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Yann FIEVET

Il parait que les Français ont besoin de se retrouver. C’est François Hollande qui nous l’a dit le 10 juillet dernier, quelques heures avant la finale de l’Euro 2016 de football qui allait opposer la France au Portugal. En fait, le Président de la République parlait à l’imparfait dans l’entretien qu’il donna ce jour-là au Journal du Dimanche : « Les Français avaient besoin de se retrouver. » Il espérait tellement la victoire de l’équipe de France qu’il n’était pas question d’en douter ne serait-ce qu’un bref instant. Il espérait surtout que cette victoire serait aussi la sienne et pourrait ainsi marquer le début de la remontée de sa cote de popularité si dégradée. Raté ! Les Bleus ont perdu, le Portugal les a vaincu. Cependant, il restait encore le Tour de France cycliste – certes devenu très ennuyeux – et les Jeux de Rio en août pour que les Français puissent se retrouver de nouveau. Mais, que signifient ces retrouvailles que le Sport aurait le grand mérite de provoquer ?

Il s’agit probablement de tous regarder dans la même direction, celle de la ferveur pour un enjeu somme toute dérisoire mais qui nous ferait oublier tous nos tracas petits et grands. Le pays va mal ? Le chômage, la précarité et la pauvreté y progressent ? Il a fallu lui imposer la loi Travail ? Qu’à cela ne tienne, l’espoir va renaître par le ballon rond ou les Jeux ! En vérité, François Hollande ne pensait évidemment pas à tous ces malheurs économiques et sociaux dans lesquels il n’a bien sûr pas la moindre responsabilité. Relisons-le : « Les Français avaient besoin de se retrouver. On l’avait vu au moment des attentats. On s’était retrouvé dans les drames, il y avait besoin de se retrouver dans la joie, se retrouver ensemble. » Il dit l’équipe de France, qui jouait au Stade de France le 13 novembre, « très marquée » par les attaques jihadistes. « Les attentats sont identitaires pour eux, ils se sont forgé leur propre conscience. Ils ont la conviction qu’il faut donner de la joie aux Français éprouvés par ces épreuves. Ils veulent donner du bonheur. Didier Deschamps leur a transmis cette volonté de rendre les gens heureux. Ils savent que le moment n’est pas banal. (…) le sport permet ce rassemblement, la politique, elle, divise. Le sport permet ce dépassement, géographique - on est tous du même pays-, dépassement des origines, des parcours. cela permet d’échapper à toutes nos préoccupations. L’Euro emporte tout, c’est le rassemblement. La vie reprendra son cours après.  » Ouf, on a eu un peu peur qu’après tant de joie et de bonheur proclamés la vie normale ne puisse reprendre son cours !

Nous confirmons que c’est bien le Président de notre République qui a tenu ces propos d’une portée peu banale eux aussi, propos qui ne lui ont pas été extorqués sous une quelconque pression de l’UEFA, de la FIFA ou du CIO, toutes organisations oeuvrant, comme chacun sait, au développement d’un sport propre et sain. Nous étions donc tous conviés à communier béatement pour la rédemption par la victoire dans une compétition sportive qui doit évidemment nous concerner tous et… toutes, conviés pour cette cause essentielle à oublier nos origines et nos différences, à dépasser nos parcours souvent chaotiques qu’ils sera bien temps de retrouver après la fête salvatrice. L’outrance est ainsi au sommet du pouvoir politique. Ce n’est pas grave car il est bon que la politique qui divise s’efface devant la communion sportive. Les Bleus ont bien compris ce qui se joue sur le terrain, sont pénétrés de leur mission : redonner la joie de vivre à tous ceux de leurs compatriotes qui ont le toupet dans leur vie ordinaire de ne pas être heureux du sort que leur passage sur terre leur a réservé. Pourtant, tout cela n’aurait pas été possible sans l’action déterminée d’un homme providentiel, quasi visionnaire, le sélectionneur et galvanisateur de la troupe. Bref, le Sport se fait religion. On l’embrasse, on ne la discute pas. Et malheur aux incroyants.

Toute la Nation était sur la brèche, à commencer par l’Education Nationale commanditée par sa ministre en personne. Des classes entières d’écoles primaires furent, par exemple, conviés à un rassemblement autour de l’Arc de Triomphe de Paris au moment de l’ouverture de l’Euro 2016, rassemblement au cours duquel fut ranimée la flamme du soldat inconnu. Le pauvre poilu, devant cet indécent mélange des genres, a du se retourner dans sa tombe de fortune. Le 10 juin 2016, cent ans après Verdun, on hissa les couleurs en l’honneur des… Bleus. Les innocents gamins, amenés Place de l’Etoile par des professeurs obéissants et probablement fervents supporters, étaient ainsi pris en otage d’une Histoire accommodée à toutes les sauces, notamment celle du mauvais goût. Il convient sans doute de leur inculquer, avant qu’ils n’aient le temps de se forger un semblant d’esprit critique, les valeurs de l’engagement au service de la Patrie. Puisque l’on bouscule l’Histoire rappelons la maxime célèbre du Général Franco qui dirigea l’Espagne d’une poigne de fer durant quarante ans : « On n’est jamais trop petit pour servir la patrie. » A ridicule, ridicule et demi !

Le déchaînement médiatique et l’emphase des observateurs les plus avertis reprirent quelques jours avant l’ouverture des Jeux olympiques de Rio. Dans un Brésil rongé par la corruption jusqu’au sommet de l’Etat, en proie à une misère grandissante et à une criminalité battant tous les records, les compétitions se succédèrent comme si de rien n’était, comme lors du Mundial de football en 1978 dans l’Argentine de Vidéla. On ferme facilement les yeux et les consciences pour une poignée de médailles. On ferme aussi les yeux sur le dopage généralisé bien au-delà de la seule Russie. Ce n’est pas le Docteur Porten médecin officiel du Tour de France durant trente années, qui nous inoculera le contraire. C’est ce Sport, gangréné par les drogues et le fric du CIO ou de la FIFA, que l’on donne à idolâtrer aux enfants de nos écoles. N’ayons aucune crainte, ils communieront ardemment dans quelques années pour que Paris fasse de beaux Jeux en 2024.

Pour l’heure l’été sportif est enfin terminé, la rentrée qu’autrefois on osait nommée sociale est arrivée. La vie va reprendre, chacun va devoir, après l’avoir illusoirement dépassé, retrouver son parcours quotidien. L’été prochain est encore très loin.

Yann Fiévet

 
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