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Les discrètes manœuvres de l’industrie du tabac pour enfumer Bruxelles
Matteo ROSSO

Malgré les consignes claires de l'OMS en la matière, l'Union européenne peine à imposer une directive sur le tabac qui protège réellement ses pays-membres de la contrebande. Et si la faute en incombait en partie au puissant lobby cigarettier, qui s'active en coulisse pour garder le contrôle sur le marché ?

Après avoir mis fin à l’accord anti-fraude avec Philip Morris International en juillet 2016, la Commission européenne va-t-elle enfin s’engager efficacement contre la contrebande de cigarettes ? C’est la question que se posent depuis plusieurs mois tous les acteurs de l’industrie du tabac, alors que les modalités de régulation du secteur sont en pleine discussion à Bruxelles. En plein mois de novembre, baptisé mois sans tabac, l’Union européenne se penche sur la rédaction des actes délégués pour l’application de sa directive sur les produits du tabac dans chaque pays-membre. Une décision cruciale dans la lutte contre le trafic de cigarettes sur le Vieux continent, qui vise à déterminer dans quelle mesure les fabricants pourront, ou ne pourront pas, intervenir sur la mise en place d’un dispositif de traçage des paquets.

Premiers bénéficiaires d’un tel suivi, les principaux cigarettiers n’entendent toutefois pas laisser l’UE décider seule de la méthode à adopter pour combattre la concurrence illégale. Et pour cause : ils ont été historiquement liés à la contrebande, qu’ils avaient eux-mêmes alimentée en fournissant des quantités excessives aux nations où le tabac est faiblement taxé afin de générer des trafics vers les pays voisins, comme la France et le Royaume-Uni, où le paquet se vend entre 7 et 10 euros. En 2010, British American Tobacco a été condamné à verser 550 millions de dollars en Amérique du Nord pour avoir organisé un trafic de cigarettes afin d’échapper aux pressions fiscales. En 2014, le géant britannique a également écopé d’une amende de 650 000 livres (837 00 euros à l’époque) pour avoir inondé le marché belge. En Ukraine, où le paquet coûtait à peine plus d’un euro en 2012, près de 30 milliards de cigarettes disparaîtraient du circuit légal chaque année pour prendre la route de l’Europe de l’ouest, d’après l’enquête menée par un consortium de journalistes. Autant de preuves des défaillances de l’actuelle directive européenne sur le tabac... et de raisons d’instaurer un système ne tolérant la moindre interférence des fabricants.

Se mettre ou ne pas se mettre les lobbies à dos

Depuis 2012, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a pourtant institué une convention-cadre pour la lutte anti-tabac (CCLAT), qui stipule clairement que les États doivent contrôler le secteur en dehors de toute influence de l’industrie du tabac (articles 8.2, 8.12 et 8.14). Problème : son application au niveau européen est truffée d’imprécisions et d’erreur d’interprétation, dans lesquelles se sont allègrement engouffrés les fabricants. La directive de Bruxelles autorise en effet les fabricants à fournir l’équipement nécessaire à la traçabilité des transactions en échange des données collectées (articles 15.7 et 15.8). Un système mixte qui est en réalité une véritable aubaine pour les cigarettiers. Juges et parties, ces derniers pourraient manipuler les chiffres à leur guise avec leurs propres outils, dans la version actuelle du texte tout du moins. Afin d’éviter cet échec assuré, la Commission européenne envisageait d’imposer le recours à une entité indépendante, chargée de superviser le marquage des produits du tabac et de surveiller leur circulation. Mais – et est-ce le résultat de pressions exercées en coulisses ? – les parlementaires hésiteraient encore à faire preuve de la fermeté nécessaire.

« Ce que nous entendons partout dans le monde, et à présent en Afrique, c’est que des représentants de l’industrie du tabac approchent les différents parties pour leur dire que tout ça est compliqué et cher [...] et qu’ils ont une solution parfaite », témoigne Katharina Kummer Peiry, responsable du secrétariat de la CCLAT à l’OMS, qui accuse l’industrie du tabac d’interférer dans les négociations en favorisant l’adoption de son propre dispositif de traçage, Codentify, depuis racheté par la société Inexto et désormais connu sous le nom d’Inexto Suite. « Pour qu’un système de traçage et de suivi soit pleinement efficace, il doit être vraiment indépendant de Big Tobacco », insiste Deborah Arnott, directrice de l’ONG Action on Smoking and Health (ASH). À Bruxelles, pourtant, le choix d’un système de traçage indépendant est encore loin d’être acquis. Comme sur le dossier du glyphosate, seule la France semble déterminée à prendre une décision courageuse, quitte à se mettre les lobbies à dos. L’enjeu est pourtant des plus importants : le marché parallèle de tabac est connu pour alimenter les réseaux terroristes, qui ensanglantent l’Europe depuis plusieurs années.

 
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