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Devenir patriote avec facebook
Chien Guevara

Après les lâches attentats parisiens que nous venons de vivre, il est évident que je suis attristé ; et toutes mes pensées vont vers les familles des victimes et blessés.
Il est clair aussi que je ne suis pas vraiment surpris par ce qui s’est passé : à force de bombarder ailleurs, il est normal d’être attaqué chez soi ; la guerre à sens unique ne peut durer qu’un certain temps. Les dirigeants occidentaux "rétablisseurs de démocratie" dans les pays qui ne leur ont rien demandé, sont en grande partie responsables des attentats que leurs citoyens subissent...

Mais, bon, là n’est pas le sujet de cet article.Tous les médias se chargent d’en parler, tous les partis politiques essayent d’en tirer profit, et je ne suis ni journaliste, ni politicien. En fait, comme dans tout évènement très émotionnel, il y a des mouvements Browniens de solidarité nationale qui naissent spontanément (ou presque...). En janvier, ce fut le fameux "Je Suis Charlie". Du jour au lendemain, tout le monde était Charlie, même ceux qui ne connaisaient pas Charlie Hebdo auparavant. Solidarité surfaite, comme l’a prouvé une semaine plus tard la sortie du premier numéro post-attentat de l’hebdo, où les gens se baffaient pour l’arracher des mains de leur voisin.

Sur les événements du week-end dernier, certains se sont essayés à recréer la même cinétique ; mais le "Je Suis en Terrasse" n’a pas marché. Peut-être parce que la majorité des victimes se trouvaient enfermée dans une salle de concert et pas en terrasse ? Personnellement, si l’OPA marketing était mon truc, j’aurais plutôt lancé "Je Suis Paris". Mais bon, là non plus n’est pas le sujet de cet article.

Le sujet de cet article, c’est le moutonisme et le manque de recul. Facebook a proposé de peindre sa photo de profil en bleu/blanc/rouge, et une grande majorité de gens l’a fait, tout comme tout le monde était Charlie en janvier. Personne ne se souvient donc de la supercherie qu’était ce leurre de solidarité, et tout le monde le reproduit. Et on va encore applaudir la police, et encore en demander plus ? Vous êtes-vous rendu compte que depuis Charlie, il y a beaucoup plus de procés verbaux pour excés de vitesse ou pour stationnement qu’avant ? C’est ça le plus de sécurité que nous espérions ?

Je vous renvoie pour commencer vers mes deux articles de l’affaire Charlie ; le premier traitant des attentats, et le second de la fameuse solidarité qui devait en résulter :

Pourquoi je ne suis pas Charlie
Le constat de l’après Charlie

Et maintenant, je vous livre une analyse, à laquelle j’adhère en grande partie, au sujet des petits drapeaux de Facebook ...

« Changez votre photo de profil » : Facebook et le bleu-blanc-rouge en un clic

Il est temps de s’interroger sur l’influence des réseaux sociaux dans l’orientation de nos comportements politiques, estime le chercheur en neurosciences Romain Ligneul.

Vendredi soir, les informations mises en ligne sur les réseaux sociaux dépassaient en cadence et parfois en pertinence celles offertes par les grands médias télévisuels et radiophoniques. Par le biais des échanges constants et des débats rendus possibles sur la Toile, « l’humanité connectée » est sans doute une humanité plus soudée et plus forte contre la peur.

A ce titre, il serait donc difficile de reprocher à Facebook d’avoir demandé avec insistance à chacun de ses utilisateurs parisiens et franciliens de se signaler en sécurité le soir du 13 novembre.

Cependant, l’engagement de Facebook est allé plus loin, puisqu’à cette fonctionnalité exceptionnelle s’en est ajoutée une seconde dont l’utilité civique et la portée sociétale posent autrement question.

« Changez votre photo »

Pour la première fois, les utilisateurs ont ainsi eu l’opportunité de superposer à leur photo de profil le drapeau d’une nation.

Déjà expérimentée au moment de l’adoption du mariage pour tous aux Etats-Unis avec le célèbre gay flag multicolore, cette fonctionnalité doit nous interpeller au-delà des divergences sur le sens politique, culturel et social associé au drapeau lui-même.

