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Le Titanic de l’économie carbonique
Yann FIEVET

L’Histoire retiendra dans son oeuvre d’établissement des faits aux conséquences gravissimes que le récent sommet du G20 est l’une des preuves les plus flagrantes de l’incurie actuelle des Maîtres du Monde. L’économie mondialisée est un navire démesuré aux multiples voies d’eau dont on a décidé de maintenir la route incertaine afin de sauver le plus longtemps possible les intérêts des occupants de la Première Classe. Le discours tenu aux passagers des classes subalternes n’affiche évidemment pas ce but cardinal ; on leur assure au contraire que pour sauver tout le monde il n’est qu’un seul cap à suivre. Mais, peu importent les paroles du Commandement : son attitude obstinée révèle une coupable sous-estimation du danger qui menace de dislocation le Titanic planétaire.

Ce Titanic-là est un trop vieux rafiot pour pouvoir tenir la mer démontée qui l’assaille de toute part. Il est d’un autre temps, celui où la prospérité économique provenait de l’abondance des sources d’énergie d’origine fossile. La première méprise du Commandement est de croire qu’il va pouvoir maintenir le coût de l’énergie à 5% du PIB, indicateur par ailleurs fièrement conservé comme référence de la richesse produite grâce à ce volume d’énergie. La vénération du mythe de la Croissance alors que les gisements de matières fossiles desquels elle dépend étroitement diminuent devrait imparablement apparaître absurde. Dans l’économie carbonique, produire va coûter de plus en plus cher à mesure que l’on va découvrir qu’aucune alternative crédible aux « fossiles » n’existe dans un avenir raisonnable. Ces considérations nous feraient presque oublier le désastreux bilan écologique de l’usage démentiel de ces sources d’énergie qui firent la fortune de l’ère industrielle. C’est la deuxième illusion du Commandement : croire qu’il va être possible de repeindre en vert la titanesque croissance.

L’abondance énergétique n’est pas le seul attribut de l’économie carbonique. Un autre attribut mortifère la condamne au regard de la nécessaire intelligence à (re)construire : elle s’est développée au mépris des limites qu’imposent la nature en général et le vivant en particulier. La transgression de ces limites, après avoir été longtemps prétendue inoffensive, est aujourd’hui payée au prix fort par les sociétés humaines. Les dérèglements climatiques, l’appauvrissement des sols, le dépérissement avancé de la biodiversité ou le développement exponentiel des maladies « environnementales » devraient nous imposer le réapprentissage des limites. La Croissance verte est toujours la Croissance, c’est-à -dire la poursuite du renoncement à prendre en considération impérative les limites physiques et biologiques. Les hommes devraient inventer l’économie biophysique. Cette économie « révolutionnaire » ne se préoccuperait pas seulement de connaître les limites de son emprise sur les écosystèmes, elle produirait surtout les conditions de son existence pérenne par l’équilibre des flux entre elle et la nature dans toutes ses dimensions. La Culture n’est pas supérieure à la Nature ; elles doivent marcher de front pour un dialogue permanent. Ici, la Croissance verte échouera encore : l’allègement de la domination de l’économique sur la nature ne remet pas en cause le caractère essentiel de cette domination. Adoucir le joug pour mieux le maintenir, telle est la nouvelle et dérisoire frontière offerte aux peuples par le Commandement aveugle du navire en perdition.

Le Commandement, régulièrement conforté par les analyses macro-économiques de ses nombreux conseillers, se méprend encore en ignorant superbement la contre productivité manifeste de la « société de marché ». L’archéologue américain Joseph Tainter a étudié le développement et le déclin de nombreuses civilisations pour mettre à jour les raisons communes de leurs destins fatals. Confrontées aux problèmes inhérents à leur fonctionnement, ces civilisations accroissent la complexité de celui-ci en augmentant encore les moyens qui ont permis leur développement. L’accroissement de la complexité signifie la diversification des rôles sociaux, économiques et politiques ainsi que l’essor des moyens de communication et la croissance de l’économie des services, tout cela étant soutenu par une consommation d’énergie sans cesse en augmentation. Il est incontestable qu’aujourd’hui la satisfaction sociale par habitant augmente de moins en moins vite, alors que les coûts écologiques croissent chaque jour davantage. La contre productivité globale de la société de marché est désormais palpable puisque son bénéfice net, différence entre la satisfaction sociale et les coûts conjoints de l’organisation sociale et de la crise écologique, diminue. L’effondrement de cette société interviendra quand son bénéfice net deviendra nul. Hérétique prédiction !

L’erreur majeure des économistes de la théorie orthodoxe est de raisonner exclusivement sur la combinaison de deux facteurs de production, le travail et le capital, et d’ignorer ainsi le moteur même de l’économie que constitue les matières minérales et énergétiques fournies par la nature. L’épuisement de ces richesses premières en amont de la production et les dégâts occasionnés à l’environnement naturel en aval de la consommation ne sont jamais sérieusement chiffrés économiquement. A cet égard, le développement durable, déclinaison publicitaire de la théorie économique dominante, ne résout rien. En dernière instance, c’est toujours l’économique qui l’emportera sur le social et l’environnemental. A la figure des trois cercles ne se chevauchant que sur une portion congrue, il nous faudrait substituer celle de trois cercles concentriques : le petit cercle de l’économie contenu dans celui plus large du social lui-même inscrit dans le vaste cercle de l’environnement naturel. Cela s’appelle reconstruire notre imaginaire.

A cette nécessité impérieuse, le Commandement préfère l’enthousiasme pour une prédiction minuscule érigée en chaloupe providentielle : la Chine devrait faire 8% de Croissance en 2009.

Yann Fiévet

 
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