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Encore un moine bouddhiste accusé de comportements déviants
André LACROIX

Après le scandale de Sogyal Rinpoché (voir www.tibetdoc.org → Religion → Bouddhisme dans le monde) que le dalaï-lama a bien dû se résigner à désavouer (voir www.tibetdoc.org → Politique → Exil et dalaï-lama), voilà un autre moine bouddhiste de premier plan devant faire face à de graves accusations, comme le révèle The Guardian du 29 novembre 2017, mettant à jour un article du 27 octobre, signé Katherine Ellison à San Francisco et Rory Carroll à Los Angeles, et complété par Julia Carrie Wong.

Les faits

« Pendant plus de 15 ans, Tenzin Dhonden a fait le lien entre le dalaï-lama et une foule de personnalités états-uniennes du monde des affaires, du spectacle, de l’université et de la politique, désireuses de siéger, ne fût-ce qu’un moment, aux côtés du dalaï-lama. Dans sa robe rouge et safran, le crâne rasé et brillant, le souriant moine tibétain s’était lui-même imposé comme l’ ’émissaire personnel du dalaï-lama pour la paix’ », ainsi commence l’article du Guardian.

« (...) son prestige, poursuit l’article, n’avait cessé de croître depuis son arrivée en 1991 aux États-Unis, où il a enseigné la méditation et assisté des malades en phase terminale. En 2000, il a fondé une organisation sans but lucratif, qu’il contrôle toujours, appelée Les Amis du Dalaï-Lama, dont le siège est situé à La Jolla en Californie, non loin de San Diego. Avec le temps, Dhonden est devenu le représentant de facto du dalaï-lama, un poste qui l’a amené à des contacts fréquents avec de nombreux adeptes du leader bouddhiste, riches et influents. »

Parmi ces personnalités approchées par Tenzin Dhonden pour soutenir Les Amis du Dalaï-Lama, l’article mentionne Steve Jobs, le chanteur Dave Matthews, Pierre Omiyar le fondateur d’eBay et Sara Bronfmann, l’héritière de Seagram. « Les accusations contre Dhonden, écrit The Guardian, ont mis en lumière son rôle en tant que pont entre Dharamasala et les supporters du dalaï-lama à Hollywood, dans la Silicon Valley et partout ailleurs. »

« Et voilà, poursuit The Guardian, que ce moine a été suspendu en tant qu’administrateur du Dalai Lama Trust, une organisation philanthropique présidée par le dalaï-lama, et cela dans l’attente d’une enquête sur des accusations portées contre lui par le directeur d’une importante entreprise technologique basée à Seattle. Ce dernier affirme qu’entre 2005 et 2008 le moine aurait abusé de sa position pour lui extorquer de l’argent. »

Ces accusations sont reprises par Thupten Jinpa, un proche du dalaï-lama et son principal traducteur. Dans une lettre aux administrateurs, dont la teneur a été confirmée par téléphone au Guardian, Thupten Jinpa regrette que « le Trust ait acquis une réputation d’autoritarisme, de mésentente, de mesquinerie et de manque d’empathie, des caractéristiques si éloignées de l’éthique personnelle de Sa Sainteté. »

The Guardian ajoute que « le dalaï-lama aurait exprimé sa ‘profonde déception et son inquiétude’ à propos des plaintes concernant son homme de confiance (...) »

L’accusation et la défense

Le principal accusateur de Tenzin Dhonden s’appelle Daniel Kranzler, un homme d’affaires, qui affirme, selon The Guardian, « avoir subi des pressions pour effectuer des paiements au moine, incluant selon ses allégations, des paiements en cash pour éviter de laisser des traces. » L’édito du Guardian précise que « Kranzler a dans un premier temps fait part de ses préoccupations au dalaï-lama dans une rencontre en tête-à-tête qui a eu lieu en été, selon deux témoins assistant à l’entretien. Il a ensuite mis noir sur blanc ses accusations dans deux lettres adressées au dalaï-lama, lettres qui ont été lues par The Guardian. » Dans sa première lettre, Daniel Kranzler affirme « avoir payé à Dhonden plus que 250 000 $ (...) sans avoir le choix de résister à ce qui était clairement perçu comme du chantage. »

Entre-temps, pour sa défense, Tenzin Dhonden s’est assuré les services de Patterson Belknap, une importante société de droit new yorkaise. « Les avocats de ce cabinet, lit-on dans The Guardian, affirment dans un courriel que les accusations contre leur client se réfèrent à des faits qui ‘se sont passés presque une décennie plus tôt et que l’accusation, qui manque nettement de précision, conduit plutôt à penser qu’il n’y a rien d’illégal, ni d’immoral, ni même de déplacé’. Ils ajoutent dans ce courriel que les accusations sont ‘destinées à ternir de façon fausse et déloyale’ la réputation de Dhonden. »

