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Un ennemi de l’État de droit (français et international) siège à l’Elysée
Georges GASTAUD, Annie LACROIX-RIZ

Par Georges Gastaud* et Annie Lacroix-Riz**. Texte soutenu par Léon Landini, ancien officier des FTP-MOI, Médaille de la Résistance, officier de la Légion d’honneur, et Pierre Pranchère, Combattant volontaire de la Résistance, ancien député communiste. Georges Gastaud est philosophe, secrétaire national du Pôle de Renaissance Communiste en France (PRCF) Annie Lacroix Riz est historienne, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Paris VII.

L’oligarque que les manips médiatiques et l’usage machiavélique du repoussoir lepéniste ont placé à l’Elysée n’aura pas mis un an à révéler sa vraie nature : celle d’un redoutable ennemi de ce qu’il est convenu de nommer « l’Etat de droit ».

Sur le terrain linguistique, Macron viole imperturbablement l’Article II-a de la Constitution qui dispose que « la langue de la République est le français » : « Make the planet great again ! » est l’intitulé d’un site officiel de l’Elysée, « France is back ! » est le slogan que Macron a promu dans ses discours, prononcés en anglais de Versailles à Davos, devant les P.-D.G. de multinationales ; sans parler du Business Globish incompréhensible qui larde de pédantisme « managérial » les allocutions de l’ex-Young leader devenu trader chez Rothschild. Comment se fait-il qu’aucun député, qu’aucun sénateur, qu’aucun média de masse, qu’aucun quotidien national ou régional n’ait durement pointé ces infractions graves et répétées à la Constitution, traitée en chiffon de papier, et à la langue française, que Macron a feint d’honorer devant une Académie française majoritairement frappée de servitude volontaire ?

Et voilà que désormais, Macron viole ouvertement l’Article II de la Loi laïque de 1905 (qui fait partie du « bloc de constitutionnalité ») en discourant devant les évêques pour affirmer que « le lien entre l’Etat et l’Eglise a été abîmé » et qu’il entend désormais le « réparer » en dialoguant systématiquement avec la hiérarchie catholique. Or cet article de la Loi séparant l’Etat des Eglises dispose que « la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte ». En conséquence de quoi, nul président de la République, nulle personnalité censée représenter l’Etat, ne sont autorisés à cultiver, dans l’exercice de leurs fonctions, un « lien » parfaitement illégal et anticonstitutionnel entre l’Etat républicain et tel ou tel culte, qu’il soit catholique, protestant, juif (on pense aux éternels « dîners du CRIF », cette machine à blanchir les crimes de guerre de Netanyahu) ou musulman (on pense à la volonté acharnée de certains de établir un « Islam de France » : c’est-à-dire en clair, à mettre en place un concordat totalement contraire à la lettre comme à l’esprit de la loi de 1905.

Bien entendu, la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, qui se prétend laïque, se tait, comme si le cléricalisme, cette sempiternelle alliance antipopulaire du Trône et de l’Autel, n’avait pas été de tout temps l’ennemi de l’égalité hommes/femmes. Là encore, peu nombreuses sont les réactions qui vont à l’essentiel : la forfaiture que constitue ce discours d’un chef de l’Etat qui piétine la légalité constitutionnelle ; au contraire, le Parlement et la grande presse sont majoritairement complices, voire enthousiastes ; quant à l’« opposition », elle est plutôt discrète si l’on excepte quelques dignes voix insoumises qui gagneraient en efficacité si, sortant de la seule indignation, elles rappelaient précisément le texte de la loi de 1905 en pointant son indubitable violation par le chef de l’exécutif. On espère au moins que les catholiques progressistes et laïques protesteront puisque Macron a même eu le culot, le 9 avril 2018, de dicter aux évêques ce que devrait désormais être leur « engagement », bafouant ainsi le principe laïque – protecteur des convictions de chacun ! – que Victor Hugo formulait ainsi : « l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle ». On savait certes que la cinquième « République », décadente et en voie de dissolution dans l’UE néolibérale, cléricale et atlantique, est devenue incapable de susciter des Jean Moulin ou des Ambroise Croizat : on constate qu’elle peine désormais à secréter, ne serait-ce qu’un nouveau Gaston Monnerville appelant à destituer les fauteurs de forfaitures suprêmes ! A quand donc une manifestation nationale combative des vrais républicains appelant le peuple à refuser le dynamitage en marche de la République souveraine, laïque, sociale, une, démocratique et indivisible dont l’actuelle constitution se réclame encore en principe !

Cette même légalité que Macron interprète dans sa forme la plus inexorable quand il s’agit, contre « la rue », de matraquer les écolos de Notre-Dame-des-Landes, de traquer des migrants calaisiens, de soutenir d’indignes doyens attentant aux franchises universitaires, ou de briser la grève cheminote par tous les moyens possibles, qu’ils soient médiatiques, économiques (propagande éhontée sur les autoroutes pour le covoiturage, utilisation de fait de jaunes sans honneur pour tirer des trains, réquisition maximale des « bus Macron ») et, n’en doutons pas, répressifs et policiers le moment venu si la mollesse de nos réactions ordinaires laisse accroire à Macron-Thatcher que la chose est devenue « jouable ».

