’est particulièrement étendue, grâce au déploiement du filet pénal rendu possible par la levée d’inhibition que le « 11 Septembre » a constitué dans l’escalade des politiques de sécurité. La logique du risque, développée par Nicolas Sarkozy et ses plus fervents lieutenants, ne s’intéresse plus seulement aux délinquants, mais à tous les présumés délinquants, tous venant gonfler les innombrables fichiers informatiques devenus incontrôlables. La loi sur la rétention de sûreté qui vise à maintenir enfermés des criminels ayant purgé leur peine mais considérés comme « potentiellement dangereux », est l’une des plus fortes illustrations de la transition autoritaire. Tout ce fatras répressif est placé sous les auspices de la sécurité promue premier des droits. Telle est la racine de la dérive liberticide.

Le pire est alors prévisible. Notre ministre de l’Intérieur prépare discrètement un texte fondé sur un projet de loi signé du Premier ministre et du ministre de la Défense, prêt depuis le mois d’octobre 2008. Il s’agit de la loi 1216 de programmation militaire pour la période 2009-2014 : un texte presque anodin s’il ne prévoyait, dans son article 5, de redéfinir tout ce qui touche à la sécurité intérieure. Une fois la loi votée, le texte « secret » de MAM autorisera la publication de divers décrets permettant de poursuivre, entre autres, les militants écologistes et associatifs lorsque, par leurs actions, écrits ou propos, ils mettront en cause « les intérêts de l’État ». Ces intérêts comprendraient notamment ce qui concerne les centrales, les transports et le stockage des déchets nucléaires, mais également les implantations industrielles classées « Seveso ». Ce texte aurait aussi comme conséquence d’aggraver les peines encourues par les faucheurs d’OGM, car il permettrait de poursuivre les individus et les associations mettant en cause les intérêts économiques stratégiques du pays.

La transition autoritaire n’est par définition qu’un passage vers un autre état susceptible d’être plus terrible encore. En combattre les manifestations est un devoir. En comprendre les racines est une nécessité. Opposer à cette vision du monde mortifère la perspective globale d’une autre manière de « faire société » est un impératif absolu. « Ceux qui abandonnent une liberté essentielle pour une sécurité minime et temporaire ne méritent ni la liberté, ni la sécurité », disait Benjamin Franklin. Comme il parlait d’or ! Saurons-nous nous protéger des orages annoncés ? Aurons-nous la force de nous débarrasser des hommes et des femmes de pouvoir qui, par un rabougrissement de la pensée politique, se déshonorent et nous déshonorent tout à la fois ? Hélas, il semble que pour l’heure beaucoup « d’honnêtes citoyens » choisissent la valse-hésitation !

Yann Fiévet

 
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