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Sondages, publicités, rapports...
Désinformez, désinformez, il en restera toujours quelque chose.
Cyprien BOGANDA

Journaux, télés, les idéologues libéraux sortent l’artillerie lourde, maniant slogans bidon et enquêtes biaisées. Cible préférée : la CGT. Objectif clair : alors que monte la colère sociale, dresser l’opinion publique contre les éventuels empêcheurs de « réformer » en rond.

Trois dossiers d’une propagande disséqués par L’Humanité

Manipulations en série sur la grève à la SNC.

Tout a été fait pour décrédibiliser le mouvement social des cheminots : déferlante de « unes » alarmistes (la France « paralysée », le bac « pris en otage »), statistiques de la SNCF destinées à minorer le nombre de grévistes, slogans lapidaires du gouvernement (voir « HD  » n° 418). La direction a été jusqu’à diffuser un clip télévisé d’excuses, en pleine retransmission de la Coupe du monde : « Y en a marre ! C’est mots ce sont les vôtres. (...) Nous avons tout mis en oeuvre pour vous rendre ces moments les moins pénibles possible. (...) Cela n’a pas toujours suffi. Nous le regrettons. » Mais, dans cet ouragan, deux sondages ont joué un rôle particulier. Abondamment repris par la presse, ils n’ont pas été suffisamment analysés. La première étude a été réalisée par l’IFOP pour la SNCF, juste avant la grève. À en croire la direction de la compagnie, il démontre que les Français soutiennent largement la réforme du système ferroviaire. La réalité est beaucoup plus nuancée. Certes, 82 % des sondés estiment que la réforme est une « bonne chose ». Mais seuls 23 % avouent savoir « précisément de quoi il s’agit » ! Pour les ignorants, l’IFOP offre un cours de rattrapage pour le moins orienté : « Ce projet comporte trois grands volets : regroupement de SNCF et de RFF ; adoption d’un cadre social harmonisé posant des règles communes d’organisation du travail ; mise en place de solutions pour réduire la dette du système ferroviaire et assurer son financement à l’avenir. »

Quand on présente les choses ainsi, difficile de s’y opposer ! Autre étude tout aussi biaisée, ce sondage réalisé en fin de grève sur la popularité de Thierry Lepaon et de la CGT. « Lepaon déraille dans les sondages », titre « Le Parisien » (22 juin). Vraiment ? Seuls 552 sondés (sur 952) connaissent suffisamment le dirigeant du syndicat pour émettre une opinion, ce qui réduit l’échantillon à peau de chagrin... On s’aperçoit par ailleurs que si 69 % des Français ont une mauvaise image de la CGT, ce score est dû en grande partie à la surreprésentation de l’électorat de droite : seuls 9 % des électeurs de droite ont une bonne opinion du syndicat, contre 57 % à gauche. Thierry Lepaon tente de rectifier le tir lors d’un entretien au Figaro (25 juin). Peine perdue : de tout l’entretien, le quotidien libéral ne retiendra que cette phrase : « C’est vrai, nous sommes bousculés. » La réponse était un peu plus complète : « Nous sommes bousculés, c’est vrai, car nous subissons une crise de représentativité. Tout ce qui représente quelque chose aujourd’hui est contesté : syndicats, politiques... Les salariés nous mettent donc, nous aussi, au pied du mur. »

Des rapports bienvenus sur l’austérité.

En quelques jours, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour le gouvernement. L’INSEE prévoit 0,7 % de croissance pour 2014, au lieu du 1 % fantasmé par Bercy. Quant au déficit public, il pourrait bien atteindre les 4 %, au lieu des 3,8 % espérés. Bref, la politique du gouvernement, en plus d’être injuste socialement, s’avère inopérante. Mais pas question de se déjuger pour si peu ! Si l’économie connaît actuellement un trou d’air, c’est tout à fait normal, nous expliquent les idéologues libéraux : la politique d’austérité mise en oeuvre par François Hollande s’est traduite, pour l’instant, par un « matraquage » fiscal destiné à augmenter les recettes publiques. Il est temps d’entrer dans le vif du sujet, en s’attaquant enfin à ce qui plombe les dépenses et freine l’activité économique : Code du travail, État providence, « coût » du travail. Deux rapports tombent à point nommé. Le premier est signé Jean Pisani-Ferry, président de France Stratégie (l’héritier du défunt Commissariat général du plan). Objectif affiché : réformer la France en dix ans. Le texte enfile les lieux communs libéraux : baisse des dépenses publiques, expulsion des organisations syndicales hors de certains organismes paritaires, réforme des seuils sociaux, etc.

CLIP TÉLÉ DE LA SNCF : « Y EN A MARRE ! CES MOTS SONT LES VÔTRES. NOUS AVONS ESSAYÉ DE RENDRE CES MOMENTS MOINS PÉNIBLES. CELA N’A PAS TOUJOURS SUFFI. NOUS LE REGRETTONS. » BEN VOYONS !

Dans le même temps, l’institut patronal Rexecode pond une nouvelle étude destinée à mettre en lumière la paresse française : « Les Français travaillent cinq semaines de moins que les Allemands ! » s’enflamme Le Figaro. Problème : ce chiffrage ne prend en compte que les salariés à temps complet. En réintégrant les travailleurs à temps partiel, qui sont légion outre-Rhin, les statistiques montrent un tout autre visage : le différentiel chute à 44 heures, soit moins d’une semaine par an. Quoi qu’il en soit, ces statistiques ne disent rien de la productivité des salariés français, qui est pourtant l’une des plus élevées au monde. Elle s’élève à 45,40 euros par heure, contre 42,30 euros en Allemagne.

Fanfaronner dans les médias sur Alstom.

« Je voudrais dire, en toute humilité, que le retour en force de l’État dans l’économie, qui est la marque de fabrique du redressement productif que je défends, s’est déjà imposé depuis longtemps avec succès. » Le ministre Arnaud Montebourg fanfaronne ainsi dans les médias depuis sa prétendue victoire dans le rapprochement Alstom-General Electric. « L’affaire Alstom a ainsi montré que l’État pouvait encore influer sur une politique industrielle et que le volontarisme politique n’était plus tout fait vain », reprend en écho Libération . Ce triomphalisme est-il justifié ? En réalité, l’État ne montera qu’à hauteur de 20 % au capital d’Alstom (HD n° 418), ce qui ne signifie pas qu’il détiendra pour autant une minorité de blocage... En principe, celle-ci suppose de détenir au moins 33 % du capital. Pour peser réellement avec seulement 20 %, il faudrait que l’État possède des droits de vote doubles, ce qui, pour l’instant, n’est pas d’actualité. De toute façon, il ne suffit pas d’entrer au capital d’une entreprise pour pratiquer une politique différente de celle des actionnaires habituels ! Aujourd’hui, l’État détient déjà des participations dans 71 entreprises : EDF (84 %), GDF Suez (33 %), Thales (26 %), Areva (21 %), Air France-KLM (16 %), Renault (15 %), etc. Il réclame son pesant de dividendes tous les ans, à l’instar de n’importe quel capitaliste : le pactole a représenté 4,6 milliards d’euros en 2012. Soucieux avant tout de dégager de la rentabilité, il valide généralement sans ciller les destructions d’emplois : 7 500 suppressions programmées chez Renault, 2 500 chez Air France, etc. Qu’en sera-t-il demain chez Alstom ? .

Cyprien BOGANDA

 
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