Réplique de l’accusateur, toujours selon The Guardian : « Dans sa seconde lettre, pour justifier le silence qu’il a gardé pendant presque une décennie, Kranzler dit : ‘c’est que, à cause d’une stupide conception de mon Dharma, j’avais le sentiment que je ne pouvais dire du mal de personne’. Et s’il a changé d’avis, c’est, dit-il, après avoir été ‘interpellé par de nombreuses personnes dans la communauté qui adhèrent à votre sagesse et à votre message de compassion ainsi que par plusieurs membres du Bureau privé de Votre Sainteté, afin que je dise la vérité’. »

Effectivement, du côté des détracteurs de Tenzin Dhonden, The Guardian note que « d’éminents bouddhistes d’Amérique du Nord ne sont pas mécontents d’assister à la chute probable de celui qui se présente lui-même comme l’ ‘émissaire personnel de la paix’ du dalaï-lama, un moine accusé de comportements brutaux, de culte de la personnalité et de corruption. »

En revanche, du côté des défenseurs de Tenzin Dhonden, The Guardian cite une source qui a demandé de rester anonyme, selon laquelle « Dhonden a perçu environ [seulement] 50 000 $ en 2007 et 2008 pour la préparation d’événements et autres dépenses légitimes, mais sans versements occultes en cash. »

The Guardian fait aussi état d’une déclaration faite en ces termes par un autre soutien du moine contesté : « ‘Le lama Tenzin a vécu modestement, travaillant sans trêve à organiser des manifestations publiques qui ont permis à des millions de personnes d’entrer en contact avec la mission de Sa Sainteté le Dalaï-Lama’, ajoutant que ‘tous les sujets de préoccupation ont d’ores et déjà été réfutés par les documents remis au Dalai Lama Trust’ et conclut : ‘Nous avons confiance : la vérité se révélera elle-même et l’issue sera positive.’ »

Quoi qu’il en soit, conclut The Guardian, « le secrétaire particulier du dalaï-lama a confirmé dans un courriel que Dhonden avait bien été suspendu à partir du 5 octobre, ajoutant que le moine avait été prié de répondre à ce qui lui est reproché ‘en vue d’arriver à une conclusion’ sur ces accusations. »

Mais encore

Dans son article fouillé, donnant la parole aux différents acteurs et multipliant les points de vue, The Guardian, qui est un journal sérieux aux antipodes des tabloïds, s’est bien abstenu de relayer d’autres accusations que celles qui ont été invoquées par Dharamsala pour sanctionner Tenzin Dhonden. Ce scrupule, d’autres ne l’ont pas eu, comme le Tibetan Journal du 29/11/2017 qui titre, sous une photo de notre brave moine en galante compagnie : « Le lama suspendu avait aussi une maîtresse »...

Quant aux adeptes de la divinité Dorje Shugden, ils ont encore une autre lecture de l’affaire. Pour rappel, cette frange du bouddhisme tibétain a été excommuniée par le dalaï-lama en 2008 (relire à ce sujet le chapitre II « « Un dalaï-lama Père Fouettard » du livre de Maxime Vivas, Dalaï-lama. Pas si zen, Max Milo, 2011). Pour eux, les comportements déviants de Tenzin Dhonden sont loin de constituer une exception. Sous la plume de Shashi Lei, le site www.dorjeshugden.com va même jusqu’à écrire : « La corruption est répandue parmi les Officiels tibétains » et « c’est bien ce qui explique la division et la disharmonie au sein des sphères dirigeantes tibétaines. »

L’article cite, avec leur nom, plusieurs personnalités états-uniennes et tibétaines ayant dénoncé des cas de détournements, mais en vain, selon Shashi Lei : « leurs avertissements n’ont pas été pris en compte, étant donné que le dalaï-lama et la question tibétaine continuent à hypnotiser les gens du monde entier », « sans compter le grand nombre d’accusations portées à la connaissance des politiciens et bureaucrates de la CTA (Central Tibetan Administration) à Dharamsala ; toutes les plaintes ont été sommairement rejetées comme si c’étaient des racontars et des on-dit par ceux-là mêmes qui étaient accusés. »

Dans le cas qui nous occupe, l’article cité ajoute : « Tenzin Dhonden est un proche du dalaï-lama et il est difficile d’imaginer que ni le dalaï-lama ni la CAT n’aient eu vent des activités peu recommandables de Dhonden. »

On ne peut évidemment manquer de faire un rapprochement avec le cas de Sogyal Rinpoché, cet autre grand dignitaire du bouddhisme tibétain, que le dalaï-lama s’est finalement résigné à désavouer. À qui le tour ?

André Lacroix

 
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