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Lorsque tout parfois semble perdu ou morose...
Penser printemps
Olivier FOREAU

Ultime pet de François Hollande à la face de ses électeurs, Emmanuel Macron est un produit qui se vend bien. Moitié anxiolytique, moitié analgésique, il a été spécialement conçu pour les peuples en phase terminale, ce qui explique pour une bonne part son succès dans l’hexagone. Sa campagne, qui ressemble à une pub soporifique pour de la crème dessert, marque un tournant dans la longue histoire de la lobotomie : cette fois-ci, on a atteint la moelle épinière. « Lorsque tout parfois semble perdu ou morose, il faut penser printemps », prêche notre nouvelle idole, qui même sous la torture, ne saurait guère en dire plus sur sa vision de la France. En même temps, quelqu’un qui travaille depuis des années à la démolition programmée du système social français [1] a-t-il vraiment besoin de se répandre en confidences ? Ceux qui déplorent qu’il ne parle de rien n’ont probablement pas pensé à ce qu’il dirait s’il se mettait à parler de quelque chose.

Quand d’autres déroulent d’une voix morne le catalogue des privations qui nous attendent, le penseur de Bercy – présenté par L’Obs comme « énarque et philosophe » [sic] – nous enjoint de faire le « plein d’énergie » pour célébrer à l’unisson notre déconfiture. En fait nous vivons dans le meilleur des mondes possibles, mais le problème, c’est que nous ne nous en sommes pas encore aperçus. Et la solution de nos maux, c’est de voir le bon côté des choses (à tel point qu’on peut se demander, lui président, ce qu’il adviendra de ceux qui persistent à ne pas le voir). Contrairement à une idée reçue, ce n’est donc pas la politique que nous subissons qui doit changer, mais c’est à nous de changer pour nous adapter à cette politique : c’est ce que Macron appelle « le grand combat de la volonté contre le renoncement » (meeting à Bercy, 17/04/17), car « pour penser printemps, il ne faut pas non plus désespérer » (Clermont-Ferrand, 07/01/17). Ce qui lui tient lieu de « programme » est une sorte de kit de survie à base de sacro-sainte flexibilité, car quand le bateau coule, il y a intérêt à savoir nager ! Loin de tout ce qui pourrait ressembler à de l’idéologie, ou même à des idées quelconques, l’approche se veut pragmatique, ce qui ne peut que nous rassurer. Avec Macron, la langue de bois a fait son temps. Place au gâtisme.

Le vote de raison

Comment annoncer à un mourant qu’il ne passera pas la nuit ? telle est, dans notre pays, la délicate feuille de route de tout candidat à l’élection présidentielle. Plutôt que de nous écraser avec un bulldozer, Macron propose de nous poignarder dans le dos, grâce à un discours certes antisocial, mais pas spécialement raciste, ce qui lui vaut d’être salué comme l’antithèse indépassable de la menace extrémiste, les sondages se chargeant du reste. Programmé pour l’emporter sur la bête immonde, il lui faudra donc être encore plus bête, et encore plus immonde. Si on en croit ses états de service au sein du gouvernement précédent (CICE, Loi Travail, etc.), c’est chose faite depuis longtemps.

A l’inverse de l’idéologie (dont nous ne savons que trop les dangers), le « pragmatisme » dont se réclament Macron et ses amis, c’est par définition l’art de faire avec, autrement dit le choix du « toujours moins » (moins de social, moins de débat, moins d’états d’âme, etc.). Écoutons un spécialiste en la matière, Daniel Cohn-Bendit : « Je ne vote pas idéologiquement, je vote pour la personne la mieux placée », pontifie-t-il dans Le Monde du 26/02/17.

Lorsqu’on nous dit qu’il existe en France quelque chose d’encore plus réactionnaire, raciste et cynique que la gauche, nous avons tout d’abord du mal à le croire. Mais dans l’hypothèse où une telle chose existerait, avons-nous d’autre choix que de lui faire barrage par tous les moyens, y compris en votant à droite ? Il ne s’agit pas ici de nos conditions de vie – que nous continuerons à sacrifier docilement jusqu’à notre dernier souffle – mais de ce que nous avons de plus sacré : notre fameuse « liberté d’expression », quitte à la sacrifier comme le reste, les yeux rivés sur le trouillomètre IPSOS. Car comme à peu près tout ce que nous faisons dans la vie, le vote est d’abord un exercice d’autocensure : « Notre cœur va vers Mélenchon mais notre raison va vers Macron ! » constate jul03 dans la figarosphère, après s’être longuement observé ; « La raison, c’est Macron ! » confirme YL depuis la mondosphère ; « J’ai conscience qu’il n’est pas de gauche mais [...] la priorité est d’éliminer François Fillon, voilà pourquoi je pense peut-être voter pour Macron », calcule Noémie, étudiante (20 Minutes 14/04/17) , qui laisse entendre que le « pragmatisme », c’est aussi et avant tout l’art de se boucher le nez.

BHL a su le dire avec des mots simples et touchants : « Je préfère Emmanuel Macron parce que je ne connais pas, compte tenu de l’offre politique disponible, de meilleur moyen d’écarter ceux qui, dans la hargne ou l’amertume, naufragent la République » (LCI, 10/04/17) – de sorte que nous savons maintenant ce qui nous reste à faire. Entre l’amertume et la mort cérébrale, nous avons choisi.

Olivier Foreau

 
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