Le simple fait que Facebook propose de recouvrir nos photos d’une teinte bleu-blanc-rouge facilite grandement la décision de l’utilisateur d’adopter ce code couleur en réaction aux attentats de Paris.

Il est difficile de déterminer si ce choix entre en concurrence directe avec le recours à d’autres symboles, comme la devise de Paris « fluctuat nec mergitur » ou cette tour Eiffel noire sur fond blanc (évoquant l’emblème peace & love autrefois coloré). Il est en revanche clair que cette initiative renforce de facto la présence du drapeau français sur le réseau social.

Sur le plan linguistique, on constate que le message d’incitation utilise l’impératif (« Changez votre photo »), ce qui doit nous faire prendre conscience que la tragédie actuelle donne l’occasion à Facebook de tester l’adoption, par ses utilisateurs, de comportements suggérés par l’entreprise elle-même. Par ce biais, elle obtient une information précieuse quant à l’influence directe qu’elle peut espérer exercer sur tel ou tel utilisateur.

« Votre soutien à la France et aux Parisiens »

En outre, alors que la mise en ligne spontanée d’un drapeau de la France peut revêtir une multitude de significations (élan nationaliste, expression de solidarité, symbole de résistance, etc.), l’injonction de Facebook contribue en quelque sorte à fixer cette signification : il s’agit de « montrer votre soutien à la France et aux Parisiens ».

Bien qu’une majorité d’internautes adhère sans doute à cette interprétation, on ne peut ignorer qu’une fraction de la population attribue à ce même symbole une connotation guerrière ou un message politique particulier.

Sans spéculer sur les intentions de Facebook et sur l’utilisation effective de ces données, on peut néanmoins indiquer le potentiel que recèlent les données obtenues via cette fonctionnalité nouvelle.

Tout d’abord, et contrairement à ce qui est rendu possible par l’analyse automatisée d’images, Facebook récolte ici une donnée binaire extrêmement fiable. 21% de mes contacts l’ont fait

Un clic sur le bouton « Essayer » se traduit immédiatement par l’apparition d’un 1 dans une colonne quelconque de leur base de données. Etant dénuée de toute ambiguïté, cette information constitue donc un pivot utile pour l’exploration et l’analyse de l’énorme masse d’informations que Facebook recueille chaque jour à notre sujet (conversations, publications, contenus partagés, etc.).

Notons également qu’étant appliquée aux photos de profil – qui sont publiques – la même information peut simultanément être analysée par des tiers, gouvernementaux, commerciaux ou autres.

De plus, il faut tenir compte du fait que nos données ne sont pas seulement traitées à l’échelle individuelle. Certes, chaque utilisateur suit ou non la recommandation de Facebook en son for intérieur, et pour des raisons et des motivations qui lui sont propres. Mais les analyses effectuées ne se restreignent pas à l’individu lui-même : le plus souvent, c’est en réalité le réseau social des individus qui est analysé.

Ainsi, quel que soit notre choix, Facebook peut calculer très facilement la proportion de contacts ayant souscrit à cette option, et il y a tout autant d’informations – si ce n’est plus – dans cette proportion que dans nos choix individuels. Par exemple, si j’ai choisi de ne pas souscrire à cette option, 21% de mes contacts l’ont fait. Cela signifie probablement que je ne suis pas farouchement anti-France et encore moins pro-djihad.

Qui vous influence ?

Ce chiffre est une signature de mon milieu socioculturel ; une proportion de 70% suggèrerait un milieu social plus enclin au sentiment national voire au nationalisme politique, tandis qu’une proportion de 0% pourrait refléter l’appartenance à un milieu radicalisé... Une information finalement précieuse pour les dispositifs de surveillance automatisés récemment mis en place dans le cadre de la loi relative au renseignement.

Enfin, on relèvera que la souscription à cette option s’opère par le biais d’un clic au bas de la photo de profil d’un individu spécifique de notre liste de contacts. Par conséquent, en optant pour cette fonctionnalité, vous permettez à Facebook de savoir qui vous influence.

Avez-vous pris votre décision en constatant le choix de votre oncle, de votre meilleur ami, ou d’une connaissance du sexe opposé dont vous allez fréquemment consulter le profil ? Qui a le plus d’influence sur le réseau ?

