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L’Avenir en commun : ce que révèlent les critiques de la commission économie du PCF
Jean-François DEJOURS

L’humain d’abord ! Quant à l’insoumission ? Cadres et militants du PCF semblent partagés… Sous le titre « le programme de la ’’France insoumise’’ : des choix contraires à ce pour quoi nous combattons », la commission économique du PCF rédigeait le 18 novembre, une note déroulant un argumentaire destiné à détourner les militants communistes du soutien à Mélenchon, argumentaire quelque peu surprenant qui n’aura pas suffi à les convaincre totalement lors du vote de cette fin novembre. Jugez plutôt ! (à lire sur le site www.economie-politique.org/93807 )

Sur le dossier central du chômage par exemple (page 1), il est reproché à Jean-Luc Mélenchon de renouer avec l’idée des « ateliers nationaux » défendue par la Révolution de février 1848, projet d’un autre temps, jugé responsable de « l’échec » et de « la répression du mouvement ouvrier » de juin 1848. Non qu’il s’agisse ici de faire de cette initiative conçue à la hâte par Louis Blanc, un modèle à reprendre clé en main (les chômeurs parisiens très vite rejoints par les autres, y étaient employés pour faire du terrassement, sans tenir compte de leurs qualifications initiales...), mais il est surprenant de rendre cette initiative – mettant en œuvre un droit au travail – responsable de l’échec du mouvement ouvrier écrasé par l’armée, en réaction de la bourgeoise fraîchement élue au parlement et farouchement opposée aux nationalisations (des chemins de fer) demandées par Louis Blanc ! L’échec de cette mise en œuvre d’un authentique droit au travail ne devrait-il pas inspirer aux communistes un tout autre commentaire ? Alors que les « défenseurs » des droits de l’homme nous donnent des leçons à chaque occasion (mort de Fidel Castro, et bientôt centenaire de la Révolution d’octobre...), ne doit-on pas résister à cette offensive idéologique permanente, en dénonçant l’hypocrisie de droits de l’homme réservés aux propriétaires et excluant les sans abris, les sans travail et les sans pain, voire les « sans dents » abhorrés par l’actuel président ? Combattu avec succès à l’assemblée constituante en mai 1848 par le très libéral Alexis de Tocqueville – qui y reconnaissait avec clairvoyance, un projet communiste... – ne devrions-nous pas au contraire défendre ce droit (social) de l’homme si souvent ignoré, combattu ou bafoué dans nos démocraties bourgeoises ?

Dans le point 2 de cette note, il est reproché au projet d’une VIe république – et probablement à juste titre, de ne pas donner la place qu’il faudrait à un contrôle populaire exercé notamment par les salariés, sur les logiques industrielles et bancaires. Mais derrière cette critique se dessine la dénonciation d’une illusion autocratique mélenchonienne résidant dans la croyance en la « toute-puissance de l’État – et particulièrement de son chef – » (dernier quart de la page 2) quant à sa capacité à « soumettre le droit de propriété à l’intérêt général » (la note citant ici Mélenchon). Bref, la note du PCF reproche à Mélenchon son... « étatisme » ! Or, si le communisme au sens marxiste appelle bien à une société sans classes et donc sans Etat, faut-il pour y accéder, commencer par affaiblir l’État contre la dictature bien réelle des marchés et contre les diktats des propriétaires du capital inscrits jusque dans nos traités internationaux et européens ? Car c’est bien là le vœu le plus cher de nos libéraux (depuis John Locke au XVIIe siècle) que de soustraire le droit de propriété à l’arbitrage des Etats, en faisant précisément de ce droit, un droit naturel sanctuarisé par la déclaration des droits de l’homme (dont celle de la Révolution française, du moins dans sa version de 1789). Contre cette logique néolibérale antiétatique se dresse depuis les Sans Culottes, l’idée rousseauiste d’une puissance publique (étatique) souveraine, exercée par la volonté populaire. Quant au projet révolutionnaire du socialisme, il revendique la soumission de l’appareil d’Etat au prolétariat, opposant une dictature souverainement populaire à la dictature de la propriété privée. Faudrait-il abdiquer sur ce point là également et fonder nos victoires à venir sur les seules – bien qu’indispensables ! – mobilisations populaires au sein de la « société civile » ? Nous ne le pensons pas et il est pour le moins étrange de lire des choses pareilles sous la plume d’auteurs « marxistes » et « communistes »...

