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Sport, nucléaire, sécurité : le jeu malsain des Etats-Unis
Karim MOHSEN

La colère des Russes contre les Etats-Unis n’est pas aussi anodine, ou injustifiée, que cela puisse paraître. L’arrestation mercredi pour corruption par la police suisse de quatorze dirigeants ou partenaires de la Fédération internationale du football (Fifa) sur sollicitation de la justice étasunienne, pourrait avoir, a posteriori, des incidences fâcheuses sur les Coupes du monde de football de 2018 (en Russie) et de 2022 (au Qatar).

Aussi, inquiet des suites qui pourraient être données à cette affaire et très remonté contre Washington, le président russe, Vladimir Poutine, a accusé, jeudi, les Etasuniens de vouloir empêcher la Russie d’organiser le Mondial de football de 2018.

De fait, l’appréhension de l’hôte du Kremlin est loin d’être une élucubration, si l’on excipe des tentatives de l’Occident de faire annuler, sinon faire échouer, les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi (en Russie) de 2014 en représailles de présumées ingérences de Moscou dans le conflit d’Ukraine. Or, ces intimidations et pressions de l’Occident contre la Russie ne sont pas inédites et entrent en droite ligne de manoeuvres déjà usitées par les Etats-Unis, notamment, pour imposer leur diktat. Si l’on se remet en mémoire le boycott, en 1980, par les Etats-Unis et les pays occidentaux des Jeux olympiques de Moscou, si l’on relève la manière tranchante avec laquelle Washington avait opposé son veto à la réélection des Egyptiens Mohamed El Baradei à la tête de l’AIEA (le directeur de l’agence onusienne était accusé [par l’Occident] d’avoir retiré des information importantes sur le nucléaire militaire de l’Iran) et Boutros Boutros-Ghali au secrétariat général de l’ONU (lequel eut l’outrecuidance de prouver dans un long rapport la responsabilité pleine et entière d’Israël dans un crime de guerre, le massacre en 1996 d’une centaine d’enfants du village de Cana, réfugiés dans un camp de la Finul au Sud Liban).

On s’aperçoit, dès lors, que Washington ne recule devant aucun expédient pour imposer ses règles et sa vision des choses. De fait, Washington qui dispose d’une liste des pays à surveiller, tient aussi la carotte d’une main, le gourdin de l’autre. Les Etats-Unis se comportent dans les faits en gouvernement mondial sanctionnant ici, récompensant là. Ainsi, directement ou en sous-main, les Etats-Unis ont toujours eu tendance à éliminer ceux (hommes, pays, organisations et/ou institutions) qui leur tiennent tête et/ou font obstacle à leur contrôle sur les faits et sur les choses, comme sur les pays et les organisations internationales. Cela est singulièrement vrai pour les dossiers chauds comme le contentieux israélo-palestinien (ONU), le nucléaire iranien (Aiea) ou, encore, le cas récent, de l’Ukraine (les Etats-Unis accusant la Russie de la déstabiliser) dont Washington en fait sa priorité et sur lesquels il veut garder la haute main.

Les Etats-Unis se permettent dès lors tous les oukases pour parvenir à leur fin. Ainsi, tout en assurant l’impunité à Israël pour ses crimes contre les Palestiniens – comme en le soustrayant à ses obligations sur le nucléaire – Washington est cependant prompte à sanctionner tout Etat, hommes politiques, pays ou organisations qui empiètent sur des « lignes rouges » qu’elle trace pour les autres. Elle a ainsi sanctionné économiquement et financièrement l’Iran et la Russie, notamment, qui se sont montrés peu malléables. Elle a aussi fait plus. Les États-Unis ont-ils pas espionné des dirigeants occidentaux (telle que la chancelière allemande Angela Merkel, dans le scandale de la NSA, dénoncé par Edward Snowden) et des pays européens alliés ? Aussi, récidiver le coup de 1980 – boycott occidental des Jeux olympiques de Moscou – et retirer l’organisation du mondial de football de 2018 à la Russie n’est pas aussi étrange que l’on veuille le faire croire. Et comme le souligne avec pertinence, le président russe, en s’investissant dans les affaires de corruption de la FIFA, la justice étasunienne s’octroie de facto le droit d’exterritorialité – une CPI-bis – alors que Washington a fait (et fait) des pieds et des mains pour que ses ressortissants échappent aux juridictions nationales ou internationales.

Pour le cas de la CPI (Cour pénale internationale, entrée en vigueur en 2002), les Etats-Unis ont fait signer des séries de conventions avec des pays tiers afin d’assurer l’impunité pour leurs ressortissants – auteurs ou soupçonnés de crime de guerre, contre l’humanité ou de génocide – afin qu’ils ne soient pas livrés à la CPI (les Etats-Unis [et Israël] sont parmi les rares pays n’ayant ni signé, ni paraphé le statut de Rome, fondateur de la CPI). Déjà, gendarmes du monde, les Etats-Unis semblent avoir franchi une nouvelle étape en s’arrogeant un droit de police et de justice de par le monde. Tous les Terriens seraient ainsi des justiciables, aux yeux de Washington, à l’exception des Américains et d’Israël. Faut-il s’en étonner quand l’ONU, émasculée, ne soit plus qu’une caisse de résonance pour les puissants ?

31 Mai 2015

 
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