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Drones : vers la pacification d’un instrument de surveillance et de punition ?
Loan NGUYEN

La science au futur. L’œil omniscient et omnipotent, permis par les drones, ces véhicules aériens sans pilote embarqué, des grandes armées mondiales 
se déporte aujourd’hui dans la sphère civile. Avec le but affiché de protéger les êtres humains... mais aussi de les contrôler.

Lorsque l’on tape le mot «  drone  » dans un moteur de recherche aujourd’hui, au côté des articles de presse égrenant la liste des dernières campagnes d’assassinats ciblés des armées américaines et israéliennes s’affichent désormais des photos aériennes de splendides paysages et autres vidéos d’adorables dauphins jouant dans les vagues dont les internautes sont si friands. C’est que l’outil développé depuis la Première Guerre mondiale comme engin de surveillance puis arme privilégiée des grandes puissances militaires pour sa capacité à «  projeter du pouvoir sans projeter de vulnérabilité  » (1) tend ces dernières années à s’émanciper des lignes de front.

Du contrôle des voies ferrées à l’intervention dans le cadre d’accidents chimiques ou nucléaires, en passant par le modélisme récréatif ou la livraison de colis, les applications civiles des UAV (Unmanned Aerial Vehicles, «  véhicules aériens sans pilote embarqué  » – NDLR), contrôlés à distance et de plus en plus automatisés, semblent pouvoir se décliner à l’infini. Allant de la taille d’un insecte à celle d’un avion commercial, capables d’opérations aériennes comme de missions terrestres et sous-marines, une variété de drones existe, laissant entrevoir l’avènement d’une société où les êtres humains pourront déléguer aux machines toutes les tâches dites «  3d  » par l’industrie des drones américaine : «  dull, dirty and dangerous  », soit en français «  monotones, sales et dangereuses  ».

Le secteur agricole et plusieurs grands groupes industriels prêts à investir dans cette technologie Ce recours à des robots télécommandés présente l’avantage de préserver les êtres humains de certaines opérations à risques, mais également de réduire le coût financier de nombreuses tâches. «  L’utilisation d’un drone coûte 3 000 euros la journée, contre 2 000 à 3 000 euros pour l’utilisation d’un avion ou d’un hélicoptère, mais pour une heure seulement !  », soulignait par exemple Emmanuel de Maistre, président de la Fédération professionnelle du drone civil auprès de la revue Dossiers de la recherche dans leur numéro d’avril-mai 2014. Mais cette concurrence des drones ne vise pas uniquement les tâches actuellement effectuées par des engins volants pilotés par des êtres humains.

En décembre dernier, le géant du commerce en ligne Amazon a annoncé qu’il développait un système de livraison par drone en trente minutes pour les colis inférieurs à 2,3 kg. En mai, c’était au tour de la compagnie low-cost Easyjet de tester un prototype d’engin téléguidé pour effectuer des tâches de maintenance afin de réduire le temps d’inspection de ses avions de plusieurs heures. Le secteur agricole et plusieurs grands groupes comme EDF, Total ou ArcelorMittal semblent également prêts à investir dans cette technologie. «  Il est difficile de calibrer, à un horizon de deux générations, l’importance économique de ce qui constituera un nouveau secteur industriel de l’aviation. Mais on peut gager que les gains de productivité importants que l’on peut escompter d’une généralisation de l’usage des drones en font une activité industrielle à ne pas négliger  », prévoyait d’ailleurs un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en juin 2013.

Au niveau mondial, le cabinet de consultants Teal, spécialisé dans l’aérospatial, prévoyait en 2013 un doublement du marché des drones d’ici 2023, où celui-ci devrait atteindre 11,6 milliards d’euros par an. Craintes d’atteinte à la vie privée et recours croissant à ces appareils par les forces de l’ordre L’invasion des drones n’est donc plus qu’une question de temps, et si les avantages présentés par ces machines bardées de caméras et de capteurs géothermiques semblent incontestables, l’irruption de cette technologie hors du champ militaire soulève également de nombreuses questions.

Si la démocratisation de ces véhicules pilotés à distance – qui ne coûtent pour les plus basiques que quelques centaines d’euros –, peut renforcer les craintes d’atteinte à la vie privée par des individus lambda, c’est surtout le recours croissant à ces appareils par les forces de l’ordre depuis 2002 qui fait planer le risque d’une intensification de la surveillance des populations civiles. Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, la police utilise déjà des drones pour prévenir et repérer des délits comme des vols de voiture, mais également pour contrôler les frontières et fliquer les mouvements sociaux. Capables pour certains modèles de détecter des objets de la taille d’une brique de lait à plus de 18 000 mètres d’altitude, les UAV civils pourraient bientôt être équipés d’armes létales ou non-létales (gaz lacrymogène, taser, Flash-Ball...) pour assister les forces de police. Et l’automatisation croissante de ces engins diminue d’autant le risque de désobéissance ou de fraternisation avec un mouvement contestataire de la part des forces de l’ordre. «  L’appareil d’État devenant ainsi effectivement un appareil, il disposerait enfin d’un corps correspondant à son essence : le corps froid d’un monstre froid. Il réaliserait enfin, techniquement, sa tendance fondamentale », celle, écrivait Engels, d’un “pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d’elle et lui devient de plus en plus étranger”  », remarque justement le philosophe Grégoire Chamayou dans son ouvrage Théorie du drone.

Loan Nguyen

(1) Selon David Deptula, officier de l’US Air Force en 2009, cité par le philosophe Grégoire Chamayou dans Théorie du drone, éditions La Fabrique.



 
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