A n’en pas douter, la décision de certaines personnes pèse plus que d’autres. Certains auront amené 30 personnes à se « convertir » au bleu-blanc-rouge, là où d’autres n’en auront amené que une ou deux. Ici encore, l’information recueillie est extrêmement fiable. Dans le futur, verrez-vous plus souvent les publications de la personne la plus apte à « convertir » les membres de son cercle social ?

Exiger une transparence des algorithmes

On sait depuis longtemps que Facebook filtre les publications qui s’affichent sur notre mur en fonction de nos affinités et de divers autres paramètres opaques, en dépit du contrôle proposé aux utilisateurs. Comment l’entreprise va-t-elle utiliser les nouvelles données ici discutées ?

Il est désormais avéré que la manipulation des contenus disponibles sur la Toile exerce une influence considérable sur les opinions et les intentions de vote des citoyens.

Une étude parue cette année dans la prestigieuse revue PNAS indique par exemple qu’en manipulant le référencement de sites d’information politique dans un moteur de recherche comme Google, il est possible de modifier jusqu’à 20% des intentions de vote.

Jusqu’à preuve du contraire, ni Facebook ni Google ne pratiquent ce type de manipulation volontaire et ciblée des sources d’information proposées à leurs utilisateurs, mais compte tenu de l’importance croissante de ces plateformes dans le débat public, il semblerait judicieux d’inciter nos gouvernants à exiger une transparence totale des algorithmes [PDF] de référencement et de « sélection intelligente » des contenus utilisés par ces entreprises.

Un peu plus patriotes qu’avant

Il est indéniable que les réseaux sociaux et plus généralement Internet peuvent avoir un impact positif sur le progrès politique et culturel de nos sociétés, en stimulant les débats directs entre citoyens et en leur offrant de nouveaux moyens d’expression. Cependant, les risques de dérive ne sont pas absents et l’opportunité offerte par Facebook de superposer en un clic le drapeau de la France à nos photos de profil présente ainsi un risque potentiel.

D’une part, en facilitant et en encourageant la décision d’arborer les couleurs bleu-blanc-rouge, cette fonctionnalité nouvelle amène de nombreux utilisateurs à effectuer un choix. Or, si un choix résulte évidemment de nos opinions préalables, on sait depuis plus de 50 ans que les êtres humains ajustent également a posteriori leur opinions, de manière à ce qu’elles soient plus en accord avec les choix effectués.

Ce phénomène s’appelle la résolution de dissonance cognitive et il implique que si l’on « force » (ou que l’on incite fortement) les individus à effectuer un choix, on les force également à justifier ce choix, pour eux-mêmes et vis-à-vis des autres ; de sorte qu’après avoir arboré les couleurs bleu-blanc-rouge, chacun aura tendance à être – en moyenne – un peu plus patriote qu’avant.

D’autre part, on sait aussi qu’aucun individu n’échappe aux pressions de conformité sociale : chacun se construit dans le rapport à l’autre. Des expériences célèbres ont même montré que deux lignes de grandeur manifestement différentes ont tendance à être jugées de taille égale si plusieurs personnes affirment qu’elles le sont (c’est l’expérience de Asch).

Rester lucide

Enfin, les travaux très influents de Zajonc ont clairement démontré que le simple fait d’être exposé répétitivement à une image donnée (telle que le drapeau français) a tendance à favoriser les sentiments positifs et à diminuer les sentiments négatifs que nous éprouvons à son égard.

A l’heure où la société française cherche son unité et la réponse appropriée à l’agression qu’elle vient de subir, il est essentiel de rester lucide sur la manière dont l’opinion publique se construit et s’oriente au sein des réseaux sociaux, et donc sur Facebook.

Quand bien même le lecteur de la présente analyse serait certain de ne pas être personnellement impliqué par les faits ici évoqués, il est néanmoins utile de rappeler que ces derniers – parce qu’ils s’appliquent à l’échelle d’une population entière – joueront à n’en pas douter un rôle causal important dans les mois et les années qui viennent.

Cet article a bénéficié des commentaires précieux de Clio Coste et Guillaume Dezecache, également docteurs en sciences cognitives.

Source : http://rue89.nouvelobs.com/2015/11/17/changez-photo-profil-facebook-bleu-blanc-rouge-clic-262146

 
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