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Sarkozy invente un nouveau jeu mortel : l’asphyxie médiatique, par Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc MELENCHON








Mercredi 26 septembre 2007.


C’est l’asphyxie. Au rythme d’un discours fondateur tous les deux ou trois jours, le président de la République réalise une figure tactique inconnue jusqu’à ce jour, celle qui consiste à submerger amis et ennemis sous un flot d’annonces de toutes sortes qu’il leur est impossible d’analyser sérieusement et de discuter de façon argumentée avant qu’arrive la vague suivante. Dans de telles conditions le système médiatique est pris au piège : une information succède à l’autre, toute l’énergie dont il dispose est consacrée à ne pas manquer l’évènement que serait telle ou telle annonce. Alors le premier objectif de Sarkozy est atteint : tout ce qu’il dit prend l’allure de l’évidence puisque personne n’a le temps de le décrypter. Au mieux a-t-on ici ou là un débat « contradictoire » sur le mode : un pour, un contre dont les conditions mêmes de déroulement ne peuvent permettre de faire mieux qu’un bruit de fond du type « il ya un peu de vrai, un peu de faux » et ainsi de suite. Ce simulacre ne peut permettre un gramme de doute raisonné sur l’annonce faite ni même sa formulation.

Le système du CSA pour le décompte des temps de parole a lui aussi volé en éclat puisque la parole du président n’est pas prise en compte. L’équilibre de ses pointages était déjà bizarre : un tiers pour le gouvernement, un tiers pour la majorité, un tiers pour l’opposition.... Il est devenu surréaliste. Passons évidemment sur les fameux plateaux média où sont présents en même temps jusqu’à huit personnes supposées commenter de leur point de vue particulier (écrivain, syndicaliste, élu des deux bords, économiste etc.) des questions aussi complexes que les régimes spéciaux de retraite, les dépenses de santé, le droit international sur le nucléaire, que sais je encore, en quelques minutes de pugilat sonore entre les pages de pub. Chez les responsables politiques, plus personne ne touche terre. Il y a des spécialistes de telle où telle question ? Ils sont inconnus du système médiatique. Le temps de les trouver le sujet du jour a changé. Mais quand ils arrivent jusque sur un plateau média ils se montrent totalement désemparés par le niveau de simplification et la vitesse à laquelle se déroule le temps médiatique. Ils sont inaudibles, au sens littéral du terme, du fait même de leur talent et de leurs connaissances qui leur fait refuser les formules à l’emporte pièce et les demi vérités tant ils connaissent la complexité de leur sujet. Comme ils ne se sont jamais entrainés à la présence médiatique, ils sont aussi démunis que des oiseaux de nuit jetés en l’air en plein jour. De leur côté les journalistes paniquent. Comment pourraient-ils maitriser tous les sujets et tirer la substantifique moelle d’un discours en quelques minutes ou même en vingt quatre heures alors même que celui-ci a mobilisé pendant des semaines des bataillons de spécialistes pour parvenir jusqu’à sa mise en page ! Et comment ignorer que ces rédacteurs ont eu aussi, entre autre objectif, le but de rendre l’énoncé aussi « furtif » que possible au radar de la critique. Du coup l’effet « miroir » des commentaires d’un média à l’autre n’a jamais été aussi élevé. Il ne peut en être autrement. Car dans de telles conditions de travail, la borne de sécurité absolue c’est de ne pas se décaler par rapport à « l’angle » moyen sous lequel les confrères examinent une question. Ainsi, rendu au point où nous en sommes la question n’est plus celle de la critique des médias. La question posée est celle de la volonté délibérée qui est à l’oeuvre visant à les asphyxier pour obtenir d’eux une forme nouvelle d’instrumentalisation. Si nous en doutions il suffit de voir à quoi nous en sommes réduits dans l’opposition.

Au PS, parti des nuances infinies, le système des communiqués balancés susceptibles d’être lus dans tous les sens est tout simplement explosé. La modération alambiquée de la critique « en gants blancs » est dépecée vive par le tourbillon médiatique qu’a déclenché Sarkozy : vous n’êtes pas vraiment contre, donc vous êtes pour. Quand arrive le bombardement des sondages, il ne reste souvent déjà plus personne au créneau. Le seul commentaire qui vaudrait alors serait celui qui crierait au miracle : quand 68 % des français qui ont tout compris aux 128 systèmes des régimes spéciaux de retraite (comme le prouve l’opinion de 825 sondés) disent qu’ils approuvent leur suppression, il faut s’ébahir de voir qu’il en reste 23 % qui sont contre en dépit de l’invraisemblable déluge de propagande qui leur est tombé dessus.

De mon côté je suis tout aussi submergé que les autres. Nous avons monté un système de veille avec mes collaborateurs et quelques camarades pour pallier le fait qu’aucune structure du parti ne m’aide d’aucune façon puisqu’il est entendu que je suis un partisan de « l’opposition frontale » qui n’est la position du Parti sur aucun sujet. Amer constat : nous n’arrivons plus à suivre la cadence. Trop de discours, trop d’annonces, trop de sujets différents. Les camarades qui aident n’ont pas tous fait les écoles qui apprennent à faire des notes brèves. Mais est-ce possible ? Je reçois des commentaires parfois plus longs que le texte initial. Peut-il en être autrement ? En tous cas c’est inutilisable à la cadence imposée. On passe donc la grosse écumoire sur les discours et on passe aux lignes arrière l’analyse détaillée. Quand elle sera prête, évidemment, l’actualité sera ailleurs. Nos analyses seront donc alors inaudibles.

Jusqu’ici j’ai évoqué la situation des « producteurs d’informations » (pour utiliser le vocabulaire marchand de notre époque). Celle des citoyens appelés à en prendre connaissance est bien pire. Par quel miracle pourraient-ils ingurgiter tout cela, écouter, prendre connaissance, construire leur propre avis ? C’est tout bonnement impossible. Par conséquent la méthode de la saturation sarkozienne, d’un bout à l’autre est une méthode d’asphyxie de la démocratie. Je ne sais pas combien de temps il faudra aux professionnels de l’information pour réagir et comprendre la finalité du régime de cavalcade qui leur est imposé. Peut-être n’y aura-t-il aucune réaction. Je suis stupéfait du retournement de situation auquel nous assistons. Il y a peu encore la politique (une expression simplificatrice certes) se plaignait de ne pouvoir vivre au rythme des médias. J’ai écrit moi aussi toute sortes de choses sur les conséquences sur la démocratie de cette discordance des temps politiques et médiatiques. A présent Sarkozy a renversé la table. C’est le temps médiatique qui est à la traine, domestiqué par le tempo politique construit par le président, émetteur suprême et quasi unique de messages. Je vais revenir sur ce sujet aussitôt que possible.

Jean-Luc Mélenchon, sénateur PS de l’ Essonne.


 Source : Blog de Jean-Luc Mélenchon
www.jean-luc-melenchon.fr




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