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Le sort de Julian Assange est entre les mains du gouvernement britannique… pour l’instant
John REES

Mercredi 20 avril 2022, la justice britannique a formellement autorisé l’extradition aux États-Unis de Julian Assange, journaliste australien et fondateur de Wikileaks, où il risque une peine de prison de 175 ans pour avoir révélé au grand public les crimes de guerre commis par le gouvernement américain.

Revenant sur les derniers développements, cet article rend compte des leviers politiques et juridiques encore mobilisables pour faire annuler l’ordre d’extradition. En France, une demande d’octroi de l’asile politique à Julian Assange avait été présentée à l’Assemblée nationale en février dernier par un groupe de parlementaires, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon. Il est encore possible de la réitérer, et de massivement l’appuyer.

* * *

Priti Patel, l’archi-réactionnaire ministre de l’intérieur de Boris Johnson, s’apprête à décider de la vie ou de la mort de Julian Assange : l’enverra-t-elle aux États-Unis où l’attend un procès pour espionnage ? Dans le cas où il serait déclaré coupable, sa peine pourrait aller jusqu’à 175 années de prison. Il n’y a aucune exagération à dire qu’une simple fraction de cette détention suffirait à le voir mourir en prison.

Dès lors qu’aucun procès n’est actuellement en cours, la décision de Patel est purement politique. Devrait-elle répondre favorablement à une demande d’extradition lorsque les accusations portées assimilent le journalisme d’investigation à de l’espionnage ? Devrait-elle permettre que la loi sur l’espionnage adoptée aux États-Unis en 1917, et au titre de laquelle les accusations ont été portées, puisse être, pour la toute première fois, utilisée contre un journaliste ? Devrait-on autoriser les États-Unis à étendre le périmètre de leurs lois anti-espionnage archaïques à d’autres pays et à un journaliste qui n’est pas citoyen américain ?

Et ceci est encore loin d’épuiser les questions fondamentales que Patel devrait se poser. Elle pourrait s’intéresser aux irrégularités du procès, parmi lesquelles, le fait que le principal témoin de l’accusation a admis avoir menti devant la cour, ou que la CIA se trouve avoir espionné l’accusé et ses avocats, ou encore, que la CIA a également envisagé d’assassiner Assange à Londres. Elle pourrait aussi reconsidérer la validité d’un traité d’extradition qui a vu le transfert de 200 individus de la Grande-Bretagne vers les États-Unis quand 11 seulement ont fait le trajet inverse.

Dans n’importe quelle affaire normale, voire dans toutes, l’une ou l’autre de ces questions pourraient suffire à ce qu’un ministre de l’intérieur déclare nulle la demande d’extradition. Mais il ne s’agit ni d’une affaire ordinaire, ni d’un ministre de l’intérieur ordinaire, qui en l’occurrence, parvient à surclasser l’effroyable lignée des ministres de l’intérieur tory à s’être succédés jusqu’ici.

Cette affaire est avant tout un acte de représailles politique contre Julian Assange pour avoir révélé des documents sur la guerre en Irak et en Afghanistan, la prison de Guantanamo Bay, et sur des manœuvres diplomatiques, tous compromettant pour le gouvernement des États-Unis.

Et c’est bien là le nœud du problème : les journalistes devraient-ils être seulement autorisés à rendre compte de communiqués gouvernementaux et des opérations de relations publiques des grandes entreprises, des informations que les riches et les puissants veulent faire passer ? Ou devraient-ils avoir la liberté de faire connaître des faits qui autrement risqueraient d’être soustraits au regard public ?

Aucun individu n’a eu à souffrir du fait des publications de WikiLeaks, comme l’ont reconnu au tribunal les avocats américains eux-mêmes. Aucun État étranger n’a fourni ni ne s’est vu accorder un accès privilégié aux documents publiés par WikiLeaks. Les seuls bénéficiaires en furent le public qui a découvert des faits de la plus grave importance et dont il n’aurait pas eu connaissance sans cela.

C’est pour ce service rendu au public que Julian Assange passe sa quatrième année à la prison haute sécurité de Belmarsh et qu’il risque l’extradition vers les États-Unis.

Priti Patel est une réactionnaire congénitale, un ultra-faucon, une admiratrice inconditionnelle de la puissance américaine. Sa priorité du moment consiste a tenter d’envoyer au Rwanda des réfugiés désespérés demandant l’asile, et il est quasiment assuré qu’elle signera l’ordre d’extradition. Mais elle pourrait rencontrer, comme par le passé, un motif d’embarras. Son lobbying hors-cadre et illégal d’Israël et son harcèlement de son personnel ministériel lui ont fait du tort ainsi qu’au gouvernement.

Une mise sous pression massive de Patel peut avoir le même effet et préparer le terrain pour la prochaine étape de la bataille juridique. Ce point est crucial dès lors que Patel, à ce stade, n’est pas encore décisionnaire en dernière instance. Même si elle devait signer l’ordre d’extradition, la défense de Julian Assange a encore une possibilité de faire annuler l’extradition devant les cours britanniques. Ses avocats peuvent faire, et feront appel des éléments du jugement initial de la « Cour des Magistrats » [juridiction la plus basse dans le système anglais] qui avait rejeté leur argumentaire contre l’extradition.

La décision de la Cour des Magistrats au début de l’année 2021 était en deux parties. L’une bloquait l’extradition au motif que Julian Assange présentait un risque de suicide en cas de transfert vers le système carcéral américain. L’autre volet du jugement de la Magistrates Court rejetait les arguments contre l’extradition se basant sur la liberté de la presse et sur le fait que le traité d’extradition rend illégale l’extradition dans les affaires politiques.

Les avocats américains, en allant en cour d’appel, sont parvenus à renverser la décision de ne pas extrader, raison pour laquelle l’affaire se trouve maintenant sur le bureau de Priti Patel. Mais les avocats d’Assange disposent maintenant du même droit de renvoyer en cour d’appel les éléments sur lesquels ils avaient perdu devant la Magistrates Court.

Il s’agit maintenant d’infléchir l’environnement politique dans lequel a lieu la démarche en appel. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la mobilisation autour de la décision de Priti Patel.

John Rees

John Rees est chercheur associé à Goldsmiths, University of London et co-fondateur de Stop the War Coalition.

Traduction de l’anglais par Thierry Labica.

 
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