Citoyens qui lisez ceci, ne haussez pas les épaules en disant : « détails que tout cela : vu ce qui se passe sur le terrain social, les entorses à la langue et à la laïcité institutionnelle sont peu de chose ». Faux ! Toutes ces “ défaisances ” de ce qui subsiste de la nation républicaine marchent du même pas : en réalité, la liquidation des maigres garanties constitutionnelles que la Cinquième « République » en voie d’auto-dilution dans une UE de plus en plus dictatoriale, accordait aux citoyens, accompagne logiquement la casse méthodique des conquêtes sociales de la Résistance et de l’indépendance nationale, qui les rendait possibles.

Avec qui plus est, sous la poussée belliciste de Hollande et de la « gauche » impérialiste, type Libération, la décision aventuriste de frapper la Syrie souveraine au risque d’affronter l’armée russe et de déstabiliser la paix mondiale. A l’instar de Bush et de Trump, Macron ignorerait ainsi le droit international en contournant cyniquement l’ONU (les veto russe et chinois sont dits « scandaleux » quand ils protègent le Proche-Orient contre les faucons étasuniens alors que le veto américain est tout naturel quand il protège le boucher Netanyahu d’une condamnation de la « communauté internationale » : parlementaires français et presse sont, là encore, très majoritairement complices de ce deux poids/deux mesures monstrueux !).

S’il en est temps encore, il urge de comprendre ce dont Macron est le nom : celui d’une casse tous azimuts, au profit de l’oligarchie capitaliste, de l’héritage progressiste français. D’une casse « en même temps » sociale, industrielle, nationale, scolaire, universitaire, diplomatique et institutionnelle qui ne fait que s’aggraver depuis, au moins, l’élection (sous influence de l’argent étranger ?) de Nicolas Sarkozy. Une casse qui deviendra vite irréversible si la gauche populaire continue d’éluder l’indispensable lutte pour une sortie, par la voie progressiste, de cette construction euro-atlantique qui mène notre pays vers la mort, le reniement et le déshonneur.

C’est pourquoi il est indécent d’entendre la gauche politico-syndicale établie bêler à l’unisson sur la « légitimité » de Macron, pour lequel, il est vrai, Mme et MM. Groison, Laurent, Berger, Martinez, etc., ont appelé à voter le 6 mai 2017 en présentant le bulletin Macron comme un rempart antifasciste. Et en oubliant pour l’occasion que l’actuelle « majorité parlementaire » a été « élue » sur la base d’une participation extrêmement minoritaire des citoyens (44% des inscrits se sont déplacés, 56 % ont boycotté de fait le second tour des législatives : c’est le taux le plus bas de participation jamais atteint sous les quatre dernières Républiques !). En outre, aurions-nous déjà oublié que ce « président » pseudo-« jupitérien », officie dans le cadre du Traité de Lisbonne, ce clone de la « constitution européenne » qu’avait pourtant rejetée le 29 mai 2005, et avec elle le drapeau et l’hymne européen mentionnés dans le TCE et officialisés par Macron, le vote du peuple souverain ?

Oui, un « président de la République » aussi mal « élu » et violant à ce point la loi républicaine (fût-ce celle d’une « démocratie » bourgeoise de plus en plus rabougrie), oui, un « président de tous les Français » lançant contre les cheminots une contre-réforme que ne mentionnait nullement le « pacte présidentiel », oui, un « chef de l’Etat » inscrivant l’état d’urgence liberticide dans la loi ordinaire, harcelant sans relâche le monde du travail et la jeunesse populaire (c’est-à-dire 90% de la nation !), oui, un président qui annonce déjà qu’il violera au besoin le droit international en Syrie (Macron a déclaré qu’il frapperait l’Etat syrien, quoi que décide le Conseil de Sécurité !), autrement dit, un chef des armées et de la diplomatie qui annonce cyniquement qu’il est prêt à enterrer l’ONU sans égards pour la paix mondiale, oui, un « président » censé protéger la Constitution et exécuter la loi commune, mais qui, dans les faits, les viole constamment en toute impunité, oui un tel « président » est illégitime. Les militants, anciens résistants et intellectuels communistes que nous sommes, resteront-ils encore longtemps presque seuls à le dire ?

Que ceux qui accablent ordinairement le communisme de l’épithète infamante de « totalitarisme » mais qui refusent de voir la fascisation galopante de l’agonisante « démocratie française », prennent donc dix secondes de recul avec l’anticommunisme obsédant qui leur obstrue la vue ; qu’ils méditent une minute, en l’appliquant à Macron, le mot de Lénine : « L’impérialisme, c’est la réaction sur toute la ligne », et ils verront vite qu’il ne s’agit pas là hélas, d’une formule polémique et « datée », mais bien d’un constat incontestable, plus vrai et plus actuel que jamais, dont tous les démocrates véritables doivent tirer au plus tôt, avec courage et détermination, toutes les conséquences militantes.

Georges GASTAUD, Annie LACROIX-RIZ

 
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