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Interview de Ulises Guilarte De Nacimiento, secrétaire général de la Centrale des Travailleurs Cubains (CTC).
A Cuba, on n’a peur de rien.
Maïté PINERO

Avant de se rendre à une réunion de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Bruxelles, Ulises Guilarte De Nacimiento, élu l’an dernier secrétaire général de la Centrale des Travailleurs Cubains, a séjourné à Paris où il a été reçu par Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. Il fait le point sur les changements à Cuba.

Les changements suscitent de l’intérêt et aussi beaucoup d’interrogations chez vos amis. Que leur répondez-vous ?

Quand nous avons adopté, l’an dernier, la loi sur l’investissement étranger, des amis se sont inquiétés : vous allez libéraliser le marché du travail ? Vendre des pans de l’industrie au capital étranger ?

Notre objectif est d’actualiser notre société socialiste, de la rendre prospère et durable. Nous sommes seuls maîtres de notre projet social (la santé, l’éducation) des moyens de sa défense (l’armée populaire) et décidons seuls de ce dont nous avons besoin. En effet, notre économie est planifiée, nous fixons nos priorités et c’est dans ce cadre que nous favorisons les investissements étrangers. Personne ne viendra installer une fabrique de chewing-gums. Nous n’en avons pas besoin.

Il n’y a pas de changement de propriété et rien n’est à vendre à Cuba. La propriété collective des principaux moyens de production demeure. L’entreprise d’état reste le socle. En complément, nous favorisons d’autres formes de gestion : petits entrepreneurs privés (cuentapropistas), et des entreprises mixtes avec des investissements étrangers. C’est dans la gestion que s’effectue la diversification de l’économie.

Comment évolue ce secteur privé ?

Depuis 2010, les effectifs sont passés de 159 000 à 498 617 travailleurs. Il se diversifie (chambres d’hôtes, restauration maison, services à la personne, postes de vente de rafraichissement, de produits agricoles, réparations en tous genres, horlogerie, transport, récupération et recyclage).

Depuis un an, nous y expérimentons l’organisation coopérative qui existe déjà dans l’agriculture. Nous en avons 452 (commerce, transport, gastronomie, comptabilité).

La création de ces services permet à l’État de se concentrer sur les secteurs clefs. Cela contribue à régler le problème des effectifs pléthoriques dans le secteur d’État. Cuba est un pays de plein emploi mais l’efficacité du secteur d’état était compromise par le sous-emploi.

Dans son discours sur l’état de la nation, le président Obama a déclaré que les premières mesures de levée du blocus s’adressaient à ce secteur privé. Le but est de s’en servir pour nous déstabiliser. A La CTC, nous sommes conscients de nos responsabilités.

Un peu partout dans le monde, ce secteur est celui de l’économie informelle. Les travailleurs n’y ont aucune protection, aucun droit. A Cuba, le code du travail, la loi de sécurité sociale, réformés et votés l’an dernier, ont été discutés, revus, corrigés et adoptés dans toutes les entreprises. Leurs lois et leurs garanties protègent tous les travailleurs sans discrimination.

La CTC organise ces travailleurs indépendants qui sont affiliés selon leur branche d’’activité (construction, gastronomie etc ). 61,3% d’entre eux sont déjà syndiqués.

Dans le défilé du 1er mai, les « cuentapropistas » étaient présents avec leurs slogans, leurs banderoles, leurs mots d’ordre. Nous avons déjà fait aboutir certaines de leurs revendications : l’impôt sur les salaires n’est prélevé qu’à partir de six salariés, les vendeurs de rue ont obtenu le droit de disposer étals et chaises, les restaurants familiaux ont accru leur capacité d’accueil.

Leur principale revendication est la création d’un marché de gros. Le problème n’est pas résolu mais sur le marché de détail ils peuvent trouver des appareils électroménagers pour collectivités, bidons d’’huile, de détergents etc.

Afin de diversifier l’offre touristique, le ministère va passer des accords avec les propriétaires de maisons hôte pour améliorer leur offre (climatisation, fourniture de matelas, de linge de maison etc).

Quels secteurs sont ouverts aux investissements étrangers ?

