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Avec le coup d’état d’Egypte en juillet 2013, tout bascule à Gaza.
Fermeture des tunnels entre Gaza et l’Égypte : les conséquences sont gravissimes
Christophe OBERLIN

Bien sûr, pleurer sur le sort de Gaza, hurler même ne sert plus à rien. Le nom Gaza est devenu l’un de ces trous noirs dont les spécialistes du big-bang tentent de déchiffrer la nature.

Avec des amis médecins, depuis plus de dix ans, nous nous rendons en Palestine et à Gaza pour y pratiquer la chirurgie et l’enseignement. Et le niveau médical atteint aujourd’hui par nos confrères de Gaza est remarquable.

Hormis les moyens ils n’ont rien, par la qualité des gestes accomplis, à envier aux hôpitaux occidentaux.

Si le blocus qui accable cette province de Palestine depuis huit ans est injuste, et humainement terrible, le coup d’état du général Al-Sissi en Égypte ajoute au péril ordinaire, une vraie perspective de mort collective. Si ces quelques mots sont comme une bouteille à la mer, il serait bien que mes propos ne restent pas lettre morte et fasse ouvrir un œil à la communauté internationale endormie.

Des effets dévastateurs sur l’économie

En dehors des conséquences du blocage des personnes (les dirigeants comme les étudiants ne peuvent plus se rendre à l’étranger), la mal nommée fermeture des tunnels va avoir un effet dévastateur sur l’économie.

Entendons-nous bien : ces centaines de tunnels qui relient Gaza à l’Égypte, construits au fur et à mesure de l’aggravation du siège depuis l’élection du Hamas en 2006, ne constituaient pas des tunnels de contrebande : officiellement enregistrés par les autorités, ses ouvriers étaient déclarés et même assurés. Ils constituaient le cordon ombilical économique de la bande de Gaza.

Outre les millions d’euros apportés par les entreprises via ce commerce, l’approvisionnement continu en essence et en fioul au prix égyptien, l’acheminement des matériaux utilisés pour la reconstruction après les attaques israéliennes successives et l’édification d’infrastructures universitaires ou hospitalières (pour le nouveau CHU élevé par la Turquie à Netzarim, tous les matériaux sans exception sont passés par les tunnels), on peut dire que les tunnels ont été les moteurs de l’industrie de la construction et de ses dérivés.

Or le bâtiment est la source principale de la croissance du territoire (11% par an en 2011 et 2012, 6,5% entre janvier et juillet 2013 selon les chiffres de l’UNWRA, l’Office des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens).

De plus, les produits importés, taxés par le gouvernement de Gaza, constituaient une source de revenu non négligeable pour gérer l’extrême pauvreté qui s’étend dans le pays. Sous Morsi, alors au pouvoir en Égypte, les tunnels fonctionnaient à plein, mais aussi avant lui sous Moubarak.

Le commerce avec Gaza, une contribution à la paix sociale

A l’époque du maréchal-raïs, armée et police feignaient d’ignorer les kyrielles de camions chargés de fer et de ciment qui affluaient vers Rafah, point de départ des tunnels, et revenaient à vide. Les bloquer aurait été aisé, Moubarak ne l’a pas fait.

Il faut dire aussi que le commerce avec Gaza constituait un ballon d’oxygène pour l’économie du Sinaï oriental, une contribution à la paix sociale. Et il y a eu une grande naïveté à croire que la construction d’un mur souterrain, information qui a connu une certaine notoriété dans nos médias, allait stopper un flux visible et connu de tous.

Mais en juillet dernier, avec le coup d’état au Caire, tout change. Les camions chargés de vivres et de biens sont immédiatement refoulés, les contrevenants arrêtés, lourdement condamnés.

Plus une goutte d’essence, qui doit être désormais achetée au prix fort en Israël, les taxes d’importation étant reversées à l’Autorité de Ramallah. Surtout, plus un seul sac de ciment ne pénètre dans le territoire, à l’exception de quelques-uns destinés à certains projets internationaux patronnés par l’UNICEF ou le Qatar.

Or, les besoins sont immenses : 4.000 tonnes de ciment et 8.000 tonnes de granules et agrégats par jour, selon Nabil Abu Muaileq, le président de l’Union of Contractors (syndicat des entrepreneurs) et vice-président de la Palestinian Business Association. Donc une perte immédiate de revenu pour 70.000 familles. [1]

Le secteur privé prend le relais de l’État

Réunis, une vingtaine d’entrepreneurs de Gaza font grise mine. La plupart ont licencié leur personnel. Les plus gros payent encore la moitié du salaire des employés. Mais ils ne tiendront pas plus de quelques mois.

Initiative originale : le Premier ministre Ismaïl Haniyeh a proposé de déléguer à la Palestinian Business Association la gestion des entrées et sorties des biens et des personnes vers l’Égypte, rien de moins !

"Nous sommes prêts à toutes les propositions, ajoute Nabil Abu Muaileq, mais nous ne sommes pas des politiques, nous sommes des hommes d’affaires : nous ne pourrons jouer ce rôle de gestion du trafic commercial qu’avec l’assentiment de l’Égypte, d’Israël et de l’Autorité Palestinienne. De toute manière, celle-ci a immédiatement refusé." [1]

En attendant donc, pas de ciment : la seule pénurie vraiment dramatique pour la population de Gaza, bien plus que les problèmes d’essence, d’eau ou d’électricité. Une véritable asphyxie économique qui a d’ors et déjà des conséquences sur l’alimentation ou la santé.

Avec ce blocus, Gaza est en train de mourir

Le ministre de la Santé Moufid Moukhlalati est cassant sur les conséquences de la fermeture de Rafah.

"Tous nos projets de construction ou de rénovation sont au point mort. 30% des médicaments et du matériel jetable entraient de manière officielle apportés par les délégations médicales en provenance des pays arabes (deux par jour), ce qui a permis par exemple le développement des greffes rénales ou de la chirurgie endoscopique. 300 patients partaient chaque mois vers l’Egypte pour se faire soigner et leur blocage alourdit notre travail.

Israël dit qu’elle facilite l’entrée des ONG à Gaza par Erez, c’est partiellement vrai. 90% des ONG provenaient de pays arabes ou musulmans comme la Malaisie ou la Turquie. Elles ne sont pas autorisées. Seule l’aide occidentale, largement minoritaire, a augmenté.

Par ailleurs en cas de besoins d’extrême urgence en produits médicaux comme des anesthésiques ou du matériel pour les reins artificiels, nous pouvions les recevoir en 24h par l’Egypte, notamment par les ONG.

Par Israël c’est plusieurs semaines voire davantage. Du fait des restrictions en électricité, nous avons besoin de 300 tonnes de par mois pour les groupes électrogènes de nos hôpitaux, et le carburant israélien est quatre fois plus cher." [1]

On l’aura compris : le siège égyptien, d’un type nouveau, est infiniment plus délétère que celui plutôt fantoche d’Hosni Moubarak. Il précipite Gaza vers une crise d’une extrême gravité.

Christophe Oberlin

 
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