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Dormir à la rue tue
Joanna-JRCF

Chaque année on se demande s’il n’y a pas encore plus de personnes sans abri que l’année précédente.

En 2023, il y en avait 330 000 en France selon la Fondation Abbé Pierre (1), soit l’équivalent du nombre d’habitants de la métropole de Nantes. Un record macabre a été battu cette même année ; 735 personnes sans domiciles fixes sont mortes dans la rue (2).

On ne voit pas souvent des personnes âgées dans la rue... puisqu’elles n’y survivent pas ! La moyenne d’âge des personnes décédées dans la rue est en effet de 49 ans !

Aux droitardés cruels et ignorants qui osent bien trop souvent blâmer ces victimes d’être à l’origine de leurs propres malheurs et qui penseraient que si ces personnes sont mortes, c’est du fait de leurs consommations de drogue, en réalité moins de 1 % seraient liés à la consommation d’alcool ou de stupéfiants. Il s’agit plutôt de la conséquence de la saturation du SAMU social, le 115, ou du manque de place en hébergement d’urgence.

Une fois n’est pas coutume, le gouvernement, et d’ailleurs tous les gouvernements néolibéraux depuis une quarantaine d’années, ne respectent pas leurs propres règles. Il est quand même écrit dans la loi que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence » (3).

C’est sûr que c’est cher d’assurer une vie digne aux gens, surtout quand il faut baisser les dépenses publiques et enrichir les acteurs privés. Eh oui, même le mal-logement est une occasion de faire de l’argent quand le secteur public ne produit pas les structures suffisantes pour accueillir les personnes sans abri. La mission est donc confiée à des structures privées, comme la Maison des loges à Strasbourg, en partie subventionnée par l’État, et qui prend 5 520 euros par mois pour héberger une famille arménienne de huit personnes dans un trois-pièces de 80 mètres carrés. Mais bon, il ne faut pas être trop exigeant, au moins ils sont « dans les normes » comme ils disent, puisqu’ « il n’y a jamais moins de 9 mètres carrés par personne » (4). Et même lorsque des associations essaient de trouver des solutions par elles-mêmes, en proposant de réhabiliter des bâtiments vacants, les pouvoirs publics refusent et les gens sont mis dehors par la police, transformée en milice privée du capital, parce que ça ne rapporte rien (5). Il ne faut pas exagérer non plus, ces personnes ne sont pas « mises dehors », elles sont gentiment accompagnées vers un gymnase ou un hôtel, pendant une courte durée comme une semaine, puis sont livrées à elles-mêmes, contraintes de faire des campements de fortune (6).

Les personnes qui dorment dans la rue sont malheureusement parfois très jeunes... Toujours à Strasbourg, dans un campement du quartier de Meinau, il y aurait au moins 118 enfants et jeunes adolescents qui vivraient dehors (7). Il ne faut pas prendre en grippe la ville de Strasbourg, parce que ces situations sont présentes dans toutes les métropoles. À Lyon par exemple, un article de Médiapart (5) nous informait en août dernier que plusieurs femmes avec leurs bébés de quelques jours se retrouvaient à la rue après avoir accouché, sans solution d’hébergement. Toujours le même problème, il faut réduire les dépenses publiques et faire de l’argent pour le privé. Le président de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, est dans la bonne logique en déclarant qu’« on reprend l’accueil, mais on n’accueillera pas tout le monde comme avant, insiste aussi Bruno Bernard. On hébergera les femmes isolées qui entrent dans les compétences de la métropole ». Forcément, ils demandent de l’aide financière à l’État qui ne leur en donne pas, donc que font-ils ? Ils laissent les mères et les nouveau-nés dormir dans la rue.

Que ferions-nous à leur place ? On ne négocie pas avec les politiciens au pouvoir qui font des promesses en l’air, mais qui ne changent jamais rien à l’enrichissement perpétuel de la grande bourgeoisie française. Nous refusons de discuter budget pour gaver les milliardaires et ôter la vie des gens en les laissant dormir dans la rue et dans le froid. Au total, en 2023, ce sont 14 823 000 personnes qui sont mal logées ou en situation de fragilité par rapport au logement, soit presque un quart de la population française. Dans l’immédiat, il faut développer des hébergements d’urgence le plus vite possible, notamment en récupérant les logements vacants qui existent déjà largement dans les grandes villes. Mais à long terme, nous devons mettre en place des stratégies politiques pour ne plus avoir besoin de ces hébergements, qui ne traitent que de l’urgence. Toute personne devrait avoir accès à un logement décent, entretenu et adapté à ses besoins.

1. REML2023_CAHIER4_Les chiffresdumallogement.pdf [Internet]. [cité 18 déc 2024]. Disponible sur : https://www.fondation-abbe-pierre.fr/sites/default/files/2023-01/REML2023_CAHIER4_Les%20chiffresdumallogement.pdf

2. En 2023, 735 personnes sans domicile fixe sont mortes, selon le collectif Les Morts de la rue [Internet]. [cité 18 déc 2024]. Disponible sur : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/10/30/en-2023-735-personnes-sans-domicile-fixe-sont-mortes-selon-le-collectif-les-morts-de-la-rue_6366485_3224.html

3. Article L345-2-2 – Code de l’action sociale et des familles – Légifrance [Internet]. [cité 18 déc 2024]. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037670338/

4. Strasbourg) TV (Rue89. Mediapart. 2024 [cité 18 déc 2024]. À Strasbourg, le business de l’hébergement des SDF aux frais de l’État. Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/france/131124/strasbourg-le-business-de-l-hebergement-des-sdf-aux-frais-de-l-etat

5. Lyon) MP (Médiacités. Mediapart. 2024 [cité 18 déc 2024]. Bébés à la rue à Lyon  : à qui la faute  ? Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/france/300824/bebes-la-rue-lyon-qui-la-faute

6. Strasbourg) CB (Rue89. Mediapart. 2024 [cité 18 déc 2024]. De la rue à la rue, que deviennent les sans-abri évacués  ? Disponible sur : https://www.mediapart.fr/journal/france/190824/de-la-rue-la-rue-que-deviennent-les-sans-abri-evacues

7. Vetter T. Au moins 118 enfants et jeunes ados au camp de Krimmeri [Internet]. Rue89 Strasbourg. 2024 [cité 18 déc 2024]. Disponible sur : https://www.rue89strasbourg.com/enfants-jeunes-ados-dehors-camp-krimmeri-strasbourg-314954

 
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