Les entreprises mixtes ont d’abord été créées dans l’industrie hôtelière. Aujourd’hui, nous

avons besoin de l’investissement étranger pour financer 240 projets précis : biotechnologie, pétrole, pharmacie, produits manufacturés. Nombre d’entre eux concernent la zone spéciale du port de Mariel. Pour le moment, ces entreprises mixtes emploient 40 000 travailleurs.

La loi garantit aux investisseurs étrangers une exemption d’impôts sur bénéfices pendant 8 ans. Le recrutement s’effectue par l’intermédiaire d’une entreprise d’État « empleadora » qui tient lieu d’employeur. En fin de mission, elle garantit le retour à l’emploi d’origine.

Il n’y aura pas de « maquiladoras » (filiales étasuniennes situées à la frontière mexicaine) chez nous. Nous faisons appel à l’investissement étranger dans des secteurs de pointe précis, employant une main d’œuvre hautement qualifiée, cette autre réussite de notre révolution. Ils sont mis à disposition mais c’est l’État, leur employeur , qui négocie contrat de travail et salaires.

L’entreprise d’état change elle aussi.

95% des travailleurs du secteur d’état sont syndiqués et tous les changements ont été discutés entreprise par entreprise. Elle doit devenir plus productive et dispose de plus d’autonomie. Elle peut dorénavant distribuer aux travailleurs 50% de ses bénéfices. Nous avons introduit les primes au rendement, à chacun selon son travail.

C’est dans le secteur d’état que les salaires sont les plus bas. Ils ont été augmentés chez les professionnels de santé. Cependant une augmentation générale des salaires est impossible sans augmentation de la productivité. Nous ne pouvons pas distribuer des richesses que nous ne produisons pas. Nous procédons avec prudence : 800 000 travailleurs reçoivent encore des primes de stimulation mais nous devons sortir de l’égalitarisme, du paternalisme du passé.

Vous avez un mot d’ordre :« sans hâte mais sans pause . »

Dans les années 2000, nous avons réorganisé l’industrie du sucre. « Une bombe à retardement » commentait-on à l’extérieur. Ce processus a duré deux ans avec dans chaque entreprise des discussions avec Fidel et les ministres. Des centrales ont été fermées, 40 000 travailleurs réaffectés. Cette industrie a gagné en productivité et dans de nombreuses centrales les salaires ont été augmentés. Personne ne s’est retrouvé sans emploi, sans salaire. C’est ainsi que nous procédons, sans laisser personne sur le bord de la route.

Comment votre centrale syndicale s’adapte-t-elle aux transformations ?

Les changements et expérimentations mettent en tension le syndicat. Avec 3 millions 289 000 syndiqués nous sommes une organisation de masse, enracinée dans l’entreprise, représentée dans toutes les instances de l’État et relevons tous les défis.

Celui de l’unité des travailleurs que pose l’existence du privé. Dans les entreprises d’état, décentralisation et autonomie obligent les syndicalistes à avoir des critères propres dans le processus de gestion et de production. Ils ne peuvent se contenter de divulguer ou d’amplifier un discours administratif. Les travailleurs doivent se sentir maîtres et responsables à tous niveaux de décision et de production.

Lors du 20 ème congrès (2014) nous avons renouvelé nos cadres notamment dans les sections d’entreprise qui comptent 41,5% de nouveaux responsables et délégués. 56,9% sont des femmes et 17% ont moins de 30 ans.

Nous sommes au travail. La participation des travailleurs ce n’est pas une assemblée formelle ou l’on fait acte de présence mais le lieu où tout se discute : salaires, formation conditions de travail. La discussion du plan et du budget ont donné lieu à 72 000 assemblées. Nous avons été aidés par l’association nationale des économistes.

Nous n’utilisons pas de thérapie de choc. Les changements ne se décrètent pas, ils sont discutés d’abord par l’ensemble des travailleurs. Nous sommes fiers d’être partie prenante de ce peuple, de sa capacité de résistance, de son inventivité. Nous sommes conscients des enjeux et nous avons confiance. A Cuba, on n’a peur de rien.

Maïté Pinero

(Propos recueillis pour l’Humanité Dimanche)

 
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