Mais derrière la critique de l’ « étatisme autocratique » de Mélenchon, se profile très vite la critique du « nationalisme » et du « populisme de gauche » de son programme pour ainsi-dire rouge-brun (!), de moins en moins dissociable du populisme de « l’extrême droite » (page 3). On croirait lire la presse bourgeoise, confirmée désormais dans ses analyses, par la commission économique du PCF... Aussi, la raison profonde de cette rupture essentielle avec la France insoumise ne tarde pas à se faire connaître. Il s’agit de la menace d’un Brexit à la française (d’un Frexit progressiste, comme dit le PRCF), c’est-à-dire d’une « sortie des traités européens », avec son plan A – jugé improbable (obligeant l’Allemagne à une renégociation des traités) – et un plan B, en cas de refus (sortie de l’UE impliquant : une dévaluation monétaire, de nouveaux traités internationaux, un protectionnisme, une probable implosion de l’UE jugée catastrophique par la commission du PCF, dont il n’est peut-être pas inutile de rappeler que son secrétaire national, le sénateur Laurent, est également président de la Gauche Européenne, un parti supranational financé et supervisé par Bruxelles..). Bref, comme l’annonce Mélenchon, l’UE on la change ou on la quitte ! Or, la solution défendue par les cadres du PCF depuis la crise grecque et son issue piteuse en juillet 2015, réside – au sein de l’UE – dans la création d’un fonds européen de développement économique et social plaçant la puissance monétaire de la BCE au service des services publics, de l’emploi et de l’environnement (page 2 et 3). Les cadres du PCF se félicite, au demeurant, de la manière dont Tsipras a évité le piège du Grexit en 2015 (lire l’article www.economie-politique.org/73424 ). On touche ici le cœur de notre différend avec les cadres économiques du PCF. Le Frexit (Brexit à la française) est-il la ligne de partage entre les « populistes » qui le réclament (dans une fusion des « extrêmes » dénoncée par nos élites) et les partis « sérieux », car « euroconstructifs », qui le condamnent (dont le PCF et le PS) ? Ou s’agit-il de la limite entre les politiques qui refusent une austérité à perpétuité scellée dans notre monnaie (avec la double peine infligée au revenu du travail à travers d’une part, la baisse des salaires et d’autre part, la hausse des intérêts de la dette financée par l’impôt...) et les politiques qui sacrifient à l’austérité (de manière plus ou moins brutale selon leur positionnement sur l’échiquier politique circonscrit dans ce prétendu cercle de la raison) ? Certes, il ne s’agit pas de tomber dans la caricature en accusant le PCF de se satisfaire de l’UE telle qu’elle existe actuellement (ni à l’inverse, de réduire au seul Frexit, les propositions de ceux qui font de la sortie de l’UE une perspective sérieusement envisageable, voire un verrou – sinon suffisant, du moins nécessaire – à débloquer, faute de pouvoir la transformer). Mais nous regrettons que le débat au sein de la gauche progressiste soit clos prématurément par les cadres du PCF, alors qu’il devrait être selon nous, au cœur de la campagne de 2017...

Alors faut-il d’abord « changer l’Europe pour pouvoir changer le monde », voire, comme il le proposent, rêver les yeux ouverts d’une « monnaie mondiale » (tout en défendant l’euro bec et ongles...), comme le conclut cette note du PCF afin de mettre au pas la finance et le pouvoir exorbitant des banques ? Ou faut-il envisager pour de bon de sortir de l’Europe, s’il s’avérait qu’elle est incompatible avec une politique franchement communiste et franchement insoumise ? Le vote des militants du PCF (favorables à 53.6 % au soutien à Mélenchon), risque – et c’est une bonne nouvelle – de relancer le débat qu’avait fermé prématurément le vote des cadres du PCF le 5 novembre (favorables à 55.7% à une candidature PC). Après tout, le meilleur moyen de tester une illusion est de la mettre à l’épreuve des débats, puis à l’épreuve des faits. Ce qui nous gêne dans cette note du PCF, c’est de considérer a priori que « l’illusion » (page 3) serait définitivement dans le camp de Mélenchon, se dispensant ainsi d’envisager au moins à titre d’hypothèse, que l’Europe est non seulement un instrument au service des intérêts d’une classe sociale qui nous est hostile, mais qu’éventuellement, elle serait aussi structurellement à son service... Bref et au-delà de toute nostalgie, n’allons pas trop vite rejoindre le PS englué dans une politique définitivement prisonnière du cadre européen depuis 1983, répétant ainsi mais sur la droite, un nouveau « programme commun » s’écrivant désormais... à Bruxelles !

Jean-François Dejours (membre de la rédaction d’Etincelles, revue théorique du PRCF), le 27/11/16.
www.initiative-communiste.fr

 
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